約 3,519,360 件
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3170.html
ACTE II Premier Tableau (La scène représente un carrefour au bas de la butte Montmartre. À gauche, au fond de la scène, un escalier descendant; plus à gauche, une ruelle puis un hangar; à droite, une maison et un cabaret; au fond, à droite, un escalier montant, plus à droite une ruelle; au loin, à droite, la Butte; à gauche le faubourg) Scène Première (Au lever du rideau, sous le hangar, une laitière prépare son étalage et allume son feu; près d elle, sur une table à la terrasse d un marchand de vin, une fillette (17 ans) plie les journaux du matin. A droite, près d une poubelle renversée, une petite chiffonnière travaille hâtivement; à côté d elle une glaneuse de charbon et, plus loin, un bricoleur fouillent les ordures. Des ménagères vont aux provisions. Cinq heures du matin, en avril. Un léger brouillard enveloppe la ville) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (à la glaneuse) Dir qu en c moment y a des femmes qui dorment dans de la soie! ▼LA GLANEUSE DE CHARBON▲ Bah! les draps de soie s usent plus vite que les autres. ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ Oui, parce qu on y dort plus longtemps! ▼LA GLANEUSE▲ Grande bête! ton tour viendra… (Un noctambule paraît) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ Mon tour? si c était vrai! (Le noctambule s approche de la plieuse) ▼LE NOCTAMBULE▲ Si jolie, si matin… (il tourne autour de la fillette) Malice du destin, qui revêt de satin et de robes d aurore les guetteuses de nuit aux rides inclémentes et cache au libertin, sous des voiles de nuit les fillettes d aurore que le désir tourmente. (à la plieuse) Un baiser? ▼LA PLIEUSE▲ Passez vot chemin! ▼LE NOCTAMBULE▲ (riant) Mon chemin, je le cherche… me tendras-tu la perche? (avec afféterie) Sans les lanternes de tes jolis yeux, je risque fort de me perdre! tu veux?… (La fillette lui tourne le dos) ▼LA GLANEUSE▲ (s étirant) Ah! ▼LE BRICOLEUR▲ (geignant) Ah! ▼LE NOCTAMBULE▲ (regardant autour de lui) En ce froid carrefour où gémit la souffrance, je me sens mal à l aise, (à la fillette) et sans ta jeune chair il me semblerait choir au seuil du sombre enfer où le Dante écrivit Ici point d espérance! Le son de ma voix éveille-t-il en toi une vague souvenance… que tu restes songeuse?… ou bien un frais désir fait-il bondir ton coeur d amoureuse? ▼LA PLIEUSE▲ (riant) Vous êtes fou! ▼LA LAITIÈRE▲ (riant) Sa folie n est pas dangereuse!… (le noctambule fait une pirouette) Qui êtes-vous ? ▼LE NOCTAMBULE▲ (rejetant son manteau sur l épaule et apparaissant séduisant, tout à fait joli dans un costume de printemps auquel sont piqués quelques grelots de folie) Je suis le Plaisir de Paris! (Les deux femmes font un geste d étonnement admiratif. La petite chiffonnière, la glaneuse, le bricoleur interrompent leur travail et s approchent. D autres figures de souffrance, sorties de l ombre, se groupent derrière eux. Le noctambule pirouette de nouveau) ▼LA LAITIÈRE▲ Où allez-vous? ▼LE NOCTAMBULE▲ Je vais vers les Amantes que le Désir tourmente! Je vais cherchant les coeurs qu oublia le bonheur. (montrant la ville) Là-bas glanant le Rire, ici semant l Envie, prêchant partout le droit de tous à la folie Je suis le Procureur de la grande Cité! Ton humble serviteur… ou ton maître! ▼LA LAITIÈRE▲ (le menaçant de son balai) Effronté! (Il s enfuit en riant) ▼LE NOCTAMBULE▲ Ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! (Au coin de la rue, il heurte violemment le chiffonnier et disparaît) ▼LE CHIFFONNIER▲ Hé! fait attention! butor! (le chiffonnier chancelle et tombe) ▼LE NOCTAMBULE▲ (déjà loin) Je suis le Procureur de la grande Cité! (Le bricoleur s avance vers le chiffonnier; il le débarrasse de sa hotte, puis le relève) ▼LE CHIFFONNIER▲ (à part) Ah!… je le connais… le misérable! ce n est pas la première fois qu il se trouve sur mon chemin! (au bricoleur) Un soir, il y a longtemps, je m en souviens comme si c était hier… ici, au même endroit, il m est apparu… (La plieuse fait un paquet de ses journaux et s en va) hélas! il n était pas seul ce jour-là… une fillette lui donnait la main et souriait à sa chanson… c était ma fille! (dramatique) Je l avais laissée là, au travail… il est venu, il lui a soufflé à l oreille ses tentations mauvaises… (douloureux) et la coquette l a écouté… ell l a suivi… en s enfuyant, ell m a heurté… comme aujourd hui… je suis tombé! Ah! ah! ah! ah! (Il sanglote et se met au travail) ▼LA GLANEUSE, LA CHIFFONIERE▲ Pauvre homme! ▼LE BRICOLEUR▲ Bah! dans toutes les familles, c est la même chose! Moi, j en avais trois, je n ai pu les tenir! Faut pas leur en vouloir si elles préfèr à notre vie d enfer le paradis qui les appelle là-bas… ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (à part) Est-c que les bons lits, les belles robes, comme le soleil, (elle tend les bras vers le soleil dont les premiers rayons éclairent la Butte) ne devraient pas être à tout le monde! Scène Seconde (Deux gardiens de la paix traversent lentement la scène et s approchent de la laitière. Le carrefour s anime. Une balayeuse apparaît au fond et s avance vers le groupe) ▼PREMIER GARDIEN▲ (à la laitière) Belle journée! ▼LA LAITIÈRE▲ Voici le printemps. ▼PREMIER GARDIEN▲ La saison des amours… ▼LA LAITIÈRE▲ Pour ceux qui ont vingt ans! ▼DEUXIÈME GARDIEN▲ Bah! chacun son tour… ▼LA LAITIÈRE▲ J attends encore le mien! ▼PREMIER GARDIEN▲ Vous n avez jamais aimé? (Un gavroche s approche de l éventaire et se chauffe les mains au fourneau) ▼LA LAITIÈRE▲ (simplement) Je n ai pas eu le temps! (Les gardiens rient) ▼LA GAVROCHE▲ (à la laitière) Un p tit noir? ▼LA BALAYEUSE▲ (fanfaronne) Moi, j ai eu ch vaux et voitures… Y a vingt ans (triomphante) j étais la reine de Paris! (comique) quell dégringolade! hein? mais je ne regrette rien… je me suis tant amusée… (sentimentale) Ah! la belle vie! le joyeux, le tendre, l inoubliable paradis! (Le gavroche, qui l a écoutée, hausse les épaules, puis s approche d elle, la tire par la manche) ▼LE GAVROCHE▲ (avec une naïveté feinte) Dites donnez-moi l adresse… ▼LA BALAYEUSE▲ Quelle adresse? ▼LE GAVROCHE▲ (goguenard) L adresse… de vot paradis! ▼LA BALAYEUSE▲ Mais, mon petit, (montrant la ville, tendre) c est Paris! ▼LE GAVROCHE▲ (jouant l étonnement) Paris… (il regarde la ville) c est étonnant! depuis que j suis au monde j m en étais pas encore aperçu! ▼PREMIER GARDIEN▲ (bourru) Allons, circule! ▼LE GAVROCHE▲ (narquois, froidement) De quoi… on n peut pas s instruire?… ▼PREMIER GARDIEN▲ (brutal) Va travailler! (Il le pousse. Le gavroche immobile, toise le gardien, puis d une pirouette nonchalante il lui tourne le dos et s en va lentement arrivé au coin de la rue, il se retourne) ▼LE GAVROCHE▲ (criant, ses mains en porte-voix) Y en a donc que pour les femm s, dans vot paradis! (geste menaçant des gardiens; le gamin s enfuit; les gardiens s éloignent du même côté. La petite chiffonnière s en va d un autre côté, courbée sous le poids d un sac de chiffons. La balayeuse reprend son travail et disparaît dans la rue voisine. La glaneuse s approche de la laitière) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (avec amertume) Y en a qu pour les femmes!… (Le chiffonnier et le bricoleur montent l escalier. Julien paraît au fond de la scène; il fait un geste à ses amis) Scène Troisième (Les bohèmes paraissent en haut de l escalier et s avancent, comiquement, avec des allures de conspirateurs) ▼LE PEINTRE▲ (à Julien) C est ici? ▼LE SCULPTEUR▲ C est là qu elle travaille? (la glaneuse s éloigne) ▼JULIEN▲ (indiquant la maison) Sa mère l accompagnera jusqu à cette porte… sitôt disparue, je m élance… je rattrape Louise… (rageusement) et, si ses parents refusent… ▼LE PEINTRE▲ Tu l enlèves! (Julien approuve) ▼TOUS▲ (entourant Julien) Bravo! bravo! bravo! ▼LE CHANSONNIER▲ Mais, consentira-t-elle? ▼JULIEN▲ Je la déciderai! (Ils se répandent sur la place à droite, le sculpteur, le peintre et le jeune poète; à gauche, Julien, l étudiant, les philosophes et le chansonnier. Les autres inspectent silencieusement les alentours) ▼LE PEINTRE▲ (à Julien) Nous en ferons notre Muse! ▼LE SCULPTEUR▲ (au poète) Le coin est joli… ▼LE CHANSONNIER▲ (à Julien) Muse des Bohèmes! ▼LE PEINTRE▲ (au sculpteur) Un vrai carrefour à sérénades… ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ (avec dédain) Une muse? ▼LE SCULPTEUR▲ (au peintre) Nous aurions dû prendre nos instruments… ▼LE CHANSONNIER▲ (au philosophe) On la couronnera! (Des têtes de bonnes paraissent aux fenêtres de la maison) ▼LE SCULPTEUR▲ Nous reviendrons. ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Les Muses sont mortes! ▼LE CHANSONNIER▲ (enthousiaste) On les ressuscitera! ▼LE PEINTRE▲ (lorgnant les fenêtres) Les jolies filles! ▼LE SCULPTEUR▲ Mesdemoiselles? ▼LE CHANSONNIER▲ Elles sont charmantes! ▼LE JEUNE POETE▲ Ravissantes! (D autres têtes paraissent à d autres fenêtres. Les bohèmes envoient des baisers et saluent; d autres font les clowns. Le chansonnier, grattant sa canne ainsi qu une guitare, se met en évidence. À l écart dissertent les philosophes) ▼LE CHANSONNIER▲ Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime! Toujours gais et pimpants, Les femm s nous trouvent séduisants… ▼DEUXIEME PHILOSOPHE▲ (à l autre) Pourquoi refuseraient-ils? ▼LE CHANSONNIER▲ Quoiqu sans argents! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Ils préfèrent sans doute en faire la femme d un bourgeois! ▼LE CHANSONNIER▲ Presqu indigents! ▼DEUXIEME PHILOSOPHE▲ (ironique) Mais, les ouvriers méprisent les bourgeois! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Ah! ah! tu crois ça! ▼LE CHANSONNIER▲ Mais nous somm s très intelligents! (Cris et bravos; des fenêtres on jette des sous. Les bohèmes saluent ironiquement) ▼LE PEINTRE▲ (saluant) Aimez-vous la peinture? ▼LE SCULPTEUR▲ (de même) La sculpture? ▼LE CHANSONNIER▲ (de même) La musique? ▼LE JEUNE POETE▲ Je suis un grand poète! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Mon cher, l idéal des ouvriers c est d être des bourgeois. (tous approuvent) le désir des bourgeois être des grands seigneurs… (nouvelle approbation plus nourrie. Ironique) et le rêve des grands seigneurs (attention générale ironique. Emphatique) devenir des artistes! (rires) ▼LE PEINTRE▲ Et le rêve des artistes! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ (avec emphase) Être des dieux! ▼TOUS▲ Bravo! ▼LES BOHÈMES▲ Oui, des dieux! ▼L APPRENTI▲ (traversant la scène, passant dans le fond) Allez donc travailler, tas d feignants! (Les bohèmes esquissent une poursuite, puis ils descendent l escalier en chantant. Le philosophe, le chansonnier, le peintre et l étudiant vont dire adieu à Julien) ▼LES BOHÈMES▲ Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime. Toujours gais et pimpants, les femm s nous trouvent séduisants… ▼JULIEN▲ (à ses amis, fiévreusement) Voici l heure, laissez-moi. ▼LES BOHÈMES▲ Quoiqu sans argents! ▼LE PREMIER PHILOSOPHE▲ (à Julien) Allons, bonne chance… ▼LE CHANSONNIER▲ (l excitant) Enlève la redoute!… ▼LES BOHÈMES▲ (déjà loin) Presqu indigents! ▼LE PEINTRE▲ (avec mystère) Sois éloquent! ▼L ETUDIANT▲ (donnant une accolade à Julien) A tout à l heure… (ils s éloignent) ▼LES BOHÈMES▲ (très loin) Mais nous somm s très intelligents! (cris lointains des bohèmes) Scène Quatrième ▼JULIEN▲ (dans une agitation douloureuse) Elle va paraître, ma joie, mon tourment, ma vie! Voudra-t-elle me suivre? Voudra-t-elle qu aujourd hui notre amour soit vainqueur! Que dois-je lui dire? Comment la décider? (avec angoisse) Qui viendrait à mon aide?… ▼LA REMPAILLEUSE▲ (lointaine) La caneus , racc modeus de chais s!… (Julien fait un geste de surprise) ▼MARCHAND DE CHIFFONS▲ (lointain) Marchand d chiffons, ferraille à vendr !… (Il écoute avec émoi croissant; les chants qui se rapprochent) ▼LA REMPAILLEUSE▲ (plus près) la caneus , racc modeus de chais s!… ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (lointaine) artichauts, des gros artichauts! ▼LE MARCHAND DE CAROTTES▲ v là d la carott , elle est bell , v là d la carott ! d la carott ! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ A la tendress , la verduress ! ▼LE MARCHAND DE CAROTTES▲ (très loin) D la carott ! ▼LA MARCHANDE DE MOURON▲ (près de la scène) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (se rapprochant) Et à un sou, vert et tendre, et à un sou! (flûte du chevrier lointain) ▼LA MARCHANDE DE MOURON▲ (près de la scène) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ En v là des gros, des bien beaux! ▼MARCHANDS DE TONNEAUX▲ Tonneaux, tonneaux, v la l marchand d tonneaux! ▼MARCHANDS DE BALAIS▲ Ach tez des balais, v la l marchand d balais; c est papa, qui les fait, c est maman qui les vend, c est moi qui mang l argent! ▼MARCHANDS DE POMMES DE TERRES▲ Pomm s terr , pomm s terr , oh les pomm s terre, au boisseau, trois sous l quart, c est d la holland ! ▼MARCHANDS DE POIS VERTS▲ Pois verts, pois verts, dix sous l boisseau! ▼JULIEN▲ (avec enthousiasme) Ah! chanson de Paris, où vibre et palpite mon âme! ▼MARCHANDS ET MARCHANDES▲ (lointain) Pois verts! pois verts! ▼JULIEN▲ Naïf et vieux refrain du faubourg qui s éveille, aube sonore qui réjouit mon oreille! Cris de Paris… voix de la rue Êtes-vous le chant de victoire de notre amour triomphant?… (Des ouvrières paraissent au fond. Julien se cache sous le hangar, épiant, anxieux) Scène Cinquième ▼BLANCHE▲ Bonjour! ▼MARGUERITE▲ Bonjour! ▼BLANCHE▲ Comment vas-tu? (Elles disparaissent à l entrée de la maison. Une autre paraît faisant un geste à une quatrième qui s avance) ▼SUZANNE▲ Nous sommes en avance? ▼GERTRUDE▲ Il est huit heures… ▼SUZANNE▲ Ah! (Elles entrent dans la maison. Deux autres s avancent en caquetant) ▼IRMA▲ Eh! bien, tu t es amusée, hier? ▼CAMILLE▲ Ah! c que j ai ri! ▼IRMA▲ Tu sais… le grand Léon… (elle lui parle à l oreille) ▼CAMILLE▲ Vrai? ▼IRMA▲ En mariage, ma chère! (elles disparaissent) ▼JULIEN▲ Viendra-t-elle? (impatient, il sort de sa cachette; trois ouvrières entrent et le regardent gesticuler) ▼L APPRENTIE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ▼ÉLISE▲ Qu il est beau! ▼MADELEINE▲ Eh! l artiste! ▼L APPRENTIE▲ Il attend sa belle! ▼MADELEINE, MARGUERITE▲ Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ▼L APPRENTIE, MADELEINE, MARGUERITE▲ C te tête! (Elles s enfuient en riant. Julien les regarde entrer dans la maison, il reste pensif, puis il va vers la rue. Julien, apercevant enfin Louise et sa mère, manifeste sa joie; il revient en courant, va se cacher dans le hangar et guette. Étonné de ne pas les voir, il regarde; il les aperçoit et se dissimule vivement) Scène Sixième (La mère et Louise entrent; elles s avancent lentement; elles s arrêtent) ▼LA MÈRE▲ (bougonnant) Pourquoi te retourner? Il nous suit, sans doute… suffit! Je d mand rai à ton père que dorénavant tu travailles chez nous. (Louise lève les yeux au ciel. Mimique de Julien qui, n y pouvant tenir, se montre à Louise) Ah! t as beau faire les gros yeux!… (Louise, voyant Julien, porte la main sur son coeur) On changera ta mauvaise tête, Il faudra bien que Louise reste une fille honnête!… Allons, au revoir! (Louise, froidement, lui tend la joue; la mère l embrasse avec tendresse. Louise entre dans la maison, la mère s éloigne lentement, surveille un instant les fenêtres de l atelier; arrivée près de la rue, elle guette de tous côtés, méfiante, puis disparaît. Julien se risque timidement, s enhardit, hésite, puis s élance dans la maison) ▼MARCHAND DE LA RUE▲ (lointain) V là d la carotte elle est bell ! V là d la carott ! d la carott ! d la carott ! Scène Septième (Julien reparaît, entraînant Louise) ▼LOUISE▲ (affolée, se débattant) Laissez-moi… ah! de grâce! (Julien l entraîne dans le hangar) ▼JULIEN▲ Alors, ils ont refusé? (Louise se débat et veut fuir) ▼LOUISE▲ Je vous en prie! si ma mère revenait… ▼JULIEN▲ Ils ont refusé? ▼LOUISE▲ Vous me faites mourir de peur! ▼JULIEN▲ Et tu supportes cette chose! tu ne te révoltes pas? ▼LOUISE▲ Que puis-je faire? ▼JULIEN▲ Tu le demandes! ▼LOUISE▲ Ils sont les maîtres! ▼JULIEN▲ Pourquoi, les maîtres? Parce qu ils t on fait naître, se croient-ils le droit d emprisonner ta jeunesse adorable? ▼LOUISE▲ Julien!… ▼JULIEN▲ D asservir ta vie! ▼LOUISE▲ (suppliante) Ah! par pitié! ▼JULIEN▲ De la murer pour leur plaisir! ▼LOUISE▲ Laissez-moi partir! ▼JULIEN▲ Ta volonté, désormais, est celle d une femme et vaut la leur tu es femme, tu peux, tu dois vouloir! ▼LOUISE▲ (ne sachant que répondre) Ah! je vais être en retard… (suppliante) laissez-moi partir. (Julien, fâché de son indifférence, la laisse partir. Elle fait quelques pas, puis revient, souriante, espiègle) ▼JULIEN▲ Tu ne m aimes plus! ▼LOUISE▲ (naïvement) Ce n est pas vrai! (Les cris de la rue reparaissent, lointains) ▼JULIEN▲ Si tu m aimais, oublierais-tu ta promesse? (Louise, troublée, se détourne) ▼UNE MARCHANDE DE LA RUE▲ (lointaine) V là du cresson d fontain , la santé du corps! ▼JULIEN▲ Écrivez encore à mon père, s il refuse votre demande je promets de fuir avec vous. ▼UNE MARCHANDE▲ (lointaine) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼UN MARCHAND▲ (lointain) Pois verts! pois verts! ▼LOUISE▲ (presque parlé) Ah! si je pouvais… (flûte du chevrier) si mon père… ▼JULIEN▲ Ton père te pardonnerait! ▼LOUISE▲ Jamais! ▼JULIEN▲ Plus tard, quand ton bonheur… ▼LOUISE▲ Mon abandon le tuerait et je l aime mon père, autant que je t aime… ▼JULIEN▲ (la serrant dans ses bras) Ah!… ah! Louise, si tu m aimes, partons de suite au Pays (montrant la Butte ensoleillée) où vivent libres les Amants! Viens, je te choierai tant, et toute ta vie! (De la rue voisine viennent des cris et des rires) Viens vers la Joie, le Plaisir! (Entendant des rires, Louise, troublée, veut fuir, Julien la retient. Quatre ouvrières traversent la scène en riant et entrent dans la maison) ▼JULIEN▲ (plus pressant) Si tu m aimes, Louise, Viens, fuyons de suite, si tu m aimes, n attends pas plus longtemps! Tiens ta promesse dès maintenant, Louise! Louise! (il veut l entraîner) ▼LOUISE▲ (éperdue, se débattant) Julien! ▼JULIEN▲ Viens! ▼LOUISE▲ Ah! je deviens folle… ▼JULIEN▲ Vers le plaisir!… ▼LOUISE▲ (affolée) Je ne sais que faire… laissez-moi partir! Demain… plus tard… (avec tendresse) Je serai ta femme! Julien!. mon bien-aimé!… (Flûte lointaine du chevrier. Louise se jette à son cou, ils s embrassent; puis Louise se dégage et s éloigne vers la maison; sur le seuil de la porte, elle envoie un baiser. Julien répond avec tristesse. - Louise disparaît) Scène Huitième ▼UN MARCHAND D HABITS▲ (descendant l escalier) Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ? (il interroge les fenêtres) Marchand d habits!… (il se tourne de l autre côté) avez-vous des habits à vendr ? (Mélancoliquement il s éloigne. Julien, accablé, s achemine tristement vers la Ville) Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ? (Julien, sur le seuil de l escalier, près de la rue, fait un dernier geste de désespoir, descend lentement et disparaît. Le rideau tombe très lentement) ▼MARCHANDE DE MOURON▲ (Enfant. Très loin) Mouron pour les p tits oiseaux!… (flûte du chevrier) ▼MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (très lointaine) A la tendress (s éloignant) la verduress !… Interlude Deuxième Tableau (Rideau. Rire des ouvrières. Un atelier de couture; les ouvrières, autour des tables, travaillent en caquetant et chantant; quelques-unes bavardent; près du mannequin, deux ouvrières plissent une jupe; l apprentie, couchée à terre, ramasse les épingles; une ouvrière travaille à la machine. Louise, un peu séparée des autres, garde le silence. Durant les conversations, des ouvrières chantent) Scène Première (Première table côté jardin Irma, Camille, 4 coryphées; deuxième table Blanche, Madeleine, puis Élise et Suzanne, 2 coryphées; troisième table Louise, Gertrude, Marguerite; près du mannequin Suzanne, Élise; l apprentie, la première, la mécaniceienne; autres tables jeunes et vieilles ouvrières) La la la la la la la la ▼SUZANNE▲ (près du mannequin, faisant les plis d une jupe) C est énervant! je n peux pas y arriver… ▼L APPRENTIE▲ (accroupie devant la table; à Gertrude) Passez-moi vos ciseaux… ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la ▼GERTRUDE▲ (Gertrude doit avoir les cheveux gris et jouer en vieille fille sentimentale et prétentieuse) Et les tiens? ▼ÉLISE▲ Quell mauvaise étoffe! ▼L APPRENTIE▲ perdus!… ▼ÉLISE▲ Les plis n marquent pas… ▼GERTRUDE▲ J en ai assez d les prêter. ▼L APPRENTIE▲ Un minute? (Élise prend la jupe, la montre à la première, puis va s asseoir à la deuxième table) ▼GERTRUDE▲ Tu n as qu à t en payer! (Elle se lève et va essayer un corsage sur le mannequin) ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la ! ▼IRMA▲ Moi, j ai vu «l Pré aux Clércs et Mignon» (Blanche se lève et va causer à Marguerite) ▼CAMILLE▲ Moi, j ai vu Manon. ▼BLANCHE▲ (à Marguerite, à mi-voix) Voudrais-tu m montrer à baleiner? ▼IRMA▲ Cest beau? ▼CAMILLE▲ Très beau, surtout quand ell meurt. ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la!… ▼GERTRUDE▲ (avec impatience) J peux pas arriver à finir c corsage! ▼MARGUERITE▲ (à Blanche) Tu prends ton ruban comm ceci… ▼GERTRUDE▲ Sur l mann quin, c est bien, mais sur la femme! ▼MARGUERITE▲ Tu commenc s par en bas, tu l fais sout nir très peu… ▼IRMA▲ C est pour qui? ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la!… ▼GERTRUDE▲ Pour la duchesse… ▼CAMILLE▲ (moqueuse) En effet, j vois ça d ici! (Élise va s asseoir près de Blanche à la deuxièmee table) ▼GERTRUDE▲ (riant) Faut lui mett du crin sous les bras… ▼CAMILLE▲ (riant) Faut lui fair des hanches… ▼IRMA▲ (riant) Un vrai rembourrage, quoi! ▼L APPRENTIE▲ (en gavroche) C qui y a des clientes, tout d même! (Rires) Ah! ah! ah! ah! ah!… (Blanche reprend sa place) ▼OUVRIERES, IRMA, CAMILLE▲ La la la la la!… ▼BLANCHE▲ (à Irma) Moi, j vais m faire une robe pour le Grand Prix… ▼LA PREMIERE▲ (à Louise) N oubliez pas le sachet d héliotrope?… ▼BLANCHE▲ J ai vu un modèl , ma chère (la dispute, bien en dehors) ▼ÉLISE▲ (à Suzanne qui lui donne des conseils) Ah! laiss -moi tranquille, tu m ennuies! ▼VIEILLES OUVRIERES▲ La la la la la la la la!… ▼SUZANNE▲ C est pas comm ça qu on s y prend… ▼ÉLISE▲ Tu veux toujours en savoir plus qu les autres! ▼SUZANNE▲ P tite imbécile! tu n vois pas qu ça craqu sous l aiguille? ▼ÉLISE▲ Oh! la! la! quel cauch mar! ▼SUZANNE▲ T en as un caractère! ▼ÉLISE▲ Tu n t es pas r gardée! ▼SUZANNE▲ Va donc hé! bouffie! ▼JEUNES ET VIEILLES OUVRIERES▲ La la la la la la la!… (Élise lance une pelote à la tête de Suzanne; les autres s interposent. Toutes rient avec éclats. La première se lève) ▼LA PREMIERE▲ Mesd moiselles, un peu d silence… nous n sommes pas au marché… (Silence relatif. La première va causer avec Gertrude. Geste de Louise, songeant à Julien) ▼CAMILLE▲ (bas à ses voisines) Voyez Louise, quell drôl de tête elle fait aujourd hui… ▼ÉLISE, SUZANNE▲ C est vrai! ▼IRMA▲ C est vrai! on dirait qu elle a pleuré. ▼GERTRUDE▲ Elle a peut-être des ennuis de famille… ▼CAMILLE▲ Ses parents sont très durs pour elle… (Les ouvrières se groupent et jettent des regards sur Louise qui semble ne rien voir) ▼IRMA▲ Ell n a pas la vie belle… ▼CAMILLE▲ Sa mèr la frappe encore… ▼BLANCHE, SUZANNE▲ (indignées) Ah! ▼ÉLISE▲ Ce n est pas moi qui me laisserais battre! ▼SUZANNE▲ Moi non plus! ▼BLANCHE▲ Et moi, c que j les plaqu rais! ▼L APPRENTIE▲ Moi, quand le pèr veut m battre, j lui dis cogn sur maman, (emphatique) y a plus d largeur! (rires. Louise baisse la tête, écoute, et reprend son attitude indifférente) ▼IRMA▲ (regardant ironiquement Louise) Non; je crois que Louise est amoureuse. ▼GERTRUDE▲ (étonnée) Amoureuse! Louise… (elle rit) ▼CAMILLE▲ Pourquoi Louise serait-ell pas amoureuse? ▼ÉLISE▲ Amoureuse, Louise… (elle hausse les épaules) ▼L APPRENTIE▲ (à part) Amoureuse! ▼SUZANNE, MADELEINE▲ Amoureuse! ▼GERTRUDE, MARGUERITE▲ Amoureuse! ▼BLANCHE, ÉLISE▲ Amoureuse! ▼IRMA, CAMILLE▲ Amoureuse! ▼BLANCHE, MARGUERITE, GERTRUDE, SUZANNE, MADELEINE, ÉLISE, IRMA, CAMILLE, BLANCHE▲ Louise, entends-tu? on dit que tu es amoureuse… ▼LOUISE▲ (troublée) Moi? ▼IRMA, CAMILLE▲ Est-ce vrai? ▼LOUISE▲ (avec colère) Vous êtes folles… ▼GERTRUDE▲ (reprend sa place près de Louise) Un amoureux à ton âge, ce n est pas un péché, et tu peux l avouer… A moins que tu ne veuilles garder le secret de tes aventures. (orgue de barbarie lointain) ▼ÉLISE, SUZANNE▲ Louise, raconte-nous… ▼LOUISE▲ (simplement) Je n ai pas d aventure. ▼GERTRUDE▲ (avec un lyrisme comique contenu) Que c est charmant une aventure! (Derrière elle, l apprentie, avec des gestes de gavroche, mime ironiquement les paroles sentimentales de la chanson de la vieille fille) Un garçon de jolie figure qui vous aime et vous le prouve à tout moment! C est le rêve d or des jeunes filles… rêve auquel on pense tout enfant. Pour le baiser d un jeune amant, (avec feu) je donnerais sans regret le restant de ma vie. (pâmée; orgue de barbarie lointain) ▼CAMILLE▲ (naivement) D où vient ce sentiment qui nous attire constamment vers les hommes? D où vient qu à leur approche nos coeurs chavirent? (pétulante) On a beau nous dire (avec mystère) «Prenez garde» Qu apparaisse le prédestiné, les scrupules s envolent. À son regard, on rougit; à sa parole, on sourit; dans l enthousiasme du baiser, on s ouvre au dieu malin; c est un bonnet de plus qu on accroche au moulin (Rires étouffés. Peu à peu les ouvrières reprennent leur travail et causent à voix basse) ▼L APPRENTIE▲ (agenouillée devant Louise) Louise, raconte-nous tes aventures… ▼LOUISE▲ (avec impatience) Je n ai pas d aventure. (Louise hausse les épaules; l apprentie, dépitée, s éloigne en rampant sous les tables. Élise va s asseoir auprès de Gertrude) ▼IRMA▲ (à ses voisines, langoureusement) Oh! moi quand je suis dans la rue, tout mon etre prend comme feu; ▼ÉLISE▲ (à Marguerite) C est un beau brun… ▼IRMA▲ Sous les rayons ardents ▼MARGUERITE▲ Tu l aimes? ▼IRMA▲ … des yeux qui me désirent, ▼ÉLISE▲ J en suis toquée ▼IRMA▲ Je vais radieuse! ▼MARGUERITE▲ Grande folle! (Élise reprend sa place; Suzanne va ``essayer au mannequin) ▼LA PREMIERE▲ (à Madeleine) Voyez la longueur des manches ▼IRMA▲ Les frôlements, les appels, ▼GERTRUDE▲ Dieu, qu il fait chaud! ouvrez la f nêtre… (l apprentie va ouvrir une fenêtre) ▼BLANCHE▲ (à Élise) C est tordant! ▼IRMA▲ … les flatteries… ▼SUZANNE▲ (à Madeleine) Tu viens avec moi, ce soir? ▼IRMA▲ … m attisent et me grisent! ▼ÉLISE▲ Louise, chante-nous quelque chose?… ▼LA PREMIERE▲ (à Marguerite) Laissez-la donc tranquille!… ▼IRMA▲ Il me semble… ▼L APPRENTIE▲ (à la mécanicienne) J ai rendez-vous à huit heures… ▼IRMA▲ … être en voyage… ▼ÉLISE▲ (à Blanche) Il t a fait la cour? ▼IRMA▲ … alors… ▼LA PREMIERE▲ A qui l corsage? ▼IRMA▲ … que paysages… ▼ÉLISE▲ C est à moi. ▼IRMA▲ … et maisons tourbillonnent… ▼LA PREMIERE▲ Dépêchez-vous, il le faut pour ce soir. ▼IRMA▲ …en ronde folle autour du wagon! ▼SUZANNE, BLANCHE, ÉLISE, MADELEINE▲ (riant bruyamment) ah! ah! ah! ah! ah!… ▼CAMILLE, GERTRUDE▲ Chut! (La première va dans la chambre voisine) ▼L APPRENTIE▲ Écoutez! ▼IRMA▲ (L apprentie, accroupie près d Irma, l écoute avec admiration) Une voix mystérieuse, prometteuse de bonheur, parmi les bruissements de la rue amoureuse, me poursuit et m enjôle… C est la voix de Paris! C est l appel au plaisir, à l amour! Et, peu à peu, l ivresse me gagne… dans un frisson délicieux, à tous les yeux, je livre mes yeux. Et mon coeur bat la campagne et succombe aux désirs de tous les coeurs. ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ C est la voix de Paris… ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ Régalez-vous, mesdam s, voilà l plaisir! (fanfare dans la coulisse) ▼TOUTES▲ (diversement) Ah! la musique! Scène Seconde (Irma, Camille, Marguerite, Élise, Madeleine et l apprentie vont aux fenêtres et regardent curieusement dans la cour) ▼UNE VOIX▲ (dans la coulisse, en colère, semblant marquer la mesure) Un! ▼BLANCHE▲ (se levant et courant vers la fenêtre) Quell drôl de fanfare! ▼IRMA▲ Ils accompagn nt un chanteur… ▼CAMILLE▲ Il est bien, c lui-là. ▼SUZANNE▲ (pouffant) Tu trouves! ▼ÉLISE▲ (à Madeleine) On dirait l artist de tout à l heure! (Élise, Madeleine, l apprentie, croyant que Julien va chanter pour elles, se moquent de Camille qui le trouve à son goût; pendant la première partie de la sérénade, elles échangent des signes d intelligence, envoient des baisers au chanteur et semblent très excitées) ▼L APPRENTIE▲ Il nous r garde! ▼CAMILLE▲ Louise! viens voir… il est très bien. ▼L APPRENTIE▲ Très bien! (Louise semble ne pas entendre. Guitare dans la coulisse) ▼JULIEN▲ (dans la coulisse) Dans la cité lointaine, Au bleu pays d espoir, Je sais, loin de la peine, Un joyeux reposoir, Qui, pour fêter ma reine, Se fleurit chaque soir. ▼LES OUVRIERES▲ Quelle jolie voix! Quelle jolie voix! Ah ma chère, quelle jolie voix! ▼LOUISE▲ (à part) C est lui! c est Julien! (Camille vient prendre le bouquet qu Irma a laissé sur la table pour le jeter au chanteur. Irma veut l empêcher et la pousse. Suzanne se lève, tout en continuant à coudre, elle passe devant les tables, s arrête près de la fenêtre, écoute, ravie, pâmée) ▼JULIEN▲ Les fleurs du beau Domaine S avivent chaque soir; Mais l insensible reine Dédaigne leur espoir; (Ne daigne s émouvoir.) (comme en ritornelle) Quand viendras-tu, dis-moi, la belle, Au reposoir d ivresse éternelle? L Aube t appelle et te sourit, voici le jour!… Veux-tu que je te mène en ce riant séjour, A l amour! ▼LES OUVRIERES▲ Bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo! (fanfare des bohèmes dans la coulisse) ▼CAMILLE▲ (ravie) Il va chanter encore! ▼LOUISE▲ Quel supplice! Quel affreux tourment! ▼JULIEN▲ Jadis tu me contais un magique voyage «Tous deux, me disais-tu, dès notre mariage, libres, nous partirons au Pays adoré, loin de ce monde où nous avons pleuré» Voici le jour sacré de tenir ta promesse et l heure du départ, l heure d allégresse, l heure sonne et carillonne et chante à ton coeur les désirs de mon coeur!… Quand partons-nous, dis-moi, la belle, pour le pays d ivresse éternelle? ▼LES OUVRIERES▲ (mystérieusement) Quelle caresse! Aux accents de sa tendresse, mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Quelle ivresse! à ses accents mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Ah quel doux chant de tendresse… Quelle jolie voix! quelle jolie voix! ah! ah! Ah! Ah! quelle caresse! quel doux chant de tendresse! Ah! ah! mon coeur s abandonne! ▼CAMILLE▲ Comme il nous regarde! ▼IRMA▲ On dirait qu il s adresse à l une de nous… (Élise fait à Madeleine un geste d intelligence) ▼L APPRENTIE▲ C est vrai! ▼LOUISE▲ (à part) Pauvre Julien! ▼ÉLISE▲ Il n a pas l air content… ▼BLANCHE▲ Jetons-lui des sous! ▼CAMILLE▲ Et des baisers! (elles jettent des sous et envoient des baisers au chanteur) ▼LOUISE▲ (peut-être jalouse) Ah! j aurais dû partir tout à l heure (Julien gratte avec rage les cordes de sa guitare) ▼GERTRUDE▲ Qu est-c qu il a? ▼L APRENTIE▲ Il devient fou? (Rires. Louise se lève, frémissante, puis se rassied. A partir de ce moment, les ouvrières trouvant la chanson moins jolie, ennuyeuse même, échangent des gestes de lassitude, de moquerie. Élise et Madeleine, déçues dans leur espoir, raillent et sifflent impitoyablement le chanteur) ▼JULIEN▲ (avec émotion) Si ton âme, oubliant les serments d autrefois, S est détournée de moi; Si tes voeux sont de vivre sans lumière et sans joie… ▼GERTRUDE▲ Que chante-t-il? ▼ÉLISE▲ C est assommant! ▼JULIEN▲ … coeur infidèle… ▼MADELEINE▲ (riant) Ah! ah! ah!… ▼JULIEN▲ (avec emphase) … va plus loin battre de l aile ▼ÉLISE▲ (agacée) Ah! ▼CAMILLE▲ Il nous ennuie! ▼GERTRUDE▲ (geignant, avec ennuie) Ah! ▼JULIEN▲ Moi, le renonce à vivre car la vie est sans excuse quand l adorée, la seule aimée, à mes appels se refuse! ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ Ah! ▼ÉLISE▲ Dieu, qu il m énerve! ▼SUZANNE, MADELEINE▲ Que chante-t-il? ▼IRMA, CAMILLE▲ A-t-il bientôt fini? ▼GERTRUDE▲ C est rasant! ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ C est assommant! ▼LES OUVRIERES▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ (criant) Une autre! ▼L APPRENTIE▲ (criant) Une autre! ▼IRMA, CAMILLE, GERTRUDE▲ (criant) Une autre! BLANCHEs, MARGUERITE, ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ (criant) Une autre! ▼TOUTES▲ (auf Louise) Une autre! (Durant cette dernière strophe, Louise se lève, frémissante. L apprentie, juchée sur une chaise, fait la manivelle avec le coin de son tablier roulé imitant comiquement le jouer d orgue) ▼JULIEN▲ Le temps passe et tu ne réponds pas… ▼ÉLISE▲ Ah! quel malheur! ▼JULIEN▲ Je ne sais plus que te dire!… ▼GERTRUDE▲ Pauvre petit! ▼JULIEN▲ Faut-il que tu m aies menti jadis!… ▼SUZANNE▲ Quel raseur! ▼L APPRENTIE▲ Oh! la! la! quell scie! ▼ÉLISE▲ Va chez l coiffeur! ▼JULIEN▲ Faut-il que tu m aies menti! ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ (criant) Menti! ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ A-t-il bientôt fini? (L apprentie court ramasser des chiffons et les jette dans la cour) ▼JULIEN▲ Sois maudite! Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼IRMA, CAMILLE▲ (riant) Ah! ah! ah!… ▼JULIEN▲ Assez! assez! (lui répondant par la fenêtre) Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼GERTRUDE▲ (riant) Ah! ah! ah!… J en pleure! c est tordant! Quell scie! (criant) Ferme ça ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! C te tête! quel type! Voyez-le donc… il est fou! il est fou! (criant) Music! ▼ÉLISE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Il est fou! il est saoûl! (Élise ramasse des chiffons et les jette dans le cour) A Charenton! quel cauch mar! oh! la, la! ▼SUZANNE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Il est saoûl! il est fou! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl! (criant) Music! ▼MADELEINE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Assez! quell scie! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl! (criant) Music! ▼L APPRENTIE▲ (criant, les mains en porte-voix) Ta bouche! Il est fou! (faisant des gestes à la fenêtre) Music! ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ (ironiquement) Bravo! bravo! bravo! (imitant le chanteur) Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ (criant) Assez! assez! assez! (cri plaintif) Ah! A-t-il bientôt fini! (Élise et Camille se rasseyent) ▼IRMA, CAMILLE, ÉLISE, L APPRENTIE, JEUNES OUVRIERES▲ (criant) Music! ▼TOUTES▲ (criant) Music! Music! Music! (Les musiciens de la cour obéissent et jouent. Charivari. Les ouvrières dansent et chahutent. Louise se lève. Son visage exprime l angoisse; elle hésite un moment, puis elle va prendre son chapeau et se dispose à sortir) ▼IRMA, CAMILLE, ÉLISE, SUZANNE▲ La la la la la la la la La la la la ▼LES AUTRES OUVRIERES▲ La la la la la la la La la la la ▼TOUTES▲ (rires) Ah! ah! ah! ah! ah!… ▼GERTRUDE▲ (s apercevant du trouble de Louise; à Louise) Louise, qu avez-vous? Êtes-vous souffrante? (d autres ouvrières s approchent) ▼L APPRENTIE▲ (regardant par la fenêtre) Il s en va! ▼LOUISE▲ (avec embarras) Oui… je ne suis pas bien… J étouffe… je suis tout étourdie… (Elle se lève, fiévreuse) Je ne puis rester! ▼CAMILLE▲ Tu veux partir? (Louise, indécise, semble écouter au loin) ▼LOUISE▲ (décidée) Oui, je préfèr rentrer chez nous. (à Gertrude) Vous direz à Madame que j ai dû m en aller… (Elle prend son chapeau et va vers la porte. Quelques ouvrières l entourent) ▼IRMA▲ (affectueusement) Louise, qu as-tu? (Louise, embarrassée, ne sait que répondre) ▼CAMILLE▲ (de même) Tu souffres? ▼IRMA▲ Veux-tu que je t accompagne? ▼LOUISE▲ Non, laissez-moi… (elle ouvre la porte; bas avec effort) Adieu! (Elle disparaît. La fanfare s éloigne. Les ouvrières, étonnées, se regardent) Scène Troisième ▼ÉLISE▲ Qu est-c qui lui prend? ▼CAMILLE▲ Qu est-c que ça veut dire? ▼IRMA▲ (prenant la défense de Louise) Elle était malade! ▼SUZANNE▲ (ironique) Comm vous et moi! ▼L APPRENTIE▲ (criant) C est la faute au chanteur! ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ Voyons! ▼IRMA, BLANCHE, MARGUERITE▲ Voyons! (Elles se précipitent aux fenêtres) ▼CAMILLE▲ La voici! ▼GERTRUDE▲ (restée assise; criant) Eh bien! que fait-elle? ▼ÉLISE, SUZANNE▲ Parfait! ▼IRMA, CAMILLE▲ C est bien ça! (Les ouvrières restées assises, se lèvent et courent aux fenêtres) ▼TOUTES▲ (avec stupéfaction) Ah!… (Gertrude et la première joignent les mains avec épouvante) ▼L APPRENTIE▲ (avec transport, criant) Ils part nt en prom nade! (Elle se roule à terre) ▼TOUTES▲ (riant aux éclats) Ah! ah! ah! (Rideau vivement) ACTE II Premier TableauLa scène représente un carrefour au bas de la butte Montmartre. À gauche, au fond de la scène, un escalier descendant; plus à gauche, une ruelle puis un hangar; à droite, une maison et un cabaret; au fond, à droite, un escalier montant, plus à droite une ruelle; au loin, à droite, la Butte; à gauche le faubourg Scène PremièreAu lever du rideau, sous le hangar, une laitière prépare son étalage et allume son feu; près d elle, sur une table à la terrasse d un marchand de vin, une fillette 17 ans plie les journaux du matin. A droite, près d une poubelle renversée, une petite chiffonnière travaille hâtivement; à côté d elle une glaneuse de charbon et, plus loin, un bricoleur fouillent les ordures. Des ménagères vont aux provisions. Cinq heures du matin, en avril. Un léger brouillard enveloppe la ville LA PETITE CHIFFONNIÈREà la glaneuse Dir qu en c moment y a des femmes qui dorment dans de la soie! LA GLANEUSE DE CHARBON Bah! les draps de soie s usent plus vite que les autres. LA PETITE CHIFFONNIÈRE Oui, parce qu on y dort plus longtemps! LA GLANEUSE Grande bête! ton tour viendra…Un noctambule paraît LA PETITE CHIFFONNIÈRE Mon tour? si c était vrai!Le noctambule s approche de la plieuse LE NOCTAMBULE Si jolie, si matin…il tourne autour de la fillette Malice du destin, qui revêt de satin et de robes d aurore les guetteuses de nuit aux rides inclémentes et cache au libertin, sous des voiles de nuit les fillettes d aurore que le désir tourmente.à la plieuse Un baiser? LA PLIEUSE Passez vot chemin! LE NOCTAMBULEriant Mon chemin, je le cherche… me tendras-tu la perche?avec afféterie Sans les lanternes de tes jolis yeux, je risque fort de me perdre! tu veux?…La fillette lui tourne le dos LA GLANEUSEs étirant Ah! LE BRICOLEURgeignant Ah! LE NOCTAMBULEregardant autour de lui En ce froid carrefour où gémit la souffrance, je me sens mal à l aise,à la fillette et sans ta jeune chair il me semblerait choir au seuil du sombre enfer où le Dante écrivit Ici point d espérance! Le son de ma voix éveille-t-il en toi une vague souvenance… que tu restes songeuse?… ou bien un frais désir fait-il bondir ton coeur d amoureuse? LA PLIEUSEriant Vous êtes fou! LA LAITIÈREriant Sa folie n est pas dangereuse!…le noctambule fait une pirouette Qui êtes-vous ? LE NOCTAMBULErejetant son manteau sur l épaule et apparaissant séduisant, tout à fait joli dans un costume de printemps auquel sont piqués quelques grelots de folie Je suis le Plaisir de Paris!Les deux femmes font un geste d étonnement admiratif. La petite chiffonnière, la glaneuse, le bricoleur interrompent leur travail et s approchent. D autres figures de souffrance, sorties de l ombre, se groupent derrière eux. Le noctambule pirouette de nouveau LA LAITIÈRE Où allez-vous? LE NOCTAMBULE Je vais vers les Amantes que le Désir tourmente! Je vais cherchant les coeurs qu oublia le bonheur.montrant la ville Là-bas glanant le Rire, ici semant l Envie, prêchant partout le droit de tous à la folie Je suis le Procureur de la grande Cité! Ton humble serviteur… ou ton maître! LA LAITIÈREle menaçant de son balai Effronté!Il s enfuit en riant LE NOCTAMBULE Ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha!Au coin de la rue, il heurte violemment le chiffonnier et disparaît LE CHIFFONNIER Hé! fait attention! butor!le chiffonnier chancelle et tombe LE NOCTAMBULEdéjà loin Je suis le Procureur de la grande Cité!Le bricoleur s avance vers le chiffonnier; il le débarrasse de sa hotte, puis le relève LE CHIFFONNIERà part Ah!… je le connais… le misérable! ce n est pas la première fois qu il se trouve sur mon chemin!au bricoleur Un soir, il y a longtemps, je m en souviens comme si c était hier… ici, au même endroit, il m est apparu…La plieuse fait un paquet de ses journaux et s en va hélas! il n était pas seul ce jour-là… une fillette lui donnait la main et souriait à sa chanson… c était ma fille!dramatique Je l avais laissée là, au travail… il est venu, il lui a soufflé à l oreille ses tentations mauvaises…douloureux et la coquette l a écouté… ell l a suivi… en s enfuyant, ell m a heurté… comme aujourd hui… je suis tombé! Ah! ah! ah! ah!Il sanglote et se met au travail LA GLANEUSE, LA CHIFFONIERE Pauvre homme! LE BRICOLEUR Bah! dans toutes les familles, c est la même chose! Moi, j en avais trois, je n ai pu les tenir! Faut pas leur en vouloir si elles préfèr à notre vie d enfer le paradis qui les appelle là-bas… LA PETITE CHIFFONNIÈREà part Est-c que les bons lits, les belles robes, comme le soleil,elle tend les bras vers le soleil dont les premiers rayons éclairent la Butte ne devraient pas être à tout le monde! Scène SecondeDeux gardiens de la paix traversent lentement la scène et s approchent de la laitière. Le carrefour s anime. Une balayeuse apparaît au fond et s avance vers le groupe PREMIER GARDIENà la laitière Belle journée! LA LAITIÈRE Voici le printemps. PREMIER GARDIEN La saison des amours… LA LAITIÈRE Pour ceux qui ont vingt ans! DEUXIÈME GARDIEN Bah! chacun son tour… LA LAITIÈRE J attends encore le mien! PREMIER GARDIEN Vous n avez jamais aimé?Un gavroche s approche de l éventaire et se chauffe les mains au fourneau LA LAITIÈREsimplement Je n ai pas eu le temps!Les gardiens rient LA GAVROCHEà la laitière Un p tit noir? LA BALAYEUSEfanfaronne Moi, j ai eu ch vaux et voitures… Y a vingt anstriomphante j étais la reine de Paris!comique quell dégringolade! hein? mais je ne regrette rien… je me suis tant amusée…sentimentale Ah! la belle vie! le joyeux, le tendre, l inoubliable paradis!Le gavroche, qui l a écoutée, hausse les épaules, puis s approche d elle, la tire par la manche LE GAVROCHEavec une naïveté feinte Dites donnez-moi l adresse… LA BALAYEUSE Quelle adresse? LE GAVROCHEgoguenard L adresse… de vot paradis! LA BALAYEUSE Mais, mon petit,montrant la ville, tendre c est Paris! LE GAVROCHEjouant l étonnement Paris…il regarde la ville c est étonnant! depuis que j suis au monde j m en étais pas encore aperçu! PREMIER GARDIENbourru Allons, circule! LE GAVROCHEnarquois, froidement De quoi… on n peut pas s instruire?… PREMIER GARDIENbrutal Va travailler!Il le pousse. Le gavroche immobile, toise le gardien, puis d une pirouette nonchalante il lui tourne le dos et s en va lentement arrivé au coin de la rue, il se retourne LE GAVROCHEcriant, ses mains en porte-voix Y en a donc que pour les femm s, dans vot paradis!geste menaçant des gardiens; le gamin s enfuit; les gardiens s éloignent du même côté. La petite chiffonnière s en va d un autre côté, courbée sous le poids d un sac de chiffons. La balayeuse reprend son travail et disparaît dans la rue voisine. La glaneuse s approche de la laitière LA PETITE CHIFFONNIÈREavec amertume Y en a qu pour les femmes!…Le chiffonnier et le bricoleur montent l escalier. Julien paraît au fond de la scène; il fait un geste à ses amis Scène TroisièmeLes bohèmes paraissent en haut de l escalier et s avancent, comiquement, avec des allures de conspirateurs LE PEINTREà Julien C est ici? LE SCULPTEUR C est là qu elle travaille?la glaneuse s éloigne JULIENindiquant la maison Sa mère l accompagnera jusqu à cette porte… sitôt disparue, je m élance… je rattrape Louise…rageusement et, si ses parents refusent… LE PEINTRE Tu l enlèves!Julien approuve TOUSentourant Julien Bravo! bravo! bravo! LE CHANSONNIER Mais, consentira-t-elle? JULIEN Je la déciderai!Ils se répandent sur la place à droite, le sculpteur, le peintre et le jeune poète; à gauche, Julien, l étudiant, les philosophes et le chansonnier. Les autres inspectent silencieusement les alentours LE PEINTREà Julien Nous en ferons notre Muse! LE SCULPTEURau poète Le coin est joli… LE CHANSONNIERà Julien Muse des Bohèmes! LE PEINTREau sculpteur Un vrai carrefour à sérénades… PREMIER PHILOSOPHEavec dédain Une muse? LE SCULPTEURau peintre Nous aurions dû prendre nos instruments… LE CHANSONNIERau philosophe On la couronnera!Des têtes de bonnes paraissent aux fenêtres de la maison LE SCULPTEUR Nous reviendrons. PREMIER PHILOSOPHE Les Muses sont mortes! LE CHANSONNIERenthousiaste On les ressuscitera! LE PEINTRElorgnant les fenêtres Les jolies filles! LE SCULPTEUR Mesdemoiselles? LE CHANSONNIER Elles sont charmantes! LE JEUNE POETE Ravissantes!D autres têtes paraissent à d autres fenêtres. Les bohèmes envoient des baisers et saluent; d autres font les clowns. Le chansonnier, grattant sa canne ainsi qu une guitare, se met en évidence. À l écart dissertent les philosophes LE CHANSONNIER Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime! Toujours gais et pimpants, Les femm s nous trouvent séduisants… DEUXIEME PHILOSOPHEà l autre Pourquoi refuseraient-ils? LE CHANSONNIER Quoiqu sans argents! PREMIER PHILOSOPHE Ils préfèrent sans doute en faire la femme d un bourgeois! LE CHANSONNIER Presqu indigents! DEUXIEME PHILOSOPHEironique Mais, les ouvriers méprisent les bourgeois! PREMIER PHILOSOPHE Ah! ah! tu crois ça! LE CHANSONNIER Mais nous somm s très intelligents!Cris et bravos; des fenêtres on jette des sous. Les bohèmes saluent ironiquement LE PEINTREsaluant Aimez-vous la peinture? LE SCULPTEURde même La sculpture? LE CHANSONNIERde même La musique? LE JEUNE POETE Je suis un grand poète! PREMIER PHILOSOPHE Mon cher, l idéal des ouvriers c est d être des bourgeois.tous approuvent le désir des bourgeois être des grands seigneurs…nouvelle approbation plus nourrie. Ironique et le rêve des grands seigneurs attention générale ironique. Emphatique devenir des artistes!rires LE PEINTRE Et le rêve des artistes! PREMIER PHILOSOPHEavec emphase Être des dieux! TOUS Bravo! LES BOHÈMES Oui, des dieux! L APPRENTItraversant la scène, passant dans le fond Allez donc travailler, tas d feignants!Les bohèmes esquissent une poursuite, puis ils descendent l escalier en chantant. Le philosophe, le chansonnier, le peintre et l étudiant vont dire adieu à Julien LES BOHÈMES Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime. Toujours gais et pimpants, les femm s nous trouvent séduisants… JULIENà ses amis, fiévreusement Voici l heure, laissez-moi. LES BOHÈMES Quoiqu sans argents! LE PREMIER PHILOSOPHEà Julien Allons, bonne chance… LE CHANSONNIERl excitant Enlève la redoute!… LES BOHÈMESdéjà loin Presqu indigents! LE PEINTREavec mystère Sois éloquent! L ETUDIANTdonnant une accolade à Julien A tout à l heure…ils s éloignent LES BOHÈMEStrès loin Mais nous somm s très intelligents!cris lointains des bohèmes Scène Quatrième JULIENdans une agitation douloureuse Elle va paraître, ma joie, mon tourment, ma vie! Voudra-t-elle me suivre? Voudra-t-elle qu aujourd hui notre amour soit vainqueur! Que dois-je lui dire? Comment la décider?avec angoisse Qui viendrait à mon aide?… LA REMPAILLEUSElointaine La caneus , racc modeus de chais s!…Julien fait un geste de surprise MARCHAND DE CHIFFONSlointain Marchand d chiffons, ferraille à vendr !…Il écoute avec émoi croissant; les chants qui se rapprochent LA REMPAILLEUSEplus près la caneus , racc modeus de chais s!… LA MARCHANDE D ARTICHAUTSlointaine artichauts, des gros artichauts! LE MARCHAND DE CAROTTES v là d la carott , elle est bell , v là d la carott ! d la carott ! LA MARCHANDE D ARTICHAUTS A la tendress , la verduress ! LE MARCHAND DE CAROTTEStrès loin D la carott ! LA MARCHANDE DE MOURONprès de la scène Mouron pour les p tits oiseaux! LA MARCHANDE D ARTICHAUTSse rapprochant Et à un sou, vert et tendre, et à un sou!flûte du chevrier lointain LA MARCHANDE DE MOURONprès de la scène Mouron pour les p tits oiseaux! LA MARCHANDE D ARTICHAUTS En v là des gros, des bien beaux! MARCHANDS DE TONNEAUX Tonneaux, tonneaux, v la l marchand d tonneaux! MARCHANDS DE BALAIS Ach tez des balais, v la l marchand d balais; c est papa, qui les fait, c est maman qui les vend, c est moi qui mang l argent! MARCHANDS DE POMMES DE TERRES Pomm s terr , pomm s terr , oh les pomm s terre, au boisseau, trois sous l quart, c est d la holland ! MARCHANDS DE POIS VERTS Pois verts, pois verts, dix sous l boisseau! JULIENavec enthousiasme Ah! chanson de Paris, où vibre et palpite mon âme! MARCHANDS ET MARCHANDESlointain Pois verts! pois verts! JULIEN Naïf et vieux refrain du faubourg qui s éveille, aube sonore qui réjouit mon oreille! Cris de Paris… voix de la rue Êtes-vous le chant de victoire de notre amour triomphant?…Des ouvrières paraissent au fond. Julien se cache sous le hangar, épiant, anxieux Scène Cinquième BLANCHE Bonjour! MARGUERITE Bonjour! BLANCHE Comment vas-tu?Elles disparaissent à l entrée de la maison. Une autre paraît faisant un geste à une quatrième qui s avance SUZANNE Nous sommes en avance? GERTRUDE Il est huit heures… SUZANNE Ah!Elles entrent dans la maison. Deux autres s avancent en caquetant IRMA Eh! bien, tu t es amusée, hier? CAMILLE Ah! c que j ai ri! IRMA Tu sais… le grand Léon…elle lui parle à l oreille CAMILLE Vrai? IRMA En mariage, ma chère!elles disparaissent JULIEN Viendra-t-elle?impatient, il sort de sa cachette; trois ouvrières entrent et le regardent gesticuler L APPRENTIEriant Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ÉLISE Qu il est beau! MADELEINE Eh! l artiste! L APPRENTIE Il attend sa belle! MADELEINE, MARGUERITE Ah! ah! ah! ah! ah! ah! L APPRENTIE, MADELEINE, MARGUERITE C te tête!Elles s enfuient en riant. Julien les regarde entrer dans la maison, il reste pensif, puis il va vers la rue. Julien, apercevant enfin Louise et sa mère, manifeste sa joie; il revient en courant, va se cacher dans le hangar et guette. Étonné de ne pas les voir, il regarde; il les aperçoit et se dissimule vivement Scène SixièmeLa mère et Louise entrent; elles s avancent lentement; elles s arrêtent LA MÈREbougonnant Pourquoi te retourner? Il nous suit, sans doute… suffit! Je d mand rai à ton père que dorénavant tu travailles chez nous.Louise lève les yeux au ciel. Mimique de Julien qui, n y pouvant tenir, se montre à Louise Ah! t as beau faire les gros yeux!…Louise, voyant Julien, porte la main sur son coeur On changera ta mauvaise tête, Il faudra bien que Louise reste une fille honnête!… Allons, au revoir!Louise, froidement, lui tend la joue; la mère l embrasse avec tendresse. Louise entre dans la maison, la mère s éloigne lentement, surveille un instant les fenêtres de l atelier; arrivée près de la rue, elle guette de tous côtés, méfiante, puis disparaît. Julien se risque timidement, s enhardit, hésite, puis s élance dans la maison MARCHAND DE LA RUElointain V là d la carotte elle est bell ! V là d la carott ! d la carott ! d la carott ! Scène SeptièmeJulien reparaît, entraînant Louise LOUISEaffolée, se débattant Laissez-moi… ah! de grâce!Julien l entraîne dans le hangar JULIEN Alors, ils ont refusé?Louise se débat et veut fuir LOUISE Je vous en prie! si ma mère revenait… JULIEN Ils ont refusé? LOUISE Vous me faites mourir de peur! JULIEN Et tu supportes cette chose! tu ne te révoltes pas? LOUISE Que puis-je faire? JULIEN Tu le demandes! LOUISE Ils sont les maîtres! JULIEN Pourquoi, les maîtres? Parce qu ils t on fait naître, se croient-ils le droit d emprisonner ta jeunesse adorable? LOUISE Julien!… JULIEN D asservir ta vie! LOUISEsuppliante Ah! par pitié! JULIEN De la murer pour leur plaisir! LOUISE Laissez-moi partir! JULIEN Ta volonté, désormais, est celle d une femme et vaut la leur tu es femme, tu peux, tu dois vouloir! LOUISEne sachant que répondre Ah! je vais être en retard…suppliante laissez-moi partir.Julien, fâché de son indifférence, la laisse partir. Elle fait quelques pas, puis revient, souriante, espiègle JULIEN Tu ne m aimes plus! LOUISEnaïvement Ce n est pas vrai!Les cris de la rue reparaissent, lointains JULIEN Si tu m aimais, oublierais-tu ta promesse?Louise, troublée, se détourne UNE MARCHANDE DE LA RUElointaine V là du cresson d fontain , la santé du corps! JULIEN Écrivez encore à mon père, s il refuse votre demande je promets de fuir avec vous. UNE MARCHANDElointaine Mouron pour les p tits oiseaux! UN MARCHANDlointain Pois verts! pois verts! LOUISEpresque parlé Ah! si je pouvais…flûte du chevrier si mon père… JULIEN Ton père te pardonnerait! LOUISE Jamais! JULIEN Plus tard, quand ton bonheur… LOUISE Mon abandon le tuerait et je l aime mon père, autant que je t aime… JULIENla serrant dans ses bras Ah!… ah! Louise, si tu m aimes, partons de suite au Paysmontrant la Butte ensoleillée où vivent libres les Amants! Viens, je te choierai tant, et toute ta vie!De la rue voisine viennent des cris et des rires Viens vers la Joie, le Plaisir!Entendant des rires, Louise, troublée, veut fuir, Julien la retient. Quatre ouvrières traversent la scène en riant et entrent dans la maison JULIENplus pressant Si tu m aimes, Louise, Viens, fuyons de suite, si tu m aimes, n attends pas plus longtemps! Tiens ta promesse dès maintenant, Louise! Louise!il veut l entraîner LOUISEéperdue, se débattant Julien! JULIEN Viens! LOUISE Ah! je deviens folle… JULIEN Vers le plaisir!… LOUISEaffolée Je ne sais que faire… laissez-moi partir! Demain… plus tard…avec tendresse Je serai ta femme! Julien!. mon bien-aimé!…Flûte lointaine du chevrier. Louise se jette à son cou, ils s embrassent; puis Louise se dégage et s éloigne vers la maison; sur le seuil de la porte, elle envoie un baiser. Julien répond avec tristesse. - Louise disparaît Scène Huitième UN MARCHAND D HABITSdescendant l escalier Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ?il interroge les fenêtres Marchand d habits!…il se tourne de l autre côté avez-vous des habits à vendr ?Mélancoliquement il s éloigne. Julien, accablé, s achemine tristement vers la Ville Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ?Julien, sur le seuil de l escalier, près de la rue, fait un dernier geste de désespoir, descend lentement et disparaît. Le rideau tombe très lentement MARCHANDE DE MOURONEnfant. Très loin Mouron pour les p tits oiseaux!…flûte du chevrier MARCHANDE D ARTICHAUTStrès lointaine A la tendress s éloignant la verduress !… Interlude Deuxième TableauRideau. Rire des ouvrières. Un atelier de couture; les ouvrières, autour des tables, travaillent en caquetant et chantant; quelques-unes bavardent; près du mannequin, deux ouvrières plissent une jupe; l apprentie, couchée à terre, ramasse les épingles; une ouvrière travaille à la machine. Louise, un peu séparée des autres, garde le silence. Durant les conversations, des ouvrières chantent Scène PremièrePremière table côté jardin Irma, Camille, 4 coryphées; deuxième table Blanche, Madeleine, puis Élise et Suzanne, 2 coryphées; troisième table Louise, Gertrude, Marguerite; près du mannequin Suzanne, Élise; l apprentie, la première, la mécaniceienne; autres tables jeunes et vieilles ouvrières La la la la la la la la SUZANNEprès du mannequin, faisant les plis d une jupe C est énervant! je n peux pas y arriver… L APPRENTIEaccroupie devant la table; à Gertrude Passez-moi vos ciseaux… JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la GERTRUDEGertrude doit avoir les cheveux gris et jouer en vieille fille sentimentale et prétentieuse Et les tiens? ÉLISE Quell mauvaise étoffe! L APPRENTIE perdus!… ÉLISE Les plis n marquent pas… GERTRUDE J en ai assez d les prêter. L APPRENTIE Un minute?Élise prend la jupe, la montre à la première, puis va s asseoir à la deuxième table GERTRUDE Tu n as qu à t en payer!Elle se lève et va essayer un corsage sur le mannequin JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la ! IRMA Moi, j ai vu «l Pré aux Clércs et Mignon»Blanche se lève et va causer à Marguerite CAMILLE Moi, j ai vu Manon. BLANCHEà Marguerite, à mi-voix Voudrais-tu m montrer à baleiner? IRMA Cest beau? CAMILLE Très beau, surtout quand ell meurt. JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la!… GERTRUDEavec impatience J peux pas arriver à finir c corsage! MARGUERITEà Blanche Tu prends ton ruban comm ceci… GERTRUDE Sur l mann quin, c est bien, mais sur la femme! MARGUERITE Tu commenc s par en bas, tu l fais sout nir très peu… IRMA C est pour qui? JEUNES OUVRIERES La la la la la la la!… GERTRUDE Pour la duchesse… CAMILLEmoqueuse En effet, j vois ça d ici!Élise va s asseoir près de Blanche à la deuxièmee table GERTRUDEriant Faut lui mett du crin sous les bras… CAMILLEriant Faut lui fair des hanches… IRMAriant Un vrai rembourrage, quoi! L APPRENTIEen gavroche C qui y a des clientes, tout d même!Rires Ah! ah! ah! ah! ah!…Blanche reprend sa place OUVRIERES, IRMA, CAMILLE La la la la la!… BLANCHEà Irma Moi, j vais m faire une robe pour le Grand Prix… LA PREMIEREà Louise N oubliez pas le sachet d héliotrope?… BLANCHE J ai vu un modèl , ma chèrela dispute, bien en dehors ÉLISEà Suzanne qui lui donne des conseils Ah! laiss -moi tranquille, tu m ennuies! VIEILLES OUVRIERES La la la la la la la la!… SUZANNE C est pas comm ça qu on s y prend… ÉLISE Tu veux toujours en savoir plus qu les autres! SUZANNE P tite imbécile! tu n vois pas qu ça craqu sous l aiguille? ÉLISE Oh! la! la! quel cauch mar! SUZANNE T en as un caractère! ÉLISE Tu n t es pas r gardée! SUZANNE Va donc hé! bouffie! JEUNES ET VIEILLES OUVRIERES La la la la la la la!…Élise lance une pelote à la tête de Suzanne; les autres s interposent. Toutes rient avec éclats. La première se lève LA PREMIERE Mesd moiselles, un peu d silence… nous n sommes pas au marché…Silence relatif. La première va causer avec Gertrude. Geste de Louise, songeant à Julien CAMILLEbas à ses voisines Voyez Louise, quell drôl de tête elle fait aujourd hui… ÉLISE, SUZANNE C est vrai! IRMA C est vrai! on dirait qu elle a pleuré. GERTRUDE Elle a peut-être des ennuis de famille… CAMILLE Ses parents sont très durs pour elle…Les ouvrières se groupent et jettent des regards sur Louise qui semble ne rien voir IRMA Ell n a pas la vie belle… CAMILLE Sa mèr la frappe encore… BLANCHE, SUZANNEindignées Ah! ÉLISE Ce n est pas moi qui me laisserais battre! SUZANNE Moi non plus! BLANCHE Et moi, c que j les plaqu rais! L APPRENTIE Moi, quand le pèr veut m battre, j lui dis cogn sur maman,emphatique y a plus d largeur!rires. Louise baisse la tête, écoute, et reprend son attitude indifférente IRMAregardant ironiquement Louise Non; je crois que Louise est amoureuse. GERTRUDEétonnée Amoureuse! Louise…elle rit CAMILLE Pourquoi Louise serait-ell pas amoureuse? ÉLISE Amoureuse, Louise…elle hausse les épaules L APPRENTIEà part Amoureuse! SUZANNE, MADELEINE Amoureuse! GERTRUDE, MARGUERITE Amoureuse! BLANCHE, ÉLISE Amoureuse! IRMA, CAMILLE Amoureuse! BLANCHE, MARGUERITE, GERTRUDE, SUZANNE, MADELEINE, ÉLISE, IRMA, CAMILLE, BLANCHE Louise, entends-tu? on dit que tu es amoureuse… LOUISEtroublée Moi? IRMA, CAMILLE Est-ce vrai? LOUISEavec colère Vous êtes folles… GERTRUDEreprend sa place près de Louise Un amoureux à ton âge, ce n est pas un péché, et tu peux l avouer… A moins que tu ne veuilles garder le secret de tes aventures.orgue de barbarie lointain ÉLISE, SUZANNE Louise, raconte-nous… LOUISEsimplement Je n ai pas d aventure. GERTRUDEavec un lyrisme comique contenu Que c est charmant une aventure!Derrière elle, l apprentie, avec des gestes de gavroche, mime ironiquement les paroles sentimentales de la chanson de la vieille fille Un garçon de jolie figure qui vous aime et vous le prouve à tout moment! C est le rêve d or des jeunes filles… rêve auquel on pense tout enfant. Pour le baiser d un jeune amant,avec feu je donnerais sans regret le restant de ma vie.pâmée; orgue de barbarie lointain CAMILLEnaivement D où vient ce sentiment qui nous attire constamment vers les hommes? D où vient qu à leur approche nos coeurs chavirent?pétulante On a beau nous dire avec mystère «Prenez garde» Qu apparaisse le prédestiné, les scrupules s envolent. À son regard, on rougit; à sa parole, on sourit; dans l enthousiasme du baiser, on s ouvre au dieu malin; c est un bonnet de plus qu on accroche au moulinRires étouffés. Peu à peu les ouvrières reprennent leur travail et causent à voix basse L APPRENTIEagenouillée devant Louise Louise, raconte-nous tes aventures… LOUISEavec impatience Je n ai pas d aventure.Louise hausse les épaules; l apprentie, dépitée, s éloigne en rampant sous les tables. Élise va s asseoir auprès de Gertrude IRMAà ses voisines, langoureusement Oh! moi quand je suis dans la rue, tout mon etre prend comme feu; ÉLISEà Marguerite C est un beau brun… IRMA Sous les rayons ardents MARGUERITE Tu l aimes? IRMA … des yeux qui me désirent, ÉLISE J en suis toquée IRMA Je vais radieuse! MARGUERITE Grande folle!Élise reprend sa place; Suzanne va ``essayer au mannequin LA PREMIEREà Madeleine Voyez la longueur des manches IRMA Les frôlements, les appels, GERTRUDE Dieu, qu il fait chaud! ouvrez la f nêtre…l apprentie va ouvrir une fenêtre BLANCHEà Élise C est tordant! IRMA … les flatteries… SUZANNEà Madeleine Tu viens avec moi, ce soir? IRMA … m attisent et me grisent! ÉLISE Louise, chante-nous quelque chose?… LA PREMIEREà Marguerite Laissez-la donc tranquille!… IRMA Il me semble… L APPRENTIEà la mécanicienne J ai rendez-vous à huit heures… IRMA … être en voyage… ÉLISEà Blanche Il t a fait la cour? IRMA … alors… LA PREMIERE A qui l corsage? IRMA … que paysages… ÉLISE C est à moi. IRMA … et maisons tourbillonnent… LA PREMIERE Dépêchez-vous, il le faut pour ce soir. IRMA …en ronde folle autour du wagon! SUZANNE, BLANCHE, ÉLISE, MADELEINEriant bruyamment ah! ah! ah! ah! ah!… CAMILLE, GERTRUDE Chut!La première va dans la chambre voisine L APPRENTIE Écoutez! IRMAL apprentie, accroupie près d Irma, l écoute avec admiration Une voix mystérieuse, prometteuse de bonheur, parmi les bruissements de la rue amoureuse, me poursuit et m enjôle… C est la voix de Paris! C est l appel au plaisir, à l amour! Et, peu à peu, l ivresse me gagne… dans un frisson délicieux, à tous les yeux, je livre mes yeux. Et mon coeur bat la campagne et succombe aux désirs de tous les coeurs. LES JEUNES OUVRIERES C est la voix de Paris… LES VIEILLES OUVRIERES Régalez-vous, mesdam s, voilà l plaisir!fanfare dans la coulisse TOUTESdiversement Ah! la musique! Scène SecondeIrma, Camille, Marguerite, Élise, Madeleine et l apprentie vont aux fenêtres et regardent curieusement dans la cour UNE VOIXdans la coulisse, en colère, semblant marquer la mesure Un! BLANCHEse levant et courant vers la fenêtre Quell drôl de fanfare! IRMA Ils accompagn nt un chanteur… CAMILLE Il est bien, c lui-là. SUZANNEpouffant Tu trouves! ÉLISEà Madeleine On dirait l artist de tout à l heure!Élise, Madeleine, l apprentie, croyant que Julien va chanter pour elles, se moquent de Camille qui le trouve à son goût; pendant la première partie de la sérénade, elles échangent des signes d intelligence, envoient des baisers au chanteur et semblent très excitées L APPRENTIE Il nous r garde! CAMILLE Louise! viens voir… il est très bien. L APPRENTIE Très bien!Louise semble ne pas entendre. Guitare dans la coulisse JULIENdans la coulisse Dans la cité lointaine, Au bleu pays d espoir, Je sais, loin de la peine, Un joyeux reposoir, Qui, pour fêter ma reine, Se fleurit chaque soir. LES OUVRIERES Quelle jolie voix! Quelle jolie voix! Ah ma chère, quelle jolie voix! LOUISEà part C est lui! c est Julien!Camille vient prendre le bouquet qu Irma a laissé sur la table pour le jeter au chanteur. Irma veut l empêcher et la pousse. Suzanne se lève, tout en continuant à coudre, elle passe devant les tables, s arrête près de la fenêtre, écoute, ravie, pâmée JULIEN Les fleurs du beau Domaine S avivent chaque soir; Mais l insensible reine Dédaigne leur espoir;Ne daigne s émouvoir.comme en ritornelle Quand viendras-tu, dis-moi, la belle, Au reposoir d ivresse éternelle? L Aube t appelle et te sourit, voici le jour!… Veux-tu que je te mène en ce riant séjour, A l amour! LES OUVRIERES Bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo!fanfare des bohèmes dans la coulisse CAMILLEravie Il va chanter encore! LOUISE Quel supplice! Quel affreux tourment! JULIEN Jadis tu me contais un magique voyage «Tous deux, me disais-tu, dès notre mariage, libres, nous partirons au Pays adoré, loin de ce monde où nous avons pleuré» Voici le jour sacré de tenir ta promesse et l heure du départ, l heure d allégresse, l heure sonne et carillonne et chante à ton coeur les désirs de mon coeur!… Quand partons-nous, dis-moi, la belle, pour le pays d ivresse éternelle? LES OUVRIERESmystérieusement Quelle caresse! Aux accents de sa tendresse, mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Quelle ivresse! à ses accents mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Ah quel doux chant de tendresse… Quelle jolie voix! quelle jolie voix! ah! ah! Ah! Ah! quelle caresse! quel doux chant de tendresse! Ah! ah! mon coeur s abandonne! CAMILLE Comme il nous regarde! IRMA On dirait qu il s adresse à l une de nous…Élise fait à Madeleine un geste d intelligence L APPRENTIE C est vrai! LOUISEà part Pauvre Julien! ÉLISE Il n a pas l air content… BLANCHE Jetons-lui des sous! CAMILLE Et des baisers!elles jettent des sous et envoient des baisers au chanteur LOUISEpeut-être jalouse Ah! j aurais dû partir tout à l heureJulien gratte avec rage les cordes de sa guitare GERTRUDE Qu est-c qu il a? L APRENTIE Il devient fou?Rires. Louise se lève, frémissante, puis se rassied. A partir de ce moment, les ouvrières trouvant la chanson moins jolie, ennuyeuse même, échangent des gestes de lassitude, de moquerie. Élise et Madeleine, déçues dans leur espoir, raillent et sifflent impitoyablement le chanteur JULIENavec émotion Si ton âme, oubliant les serments d autrefois, S est détournée de moi; Si tes voeux sont de vivre sans lumière et sans joie… GERTRUDE Que chante-t-il? ÉLISE C est assommant! JULIEN … coeur infidèle… MADELEINEriant Ah! ah! ah!… JULIENavec emphase … va plus loin battre de l aile ÉLISEagacée Ah! CAMILLE Il nous ennuie! GERTRUDEgeignant, avec ennuie Ah! JULIEN Moi, le renonce à vivre car la vie est sans excuse quand l adorée, la seule aimée, à mes appels se refuse! BLANCHE, MARGUERITE Ah! ÉLISE Dieu, qu il m énerve! SUZANNE, MADELEINE Que chante-t-il? IRMA, CAMILLE A-t-il bientôt fini? GERTRUDE C est rasant! BLANCHE, MARGUERITE C est assommant! LES OUVRIERESriant Ah! ah! ah! ah! ah! ÉLISE, SUZANNE, MADELEINEcriant Une autre! L APPRENTIEcriant Une autre! IRMA, CAMILLE, GERTRUDEcriant Une autre! BLANCHEs, MARGUERITE,ÉLISE, SUZANNE, MADELEINEcriant Une autre! TOUTESauf Louise Une autre!Durant cette dernière strophe, Louise se lève, frémissante. L apprentie, juchée sur une chaise, fait la manivelle avec le coin de son tablier roulé imitant comiquement le jouer d orgue JULIEN Le temps passe et tu ne réponds pas… ÉLISE Ah! quel malheur! JULIEN Je ne sais plus que te dire!… GERTRUDE Pauvre petit! JULIEN Faut-il que tu m aies menti jadis!… SUZANNE Quel raseur! L APPRENTIE Oh! la! la! quell scie! ÉLISE Va chez l coiffeur! JULIEN Faut-il que tu m aies menti! LES JEUNES OUVRIEREScriant Menti! LES VIEILLES OUVRIERES A-t-il bientôt fini?L apprentie court ramasser des chiffons et les jette dans la cour JULIEN Sois maudite! Fille sans coeur! Ame sans foi! IRMA, CAMILLEriant Ah! ah! ah!… JULIEN Assez! assez!lui répondant par la fenêtre Fille sans coeur! Ame sans foi! GERTRUDEriant Ah! ah! ah!… J en pleure! c est tordant! Quell scie!criant Ferme ça BLANCHE, MARGUERITEriant Ah! ah! ah! ah! ah! C te tête! quel type! Voyez-le donc… il est fou! il est fou!criant Music! ÉLISEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Il est fou! il est saoûl!Élise ramasse des chiffons et les jette dans le cour A Charenton! quel cauch mar! oh! la, la! SUZANNEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Il est saoûl! il est fou! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl!criant Music! MADELEINEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Assez! quell scie! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl!criant Music! L APPRENTIEcriant, les mains en porte-voix Ta bouche! Il est fou!faisant des gestes à la fenêtre Music! LES JEUNES OUVRIERESironiquement Bravo! bravo! bravo!imitant le chanteur Fille sans coeur! Ame sans foi! LES VIEILLES OUVRIEREScriant Assez! assez! assez!cri plaintif Ah! A-t-il bientôt fini!Élise et Camille se rasseyent IRMA, CAMILLE, ÉLISE, L APPRENTIE, JEUNES OUVRIEREScriant Music! TOUTEScriant Music! Music! Music!Les musiciens de la cour obéissent et jouent. Charivari. Les ouvrières dansent et chahutent. Louise se lève. Son visage exprime l angoisse; elle hésite un moment, puis elle va prendre son chapeau et se dispose à sortir IRMA, CAMILLE, ÉLISE, SUZANNE La la la la la la la la La la la la LES AUTRES OUVRIERES La la la la la la la La la la la TOUTESrires Ah! ah! ah! ah! ah!… GERTRUDEs apercevant du trouble de Louise; à Louise Louise, qu avez-vous? Êtes-vous souffrante?d autres ouvrières s approchent L APPRENTIEregardant par la fenêtre Il s en va! LOUISEavec embarras Oui… je ne suis pas bien… J étouffe… je suis tout étourdie…Elle se lève, fiévreuse Je ne puis rester! CAMILLE Tu veux partir?Louise, indécise, semble écouter au loin LOUISEdécidée Oui, je préfèr rentrer chez nous.à Gertrude Vous direz à Madame que j ai dû m en aller…Elle prend son chapeau et va vers la porte. Quelques ouvrières l entourent IRMAaffectueusement Louise, qu as-tu?Louise, embarrassée, ne sait que répondre CAMILLEde même Tu souffres? IRMA Veux-tu que je t accompagne? LOUISE Non, laissez-moi…elle ouvre la porte; bas avec effort Adieu!Elle disparaît. La fanfare s éloigne. Les ouvrières, étonnées, se regardent Scène Troisième ÉLISE Qu est-c qui lui prend? CAMILLE Qu est-c que ça veut dire? IRMAprenant la défense de Louise Elle était malade! SUZANNEironique Comm vous et moi! L APPRENTIEcriant C est la faute au chanteur! ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE Voyons! IRMA, BLANCHE, MARGUERITE Voyons!Elles se précipitent aux fenêtres CAMILLE La voici! GERTRUDErestée assise; criant Eh bien! que fait-elle? ÉLISE, SUZANNE Parfait! IRMA, CAMILLE C est bien ça!Les ouvrières restées assises, se lèvent et courent aux fenêtres TOUTESavec stupéfaction Ah!…Gertrude et la première joignent les mains avec épouvante L APPRENTIEavec transport, criant Ils part nt en prom nade!Elle se roule à terre TOUTESriant aux éclats Ah! ah! ah!Rideau vivement Charpentier,Gustave/Louise/III
https://w.atwiki.jp/biyou55t/pages/114.html
店名 BLANCO CASUAL 電話番号 03-5413-8451 店舗住所 東京都渋谷区神宮前4-25-9 b-town神宮前C棟 店舗までのアクセス 明治神宮前駅 徒歩3分/表参道駅 徒歩5分。千代田線明治神宮前駅5番出口を出て、表参道を青山方面へ、ラルフローレンを過ぎたすぐを左折、道なりに歩き、左手のガラス貼りのサロン。又は表参道駅A2出口より表参道を原宿方面へ、表参道ヒルズを越えてすぐの道を右折し道なりに歩き、左手のガラス貼りのサロン。 営業時間のご案内 平日/12 00~21 00 土日祝/10 00~19 00 定休日 毎週火曜日 取り扱いクレジットカード VISA、Master、JCB、AMEX、Diners、OMC カット価格 6300円~ スタイリスト数 9人 席数 14席 備考 15席以上の大型サロン/夜19時以降も受付OK/ドライカット/デジタルパーマ/パーティーメイク・セット/朝10時前でも受付OK/カード支払いOK/個室あり/お子さま同伴可 ▼原宿のその他の美容院 Life BLESS EXTENSION DIAMO MINX原宿店 hair&make halo apish treat coup-de-vent BACCHUS Tierra pas a pas 3 Little birds LeClub 原宿 MEGA TREND H eitf FORTE原宿店 晴屋 TAYA INTERNATIONAL 原宿 AXCELL GROOVE aJyu MASHU 原宿 COKETH EXTENSION Q9 -harajuku- gift Real green mille-fille ELLE et MOI column BLITZ by La Fiesta brisa 2030 VINGT-TRENTE Loop SHIN 表参道 Hair&Make Watanabe HAIR DRESSING Cura figurista Siren.ex PERMS HAIR81 HYSTERIA 原宿店 Vivo Ratia sherbets BLANCHE ARTISM PATORA 原宿 anny hair DETECT PlusLounge カラム・ナチャ Laheart PiCaSSo FACTORY MINX central marble m2 PEEK-A-BOO
https://w.atwiki.jp/improper_code/pages/77.html
PMPlayer Advance ・PSP用のムービープレイヤー ・高画質のPMP形式の再生に対応している ・他にもPSPでは再生できない動画形式にも対応している (mkv形式、flv形式、3gp形式等) 公式サイト Cooleyes - PSP Developer ※ダウンロードもこちらから 導入方法 現時点で最新版であるv3.1.5には幾つかファイルが欠損しているので、そのまま導入しても「init fail~」と表示されて起動できない。 予め古いバージョンの「ppa.all-en.fw3xx.3.0.6(20091001)」をダウンロードして解凍する。中にある「PPA3xx」が本体。 次に最新版の「ppa.eboot.en.fw3xx.3.1.5(20110421)」をダウンロードし解凍する。 v3.1.5中身を全てv3.0.6の「PPA3xx」フォルダにコピーする。 最後に「PPA3xx」フォルダを、PSPの「PSP/GAME」にコピーすれば完了。 Unofficial PMPlayer for 6.60 ・6.60対応版 公開サイト neur0n - PSP Developer ※ダウンロードもこちらから 導入方法 初期導入の場合は、「ppa_3_1_5(20110421)_6xx/PPA3xx」フォルダを「ms0(ef0) /PSP/GAME/」にコピーする。 古いバージョンを使っている場合は、「cooleyesBridge.prx」を「PMPlayer」のフォルダーに上書きする。
https://w.atwiki.jp/saikouon_dokoda/pages/525.html
通常版データはこちら 詳細データはこちら アルバム別データはこちら hiC# タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 モノクローム ~気付けなかったdevotion~ lowF# hiC# hiC# hiC# 使用音域差が激しい。lowF#は1番Aメロで頻出。 シャカビーチ~Laka Laka La~ mid1C hiC# - - hiB連発。hiC#はhiBとのコンボ。 SORA mid1C# hiC# - - hiC#は計16回。ラップは対象外。 神集め mid1D# hiC# - - サビはhiBまでの使用。hiC#は計25回使用。 -god's followers- mid1D# hiC# - - 1 03のインスト曲 。少しだけ歌詞がある。アルバム「PROGLUTION」で『神集め』に繋がる。音域も『神集め』と同じ。 ゼロの答 mid1F hiC# hiC hiC# hiC#はBメロのみ使用。サビはhiA#までの構成。 Roots mid1G hiC# - - ラップは対象に含む。hiC使用度がかなり高い。hiC#はラストに1回のみの使用。 GO-ON mid1G# hiC# mid2F# hiC# 歌詞情報がまだなくフェイクかどうかの判断が現在わかりません。hiC#はCメロで1回のみ。裏声hiC#もCメロで1回のみ使用。ラップはmid2C#が中心。通常サビの最高音はhiA#。 激動 mid1G# hiC# mid2G# mid2G# 正確にはラップ部分が最低音だがラップは対象外(おそらくmid1C#)。フェイクでhiA#。hiC#はhiBとコンボ。 hiC タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 Just break the limit! mid1A hiC mid2G mid2G hiBとhiCのコンボ。1番Aメロでmid1C連発部分あり。 恋いしくて mid1C hiC hiA hiC# サビでhiA連発、hiCはサビで2回ずつ、裏声hiC#はサビで1回ずつ使用。 病的希求日記 mid1C hiC - - hiCは曲終盤から使用。hiA#が頻出。 brand new ancient mid1C hiC hiB hiB 語り口調の部分は対象外。 DISCORD mid1D# hiC - - ラップは対象外。高音の核はhiA#、hiC。 YURA YURA mid1F hiC hiA hiA フェイクでhiC。サビはhiAまでの構成。hiA#を2番Bメロで1回使用。それ以外のhiA#、hiCはラストの大サビで使用。 畢生皐月プロローグ mid1G hiC - - mid1Gは1回のみ。hiCはサビで計2回使用。 DISCORD(your voices mix) mid2A# hiC - - 『DISCORD』とは歌詞も違っていて、曲の構成も違っている。 hiB タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 energy lowF# hiB - - 最低音はラスサビで瞬音。 Rainy lowF# hiB hiB hiB 2番終了後低音連発。mid2F#、mid2G#が高音の核。 counting song-H lowG# hiB mid2G# hiC# 曲終盤でhiB連発。lowG#はラスサビ前のBメロで使用。それ以外だとmid1C#が最低音。 オトノハ mid1A hiB - - mid1Aは瞬音。hiA頻出。 ハルジオン mid1A hiB hiA hiA hiA頻出。mid1Aは瞬音。 ai ta心 mid1B hiB - - 最低音は瞬音。hiBは頻出。 コロナ mid1B hiB - - mid2G#、hiA頻出。mid1Bはラスサビ前で使用。ハモりでhiC#。 sorrow(file named"moment") mid1B hiB mid2D# mid2D# 4 00まで音無し。ヒューマンビートボックスは対象外。 体温 mid1B hiB - - hiBはhiAとコンボ。 99/100騙しの哲 mid1B hiB - - 語りは対象外。mid1Bは瞬音。hiBは終始使用。hiAがラスサビで頻出。mid2G#が終始連発。 Home 微熱39℃ mid1B hiB - - バッキングは無視。hiB箇所大量にあります UNKNOWN ORCHESTRA mid1C# hiB - - ラップは対象外。 EMPTY96 mid1C# hiB hiC# hiC# ラップは対象外。裏声hiC#はラスサビで1回のみ使用。 LIFEsize mid1C# hiB - - hiA#が頻出。 撃破 mid1D hiB hiA# hiB mid1Dは初めの部分のみ。低音はmid1D#が頻出。 トキノナミダ mid1D hiB hiA hiA hiBはサビで1回ずつ。hiAが頻出。 儚くも永久のカナシ mid1E hiB hiC hiC# hiBは2番Bメロのみで1回使用。サビでhiA#が連発。裏声hiC#は裏声hiCとのコンボでラストのみ使用。 Lump Of Affection mid1E hiB - - フェイクでhiA。hiBはラストに頻出。ラップも対象に含む。ビートボックスは対象外。 浮世CROSSING mid1F# hiB - - hiBがサビで頻出。 Forget mid1F# hiB - - -forecast map 1955- mid1F# hiB - - 1 23のインスト曲。少しだけ歌詞がある。アルバム「PROGLUTION」で次曲の『energy(ENERGY (album ver.))』に繋がる。 Rush mid1F# hiB - - ラップは対象外。hiA#連発。hiBはhiA#とのコンボ。 Live everyday as if it were the last day mid2A# hiB - - ラップは対象外。 hiA# タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 endscape lowG hiA# hiD hiD 出だしでlowGなど低音の構成。裏声hiDはサビで単発で計3回使用。 the truth mid1A# hiA# hiC# hiC# hiA#はサビ締めで頻出。mid2G#、mid2F#が終始頻出。裏声hiC#は各サビで1回ずつ使用の計3回。Aメロは低音構成でmid1A#を含み低音連発。 = mid1C hiA# - - hiA#の使用回数は少なめ。 ~流れ・空虚・THIS WORD~ mid1C hiA# - - hiA頻出。 Revolve mid1C# hiA# hiC# hiC# 裏声hiC#は1回のみ。hiA#頻出。ウィスパーボイス多用。 マダラ蝶 mid1D hiA# hiC hiC hiA#は1番以外のサビで使用で計3回。hiAがサビで頻出。裏声hiCは各サビで使用。mid1Dは瞬音。 core ability +81 mid1D# hiA# hiA# hiA# PRIME mid1D# hiA# - - ラップなためほぼ測定不能。楽譜が無ければ恐らく正確にはわかりません。 シャルマンノウラ mid1E hiA# - - ラストの転調で+1。それまでの最高音はhiA。 君の好きなうた mid1F# hiA# mid2G# mid2G# hiA#はサビで1回ずつ。 心が指す場所と口癖そして君がついて来る mid1F# hiA# - - hiA タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 D-tecnoLife mid1B hiA - - mid2G連発。 アイ・アム Riri mid1C# hiA hiC hiC フェイクで地声hiC。語り部分、ラップは対象外。語り部分で低音連発。hiAが頻出。裏声hiCはラスサビで1回のみ使用。 扉 mid1E hiA mid2E mid2G hiAはCメロで1回のみ。mid2Gが超連発する箇所あり。ウィスパーボイス多用。 僕に重なってくる今 mid1E hiA - - Colors of the Heart mid1F# hiA mid2D mid2F# フェイクでhiB。最低音はラスサビで使用。 SHINE mid1F# hiA hiA hiA ラップは対象外。mid1F#は瞬音。 Nitro mid1F# hiA - - ラップは対象に含む。スクラッチは対象外。 CHANCE! mid1G hiA - - hiAは1回のみ使用。 GROOVY GROOVY GROOVY mid2A hiA - - ラップは対象外。 mid2G# タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 美影意志 lowG# mid2G# mid2F mid2F lowG#は瞬音。低域ではmid1D#が頻出。高域ではmid2G#がサビで頻出。 earthy world mid1C# mid2G# - - 哀しみはきっと mid1C# mid2G# mid2G# hiC mid2G#がラストで連発。裏声hiCは各サビで使用。 51% mid1E mid2G# hiA hiA just Melody mid1F mid2G# - - SHAMROCK mid1F# mid2G# hiA# hiB 裏声hiBはサビで2回ずつ使用。 mid2G タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 over the stoic mid1B mid2G - - インスト曲。フェイクでmid1F#。歌詞は少しあるがラップなためほぼ測定不能。 mid2F# タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 一人じゃないから mid1D# mid2F# - - ラップは対象外。 mid2E タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 凛句 mid1E mid2E - - 最低音、最高音共に頻出。 to the world(SE) mid1F# mid2E - - 1 46、ほぼインスト曲。 mid2D タイトル 地低 地高 裏低 裏高 備考 志 -kokorozashi- mid1C# mid2D hiA hiC# tickのカバー曲。最低音は瞬音。裏声最高音は曲の出だし他3回。 Burst mid1G mid2D - - ラップ構成のサウンドナンバー。使用音域が非常に狭い。ラップも対象に含んでます。 UVERworld UVERworld (詳細)
https://w.atwiki.jp/oper/pages/2830.html
Prologue. Le Theatre represente le Palais du Temps, où ce Dieu paroît au milieu des douze Heures du Jour, et des douze Heures de la Nuit. LE TEMPS En vain j ai respecté la celebre memoire Des Heros des siecles passez; C est en vain que leurs noms si fameux dans l Histoire, Du sort des noms communs ont été dispensez Nous voions un Heros dont la brillante gloire Les a presque tous effacez. CHOEUR DES HEURES Ses justes Loix, Ses grands Exploits Rendront sa memoire éternelle Chaque Jour, chaque Instant Ajoûte encor à son nom éclatant Une gloire nouvelle. La Déesse Flore conduite par un des Zephirs, s avance avec une Troupe de Nymphes, qui portent divers ornemens de fleurs. LE TEMPS La Saison des frimas peut-elle nous offrir Les fleurs que nous voyons paroître? Quel Dieu les fait renaître Lorsque l hyver les fait mourir? Le froid cruel regne encore; Tout est glacé dans les champs, D où vient que Flore Devance le Printemps? FLORE Quand j attens les beaux Jours, je viens toujours trop tard, Plus le Printemps s avance, et plus il m est contraire Son retour presse le départ, Du Heros à qui je veux plaire. Pour lui faire ma Cour mes soins ont entrepris De braver desormais l hyver le plus terrible, Dans l ardeur de lui plaire on a bien-tôt apris A ne rien trouver d impossible. LE TEMPS ET FLORE Les Plaisirs à ses yeux ont beau se presenter, Si tôt qu il voit Bellonne, il quite tout pour elle; Rien ne peut l arrêter Quand la Gloire l appelle. Les Choeurs des Heures repete ces deux derniers Vers. La Suite de Flore commence des Jeux mêlez de Dances et de Chants. UN ZEPHIR Le Printemps quelquefois est moins doux qu il ne semble, Il fait trop paier ses beaux jours; Il vient pour écarter les Jeux et les Amours; Et c est l Hyver qui les rassemble. Melpomene, qui est la Muse qui préside à la Tragedie, vient accompagnée d une Troupe de Heros, elle est suivie d Hercule, d Anthæe, de Castor, de Pollux, de Lyncée, d Idas, d Etheocle, et de Polinice. MELPOMENE parlant à Flore. Retirés vous, cessés de prévenir le tems, Ne me dérobés point de précieux instans, La puissante Cybele. Pour honorer Atys qu elle a privé du jour, Veut que je renouvelle Dans une illustre Cour Le souvenir de son amour, Que l agrément rustique De Flore et de ses Jeux, Cede à l apareil magnifique De la Muse tragique Et de ses Spectacles pompeux. La Suite de Melpomene prend la place de la Suite de Flore. Les Heros recommencent leurs anciennes querelles. Hercule combat et lutte contre Antæe, Castor et Pollux combattent contre Lyncée et Idas, et Etheocle combat contre son frere et Polynice. Iris, par l ordre de Cybele, vient accorder Melpomene et Flore. IRIS parlant à Melpomene. Cybele veut que Flore aujourd hui vous seconde, Il faut que les Plaisirs viennent de toutes parts, Dans l Empire puissant où regne un nouveau MARS, Ils n ont plus d autre azile au monde. Rendés-vous, s il se peut, digne de ses regards; Joignés la beauté vive et pure Dont brille la Nature, Aux ornemens des plus beaux Arts. La suite de Melpomene s accorde avec la suite de Flore. MELPOMENE ET FLORE Rendons-nous, s il se peut, dignes de ses regards, Joignons la beauté vive et pure Dont brille la Nature Aux ornemens des plus beaux Arts. LE TEMPS, et le Choeur des Heures. Préparés de nouvelles Fêtes, Profités du loisir du plus grand des Heros. LE TEMS, MELPOMENE ET FLORE Préparez de nouvelles Fêtes. Préparons de nouvelles Fêtes. Profitez du loisir du plus grand des Heros. Profitons du loisir du plus grand des Heros. Tous ensemble. Le tems des jeux, et du repos, Lui sert à méditer de nouvelles conquêtes. Fin du Prologue. La scene est en Phrygie. Acte I. Le Theatre represente une Montagne consacrée à Cybele. Scene premiere. ATYS Allons, allons, accourez-tous, Cybele va descendre, Trop heureux Phrygiens, venez ici l attendre. Mille Peuples seront jaloux, Des faveurs que sur nous Sa bonté va répandre. Scene II. IDAS, ATYS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. ATYS Le Soleil peint nos champs des plus vives couleurs, Il a seché les pleurs, Que sur l émail des prez a répandu l Aurore Et ses rayons nouveaux ont déja fait éclore Mille nouvelles fleurs. IDAS Vous veillez lors que tout sommeille; Vous nous éveillez si matin, Que vous ferez croire à la fin Que c est l Amour qui vous éveille. ATYS Non, tu dois mieux juger du parti que je prens. Mon coeur veut fuir toujours les soins et les mysteres; J aime l heureuse paix des coeurs indifferens; Si leurs plaisirs ne sont pas grands, Au moins leurs peines sont legeres. IDAS Tôt ou tard l amour est vainqueur, En vain les plus fiers s en défendent, On ne peut refuser son coeur A de beaux yeux qui le demandent. Atys, ne feignés plus, je sçai votre secret. Ne craignés rien, je suis discret. Dans un bois solitaire et sombre, L indifferent Atys se croioit seul un jour, Sous un feuillage épais où je révois à l ombre, Je l entendis parler d amour. ATYS Si je parle d amour, c est contre son empire, J en fais mon plus doux entretien. IDAS Tel se vante de n aimer rien, Dont le coeur en secret soûpire. J entendis vos regrets, et je les sçai si bien Que si vous en doutez, je vai vous les redire. Amans qui vous plaignez, vous êtes trop heureux Mon coeur de tous les coeurs est le plus amoureux, Et tout prêt d expirer je suis réduit à feindre; Que c est un tourment rigoureux De mourir d amour sans se plaindre! Amans qui vous plaignés, vous êtes trop heureux. Idas, il est trop vrai, mon coeur n est que trop tendre, L Amour me fait sentir ses plus funestes coups. Qu aucun autre que toi n en puisse rien apprendre. Scene III. Sangaride, Doris, Atys, Idas. SANGARIDE ET DORIS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. SANGARIDE Que dans nos concerts les plus doux, Son nom sacré se fasse entendre. ATYS Sur l Univers entier son pouvoir doit s étendre. SANGARIDE Les Dieux suivent ses loix et craigneut son couroux. ATYS, SANGARIDE, IDAS, DORIS Quels honneurs! quels respects ne doit-on point lui rendre? Allons, allons, accourez-tous, Cybele va descendre. SANGARIDE Ecoutons les oiseaux de ces bois d alentour. Ils remplissent leurs chants d une douceur nouvelle. On diroit que dans ce beau jour, Ils ne parlent que de Cybele. ATYS Si vous les écoutez, ils parleront d amour. Un Roi redoutable, Amoureux aimable, Va devenir vôtre Epoux; Tout parle d amour pour vous. SANGARIDE Il est vrai, je triomphe, et j aime ma victoire. Quand l Amour fait regner, est-il un plus grand bien? Pour vous, Atys, vous n aimez rien, Et vous en faites gloire. ATYS L Amour fait trop verser de pleurs; Souvent ses douceurs sont mortelles Il ne faut regarder les Belles Que comme on voit d aimables fleurs. J aime les Roses nouvelles, J aime à les voir s embellir, Sans leurs épines cruelles, J aimereis à les cueillir. SANGARIDE Quand le peril est agreable, Le moyen de s en allarmer? Est ce un grand mal de trop aimer Ce que l on trouve aimable? Peut-on être insensible aux plus charmans appas? ATYS Non, vous ne me connoissez pas. Je me défens d aimer autant qu il m est possible; Si j aimois, un jour, par malheur, Je connois bien mon coeur, Il seroit trop sensible. Mais il faut que chacun s assemble prés de vous, Cybele pourroit nous surprendre. ATYS ET IDAS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. Scene IV. Sangaride, Doris. SANGARIDE Atys est trop heureux. DORIS L amitié fut toujours égale entre vous deux, Et le sang, d assés prés vous lie Quelque soit son bonheur, lui portez-vous envie? Vous, qu aujourd hui l Hymen avec de si beaux noeuds Doit unir au Roi de Phrygie? SANGARIDE Atys est trop heureux. Souverain de son coeur, maître de tous ses voeux, Sans crainte, sans melancolie, Il joüit en repos des beaux jours de sa vie; Atys ne connoît point les tourmens amoureux, Atys est trop heureux. DORIS Quel mal vous fait l Amour? votre chagrin m étonne. SANGARIDE Je te fie un secret qui n est sçu de personne Je devrois aimer un Amant Qui m offre une Couronne; Mais; helas! vainement Le devoir me l ordonne, L Amour pour mon tourment, En ordonne autrement DORIS Aimeriez-vous Atys, lui dont l indifference Brave avec tant d orgueil l Amour et sa puissance? SANGARIDE J aime, Atys, en secret, mon crime est sans témoins. Pour vaincre mon amour, je mets tout en usage, J appelle ma raison, j anime mon courage; Mais à quoi servent tous mes soins? Mon coeur en souffre davantage, Et n en aime pas moins. DORIS C est le commun défaut des belles, L ardeur des Conquêtes nouvelles Fait négliger les coeurs qu on a trop tôt charmez. Et les indifferens sont quelquefois aimez Aux dépens des Amans fidelles. Mais vous vous exposez à des peines cruelles. SANGARIDE Toujours aux yeux d Atys je serai sans appas; Je le sai, j y consens, je veux, s il est possible, Qu il soit encore plus insensible; S il me pouvoit aimer, que deviendrois-je? helas! C est mon plus grand bonheur qu Atys ne m aime pas. Je prétens être heureuse, au moins en apparence; Au destin d un grand Roi je me vais attacher. SANGARIDE ET DORIS Un amour malheureux dont le devoir s offence, Se doit condamner au silence; Un amour malheureux qu on nous peut reprocher, Ne sauroit trop bien se cacher. Scene V. Atys, Sangaride, Doris. ATYS On voit dans ces campagnes Tout nos Phrygiens s avancer. DORIS Je vais prendre soin de presser Les Nymphes nos Compagnes. Scene VI. Atys, Sangaride. ATYS Sangaride, ce jour est un grand jour pour vous, SANGARIDE Nous ordonnons tous deux la fête de Cybele, L honneur est égal entre nous. ATYS Ce jour même un Grand Roi doît être votre Epoux, Je ne vous vis jamais si contente et si belle; Que le sort du Roi sera doux! SANGARIDE L indifferent Atys n en sera point jaloux. ATYS Vivez tous deux contens, c est ma plus chere envie, J ai pressé votre Hymen, j ai servi vos amours. Mais enfin ce grand jour, le plus beau de vos jours, Sera le dernier de ma vie. SANGARIDE O Dieux! ATYS Ce n est qu à vous que je veux reveler Le secret desespoir où mon malheur me livre; Je n ai que trop sçu feindre, il est temps de parler; Qui n a plus qu un moment à vivre, N a plus rien à dissimuler. SANGARIDE Je frémis, ma crainte est extrême; Atys, par quel malheur faut-il vous voir perir? ATYS Vous me condamnerez vous-même, Et vous me laisserez mourir. SANGARIDE J armerai, s il le faut, tout le pouvoir suprême ... ATYS Non, rien ne me peut secourir, Je meurs d amour pour vous, je n en saurois guérir. SANGARIDE Quoi? vous? ATYS Il est trop vrai. SANGARIDE Vous m aimez? ATYS Je vous aime. Vous me condamnerez vous-même, Et vous me laisserez mourir. J ai merité qu on me punisse, J offence un Rival genereux, Qui par mille bienfaits a prévenu mes voeux Mais je l offence en vain, vous lui rendés justice; Ah! que c est un cruel supplice D avoüer qu un Rival est digne d être heureux! Prononcés mon arrêt, parlés sans vous contraindre. SANGARIDE Helas! ATYS Vous soupirez? je voi couler vos pleurs? D un malheureux amour plaignez-vous les douleurs? SANGARIDE Atys, que vous seriez à plaindre Si vous saviez tous vos malheurs! ATYS Si je vous pers, et si je meurs, Que puis je encor avoir à craindre? SANGARIDE C est peu de perdre en moi ce qui vous a charmé, Vous me perdez, Atys, et vous êtes aimé. ATYS Aimé! qu entens je? ô Ciel! quel aveu favorable! SANGARIDE Vous en serez plus miserable. ATYS Mon malheur en est plus affreux, Le bonheur que je pers doit redoubler ma rage; Mais n importe, aimés-moi, s il se peut d avantage, Quand j en devrois mourir cent fois plus malheureux. SANGARIDE Si vous cherchés la mort, il faut que je vous suive; Vivés, c est mon amour qui vous en fait la loi. ATYS Hé comment! hé pourquoi Voulez-vous que je vive, Si vous ne vivez pas pour moi? ATYS ET SANGARIDE Si l Hymen unissoit mon destin et le vôtre, Que ses noeuds auroient eû d attraits! L Amour fit nos coeurs l un pour l autre, Faut-il que le devoir les sépare à jamais? ATYS Devoir impitoiable! Ah quelle cruauté! SANGARIDE On vient, feignez encor, craignés d être écouté. ATYS Aimons un bien plus durable Que l éclat de la Beauté Rien n est plus aimable Que la liberté. Scene VII. Atys, Sangaride, Doris, Idas, Choeur de Phrygiens chantans. Choeur de Phrygiennes chantantes. Troupe de Phrygiens dançans. Troupe de Phrygiennes dançantes. ATYS Mais déja de ce Mont sacré Le sommet paroît éclairé D une splendeur nouvelle. SANGARIDE, s avançant vers la Montagne. La Déesse descend, allons au devant d elle. ATYS ET SANGARIDE Commençons, commençons De celebrer ici sa fête solemnelle, Commençons, commençons Nos Jeux et nos Chansons. Le Choeur repete ces deux derniers Vers. ATIS ET SANGARIDE Il est temps que chacun fasse éclater son zele. Venés, Reine des Dieux, venez, Venés favorable Cybele. Les Choeurs repetent ces deux derniers Vers. ATYS Quittés votre Cour immortelle, Choisissez ces lieux fortunez Pour votre demeure éternelle. LES CHOEURS Venez, Reine des Dieux, venez. SANGARIDE La Terre sous vos pas va devenir plus belle Que le séjour des Dieux que vous abandonnez. LES CHOEURS Venez favorable Cybele. ATYS ET SANGARIDE Venez voir les Autels qui vous sont destinez. ATYS SANGARIDE, IDAS, DORIS ET LES CHOEURS Ecoutez un Peuple fidelle, Qui vous appelle, Venés, Reine des Dieux, venez, Venés, favorable Cybele. Scene VIII. La Déesse Cybele paroît, et les Phrygiens et les Phrygiennes lui témoignent leur joie et leur respect. CYBELE Venés tous dans mon Temple, et que chacun revere Le Sacrificateur dont je vais faire choix Je m expliquerai par sa voix, voeux qu il m offrira seront sûrs de me plaire, Je reçoi vos respects, j aime à voir les honneurs Dont vous me presentés un éclatant hommage, Mais l hommage des coeurs Est ce que j aime davantage. Vous devez vous animer D une ardeur nouvelle, S il faut honorer Cybele, Il faut encor plus l aimer. Cybele se va rendre dans son Temple, tous les Phrygiens s empressent d y aller, et repetent les quatre derniers Vers que la Déesse a prononcez. LES CHOEURS Nous devons nous animer D une ardeur nouvelle, S il faut honorer Cybele, Il faut encor plus l aimer. Fin du premier Acte. Prologue. Le Theatre represente le Palais du Temps, où ce Dieu paroît au milieu des douze Heures du Jour, et des douze Heures de la Nuit. LE TEMPS En vain j ai respecté la celebre memoire Des Heros des siecles passez; C est en vain que leurs noms si fameux dans l Histoire, Du sort des noms communs ont été dispensez Nous voions un Heros dont la brillante gloire Les a presque tous effacez. CHOEUR DES HEURES Ses justes Loix, Ses grands Exploits Rendront sa memoire éternelle Chaque Jour, chaque Instant Ajoûte encor à son nom éclatant Une gloire nouvelle. La Déesse Flore conduite par un des Zephirs, s avance avec une Troupe de Nymphes, qui portent divers ornemens de fleurs. LE TEMPS La Saison des frimas peut-elle nous offrir Les fleurs que nous voyons paroître? Quel Dieu les fait renaître Lorsque l hyver les fait mourir? Le froid cruel regne encore; Tout est glacé dans les champs, D où vient que Flore Devance le Printemps? FLORE Quand j attens les beaux Jours, je viens toujours trop tard, Plus le Printemps s avance, et plus il m est contraire Son retour presse le départ, Du Heros à qui je veux plaire. Pour lui faire ma Cour mes soins ont entrepris De braver desormais l hyver le plus terrible, Dans l ardeur de lui plaire on a bien-tôt apris A ne rien trouver d impossible. LE TEMPS ET FLORE Les Plaisirs à ses yeux ont beau se presenter, Si tôt qu il voit Bellonne, il quite tout pour elle; Rien ne peut l arrêter Quand la Gloire l appelle. Les Choeurs des Heures repete ces deux derniers Vers. La Suite de Flore commence des Jeux mêlez de Dances et de Chants. UN ZEPHIR Le Printemps quelquefois est moins doux qu il ne semble, Il fait trop paier ses beaux jours; Il vient pour écarter les Jeux et les Amours; Et c est l Hyver qui les rassemble. Melpomene, qui est la Muse qui préside à la Tragedie, vient accompagnée d une Troupe de Heros, elle est suivie d Hercule, d Anthæe, de Castor, de Pollux, de Lyncée, d Idas, d Etheocle, et de Polinice. MELPOMENE parlant à Flore. Retirés vous, cessés de prévenir le tems, Ne me dérobés point de précieux instans, La puissante Cybele. Pour honorer Atys qu elle a privé du jour, Veut que je renouvelle Dans une illustre Cour Le souvenir de son amour, Que l agrément rustique De Flore et de ses Jeux, Cede à l apareil magnifique De la Muse tragique Et de ses Spectacles pompeux. La Suite de Melpomene prend la place de la Suite de Flore. Les Heros recommencent leurs anciennes querelles. Hercule combat et lutte contre Antæe, Castor et Pollux combattent contre Lyncée et Idas, et Etheocle combat contre son frere et Polynice. Iris, par l ordre de Cybele, vient accorder Melpomene et Flore. IRIS parlant à Melpomene. Cybele veut que Flore aujourd hui vous seconde, Il faut que les Plaisirs viennent de toutes parts, Dans l Empire puissant où regne un nouveau MARS, Ils n ont plus d autre azile au monde. Rendés-vous, s il se peut, digne de ses regards; Joignés la beauté vive et pure Dont brille la Nature, Aux ornemens des plus beaux Arts. La suite de Melpomene s accorde avec la suite de Flore. MELPOMENE ET FLORE Rendons-nous, s il se peut, dignes de ses regards, Joignons la beauté vive et pure Dont brille la Nature Aux ornemens des plus beaux Arts. LE TEMPS, et le Choeur des Heures. Préparés de nouvelles Fêtes, Profités du loisir du plus grand des Heros. LE TEMS, MELPOMENE ET FLORE Préparez de nouvelles Fêtes. Préparons de nouvelles Fêtes. Profitez du loisir du plus grand des Heros. Profitons du loisir du plus grand des Heros. Tous ensemble. Le tems des jeux, et du repos, Lui sert à méditer de nouvelles conquêtes. Fin du Prologue. La scene est en Phrygie. Acte I. Le Theatre represente une Montagne consacrée à Cybele. Scene premiere. ATYS Allons, allons, accourez-tous, Cybele va descendre, Trop heureux Phrygiens, venez ici l attendre. Mille Peuples seront jaloux, Des faveurs que sur nous Sa bonté va répandre. Scene II. IDAS, ATYS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. ATYS Le Soleil peint nos champs des plus vives couleurs, Il a seché les pleurs, Que sur l émail des prez a répandu l Aurore Et ses rayons nouveaux ont déja fait éclore Mille nouvelles fleurs. IDAS Vous veillez lors que tout sommeille; Vous nous éveillez si matin, Que vous ferez croire à la fin Que c est l Amour qui vous éveille. ATYS Non, tu dois mieux juger du parti que je prens. Mon coeur veut fuir toujours les soins et les mysteres; J aime l heureuse paix des coeurs indifferens; Si leurs plaisirs ne sont pas grands, Au moins leurs peines sont legeres. IDAS Tôt ou tard l amour est vainqueur, En vain les plus fiers s en défendent, On ne peut refuser son coeur A de beaux yeux qui le demandent. Atys, ne feignés plus, je sçai votre secret. Ne craignés rien, je suis discret. Dans un bois solitaire et sombre, L indifferent Atys se croioit seul un jour, Sous un feuillage épais où je révois à l ombre, Je l entendis parler d amour. ATYS Si je parle d amour, c est contre son empire, J en fais mon plus doux entretien. IDAS Tel se vante de n aimer rien, Dont le coeur en secret soûpire. J entendis vos regrets, et je les sçai si bien Que si vous en doutez, je vai vous les redire. Amans qui vous plaignez, vous êtes trop heureux Mon coeur de tous les coeurs est le plus amoureux, Et tout prêt d expirer je suis réduit à feindre; Que c est un tourment rigoureux De mourir d amour sans se plaindre! Amans qui vous plaignés, vous êtes trop heureux. Idas, il est trop vrai, mon coeur n est que trop tendre, L Amour me fait sentir ses plus funestes coups. Qu aucun autre que toi n en puisse rien apprendre. Scene III. Sangaride, Doris, Atys, Idas. SANGARIDE ET DORIS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. SANGARIDE Que dans nos concerts les plus doux, Son nom sacré se fasse entendre. ATYS Sur l Univers entier son pouvoir doit s étendre. SANGARIDE Les Dieux suivent ses loix et craigneut son couroux. ATYS, SANGARIDE, IDAS, DORIS Quels honneurs! quels respects ne doit-on point lui rendre? Allons, allons, accourez-tous, Cybele va descendre. SANGARIDE Ecoutons les oiseaux de ces bois d alentour. Ils remplissent leurs chants d une douceur nouvelle. On diroit que dans ce beau jour, Ils ne parlent que de Cybele. ATYS Si vous les écoutez, ils parleront d amour. Un Roi redoutable, Amoureux aimable, Va devenir vôtre Epoux; Tout parle d amour pour vous. SANGARIDE Il est vrai, je triomphe, et j aime ma victoire. Quand l Amour fait regner, est-il un plus grand bien? Pour vous, Atys, vous n aimez rien, Et vous en faites gloire. ATYS L Amour fait trop verser de pleurs; Souvent ses douceurs sont mortelles Il ne faut regarder les Belles Que comme on voit d aimables fleurs. J aime les Roses nouvelles, J aime à les voir s embellir, Sans leurs épines cruelles, J aimereis à les cueillir. SANGARIDE Quand le peril est agreable, Le moyen de s en allarmer? Est ce un grand mal de trop aimer Ce que l on trouve aimable? Peut-on être insensible aux plus charmans appas? ATYS Non, vous ne me connoissez pas. Je me défens d aimer autant qu il m est possible; Si j aimois, un jour, par malheur, Je connois bien mon coeur, Il seroit trop sensible. Mais il faut que chacun s assemble prés de vous, Cybele pourroit nous surprendre. ATYS ET IDAS Allons, allons, accourez tous, Cybele va descendre. Scene IV. Sangaride, Doris. SANGARIDE Atys est trop heureux. DORIS L amitié fut toujours égale entre vous deux, Et le sang, d assés prés vous lie Quelque soit son bonheur, lui portez-vous envie? Vous, qu aujourd hui l Hymen avec de si beaux noeuds Doit unir au Roi de Phrygie? SANGARIDE Atys est trop heureux. Souverain de son coeur, maître de tous ses voeux, Sans crainte, sans melancolie, Il joüit en repos des beaux jours de sa vie; Atys ne connoît point les tourmens amoureux, Atys est trop heureux. DORIS Quel mal vous fait l Amour? votre chagrin m étonne. SANGARIDE Je te fie un secret qui n est sçu de personne Je devrois aimer un Amant Qui m offre une Couronne; Mais; helas! vainement Le devoir me l ordonne, L Amour pour mon tourment, En ordonne autrement DORIS Aimeriez-vous Atys, lui dont l indifference Brave avec tant d orgueil l Amour et sa puissance? SANGARIDE J aime, Atys, en secret, mon crime est sans témoins. Pour vaincre mon amour, je mets tout en usage, J appelle ma raison, j anime mon courage; Mais à quoi servent tous mes soins? Mon coeur en souffre davantage, Et n en aime pas moins. DORIS C est le commun défaut des belles, L ardeur des Conquêtes nouvelles Fait négliger les coeurs qu on a trop tôt charmez. Et les indifferens sont quelquefois aimez Aux dépens des Amans fidelles. Mais vous vous exposez à des peines cruelles. SANGARIDE Toujours aux yeux d Atys je serai sans appas; Je le sai, j y consens, je veux, s il est possible, Qu il soit encore plus insensible; S il me pouvoit aimer, que deviendrois-je? helas! C est mon plus grand bonheur qu Atys ne m aime pas. Je prétens être heureuse, au moins en apparence; Au destin d un grand Roi je me vais attacher. SANGARIDE ET DORIS Un amour malheureux dont le devoir s offence, Se doit condamner au silence; Un amour malheureux qu on nous peut reprocher, Ne sauroit trop bien se cacher. Scene V. Atys, Sangaride, Doris. ATYS On voit dans ces campagnes Tout nos Phrygiens s avancer. DORIS Je vais prendre soin de presser Les Nymphes nos Compagnes. Scene VI. Atys, Sangaride. ATYS Sangaride, ce jour est un grand jour pour vous, SANGARIDE Nous ordonnons tous deux la fête de Cybele, L honneur est égal entre nous. ATYS Ce jour même un Grand Roi doît être votre Epoux, Je ne vous vis jamais si contente et si belle; Que le sort du Roi sera doux! SANGARIDE L indifferent Atys n en sera point jaloux. ATYS Vivez tous deux contens, c est ma plus chere envie, J ai pressé votre Hymen, j ai servi vos amours. Mais enfin ce grand jour, le plus beau de vos jours, Sera le dernier de ma vie. SANGARIDE O Dieux! ATYS Ce n est qu à vous que je veux reveler Le secret desespoir où mon malheur me livre; Je n ai que trop sçu feindre, il est temps de parler; Qui n a plus qu un moment à vivre, N a plus rien à dissimuler. SANGARIDE Je frémis, ma crainte est extrême; Atys, par quel malheur faut-il vous voir perir? ATYS Vous me condamnerez vous-même, Et vous me laisserez mourir. SANGARIDE J armerai, s il le faut, tout le pouvoir suprême ... ATYS Non, rien ne me peut secourir, Je meurs d amour pour vous, je n en saurois guérir. SANGARIDE Quoi? vous? ATYS Il est trop vrai. SANGARIDE Vous m aimez? ATYS Je vous aime. Vous me condamnerez vous-même, Et vous me laisserez mourir. J ai merité qu on me punisse, J offence un Rival genereux, Qui par mille bienfaits a prévenu mes voeux Mais je l offence en vain, vous lui rendés justice; Ah! que c est un cruel supplice D avoüer qu un Rival est digne d être heureux! Prononcés mon arrêt, parlés sans vous contraindre. SANGARIDE Helas! ATYS Vous soupirez? je voi couler vos pleurs? D un malheureux amour plaignez-vous les douleurs? SANGARIDE Atys, que vous seriez à plaindre Si vous saviez tous vos malheurs! ATYS Si je vous pers, et si je meurs, Que puis je encor avoir à craindre? SANGARIDE C est peu de perdre en moi ce qui vous a charmé, Vous me perdez, Atys, et vous êtes aimé. ATYS Aimé! qu entens je? ô Ciel! quel aveu favorable! SANGARIDE Vous en serez plus miserable. ATYS Mon malheur en est plus affreux, Le bonheur que je pers doit redoubler ma rage; Mais n importe, aimés-moi, s il se peut d avantage, Quand j en devrois mourir cent fois plus malheureux. SANGARIDE Si vous cherchés la mort, il faut que je vous suive; Vivés, c est mon amour qui vous en fait la loi. ATYS Hé comment! hé pourquoi Voulez-vous que je vive, Si vous ne vivez pas pour moi? ATYS ET SANGARIDE Si l Hymen unissoit mon destin et le vôtre, Que ses noeuds auroient eû d attraits! L Amour fit nos coeurs l un pour l autre, Faut-il que le devoir les sépare à jamais? ATYS Devoir impitoiable! Ah quelle cruauté! SANGARIDE On vient, feignez encor, craignés d être écouté. ATYS Aimons un bien plus durable Que l éclat de la Beauté Rien n est plus aimable Que la liberté. Scene VII. Atys, Sangaride, Doris, Idas, Choeur de Phrygiens chantans. Choeur de Phrygiennes chantantes. Troupe de Phrygiens dançans. Troupe de Phrygiennes dançantes. ATYS Mais déja de ce Mont sacré Le sommet paroît éclairé D une splendeur nouvelle. SANGARIDE, s avançant vers la Montagne. La Déesse descend, allons au devant d elle. ATYS ET SANGARIDE Commençons, commençons De celebrer ici sa fête solemnelle, Commençons, commençons Nos Jeux et nos Chansons. Le Choeur repete ces deux derniers Vers. ATIS ET SANGARIDE Il est temps que chacun fasse éclater son zele. Venés, Reine des Dieux, venez, Venés favorable Cybele. Les Choeurs repetent ces deux derniers Vers. ATYS Quittés votre Cour immortelle, Choisissez ces lieux fortunez Pour votre demeure éternelle. LES CHOEURS Venez, Reine des Dieux, venez. SANGARIDE La Terre sous vos pas va devenir plus belle Que le séjour des Dieux que vous abandonnez. LES CHOEURS Venez favorable Cybele. ATYS ET SANGARIDE Venez voir les Autels qui vous sont destinez. ATYS SANGARIDE, IDAS, DORIS ET LES CHOEURS Ecoutez un Peuple fidelle, Qui vous appelle, Venés, Reine des Dieux, venez, Venés, favorable Cybele. Scene VIII. La Déesse Cybele paroît, et les Phrygiens et les Phrygiennes lui témoignent leur joie et leur respect. CYBELE Venés tous dans mon Temple, et que chacun revere Le Sacrificateur dont je vais faire choix Je m expliquerai par sa voix, voeux qu il m offrira seront sûrs de me plaire, Je reçoi vos respects, j aime à voir les honneurs Dont vous me presentés un éclatant hommage, Mais l hommage des coeurs Est ce que j aime davantage. Vous devez vous animer D une ardeur nouvelle, S il faut honorer Cybele, Il faut encor plus l aimer. Cybele se va rendre dans son Temple, tous les Phrygiens s empressent d y aller, et repetent les quatre derniers Vers que la Déesse a prononcez. LES CHOEURS Nous devons nous animer D une ardeur nouvelle, S il faut honorer Cybele, Il faut encor plus l aimer. Fin du premier Acte. Lully,Jean-Baptiste/Atys/II
https://w.atwiki.jp/youtube-80s-pops/pages/86.html
Herbie Hancock Rockit artist-H
https://w.atwiki.jp/visualize/pages/29.html
職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 プリースト 5次鈍器 エド 精神 ルルベ プリースト 5次片手 ベド 精神 奈智 プリースト 5次片手 ベド める ジャムを持参 プリースト 5次片手 ベド ★ vancouver プリースト 5次片手 ベド ★ あいく プリースト 5次片手 ベド ★ くろな テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 知能 キルシェ・マーヤ テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 知能 minami テンプラー 5次鈍器 ベド 知能 とらいあんぐる テンプラー 5次鈍器 ベド 知能 バフマシーン オムレツ ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 力 Allex ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 体力 ダンデライオン ディフェンダー 5次鈍器 ベド 体力 ロフ。 ふろ。 ディフェンダー 5次鈍器 ベド 体力 シャーベット ディフェンダー 5次短剣 エド 体力 炎蘭 ディフェンダー 5次短剣 エド 体力 マイブリス ガーディアン 5次片手 ベド 力 Vuncool ガーディアン 4次片手 エド 力 Ψ尖Ψ レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 ASQEW レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 ゆどうふ だーりん レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 アウラ・タカSP レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 創志 レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 ヒマワリン レンジャー 5次石弓 エド 体力 Juicy レンジャー 4次石弓 エド 体力 シンシア アベンジャー 5次爪 エド 体力 アドニス アベンジャー 5次短剣 エド 瞬発or体力 yopo バーサーカー 5次長柄 ベド ★ 力 Afterburner ウィザード 5次短剣 ベド 体力 春紫苑 ウィザード 5次杖 ベド ★ 体力 ラっこ ウィザード 5次杖 ベド ★ 体力 ウルズ7 ウィザード 5次片手 ベド ★ 体力 前田・改 ウィザード 5次片手 ベド ★ 体力 ルイ リノアψ ウィザード 5次杖 ベド 体力 バフォメット マルファス ウォーロック 5次杖 ベド 体力 鬼畜 ウォーロック 生産短剣 ベド ★ 敏捷 ビビ ウォーロック 5次杖 ベド 知能 けい けいすけ ドラゴンセージ 5次ゼン ベド ★ 知能 キュイ エクスタシー ドラゴンセージ 5次ゼン ベド 力 桃千代 サブデータ 職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 テンプラー 4次鈍器 エド 知能 けいすけ けい ガーディアン 5次片手 ベド 力 ジャムを持参 める ガーディアン 5次片手 ベド ★ 力 リノアψ ルイ ウィザード 5次杖 ベド 知能 だーりん ゆどうふ ウィザード 5次片手 ベド 体力 ふろ。 ロフ。 ウィザード 5次杖 ベド ★ 知能 エクスタシー キュイ ウォーロック 5次杖 ベド ★ 体力 オムレツ バフマシーン ドラゴンセージ 5次ゼン ベド 体力 マルファス バフォメット 休止・引退・稀に参加 職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 プリースト ベルキス プリースト ♪凛♪ プリースト 5次片手 ベド 精=体 プリン プリースト 5次片手 ベド ★ ☆☆りゅみ☆☆ テンプラー 5次鈍器 エド 精神 ぴょこたん テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 精神 かこ テンプラー 5次鈍器 ベド 知能 とん テンプラー 生産鈍器 グラ 知能 ハレー彗星 テンプラー 生産鈍器 ベド 知能 きな ディフェンダー 4次鈍器 エド 体力 烏天狗 ディフェンダー 4次鈍器 エド 体力 マグナス ディフェンダー ray4 ディフェンダー 5次鈍器 ベド 体力 銘菓 ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 体力 花白 ディフェンダー 4次鈍器 エド 体力 HALB ガーディアン 5次片手 ベド 力 グリムジョー ガーディアン 5次片手 エド 力 こーたろ ガーディアン 5次片手 力 HISA! ガーディアン 5次片手 力 Laml ガーディアン 4次片手 エド 力 包龍 レンジャー 5次石弓 エド 敏=体 アラム レンジャー 4次石弓 エド 笑う犬 レンジャー 5次石弓 ベド 敏捷 心愛 紗亜弥 アベンジャー 4次短剣 エド 瞬発 ハードロックEX アベンジャー 5次爪 ベド ★ 瞬発 アズマ バーサーカー 4次長柄 エド 力 なおたん@G 直子 ウィザード DarkRide ウィザード 5次杖 ベド 体力 Break ウォーロック 4次杖 エド 知能 amethyst vanilla ドラゴンセージ 5次ゼン エド 体力 pinkny ドラゴンセージ 5次ゼン hollow ドラゴンセージ 4次ゼン エド 体力 エレオノーラ ドラゴンセージ 4次ゼン エド 体力 孔雀修羅王
https://w.atwiki.jp/elvis/pages/1151.html
Eight Black Horses (An 87th Precinct Mystery) Ed McBain Hurrah for Captain Early The Killing at Triple Tree Elmore LeonardEvan Hunter Blackboard Jungle Evan Hunter Candyland A Novel in Two Parts (Wheeler Large Print Book Series) Evan HunterEd McBain The Blackboard Jungle Evan Hunter The McBain Brief Ed McBain Lizzie a Novel Evan Hunter Lightning An 87th Precinct Novel Ed McBain The Blackboard Jungle Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Vespers A Novel of the 87th Precinct Ed McBain Lullaby (An 87th Precinct Novel) Ed McBain McBain's Ladies Too More Women of the 87th Precinct (The 87th Precinct Novels) Ed McBain Cop Hater (Armchair Detective Library) Ed McBain The Con Man Ed McBain Privileged Conversation Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter The Chisholms Evan Hunter Killer's Choice Ed McBain Love, Dad Evan Hunter The Chisholms Evan Hunter Me and Hitch Evan Hunter Candyland Evan HunterEd McBain Ghosts A Novel Ed McBainEvan Hunter Heat An 87th Precinct Novel Evan Hunter The Last Dance A Novel of the 87th Precinct Ed McBain The Blackboard Jungle (Simon Schuster Classics) Evan Hunter Downtown Ed McBain Mischief A Novel of the 87th Precinct Ed McBain Far from the Sea Evan Hunter Lizzie Evan Hunter Fat Ollie's Book A Novel of the 87th Precinct (Mcbain, ed) Ed McBain The Moment She Was Gone A Novel Evan Hunter Candyland A Novel in Two Parts Evan HunterEd McBain Criminal Conversation Evan Hunter Candyland. A Novel in Two Parts Ed McBainEvan Hunter The Moment She Was Gone Evan Hunter Candyland A Novel in Two Parts Evan HunterEd McBain Candyland Evan HunterEd McBain The Blackboard Jungle Evan Hunter Candyland Evan HunterEd McBainMark BlumLinda Emond? Candyland Evan HunterEd McBainMark BlumLinda Emond? The Moment She Was Gone Evan HunterDan Futterman? The Moment She Was Gone Evan HunterDan Futterman? Candyland Evan HunterEd McBain The Moment She Was Gone Evan HunterMichael Rafkin? The Moment She Was Gone Evan Hunter The Moment She Was Gone Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Barking at Butterflies and Other Stories (Five Star First Edition Mystery Series) Evan Hunter Running from Legs and Other Stories (Five Star First Edition Mystery Series) Ed McBain The Moment She Was Gone Evan HunterMichael Rafkin? Criminal Conversation Evan Hunter The House That Jack Built Ed McBain Streets of Gold Evan Hunter Far from the Sea Evan Hunter Cinderella (Matthew Hope, No 6) Ed McBain The Chisholms A Novel of the Journey West Evan Hunter The Blackboard Jungle Evan Hunter Mothers and Daughters Evan Hunter Strangers When We Meet Evan Hunter Come Winter Evan Hunter Far from the Sea Evan Hunter Lizzie Evan Hunter Streets of Gold Evan Hunter Streets of Gold Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Let's Talk Evan Hunter Tales of Obsession Mystery Stories of Fatal Attractions and Deadly Desires from Ellery Queen's Mystery Magazine and Alfred Hitchcock Mystery Magazi P. D. James?Ruth Rendell?Joan Hess?Evan HunterPatricia Highsmith? Privileged Conversation Evan Hunter Lizzie Evan Hunter Privileged Conversation Evan Hunter Where There's Smoke Evan Hunter Me and Mr. Stenner Ed McBainEvan Hunter Blackboard Jungle Evan Hunter Love, Dad Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Privileged Conversation Evan Hunter Me and Mr. Stenner Evan Hunter Criminal Conversation Evan Hunter Mary, Mary Ed McBain Three Blind Mice Evan Hunter Nocturne Ed McBain The Last Best Hope (Matthew Hope Mysteries (Paperback)) Ed McBain Far from the Sea Evan Hunter Every Little Crook and Nanny Evan Hunter Paper Dragon Evan Hunter Me and Mr. Stenner Evan Hunter Nobody Knew They Were There Evan Hunter Horse's Head Evan Hunter Second Ending Evan Hunter Seven Evan Hunter Last Spin and Other Stories Evan Hunter Happy New Year, Herbie and Other Stories Evan Hunter Matter of Conviction Evan Hunter Paper Dragon Evan Hunter Love, Dad Evan Hunter Sons Evan Hunter Chisholms, The Evan Hunter Blackboard Jungle Evan Hunter Buddwing Evan Hunter The Blackboard Jungle (NFT/BFI Film Classics) Evan Hunter Obsesiones Evan HunterEd McBain Candyland Evan HunterEd McBain Moment She Was One, The Evan Hunter Barking at Butterflies Evan Hunter Saat der Gewalt. Evan Hunter Weitab vom Meer Evan Hunter Liebling, sei nicht so gemein. Evan Hunter Ich und Mr. Stenner Evan Hunter Gewalt und Stolz. Evan Hunter Aber wehe dem einzelnen. Roman. Evan Hunter Das war im letzten Sommer. Evan Hunter Zweimal ist einmal zuviel Evan Hunter Hitch Y Yo (Trayectos) Evan Hunter Westwaerts liegt die Freiheit Evan Hunter Fremde, wenn wir uns begegnen. Evan Hunter Candyland A Novel in Two Parts Ed McBainEvan HunterMark BlumLinda Emond? Criminal Conversation (Windsor Selections) Evan Hunter Schock. Evan Hunter Unheimliches. Henry Slesar?Joyce Carol Oates?Evan. Hunter?Bill. Pronzini? Muetter und Toechter Evan Hunter Fatale Beweise. Evan Hunter Soehne. Evan Hunter Mothers and Daughters Evan Hunter Come Winter Evan Hunter Love, Dad Evan Hunter Muetter und Toechter. Roman. Evan Hunter Alles Liebe, Dein Daddy. Roman. Evan Hunter Candyland Evan HunterEd McBainAlan Sklar? Die Katzentaenzerin. Evan Hunter Every Little Crook and Nanny Evan Hunter Von anonymer Hand. Evan Hunter Westwaerts liegt die Freiheit. Evan Hunter Weitab vom Meer. Roman. Evan Hunter Das war im letzen Sommer. Roman. Evan Hunter Schock. Roman. Evan Hunter Zweimal ist einmal zuviel. Evan Hunter Privileged Conversation Evan Hunter Harlemfieber. Roman. Evan Hunter Strangers When We Meet Evan Hunter Alles Liebe, Dein Daddy Evan Hunter Origins Evan Hunter Fatale Beweise Evan Hunter Das Fuenfhunderttausend Dollar- Ding. Evan Hunter Fremde, wenn wir uns begegnen Evan Hunter Saat der Gewalt. Roman. Evan Hunter Harlem Fiber Evan Hunter Streets of Gold Evan Hunter Candyland Evan HunterEd McBain Die Katzentaenzerin Evan Hunter Last Summer Evan Hunter Muetter und Toechter (5016 142). Evan Hunter Soehne. Evan Hunter Schock. Evan Hunter
https://w.atwiki.jp/gits/pages/7.html
G33 ADVANCE ▼GLOCK社製 ▼オートマティックハンドガン ▼セミオート、シングルアクション ▼装弾数 15+1発 ▼.357SIG弾使用 ▼9課のトライアル品 ▼G33にコンペンセイター、20mmアンダーマウントレイル、ロングマガジンを搭載したもの ▼デザインは現実世界でエアガンを販売している東京マルイが担当。 マルイは9㎜のG26を元にしていたが、威力が世界観に合わない為、.357SIG弾を使用するG33に変更された。 ▼東京マルイよりG26 ADVANCEが発売されている。 外見はほぼ同じ。 ▼(参考:弾薬とサイボーグについて) ■S.A.C. 1st 第15話「機械たちの時間 MACHINES DESIRANTES」にて登場。 バトーが演習場で「使えそうじゃねぇか」と言っていた銃がこれ。 □登場作品 「攻殻機動隊 STAND ALONE COMPLEX」 名前 コメント [PR] チラシ印刷
https://w.atwiki.jp/visualize/pages/122.html
HBはvandalize獲得の日でした vandalize参加者13名 職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 テンプラー 生産鈍器 グラ ★ 知能 菜花 花音、彩音、月彩、月花 テンプラー 生産鈍器 ベド ★ 知能 れいか ギルマス、葡萄、アフハー テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 知能 spunky テンプラー 5次鈍器 エド × 知能 法子 テンプラー 生産鈍器 ベド ★ 知能 LABIATA ディフェンダー 5次短剣 ベド × 体力 大僧正 影人 ガーディアン 5次片手 ベド ★ 力 小指 ガーディアン 5次片手 ベド ★ 力 FINGAZZ アベンジャー 5次爪 ベド ★ 力 株式公開 アベンジャー 5次爪 ベド ★ 瞬発 村雨 ウィザード 5次片手 ベド ★ 体力 Rе マタムネ ウィザード 生産杖 エド × わたあめ ウォーロック 5次杖 ベド ★ さくらさくら Nemesis参加者32名 職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 プリースト 5次鈍器 ? × 魔女梨花 プリースト 5次片手 ? × ☆tonton☆ プリースト 5次鈍器 ベド × アサキヨ プリースト 5次短剣 ベド ? スコア テンプラー 生産鈍器 ? ★ 知能 クリペア ギルマス テンプラー 生産鈍器 ? × 知能 もち苺 テンプラー 生産鈍器 ? ★ 知能 シルヴィ テンプラー 生産鈍器 ベド ★ 知能 ☆紫雫乃☆ テンプラー 5次鈍器 ベド ? 知能 ★ゆーな★ ディフェンダー 5次鈍器 ベド ? 体力 じょう ディフェンダー 5次鈍器 ? ★ 体力 ★サリアス★ ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 体力 ホウ翔 ディフェンダー 5次鈍器 ? × 体力 フィオレンツァ レンジャー 5次石弓 ベド ★ 体力 あさみ レンジャー 5次石弓 ? ★ 敏捷 NANA アベンジャー 5次爪 ベド ? 力 ぅしし 火寺、うしし#O アベンジャー 5次爪 ベド ? 力 Saramu 火寺 アベンジャー 5次爪 ベド ? 力 ベルギーニ アベンジャー 5次爪 ベド ? 力 モグモグ プレデター 5次短剣 ? × 体力 kokorono ウィザード 5次杖 ベド ★ 体力 白い黒豹 黒い黒豹 ウィザード 5次杖 ベド × 体力 るるん ウィザード 5次杖 ? ★ 体力 ぶるるん ウィザード 5次片手 ベド ? 体力 ぶるるるん ウィザード 5次杖 ベド ? 体力 beck ドラゴンセージ 4次ゼン ? × 体力 ゆいちん ドラゴンセージ 5次ゼン ベド ★ 体力 くちゅ ドラゴンセージ 5次ゼン ベド × 体力 EGOIST ドラゴンセージ 5次ゼン ベド × 体力 ろろ ドラゴンセージ 5次ゼン ? × 力 さっし ドラゴンセージ 5次ゼン ? ★ 体力 ★バラモス★ ドラゴンナイト 5次ゼン ベド ? 体力 キロネックス Visualize参加者33名 職 武器 防具 3k タウン時のステ 名前 備考 プリースト 5次鈍器 エド 精神 ルルベ プリースト 5次片手 ベド 精神 奈智 プリースト 5次片手 ベド ★ vancouver プリースト 5次片手 ベド ★ あいく プリースト 5次片手 ベド ★ くろな プリースト 5次片手 ベド 精=体 プリン テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 知能 かこ テンプラー 5次鈍器 ベド ★ 知能 キルシェ・マーヤ テンプラー 生産鈍器 グラ 知能 ハレー彗星 テンプラー 5次鈍器 ベド 知能 バフマシーン オムレツ ディフェンダー 5次鈍器 ベド 体力 ロフ。 ふろ。 ディフェンダー 5次短剣 エド 体力 炎蘭 ディフェンダー 5次片手 ベド ★ 体力 リノアψ ルイ ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 体力 ダンデライオン ディフェンダー 5次鈍器 ベド ★ 体力 花白 ガーディアン 5次片手 ベド ★ 力 Allex ガーディアン 5次片手 ベド 力 Vuncool ガーディアン 4次片手 エド 力 Ψ尖Ψ ガーディアン 5次片手 ベド 力 ジャムを持参 める レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 幽遊 レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 ゆどうふ だーりん レンジャー 5次石弓 ベド ★ 敏捷 創志 レンジャー 4次石弓 エド 体力 シンシア レンジャー 5次石弓 エド 体力 Juicy アベンジャー 5次爪 エド 体力 アドニス アベンジャー 5次爪 ベド ★ 瞬発 アズマ アベンジャー 5次短剣 エド 体力 yopo ウィザード 5次杖 ベド ★ 体力 ウルズ7 ウィザード 5次片手 ベド ★ 体力 前田・改 ウィザード 5次杖 ベド 体力 紗亜弥 心愛 ウォーロック 5次杖 エド 知能 けい けいすけ ドラゴンセージ 5次ゼン エド 体力 桃千代 ドラゴンセージ 5次ゼン ベド 体力 マルファス バフォメット