約 3,569,889 件
https://w.atwiki.jp/osobasystem/pages/25.html
-Twitter Web 歴史的な 本垢のIDを変えてのおそばしすてむ参戦旧垢→sonoppe_ なんでそばしすになったかIDを白壁にしてたら他の人に奪われt( なので規制垢含めsonoppe_NoXにしてみる 各所から「おそばしすてむのパクリかよwww」と言われる おそばしすてむに加入当時の様子 なんかいろいろ 変態 ←これ重要 おそばしすてむの面子からぺんね寝ろとよく言われる おそばしすてむ以外のフォロワーさんからも寝ろと言われる ときどきbotにも言われる 呼ばれ方はぺんねとか前IDから知ってる人からはそのっぺとかそのっぺんねと呼ばれる。そのまんまである 男の娘 ホモ ショタ ロリ ドM お嬢様←New!! スペック とにかく高性能です。嘘です。ごめんなさい。 音ゲー 弐寺メインです。他にDDR、Rb、指を少しするぐらいです 弐寺SP七段 ☆11にランプあるB4Uリミつくとか言ってる ☆10難ランプも増えた 八段どうなってんの スコアください 皿曲しぬ 魔法の数字はWebを見てください ライバル登録はご自由にどうぞ ほか➫➙➬➭➫➙➬➮➪➫ コメント なんかあったらこめんとください。編集も勝手にどうぞ コメント
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3476.html
DUEXIÈME ACTE (La grade cour-jardin d une vieille et importante posada à l enseigne "Bon gîte contre bon argent."Des voyageurs, des voyageuses crient,tempêtent contre l Aubergiste, contre les valetset les servantes de l auberge) ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ (à tue-tête) Une chambre! ▼LES SERVANTES▲ (à tue-tête) Rien! ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ Une chambre! ▼LES SERVANTES▲ Rien! ▼L AUBERGISTE▲ (à tue-tête) Je vous dis que tout est pris. ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ Une chambre! Une chambre! à n importe quel prix! ▼L AUBERGISTE▲ Rien! Je vous dis que tout est pris. Rien! ▼LES SERVANTES▲ On vous dit que tout est pris. ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ … à n importe quel prix! Une chambre! une chambre! une chambre! à n importe quel prix! ▼L AUBERGISTE▲ Toute est pris! tout est pris! toute est pris! Puis qu on vous dit que tout es pris! ▼LE SERVANTES ▲ Tout est pris! tout est pris! tout est pris! Puis qu on vous dit que tout est pris! ▼TOUS LES VOYAGEUSES▲ (à l Aubergiste, d un air menaçant) Sur son enseigne on n inscrit pas «Bon gîte contre bon argent!» Quand on ne peut loger les gens! ▼LES VOYAGEURS▲ (de même) Sur son enseigne on n inscrit pas «Bon gîte contre bon argent!» Quand on ne peut loger les gens! ▼L AUBERGISTE▲ (apoplectique) Ah! pas tant de désinvolture! Vous n êtes pas nobles , ma foi! C est demain grand bal chez le Roi! Allez coucher dans vos voitures. ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ (rageuses exclamations des voyageurs) Ah! ▼L AUBERGISTE▲ Et n abîmez pas mon jardin! ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ (tous, exaspérés) Butor! gredin! Qu on le bâtonne, qu on le tue! Misérable! ▼L AUBERGISTE▲ (très bousculé par les voyageurs) A moi, mes gens! dehors, plébéienne cohue! ▼LES SERVANTES▲ Dehors! Dehors! Dehors! Dehors! ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ Butor! Butor! Gredin! Gredin! Misérable! ▼LES SERVANTES▲ Dehors! Dehors! ▼TOUS LES VOYAGEURS▲ (tout, en hurlant) Non! Non! (Les Valets et les Servantes, à coupsde broches, de balais etc… chassentces forcenés dehors. - Cris, tumulte.La Comtesse et La Baronneparaissent) ▼LA COMTESSE▲ Ah! Baronne! Enfin, c est ici. ▼LA BARONNE▲ Je n en puis plus, chère Comtesse. ▼L AUBERGISTE▲ (à part) Comtesse, Baronne!! (avec suffisance) … ah! voici les gens que j aime, la Noblesse!! (s avançant et saluant) Mesdames, mon respect me prosterne à vos pieds. ▼LA BARONNE▲ (à l Aubergiste lui coupant la parole) Où sont nos chambres? ▼LA COMTESSE▲ Nos époux ont dû, je suppose, Retenir nos appartements? ▼L AUBERGISTE▲ (empressé) Oui, deux appartements charmants; L un est tout bleu, l autre est tout rose, Que vos grâces lèvent les yeux… C est là. ▼LA COMTESSE▲ (regardant avec son face à main) Ce balcon du milieu? ▼LA BARONNE▲ (prétentieuse, sentimentale) Où s enchevêtrent des glycines… ▼L AUBERGISTE▲ Non… les deux fenêtres voisines… Là… ▼LA COMTESSE▲ (sursautant) Une lucarne! ▼LA BARONNE▲ (horrifiée) Un oeil de boeuf! ▼L AUBERGISTE▲ Le mobilier en est tout neuf. ▼LA BARONNE▲ C est affreux! ▼LA COMTESSE▲ Horrible! ▼LA BARONNE▲ Lugubre! ▼L AUBERGISTE▲ (faisant l article) C est au Midi, c est très salubre. ▼LA COMTESSE▲ (ultra nerveuse) Nous choisir ces taudis! nos maris étaient gris! (d un air décidé) J arrête l autre chambre à n importe quel prix! ▼L AUBERGISTE▲ C est impossible. ▼LA COMTESSE▲ Ah! ça, bélître. ignores-tu mon rang? ▼LA BARONNE▲ Mon titre? ▼L AUBERGISTE▲ (tout en s inclinant) Ah! fussiez-vous princesses de Bagdad, Je vous refuserais. ▼LA COMTESSE▲ La colère me gagne. Manant! Loges-tu donc ce soir le roi d Espagne? ▼L AUBERGISTE▲ (avec mystère) Le roi, non… Mais qui sait… la Reine? L’Ensoleillad!! ▼LA COMTESSE▲ La danseuse! ▼LA BARONNE▲ Une fille! ▼LA COMTESSE▲ Ah! j étouffe! ▼LA BARONNE▲ J enrage! ▼LA COMTESSE▲ J étouffe! ▼LA BARONNE▲ J enrage! ▼L AUBERGISTE▲ (survenant) Quel est ce bruit? ▼LE COMTESSE▲ (au Comte avec agitation) Monsieur, c est un indigne outrage! ▼LA BARONNE▲ (renchérissant) A quoi donc sert notre vertu? ▼LA COMTESSE▲ (de même) A quoi donc sert notre noblesse? Si par l aplomb d une drôlesse ▼LA BARONNE▲ Si par l aplomb d un drôlesse ▼LE COMTE▲ (effrayé) Chut! ▼LE BARON▲ (qui est entré avec le Comte,de même) Chut! ▼LA BARONNE, LA COMTESSE▲ Notre prestige est abattu! A quoi donc sert notre vertu!! ▼LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTE▲ (tous trois avec mystère et frayeur) Chut! Chut! parlez tout bas! ▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲ … notre vertu! ▼LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTE▲ Chut! parlez tout bas! ▼LE COMTE▲ La prudence vous le commande. ▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲ Pourquoi? ▼LE BARON▲ (en confidence) Vous ne savez donc pas qu ici ▼LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTE▲ C est le Roi qui la commande. ▼LE DUC▲ (survenant) Holà! quelqu un! ▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲ Le Duc! ▼LE DUC▲ (à la Comtesse, à la Baronne) Mesdames! (Il leur baise la main; au Comte,au Baron) Messieurs, le devoir vous réclame; Le Roi reçoit dans un moment. ▼LE COMTE, LE BARON▲ Nous partons. (Le Comte et le Baron s inclinent les domestiques les aident à s apprêter) ▼LE DUC▲ (mystérieusement à l Aubergiste) Cet appartement? ▼L AUBERGISTE▲ (montrant la fenêtre du balcon) Le voilà! ▼LE DUC▲ (à l Aubergiste) C est bien… La personne vous arrivera d ici peu… (Il remet des pièces d or àl Aubergiste) ▼L AUBERGISTE▲ (saluant très bas) Que votre Seigneurerie est bonne… ▼LE DUC▲ Adieu, Mesdames! ▼LE COMTESSE, LE BARONNE▲ (font leur plus belle révérence) Duc, adieu! (Le Duc, le Comte et le Baron sortent) ▼LE CAPITAINE RICARDO, 6 MANOLAS et 6 OFFICIERS▲ (Au loin, et se rapprochant peu à peu,la voix des officiers et de leurs petitesamies) Le vin rend gai, l amour rend fou, ▼L AUBERGISTE▲ (allant aussitôt regarder au dehors) Voici les officiers. (Il frappe dans ses mains; servantes et valets arrivent apportant des tables,etc) ▼RICARDO▲ Vive Bacchus! ▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ Vive Cythère! Sur terre on vit très peu de temps. ▼RICARDO▲ Il faut donc s amuser, ▼RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS▲ Il faut donc s amuser beaucoup! (La troupe joyeuse envahit le jardinde la posada) ▼MANOLAS▲ (sopranos, en criant) Des gâteaux! Des gâteaux! (Officiers et Manolas s installent s embrassent; rires et cris) ▼OFFICIERS▲ (ténors, s exclamant) Pas ce vin là! non! ▼LA COMTESSE▲ (à l Aubergiste) Quelles sont ces femmes? ▼L AUBERGISTE▲ Des filles de plaisir. ▼LA BARONNE▲ (entraînant la Comtesse vers laposada) Cette auberge est infâme. ▼RICARDO, MANOLAS et OFFICIERS▲ Le vin rend gai, l amour rend fou. ▼RICARDO▲ C est moi, Ricardo, qui régale! ▼L AUBERGISTE▲ Holà! à ces seigneurs versez de mon vieux vin Manzanille. (Nouvelles exclamations joyeuses) ▼MANOLAS▲ (réclamant, à tue-tête) Des gâteaux! ▼RICARDO▲ (à l Aubergiste; avant de boire et montrant son verre plein) Est-il très bon? ▼L AUBERGISTE▲ (n osant pas trop s avancer) Il est meilleur. ▼MANOLAS, OFFICIERS▲ (en joie) Sur terre on vit très peu de temps! ▼RICARDO▲ (très cavalièrement à l Aubergiste) Si tout n est pas très fin, hôtelier, on t étrille. Apprends donc que dans un moment Nous allons tous fêter, Avec ces belles filles, Un nouveau compagnon, cornette au régiment! ▼L AUBERGISTE▲ (s éloignant) Vous serez satisfait. (Les Manolas arrangent leurscoiffures; tapotent leurs robes tout encausant) ▼UNE FILLE▲ Quel âge a ce cornette? ▼RICARDO▲ (négligemment) Je ne sais pas! ▼UNE AUTRE FILLE▲ Vingt ans? ▼UN AUTRE▲ Trente ans? ▼UN AUTRE▲ Blond? ▼UNE AUTRE▲ Beau garçon? ▼UNE AUTRE▲ Ses titres? ▼LA 1re▲ … son pays? ▼LA 2de▲ … son rang? ▼RICARDO▲ Que de sornettes! (Enlaçant la taille d une belle fille Pepa) Pensez à nous, Qu il aille au diable! ▼DEUX OFFICIERS▲ Il a raison! ▼QUATRE AUTRES OFFICIERS▲ Il a raison! ▼TOUTES MANOLAS▲ (se récriant) Mais nous sommes ici pour fêter sa venue! ▼CHÉRUBIN▲ (apparaissant sur le seuilde la posada) Camarades, et vous, beautés, je vous salue! ▼RICARDO, OFFICIERS▲ (stupéfiés) C est lui! c est lui! qu il est petit! qu il est petit! ▼TOUTES LES MANOLAS▲ (surprises) C est lui! c est lui! Qu il est gentil! qu il est mignon! ▼RICARDO▲ Mon sabre est plus haut que son corps! ▼UN TRÈS GRAND OFFICIER▲ (basse ou baryton - grosse voix) Il nous arrive à la ceinture! ▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ … qu il est petit! ▼CHÉRUBIN▲ (se mordant les lèvres, arrive crânement sur eux) Je ne suis pas grand, mais… tout doux… Vous verrez que sous la mitraille Je saurai redresser la taille, Et qu à la première bataille Je paraîtrai plus grand que vous! ▼LES MANOLAS▲ (applaudissant Chérubin) Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! (Chérubin embrasse et lutine une desfilles, Pepa) ▼LES OFFICIERS▲ (furieux) Comment, il embrasse… il caresse… ▼RICARDO▲ (furieux) Ma maîtresse! Il a besoin d une leçon! (s avançant) Çà, deux mots, mon jeune garçon! ▼CHÉRUBIN▲ (a frémi sous cette interpellation) Je suis à vos ordres, brave homme! ▼RICARDO▲ (suffoqué) Brave homme! Il veut que je l assomme! ▼CHÉRUBIN▲ (il met la main à son épée) Assommez-moi, si vous l osez! ▼LES MANOLAS▲ (avec transport) Bravo! Bravo! ▼RICARDO▲ (hors de lui) L audace est sans pareille! (à Chérubin) Si je vous vois encor donner un seul baiser Je vais vous couper les oreilles! (Il met la main à son épée; Chérubinl arrête du geste) ▼CHÉRUBIN▲ (à Ricardo, gentiment) Ne mettez pas flamberge au vent Pour chaque baiser que je donne, Vous vous battriez trop souvent! ▼RICARDO▲ (à ses amis, montrant Chérubin) Il raille encor! ▼CHÉRUBIN▲ (reprenant) Mais si vous tentez ce destin Vous vous battrez comme respire. Vous vous battrez soir et matin (sans respirer) Et la nuit! Car la nuit m inspire! (d un petit air rageur) Vous vous battrez à l infini, Vous en aurez crampes et fièvres! (très souriant et moqueur) On voit moins d abeilles au nid Que je n ai de baisers aux lèvres! ▼RICARDO▲ (dégaînant) Battons-nous donc! ▼CHÉRUBIN▲ (avec son plus fin sourire) C est entendu! (Les Valets accourent et ouvrent la grande porte de fond. On aperçoit une jeune femme très élégante descendre d un carrosse. Elle a un loup) ▼LES MANOLAS▲ (à Ricardo, à Chérubin, aux Officiers) L arme au fourreau. Le duel est défendu! ▼CHÉRUBIN▲ (observant les mouvements de lajeune femme) Quelle taille! et quel fin visage! (aux Manolas) Mesdames, livrez-moi passage, Je vais l embrasser sous son loup. (L Ensoleillad masquée, entre, suivie de ses femmes) ▼LES MANOLAS▲ (à Chérubin) Vous la connaissez? ▼CHÉRUBIN▲ (lestement) Pas du tout! (Chérubin embrasse L Ensoleillad sur le cou; surprise, elle retire sonmasque. Chérubin stupéfié reconnaitL Ensoleillad) ▼L ENSOLEILLAD▲ (à Chérubin) C est vous? ▼CHÉRUBIN▲ C est vous! (pliant le genou et lui baissant la main) Ah! j ai l âme marrie, Me pardonnerez vous jamais ma brusquerie! ▼L ENSOLEILLAD▲ (lui faisant signe de se relever) En effet, le baiser fut brusque et mal donné! (tendant la joue) Faites mieux, cette fois, vous serez pardonné! (Au milieu des acclamations et des rires des Manolas, Chérubin embrasse du bout des lèvres Ensoleillad) ▼RICARDO▲ (à Chérubin, s impatientant) Monsieur, je vous attends. ▼CHÉRUBIN▲ (dégaînant) En garde! ▼L ENSOLEILLAD▲ (voulant l arrêter) Comment! Un duel! vous êtes fou! ▼CHÉRUBIN▲ Un bon ange me garde Puisque je me bats devant vous. (aux Manolas; simple et galant) Daignez ici prendre vos aises. (aux Serviteurs) Servantes, valets, quelques chaises… (Les Officiers installent les dames afin qu elles soient bien placées pour assister au duel; pendant ce temps les violons arrivent) ▼LE TRÈS GRAND OFFICIER▲ Voici les violons mandés pour le festin. ▼RICARDO▲ (nerveux) Renvoyez-les. ▼CHÉRUBIN▲ (très gai) Du tout, battons-nous en musique! ▼RICARDO▲ Renvoyez-les, c est enfantin! ▼CHÉRUBIN▲ Non, qu ils entrent! ▼L ENSOLEILLAD▲ (lui envoyant un baiser et une rose) C est héroïque! ▼RICARDO▲ (à Chérubin) Etes-vous bientôt prêt Car la main me picote. ▼CHÉRUBIN▲ (à L Ensoleillad, ayant ramasséla rose) Vos pieds n ont pas de tabouret. (à Ricardo) J y suis! (aux violons) Messieurs! (Il lance aux musiciens une bourse pleine; puis il met la rose de l Ensoleillad à sa bouche et tombe en garde. Les violons se hâtent des accorder) Une gavotte! (Le duel commence) ▼L ENSOLEILLAD▲ J ai peur! ▼RICARDO▲ A toi! ▼CHÉRUBIN▲ (parlé) Manqué! ▼L ENSOLEILLAD▲ (se cachant la tête derrière sonéventail) Mon Dieu! ▼LES MANOLAS▲ (à deux) J ai chaud! ▼D AUTRES▲ J ai froid! ▼L ENSOLEILLAD▲ Seigneur! Je tremble! ▼LES MANOLAS▲ (petit cri d effroi) Ah! ▼CHÉRUBIN▲ (aux musiciens, tout en se battant) …ça, messieurs de l archet, voyons… un peu d ensemble!! (L Aubergiste accourt avec Le Philosophe. Cri des filles; à cettereprise Chérubin est près d être touché. L Ensoleillad s évanouiton l entoure) ▼LE PHILOSOPHE▲ (éploré) Un duel! ▼L AUBERGISTE▲ Un duel! chez moi! (criant) Alguazils! (à ce mot, grand tohu-bohu) alguazils!! ▼CHÉRUBIN▲ (tenant l Aubergiste par le cou) Tais-toi! tais-toi! (Chérubin lâche l Aubergiste pour courir aux pieds de l Ensoleillad évanouie) ▼LES MANOLAS et LES OFFICIERS▲ Quelle algarade! ▼RICARDO▲ (apercevant Chérubin aux pieds de l Ensoleillad) Mais… que fait-il encor? ▼LES OFFICIERS▲ (calmant Ricardo) Du calme, camarade! ▼LE PHILOSOPHE▲ (affolé; au capitaine Ricardo) Quoi! vous vouliez j en suis tremblant, Tuer cet enfant là… ▼RICARDO▲ (furieux) Dites cet insolent! (tremblant de colère) Embrasser Pepa, ma maîtresse; C est un outrage. ▼LE PHILOSOPHE▲ (indulgent) Une caresse! ▼RICARDO▲ Il l offensa! ▼LE PHILOSOPHE▲ (rectifiant) Il l embrassa. ▼RICARDO▲ C est une insulte, sur mon âme! ▼LE PHILOSOPHE▲ Ah! (avec vivacité) comme l on voit bien que vous n êtes pas femme! (Tout cette scène avec agitation, émotion tendre, et chaleur sans cesse grandissante, très larmoyant) Songez, monsieur, que l on est au printemps… Que la fille est jolie et qu il a dix-sept ans! (avec émotion et agitation) Dix-sept ans! c est un coeur que l amour illumine. On rêve… on chante… on rit… on veut mourir,… Et l on est malheureux de ne pouvoir souffrir… (chaleureux) Et l âme se fleurit comme l herbe au printemps! Songez donc! dix-sept ans! Songez donc! dix-sept ans! Dix-sept ans! (avec des larmes) dix-sept ans!! ▼RICARDO▲ (ému, prenant les mains du Philosophe) Ah! vous avez raison! ▼L AUBERGISTE▲ (accourant, s épongeant le front tout en regardant l Ensoleillad qui sourit à Chérubin) Quel discrédit pour ma maison! ▼CHÉRUBIN▲ (allant vers Ricardo) A nous! ▼RICARDO▲ (bon enfant, tendant la main à Chérubin) Ta main! ▼L AUBERGISTE▲ (désespéré de ce qui arrive) L Ensoleillad évanouie! ▼LES MANOLAS, OFFICIERS▲ C était l Ensoleillad! ▼L AUBERGISTE▲ (avec la voix brisée par l émotion) Messieurs! j avais l honneur… de recevoir chez moi… L Ensoleillad… mandée au Palais… par le Roi! ▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ Par le Roi! (Le temps que Chérubin est de nouveau avec l Ensoleillad, Le Philosophe en profite pour jeter le trouble en l âme des assistants) ▼LE PHILOSOPHE▲ Si le Roi connaît cette affaire Nous sommes tous perdus… ▼RICARDO, L AUBERGISTE, MANOLAS, OFFICIERS▲ (Tous, effrayés et entre eux) Si le Roi connaît cette affaire Nous sommes tous perdus! Que faire? ▼L ENSOLEILLAD▲ (arrivant en s éventant, toute gracieuse et provocante) Bah! messieurs, c est tout arrangé. Vous parlez de péril de crime, Mais on ne s est pas égorgé; Ce duel n était qu un jeu d escrime. (Le Philosophe ravi, rentre dans la posada en soufflant et ens épongeant. Une coupe de champagne à la main, avec crânerie et désinvolture) Plus de soucis, de la gaîté! Ah! buvons pour que la joie en nos âmes renaisse! Filles, buvez à la jeunesse! (éclatant de rire et d ivresse) Ah! Garçons, buvez, buvez à la beauté! à la (caressant) beauté! (tendre et amoureux) Je bois à vox amants, je bois à vos maîtresses, Je bois aux coeurs heureux, aux coeurs brisé… amis! Je bois à toutes les caresses, Et je bois à tous les baisers! Oui! je bois à tous les baisers! Je bois aux baisers, aux caresses… à tous les baisers! ▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ (Les Manolas et les Officiers, avecune joie enthousiaste) A l Ensoleillad! à l Ensoleillad! à la Reine de l amour et de la beauté!! ▼L ENSOLEILLAD▲ Je bois à la beauté!! (entourée de tous ces jeunes genset des belles filles) Soit, j accepte la Royauté, Mais puisque je suis souveraine, A l endroit du duel, ici même, J ouvre le bal! Me suit qui m aime! (très marqué et saccadé) La! La! La! (l Ensoleillad danse la manila) ▼TOUS▲ (dans un grand élan) Brava! (cri prolongé) ▼L AUBERGISTE▲ (accourant) Madame, en votre appartement votre poudreuse est préparée. ▼CHÉRUBIN▲ (avec chagrin) Vous partez? ▼RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ (désolés) Vous partez? ▼L ENSOLEILLAD▲ (avec mélancolie) Les meilleurs moments ont, hélas, le moins de durée! ▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ Vous partez? ▼L ENSOLEILLAD▲ Adieu, adieu, ma petite cour, Un destin plus grand loin de vous m entraîne, Mais dans un palais quand je serai Reine Je regretterai ce règne d un jour! Adieu! ma petite cour! adieu! ▼CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS▲ Adieu, notre Reine d un jour! adieu! ▼L ENSOLEILLAD▲ (à Chérubin avant de disparaître) J espère vous revoir. ▼CHÉRUBIN▲ (très amoureux) Ah! combien je vous aime! (L Ensoleillad disparaît) ▼LES OFFICIERS▲ (à Chérubin, avant de partir) Au revoir, camarade, à demain! ▼RICARDO▲ (à Chérubin) Mon estime est pour vous extrême, Serrons-nous à nouveau la main. ▼LES OFFICIERS▲ (cordial) Au revoir, camarade, à demain! ▼CHÉRUBIN▲ (aux amis qui s éloignent) Le vin rend gai, l amour rend fou! Vive Bacchus! ▼MANOLAS, OFFICIERS▲ (en disparaissent) Vive Cythère! ▼CHÉRUBIN▲ Sur terre on vit très peu de temps! ▼MANOLAS, OFFICIERS▲ (assez loin) Il faut donc s amuser… ▼CHÉRUBIN▲ Il faut donc s amuser beaucoup! (Le crépuscule commence à tomber) ▼OFFICIERS▲ (très loin) Le vin rend gai, l amour rend fou! Vive Bacchus! ▼LE PHILOSOPHE▲ (qui vient d entrer et écoute les voixqui s atténuent; à chérubin) Médite sur ceci, Chérubin, et prends garde… ▼CHÉRUBIN▲ (nerveux, lui coupant la parole) Laisse-moi, tu bavardes! ▼LE PHILOSOPHE▲ (saisi) Qu as-tu donc? ▼CHÉRUBIN▲ Je me tiens à quatre Pour ne pas, toi, te provoquer! ▼LE PHILOSOPHE▲ Comment, moi? ▼CHÉRUBIN▲ J ai failli me battre Et mon premier duel est manqué. ▼LE PHILOSOPHE▲ (anéanti) Quoi! c est cela qui te tracasse; Vraiment, c est à désespérer. ▼CHÉRUBIN▲ (regardant la fenêtre de l Ensoleilladqui s est éclairée) L Ensoleillad devant sa glace Doit en ce moment se parer ▼LE PHILOSOPHE▲ (inquiet) Viens donc! ▼CHÉRUBIN▲ Non! (Durant que Chérubin va et vient cherchant à apercevoir l Ensoleillad, le Philosophe le suit tout en parlant; et Chérubin lui répond de façon très distraite) ▼LE PHILOSOPHE▲ Le Duc te déteste, Et le Comte demeure ici. ▼CHÉRUBIN▲ (sur la point des pieds) Raison de plus pour que je reste; Je verrai ma marraine aussi. ▼LE PHILOSOPHE▲ Songe au péril qui t environne. ▼CHÉRUBIN▲ Me prends-tu donc pour un poltron? ▼LE PHILOSOPHE▲ (de plus en plus agité) Cette fenêtre est au baron. ▼CHÉRUBIN▲ Bravo! je verrai la baronne! ▼LE PHILOSOPHE▲ Mais choisis-en une à la fois. ▼CHÉRUBIN▲ (le plus gravement de monde) Je voudrais bien, je ne peux pas. ▼LE PHILOSOPHE▲ Il les aime par ribambelles! ▼CHÉRUBIN▲ (s arrêtant enfin pour éclairer une bonne fois l esprit de son vieux maître) Je ne peux me fixer, les femmes sont trop belles! Une femme! Une Femme! (très caressant et animé) Ce mot me rend tout attendri… Il me parfume l âme! (sans respirer) Une femme! Ce mot, c est mon mot favori, quel doux mot une femme! De soupirer ce nom, je ne puis me lasser… ce nom, ce nom est une ivresse! Une femme! Quel mot charmant à prononcer… Quelle caresse… Et je ne puis choisir. Chacune tour à tour Me met le coeur en flamme! (caressant) Et je tombe à l instant amoureux de l amour… Dès que passe une femme! ▼LE PHILOSOPHE▲ Pour élève, un tel garnement! ▼CHÉRUBIN▲ (au Philosophe, lestement ens éloignant) Voilà ton châtiment! (se dressant sur la pointe des pieds vers la fenêtre de l Ensoleillad) Ah! lui parler! ▼LE PHILOSOPHE▲ (l adjurant affectueusement) Petit, recule… l Ensoleillad voit chaque jour Les plus fins roués de la Cour Et tu vas être ridicule! ▼CHÉRUBIN▲ Je reste. ▼LE PHILOSOPHE▲ Pourquoi t obstiner? ▼CHÉRUBIN▲ (d un air frondeur et décidé) Parce que… toi, (vivement) tu m as donné des conseils que je tiens à suivre. ▼LE PHILOSOPHE▲ Moi! Dieu puissant! J étais donc gris. ▼CHÉRUBIN▲ (avec un grand sérieux) Philosophe, vous étiez ivre! ▼LE PHILOSOPHE▲ (consterné) Juste ciel! Et que t ai-je appris? ▼CHÉRUBIN▲ (doctoral) Tu m as dit (léger, vif, avec volubilité) Si tu veux séduire Beaucoup de femmes ici-bas voici comme il faut te conduire… ▼LE PHILOSOPHE▲ (qui vient de sursauter, l interrompant) Doux Jésus! ▼CHÉRUBIN▲ (avec un sentiment de prière dansla voix) Ah! (subitement, observant que la fenêtrede l Ensoleillad va s ouvrir) Va-t en! ▼LE PHILOSOPHE▲ Mais non, il ne faut pas. ▼CHÉRUBIN▲ (vivement cette fois) Mais va-t en donc? ▼LE PHILOSOPHE▲ (sortant accablé) Mea culpa!! (L Ensoleillad paraît derrière sonbalcon en fer forgé) ▼L ENSOLEILLAD▲ Qui parle dans la nuit confuse? Quelle est l ombre sur le gazon? ▼CHÉRUBIN▲ (bas) Soyons naïf et vous, ma muse, Inspirez-moi quelque chanson. ▼L ENSOLEILLAD▲ (éclairée par la lumière de sachambre) La lune en nappe d or s étale La brise est tiède comme un bain… La nuit me rend sentimentale. ▼CHÉRUBIN▲ (à part) Sois poitrinaire, Chérubin. (Il chante en s accompagnant sur son épée en guise de guitare) Madame! J ai vingt ans à peine Et je suis un adolescent; (sans respirer) Mais j ai tant d amour et de peine Que déjà je suis languissant… Le baiser, ma lèvre l ignore, Tous mes rêves sont orphelins, Et je suis très naïf encore. ▼L ENSOLEILLAD▲ (avec un intérêt légèrement railleur) Vous vous en vantez? ▼CHÉRUBIN▲ Je m en plains! ▼L ENSOLEILLAD▲ Pauvre enfant! Il a l air sincère! (Elle réfléchit une seConde et recule doucement vers la chambre où elle disparaîtra en disant) Il ne faut pas vous désoler… Je descends pour vous consoler! (La lune éclaire tout le jardin) ▼CHÉRUBIN▲ (subitement ému et tremblant) Ici l Ensoleillad! Nous serons seuls ensemble!! Mon Dieu! c est pour de vrai que cette fois je tremble… (Paraît l Ensoleillad; un moment d émotion, puis d une voix tremblante) Ensoleillad! (Il conduit l Ensoleillad vers le banc etla regarde avec extase) Là! près de moi? ▼L ENSOLEILLAD▲ Enfant! ▼CHÉRUBIN▲ ..que vous êtes jolie!! (sincèrement ému) Hélas! Ensoleillad! (un silence) ▼L ENSOLEILLAD▲ (lié et caressant) Pourquoi ces grands yeux de mélancolie? ▼CHÉRUBIN▲ (des larmes dans la voix) Vous partez demain… (Souriante, essuyant avec son finmouchoir de dentelles les larmes deChérubin) ▼L ENSOLEILLAD▲ Pas ce soir. ▼CHÉRUBIN▲ (très malheureux) Mais je ne dois plus vous revoir… Et bientôt qui sait, demain même… Vous m oublierez… (très ému) Le Roi vous aime. ▼L ENSOLEILLAD▲ (amoureuse et avec élan) Qu importe demain et tout l avenir! (avec une infinie tendresse) Mon âme te parle (plus bas) et ton coeur m écoute. Rêve que ce soir ne doit plus finir… (avec abandon) Puisque pour un soir je t appartiens toute. Admire la nuit. La lune ce soir a tant de clarté Qu un oiseau surpris croyant voir l aurore Au bord de son nid s est mis à chanter. Ecoute, le bois tout entier s éveille… Ecoute… Le vent tout bas, nous souffle à l oreille Amants trop bavards, hâtez-vous d aimer! ▼CHÉRUBIN▲ Ton âme me parle… ▼L ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲ …et mon coeur l écoute… Rêvons que ce soir ne doit plus finir. Ah! qu importe demain! et tout l avenir! Puisque tu [je] t [m]) appartiens toute, toute! ▼L ENSOLEILLAD▲ (très amoureusement) Je t appartiens toute… Je t appartiens toute… (La lune se voile) ▼CHÉRUBIN▲ Toute! ▼L ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲ (dans le bois) Toute! (Enlacés, les deux amoureux s éloignent dans le bois..) ▼LE COMTE▲ (paraissant à la petite porte charretière qu il referme soigneusement derrièrelui) Eh bien? ▼LE DUC▲ (à la porte de l auberge) Personne? ▼LE BARON▲ (à la porte des appartements) Non, personne! ▼LE DUC▲ (pendant que le Comte et le Baroninspectent) Le Comtesse, ni la Baronne Ce soir ne me donnent d effroi. Si je tremble c est pour le Roi! pour le Roi! ▼LE COMTE▲ Plaçons-nous. ▼LE DUC▲ Plaçons-nous. ▼LE BARON▲ Plaçons-nous. ▼LE DUC▲ Je veille à la porte. ▼LE BARON▲ Moi, je surveille le verger. ▼LE COMTE▲ Je surveilles les couloirs. ▼LE DUC▲ De la sorte nous conjurerons le danger. Soyons adroits! ▼LE COMTE▲ Soyons prudents! ▼LE BARON▲ Soyons adroits! ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ … tandis que tout repose… Veillons! Veillons! ▼LE DUC▲ Et bien que vous soyez en cause, Mes amis, ne pensez qu au Roi! ▼LE COMTE▲ … et soyons adroits! ▼LE BARON▲ … et soyons prudents! (Pendant que le Duc, le Comte et le Baron vont au fond se consulter, l Ensoleillad et Chérubin paraissent à l orée du bois) ▼CHÉRUBIN▲ (amoureusement) Ensoleillad! ▼L ENSOLEILLAD▲ (très effrayée, apercevant les troishommes) J ai peur! Ils sont là! ▼CHÉRUBIN▲ (regardant, puis en prenant viteson parti) Ma Mésange! Je vais les dépister en leur donnant le change. Fais un détour… par le sentier. Là! (Il l embrasse, goguenard) A fin chasseur plus fin gibier!!! (Elle s esquive et rentre furtivement dans la posada. Chérubin disparaît au moment où les trois hommes se séparent. On entend la voix de Chérubin) Lorsque vous n aurez rien à faire (les trois hommes revenant vite lesuns près des autres) ▼LE DUC, LE COMTE, BARON▲ Chérubin! c est lui! ▼CHÉRUBIN▲ Mandez-moi vite auprès de vous… ▼LE BARON▲ D ici, la voix sort… ▼LE DUC▲ Il se tait… ▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲ Ah! ▼LE COMTE▲ Non! ▼LE DUC▲ Il chante encor! ▼LE BARON▲ Il chant encor! ▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲ (comme plus loin) Le paradis que je préfère c est un coussin à vos genoux! ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ Le scélérat est dans le bois… Nous le tenons bien cette fois. (L Ensoleillad inquiète paraît à son balcon; on entend la voix des trois hommes criant Taïaut) ▼L ENSOLEILLAD▲ Taïaut (émue) Je les entends à sa poursuite… Mais Chérubin se moque deux. Hélas, le bonheur passe vite, (lié et caressant) Nous étions si bien seuls tous les deux! Ses lèvres cherchaient mes lèvres dans l ombre… (chaleureux) Chérubin! reviens! ah! reviens! ▼LE VOIX DE CHÉRUBIN▲ Je suis là! ▼L ENSOLEILLAD▲ (regardant en vain) Chérubin! ▼CHÉRUBIN▲ (toujours invisible) J ai dépisté la meute. (en riant) Le Duc jure si fort Que la forêt s ameute. ▼L ENSOLEILLAD▲ Mais… je ne te vois pas… Où donc te caches-tu? ▼CHÉRUBIN▲ (apparaissant à califourchon surle mur) J y suis! ▼L ENSOLEILLAD▲ Ciel! sur le mur! ▼CHÉRUBIN▲ (en se préparant à descendre) Aïe! ▼L ENSOLEILLAD▲ Qu as-tu? ▼CHÉRUBIN▲ (il descend par le treillage) Non! j ai mal! ▼L ENSOLEILLAD▲ Où donc? ▼CHÉRUBIN▲ (continuant sa dégringolade) Pas à l oreille. Car je m étais assis sur un fond de bouteille. ▼L ENSOLEILLAD▲ (amusée et joyeuse) Prends garde! ▼CHÉRUBIN▲ (sautant à terre) Je descends! (Il prend une échelle et l applique contre le balcon de l Ensoleillad. Chérubin grimpe et se trouve aussitôt en haut de l échelle; s il ne peut pénétrer chez l Ensoleillad. Gaîment) Mais c est pour mieux monter! ▼L ENSOLEILLAD▲ Ah! mon Dieu! ▼CHÉRUBIN▲ (il parvient, à travers les barreaux du balcon fermé, à enlacer son amie; triomphant) Me voilà! ▼L ENSOLEILLAD▲ Chérubin!! ▼CHÉRUBIN▲ Ma beauté! (Ils s étreignent. La lune les caressed un grand rayon) ▼L ENSOLEILLAD▲ (avec élan) Amour! amour! (sempre appassionate) quand tu t en mêles, Les jaloux peuvent sur venir; Les amants qu on veut désunir… ▼CHÉRUBIN▲ Tu les rapproches d un coup d aile. (avec élan) Amour! amour! (sempre appassionate) entends ma voix; ▼L ENSOLEILLAD▲ Phoebé luit trop sur nos visages, ▼CHÉRUBIN▲ Les jaloux vont nous voir du bois… ▼L ENSOLEILLAD▲ Cache la lune… Cache la lune d un nuage. (La lune s obscurcit) ▼CHÉRUBIN▲ (joyeux) Miracle! Eros répond… Et Phoebé s obscurcit!! ▼L ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN▲ Eros, Dieu d allégresse, Eros! O toi qui fais mourir d une main qui caresse… Divin Eros, Eros merci! (Tout à coup les jalousies des fenêtres de la Baronne et de la Comtesse se soulèvent) ▼L ENSOLEILLAD▲ (effrayée) Du bruit, descends. (Ils se laisse glisser en bas de l échelle… L Ensoleillad s est sauvée un instant dans sa chambre) ▼LA COMTESSE▲ (de la fenêtre) Qui va là? ▼CHÉRUBIN▲ (à part) Ma marraine! ▼LA BARONNE▲ (apparaissant de même) Qui parle? ▼CHÉRUBIN▲ (à part) Seigneur, l autre aussi! (vivement à la Baronne) C est moi! ▼LA COMTESSE▲ Quoi? ▼CHÉRUBIN▲ (à la Comtesse) C est moi! ▼LA COMTESSE▲ (très bas) Vous ici! ▼L ENSOLEILLAD▲ (revenant) Parlez plus haut, j entends à peine! ▼LE COMTESSE et LA BARONNE▲ Imprudent! ▼L ENSOLEILLAD▲ Quoi? (surprise d entendre plusieurs voix) qui chuchotte ainsi? ▼LA COMTESSE et LA BARONNE▲ (surprises d entendre plusieurs voix) … qui chuchotte ainsi? ▼CHÉRUBIN▲ (cherchant une défaite) C est le vent!! ▼L ENSOLEILLAD, COMTESSE, LA BARONNE▲ Quoi? ▼CHÉRUBIN▲ Chut! Puisque de si loin on ne peut s embrasser, Puisqu on ne peut parler, (tendre) lancez-moi quelque gage… J implore un souvenir à défaut d un baiser. ▼L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE et LA BARONNE▲ Ah! comment vous résister, beau page! ▼LA BARONNE▲ (lui lançant un bouquet) Tiens! ▼L ENSOLEILLAD▲ (lui lançant sa jarretière) Tiens! ▼LA COMTESSE▲ (lui lançant un ruban de son cou) Tiens! ▼CHÉRUBIN▲ (ravi, attrapant les trois gages, puis lespressant contre son coeur) Ah! le bon tour! Je suis tout mitraillé d amour! ▼L ENSOLEILLAD▲ (effrayée) Le Duc! (Chaque fenêtre se fermebrusquement aprèschaque exclamation) ▼LA BARONNE▲ (effarée) Le Baron! ▼LA COMTESSE▲ (craintive) Le Comte! (Chérubin, pour apercevoir l ennemi,grimpe sur l échelle) ▼LE BARON▲ (arrivant, une lanterne à la main) Il est pris! ▼LE DUC▲ Cernons le jardin! ▼LE COMTE▲ C est un scandale! ▼LE DUC▲ Une honte! (Chérubin dégringole au milieu d euxtrois. Il jette devant lui l échelle, et,goguenard, provocant, les attend lesbras croisés) ▼LE BARON▲ Bandit! ▼LE DUC▲ Gredin! (Les trois hommes sont exaspérés) ▼LE COMTE▲ (dans une colère froide) D où venez-vous? ▼LE DUC▲ (avec explosion) De quelle chambre? ▼LE COMTE▲ (désignant la chambre de la Comtesse, à part) Vient-il d ici? ▼LE BARON▲ (montrant la chambre de la Baronne; à part) Vient-il de là? ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ Réponds! Réponds! ▼CHÉRUBIN▲ (leur éclatant de rire au nez) Tra la la la la la la!! ▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲ Réponds! Réponds! ▼CHÉRUBIN▲ Je m amuse! Je m amuse! ▼LE BARON▲ (en levant sa lanterne vers Chérubin) Ce bouquet est à ma femme! ▼LE COMTE▲ (trépidant de rage concentrée) Ce ruban à la Comtesse! ▼LE DUC▲ (avec explosion) Sa jarretière!! ▼CHÉRUBIN▲ Je m amuse! Je m amuse! ▼LE DUC▲ (se découvrant) Pauvre Roi! ▼LE COMTE▲ Ce ruban! ▼LE BARON▲ Ce bouquet! ▼LE DUC▲ Rendez la jarretière! ▼LE BARON▲ (dégaînant) Rendez! ▼LE DUC▲ (dégaînant) Rendez! ▼LE COMTE▲ (dégaînant) …ou c est la mort! la mort! la mort! ▼LE DUC▲ (roulant des yeux terribles) …avec le cimetière! ▼LE BARON▲ …avec le cimetière! (Tous les trois chargeant Chérubin avec des cris féroces) ▼CHÉRUBIN▲ Jamais! Jamais! Jamais! ▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲ Tiens! Tiens! Tiens! Tiens! Tiens! Tiens! Tiens! (Chérubin tient tête aux trois énergumènes, mais, aux cris arrivent aussitôt l Aubergiste affolé et Le Philosophe éploré) ▼L AUBERGISTE▲ (accourant affolé) Alguazils!! alguazils!! ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ Tiens! Tiens! ▼LE PHILOSOPHE▲ (éploré) Trois duels! ah! mon pauvre garçon! Trois duels! Trois duels! (On sonne la cloche. Le duel s est arrêté - la porte charretière est ouverte la cour de la posada est envahie par une foule de serviteurs - avec torches et lanternes - de servantes, de passants, de voyageurs et voyageuses réveillés en sursaut, qui paraissent dans leurs costume de nuit) ▼L AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALET, LES VOYAGEUSES et LES VOYAGEURS▲ Quel scandale! Quel scandale! Quel scandale! ▼LE DUC▲ Je tuerai demain ce garçon! Le Roi me donnera raison! Le Roi me donnera raison! ▼LE COMTE et LE BARON▲ Ma femme aimer ce polisson! Ah! quelle indigne trahison! Ah! quelle indigne trahison! ▼CHÉRUBIN▲ Tra la la! Tra la la! Je m amuse! Je m amuse! (paraît le Corrégidor suive d Alguazils) ▼LES SERVITEURS▲ (annonçant à tue-tête) Le Corrégidor!! ▼LE BARON▲ (se jette sur le Corrégidor; à part, avec effarement) Gardez-vous qu on le soupçonne; Mais avec la Comtesse il est bien! ▼LE COMTE▲ (même, jeu) Ah! monsieur, n en parlez a personne Il vient de chez l Ensoleillad! (de l autre côté) Chut! n en dites rien! ▼LE BARON▲ (de l autre côté) Chut! n en dites rien! n en dites rien! rien! ▼LE DUC▲ (même, jeu) Il vient de chez la Baronne, chut! mais au Baronne n en dites rien! ▼L AUBERGISTE, SERVANTES, VALETS▲ Pour la maison quel scandale! Le patron en perdra la raison! (Les trois fenêtres se sont ouvertes, les trois femmes sont apparues) ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ Chut! n en dites rien! (Les trois femmes à leurs fenêtres) ▼L ENSOLEILLAD▲ (éplorée, à part) Trois duels à la fois! Ils le tueront! ▼LA COMTESSE, LA BARONNE▲ (à part) Ils le tueront! ▼LE PHILOSOPHE▲ Trois duels à la fois! Ils le tueront! mon Dieu! O mon Dieu! O mon Dieu! O mon Dieu! ▼CHÉRUBIN▲ Tra la la la la la la la la la! Je suis gai comme un pinson! Zon! zon! zon! Ah! que je m amuse! la la! Quelle nuit! Je m amuse! la! la! ▼L AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE▲ Quel scandale! Quel scandale! ▼L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE▲ Pauvre garçon! Ils le tueront! ▼LE DUC, LE COMTE et LE BARON▲ Voyez, il rit! voyez, il rit! Je tuerai demain ce garçon! ▼L ENSOLEILLAD▲ Hélas! Hélas! ▼LA COMTESSE et LA BARONNE▲ C en est fait! Ils le tueront! C en est fait! Ils le tueront! ▼L AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS, LA FOULE▲ Quel scandale! Pour la maison! ▼LE PHILOSOPHE▲ Mon Dieu! Il a trois duels! ▼DUC, COMTE, BARON▲ Le Roi me donnera raison! ▼LE DUC▲ Oui, je tuerai ce garçon! ▼LE COMTE et LE BARON▲ Quelle indigne trahison! ▼LE COMTE▲ (à Chérubin; très catégorique) Demain, je vous tuerai! ▼L AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALETS et LA FOULE▲ Quel scandale pour la maison! Quel scandale pour la maison! Ah! ▼L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNE▲ Ah! Ah! mon Dieu! ▼LE PHILOSOPHE▲ Mon Dieu! Mon Dieu! Ah! ▼LE DUC, LE COMTE, LE BARON▲ A mort! A mort! Ah! ▼CHÉRUBIN▲ Tra la la! Tra la la! Tra la la! (Sur un signe du Corrégidor les alguazils entourent et arrêtent le Duc, le Comte et le Baron qui protestent et se démènent comme des fous furieux. Les trois femmes s évanouissent, chacune à son balcon.cris tumulte indescriptible) DUEXIÈME ACTE (La grade cour-jardin d une vieille et importante posada à l enseigne "Bon gîte contre bon argent."Des voyageurs, des voyageuses crient,tempêtent contre l Aubergiste, contre les valetset les servantes de l auberge) TOUS LES VOYAGEURS(à tue-tête)Une chambre! LES SERVANTES(à tue-tête)Rien! TOUS LES VOYAGEURSUne chambre! LES SERVANTESRien! L AUBERGISTE(à tue-tête)Je vous dis que tout est pris. TOUS LES VOYAGEURSUne chambre! Une chambre!à n importe quel prix! L AUBERGISTERien! Je vous dis que tout est pris. Rien! LES SERVANTESOn vous dit que tout est pris. TOUS LES VOYAGEURS… à n importe quel prix!Une chambre! une chambre!une chambre!à n importe quel prix! L AUBERGISTEToute est pris! tout est pris! toute est pris!Puis qu on vous dit que tout es pris! LE SERVANTESTout est pris! tout est pris!tout est pris!Puis qu on vous dit que tout est pris! TOUS LES VOYAGEUSES(à l Aubergiste, d un air menaçant)Sur son enseigne on n inscrit pas «Bon gîte contre bon argent!» Quand on ne peut loger les gens! LES VOYAGEURS(de même)Sur son enseigne on n inscrit pas «Bon gîte contre bon argent!» Quand on ne peut loger les gens! L AUBERGISTE(apoplectique)Ah! pas tant de désinvolture!Vous n êtes pas nobles , ma foi!C est demain grand bal chez le Roi!Allez coucher dans vos voitures. TOUS LES VOYAGEURS(rageuses exclamations des voyageurs)Ah! L AUBERGISTEEt n abîmez pas mon jardin! TOUS LES VOYAGEURS(tous, exaspérés)Butor! gredin!Qu on le bâtonne, qu on le tue!Misérable! L AUBERGISTE(très bousculé par les voyageurs)A moi, mes gens! dehors, plébéienne cohue! LES SERVANTESDehors! Dehors! Dehors! Dehors! TOUS LES VOYAGEURSButor! Butor!Gredin! Gredin! Misérable! LES SERVANTESDehors! Dehors! TOUS LES VOYAGEURS(tout, en hurlant)Non! Non! (Les Valets et les Servantes, à coupsde broches, de balais etc… chassentces forcenés dehors. - Cris, tumulte.La Comtesse et La Baronneparaissent) LA COMTESSEAh! Baronne! Enfin, c est ici. LA BARONNEJe n en puis plus, chère Comtesse. L AUBERGISTE(à part)Comtesse, Baronne!! (avec suffisance) … ah! voici les gens que j aime, la Noblesse!! (s avançant et saluant) Mesdames, mon respect me prosterne à vos pieds. LA BARONNE(à l Aubergiste lui coupant la parole)Où sont nos chambres? LA COMTESSENos époux ont dû, je suppose, Retenir nos appartements? L AUBERGISTE(empressé)Oui, deux appartements charmants; L un est tout bleu, l autre est tout rose, Que vos grâces lèvent les yeux… C est là. LA COMTESSE(regardant avec son face à main)Ce balcon du milieu? LA BARONNE(prétentieuse, sentimentale)Où s enchevêtrent des glycines… L AUBERGISTENon… les deux fenêtres voisines…Là… LA COMTESSE(sursautant)Une lucarne! LA BARONNE(horrifiée)Un oeil de boeuf! L AUBERGISTELe mobilier en est tout neuf. LA BARONNEC est affreux! LA COMTESSEHorrible! LA BARONNELugubre! L AUBERGISTE(faisant l article)C est au Midi, c est très salubre. LA COMTESSE(ultra nerveuse)Nous choisir ces taudis!nos maris étaient gris! (d un air décidé) J arrête l autre chambre à n importe quel prix! L AUBERGISTEC est impossible. LA COMTESSEAh! ça, bélître. ignores-tu mon rang? LA BARONNEMon titre? L AUBERGISTE(tout en s inclinant)Ah! fussiez-vous princesses de Bagdad, Je vous refuserais. LA COMTESSELa colère me gagne. Manant!Loges-tu donc ce soir le roi d Espagne? L AUBERGISTE(avec mystère)Le roi, non…Mais qui sait… la Reine? L’Ensoleillad!! LA COMTESSELa danseuse! LA BARONNEUne fille! LA COMTESSEAh! j étouffe! LA BARONNEJ enrage! LA COMTESSEJ étouffe! LA BARONNEJ enrage! L AUBERGISTE(survenant)Quel est ce bruit? LE COMTESSE(au Comte avec agitation)Monsieur, c est un indigne outrage! LA BARONNE(renchérissant)A quoi donc sert notre vertu? LA COMTESSE(de même)A quoi donc sert notre noblesse? Si par l aplomb d une drôlesse LA BARONNESi par l aplomb d un drôlesse LE COMTE(effrayé)Chut! LE BARON(qui est entré avec le Comte,de même)Chut! LA BARONNE, LA COMTESSENotre prestige est abattu!A quoi donc sert notre vertu!! LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTE(tous trois avec mystère et frayeur)Chut! Chut! parlez tout bas! LA COMTESSE, LA BARONNE… notre vertu! LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTEChut!parlez tout bas! LE COMTELa prudence vous le commande. LA COMTESSE, LA BARONNEPourquoi? LE BARON(en confidence)Vous ne savez donc pas qu ici LE COMTE, LE BARON, L AUBERGISTEC est le Roi qui la commande. LE DUC(survenant)Holà!quelqu un! LA COMTESSE, LA BARONNELe Duc! LE DUC(à la Comtesse, à la Baronne)Mesdames! (Il leur baise la main; au Comte,au Baron) Messieurs, le devoir vous réclame; Le Roi reçoit dans un moment. LE COMTE, LE BARONNous partons. (Le Comte et le Baron s inclinent les domestiques les aident à s apprêter) LE DUC(mystérieusement à l Aubergiste)Cet appartement? L AUBERGISTE(montrant la fenêtre du balcon)Le voilà! LE DUC(à l Aubergiste)C est bien…La personne vous arrivera d ici peu… (Il remet des pièces d or àl Aubergiste) L AUBERGISTE(saluant très bas)Que votre Seigneurerie est bonne… LE DUCAdieu, Mesdames! LE COMTESSE, LE BARONNE(font leur plus belle révérence)Duc, adieu! (Le Duc, le Comte et le Baron sortent) LE CAPITAINE RICARDO, 6 MANOLAS et 6 OFFICIERS(Au loin, et se rapprochant peu à peu,la voix des officiers et de leurs petitesamies)Le vin rend gai, l amour rend fou, L AUBERGISTE(allant aussitôt regarder au dehors)Voici les officiers. (Il frappe dans ses mains; servantes et valets arrivent apportant des tables,etc) RICARDOVive Bacchus! RICARDO, MANOLAS, OFFICIERSVive Cythère!Sur terre on vit très peu de temps. RICARDOIl faut donc s amuser, RICARDO, MANOLAS et OFFICIERSIl faut donc s amuser beaucoup! (La troupe joyeuse envahit le jardinde la posada) MANOLAS(sopranos, en criant)Des gâteaux! Des gâteaux! (Officiers et Manolas s installent s embrassent; rires et cris) OFFICIERS(ténors, s exclamant)Pas ce vin là! non! LA COMTESSE(à l Aubergiste)Quelles sont ces femmes? L AUBERGISTEDes filles de plaisir. LA BARONNE(entraînant la Comtesse vers laposada)Cette auberge est infâme. RICARDO, MANOLAS et OFFICIERSLe vin rend gai, l amour rend fou. RICARDOC est moi, Ricardo, qui régale! L AUBERGISTEHolà!à ces seigneurs versez de mon vieux vin Manzanille. (Nouvelles exclamations joyeuses) MANOLAS(réclamant, à tue-tête)Des gâteaux! RICARDO(à l Aubergiste; avant de boire et montrant son verre plein)Est-il très bon? L AUBERGISTE(n osant pas trop s avancer)Il est meilleur. MANOLAS, OFFICIERS(en joie)Sur terre on vit très peu de temps! RICARDO(très cavalièrement à l Aubergiste)Si tout n est pas très fin, hôtelier, on t étrille. Apprends donc que dans un moment Nous allons tous fêter, Avec ces belles filles, Un nouveau compagnon, cornette au régiment! L AUBERGISTE(s éloignant)Vous serez satisfait. (Les Manolas arrangent leurscoiffures; tapotent leurs robes tout encausant) UNE FILLEQuel âge a ce cornette? RICARDO(négligemment)Je ne sais pas! UNE AUTRE FILLEVingt ans? UN AUTRETrente ans? UN AUTREBlond? UNE AUTREBeau garçon? UNE AUTRESes titres? LA 1re… son pays? LA 2de… son rang? RICARDOQue de sornettes! (Enlaçant la taille d une belle fille Pepa) Pensez à nous, Qu il aille au diable! DEUX OFFICIERSIl a raison! QUATRE AUTRES OFFICIERSIl a raison! TOUTES MANOLAS(se récriant)Mais nous sommes ici pour fêter sa venue! CHÉRUBIN(apparaissant sur le seuilde la posada)Camarades, et vous, beautés, je vous salue! RICARDO, OFFICIERS(stupéfiés)C est lui! c est lui! qu il est petit! qu il est petit! TOUTES LES MANOLAS(surprises)C est lui! c est lui!Qu il est gentil! qu il est mignon! RICARDOMon sabre est plus haut que son corps! UN TRÈS GRAND OFFICIER(basse ou baryton - grosse voix)Il nous arrive à la ceinture! RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS… qu il est petit! CHÉRUBIN(se mordant les lèvres, arrive crânement sur eux)Je ne suis pas grand, mais… tout doux…Vous verrez que sous la mitraille Je saurai redresser la taille, Et qu à la première bataille Je paraîtrai plus grand que vous! LES MANOLAS(applaudissant Chérubin)Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! (Chérubin embrasse et lutine une desfilles, Pepa) LES OFFICIERS(furieux)Comment, il embrasse… il caresse… RICARDO(furieux)Ma maîtresse! Il a besoin d une leçon! (s avançant) Çà, deux mots, mon jeune garçon! CHÉRUBIN(a frémi sous cette interpellation)Je suis à vos ordres, brave homme! RICARDO(suffoqué)Brave homme!Il veut que je l assomme! CHÉRUBIN(il met la main à son épée)Assommez-moi, si vous l osez! LES MANOLAS(avec transport)Bravo! Bravo! RICARDO(hors de lui)L audace est sans pareille! (à Chérubin) Si je vous vois encor donner un seul baiser Je vais vous couper les oreilles! (Il met la main à son épée; Chérubinl arrête du geste) CHÉRUBIN(à Ricardo, gentiment)Ne mettez pas flamberge au vent Pour chaque baiser que je donne, Vous vous battriez trop souvent! RICARDO(à ses amis, montrant Chérubin)Il raille encor! CHÉRUBIN(reprenant)Mais si vous tentez ce destin Vous vous battrez comme respire. Vous vous battrez soir et matin (sans respirer) Et la nuit! Car la nuit m inspire! (d un petit air rageur) Vous vous battrez à l infini, Vous en aurez crampes et fièvres! (très souriant et moqueur) On voit moins d abeilles au nid Que je n ai de baisers aux lèvres! RICARDO(dégaînant)Battons-nous donc! CHÉRUBIN(avec son plus fin sourire)C est entendu! (Les Valets accourent et ouvrent la grande porte de fond. On aperçoit une jeune femme très élégante descendre d un carrosse. Elle a un loup) LES MANOLAS(à Ricardo, à Chérubin, aux Officiers)L arme au fourreau. Le duel est défendu! CHÉRUBIN(observant les mouvements de lajeune femme)Quelle taille! et quel fin visage! (aux Manolas) Mesdames, livrez-moi passage, Je vais l embrasser sous son loup. (L Ensoleillad masquée, entre, suivie de ses femmes) LES MANOLAS(à Chérubin)Vous la connaissez? CHÉRUBIN(lestement)Pas du tout! (Chérubin embrasse L Ensoleillad sur le cou; surprise, elle retire sonmasque. Chérubin stupéfié reconnaitL Ensoleillad) L ENSOLEILLAD(à Chérubin)C est vous? CHÉRUBINC est vous! (pliant le genou et lui baissant la main) Ah! j ai l âme marrie, Me pardonnerez vous jamais ma brusquerie! L ENSOLEILLAD(lui faisant signe de se relever)En effet, le baiser fut brusque et mal donné! (tendant la joue) Faites mieux, cette fois, vous serez pardonné! (Au milieu des acclamations et des rires des Manolas, Chérubin embrasse du bout des lèvres Ensoleillad) RICARDO(à Chérubin, s impatientant)Monsieur, je vous attends. CHÉRUBIN(dégaînant)En garde! L ENSOLEILLAD(voulant l arrêter)Comment! Un duel! vous êtes fou! CHÉRUBINUn bon ange me garde Puisque je me bats devant vous. (aux Manolas; simple et galant) Daignez ici prendre vos aises. (aux Serviteurs) Servantes, valets, quelques chaises… (Les Officiers installent les dames afin qu elles soient bien placées pour assister au duel; pendant ce temps les violons arrivent) LE TRÈS GRAND OFFICIERVoici les violons mandés pour le festin. RICARDO(nerveux)Renvoyez-les. CHÉRUBIN(très gai)Du tout, battons-nous en musique! RICARDORenvoyez-les, c est enfantin! CHÉRUBINNon, qu ils entrent! L ENSOLEILLAD(lui envoyant un baiser et une rose)C est héroïque! RICARDO(à Chérubin)Etes-vous bientôt prêt Car la main me picote. CHÉRUBIN(à L Ensoleillad, ayant ramasséla rose)Vos pieds n ont pas de tabouret. (à Ricardo) J y suis! (aux violons) Messieurs! (Il lance aux musiciens une bourse pleine; puis il met la rose de l Ensoleillad à sa bouche et tombe en garde. Les violons se hâtent des accorder) Une gavotte! (Le duel commence) L ENSOLEILLADJ ai peur! RICARDOA toi! CHÉRUBIN(parlé)Manqué! L ENSOLEILLAD(se cachant la tête derrière sonéventail)Mon Dieu! LES MANOLAS(à deux)J ai chaud! D AUTRESJ ai froid! L ENSOLEILLADSeigneur! Je tremble! LES MANOLAS(petit cri d effroi)Ah! CHÉRUBIN(aux musiciens, tout en se battant)…ça, messieurs de l archet, voyons… un peu d ensemble!! (L Aubergiste accourt avec Le Philosophe. Cri des filles; à cettereprise Chérubin est près d être touché. L Ensoleillad s évanouiton l entoure) LE PHILOSOPHE(éploré)Un duel! L AUBERGISTEUn duel! chez moi! (criant) Alguazils! (à ce mot, grand tohu-bohu) alguazils!! CHÉRUBIN(tenant l Aubergiste par le cou)Tais-toi! tais-toi! (Chérubin lâche l Aubergiste pour courir aux pieds de l Ensoleillad évanouie) LES MANOLAS et LES OFFICIERSQuelle algarade! RICARDO(apercevant Chérubin aux pieds de l Ensoleillad)Mais… que fait-il encor? LES OFFICIERS(calmant Ricardo)Du calme, camarade! LE PHILOSOPHE(affolé; au capitaine Ricardo)Quoi! vous vouliez j en suis tremblant, Tuer cet enfant là… RICARDO(furieux)Dites cet insolent! (tremblant de colère) Embrasser Pepa, ma maîtresse; C est un outrage. LE PHILOSOPHE(indulgent)Une caresse! RICARDOIl l offensa! LE PHILOSOPHE(rectifiant)Il l embrassa. RICARDOC est une insulte, sur mon âme! LE PHILOSOPHEAh! (avec vivacité) comme l on voit bien que vous n êtes pas femme! (Tout cette scène avec agitation, émotion tendre, et chaleur sans cesse grandissante, très larmoyant) Songez, monsieur, que l on est au printemps…Que la fille est jolie et qu il a dix-sept ans! (avec émotion et agitation) Dix-sept ans!c est un coeur que l amour illumine. On rêve… on chante… on rit… on veut mourir,…Et l on est malheureux de ne pouvoir souffrir… (chaleureux) Et l âme se fleurit comme l herbe au printemps!Songez donc! dix-sept ans!Songez donc! dix-sept ans!Dix-sept ans! (avec des larmes) dix-sept ans!! RICARDO(ému, prenant les mains du Philosophe)Ah! vous avez raison! L AUBERGISTE(accourant, s épongeant le front tout en regardant l Ensoleillad qui sourit à Chérubin)Quel discrédit pour ma maison! CHÉRUBIN(allant vers Ricardo)A nous! RICARDO(bon enfant, tendant la main à Chérubin)Ta main! L AUBERGISTE(désespéré de ce qui arrive)L Ensoleillad évanouie! LES MANOLAS, OFFICIERSC était l Ensoleillad! L AUBERGISTE(avec la voix brisée par l émotion)Messieurs! j avais l honneur…de recevoir chez moi… L Ensoleillad…mandée au Palais… par le Roi! RICARDO, MANOLAS, OFFICIERSPar le Roi! (Le temps que Chérubin est de nouveau avec l Ensoleillad, Le Philosophe en profite pour jeter le trouble en l âme des assistants) LE PHILOSOPHESi le Roi connaît cette affaire Nous sommes tous perdus… RICARDO, L AUBERGISTE, MANOLAS, OFFICIERS(Tous, effrayés et entre eux)Si le Roi connaît cette affaire Nous sommes tous perdus!Que faire? L ENSOLEILLAD(arrivant en s éventant, toute gracieuse et provocante)Bah! messieurs, c est tout arrangé. Vous parlez de péril de crime, Mais on ne s est pas égorgé; Ce duel n était qu un jeu d escrime. (Le Philosophe ravi, rentre dans la posada en soufflant et ens épongeant. Une coupe de champagne à la main, avec crânerie et désinvolture) Plus de soucis, de la gaîté!Ah! buvons pour que la joie en nos âmes renaisse!Filles, buvez à la jeunesse! (éclatant de rire et d ivresse) Ah! Garçons, buvez, buvez à la beauté! à la (caressant) beauté! (tendre et amoureux) Je bois à vox amants, je bois à vos maîtresses, Je bois aux coeurs heureux, aux coeurs brisé…amis! Je bois à toutes les caresses, Et je bois à tous les baisers!Oui! je bois à tous les baisers!Je bois aux baisers, aux caresses…à tous les baisers! CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS(Les Manolas et les Officiers, avecune joie enthousiaste)A l Ensoleillad! à l Ensoleillad!à la Reine de l amour et de la beauté!! L ENSOLEILLADJe bois à la beauté!! (entourée de tous ces jeunes genset des belles filles) Soit, j accepte la Royauté, Mais puisque je suis souveraine, A l endroit du duel, ici même, J ouvre le bal!Me suit qui m aime! (très marqué et saccadé) La! La! La! (l Ensoleillad danse la manila) TOUS(dans un grand élan)Brava! (cri prolongé) L AUBERGISTE(accourant)Madame, en votre appartement votre poudreuse est préparée. CHÉRUBIN(avec chagrin)Vous partez? RICARDO, MANOLAS, OFFICIERS(désolés)Vous partez? L ENSOLEILLAD(avec mélancolie)Les meilleurs moments ont, hélas, le moins de durée! CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERSVous partez? L ENSOLEILLADAdieu, adieu, ma petite cour, Un destin plus grand loin de vous m entraîne, Mais dans un palais quand je serai Reine Je regretterai ce règne d un jour!Adieu! ma petite cour! adieu! CHÉRUBIN, RICARDO, MANOLAS, OFFICIERSAdieu, notre Reine d un jour! adieu! L ENSOLEILLAD(à Chérubin avant de disparaître)J espère vous revoir. CHÉRUBIN(très amoureux)Ah! combien je vous aime! (L Ensoleillad disparaît) LES OFFICIERS(à Chérubin, avant de partir)Au revoir, camarade, à demain! RICARDO(à Chérubin)Mon estime est pour vous extrême, Serrons-nous à nouveau la main. LES OFFICIERS(cordial)Au revoir, camarade, à demain! CHÉRUBIN(aux amis qui s éloignent)Le vin rend gai, l amour rend fou!Vive Bacchus! MANOLAS, OFFICIERS(en disparaissent)Vive Cythère! CHÉRUBINSur terre on vit très peu de temps! MANOLAS, OFFICIERS(assez loin)Il faut donc s amuser… CHÉRUBINIl faut donc s amuser beaucoup! (Le crépuscule commence à tomber) OFFICIERS(très loin)Le vin rend gai, l amour rend fou!Vive Bacchus! LE PHILOSOPHE(qui vient d entrer et écoute les voixqui s atténuent; à chérubin)Médite sur ceci, Chérubin, et prends garde… CHÉRUBIN(nerveux, lui coupant la parole)Laisse-moi, tu bavardes! LE PHILOSOPHE(saisi)Qu as-tu donc? CHÉRUBINJe me tiens à quatre Pour ne pas, toi, te provoquer! LE PHILOSOPHEComment, moi? CHÉRUBINJ ai failli me battre Et mon premier duel est manqué. LE PHILOSOPHE(anéanti)Quoi! c est cela qui te tracasse; Vraiment, c est à désespérer. CHÉRUBIN(regardant la fenêtre de l Ensoleilladqui s est éclairée)L Ensoleillad devant sa glace Doit en ce moment se parer LE PHILOSOPHE(inquiet)Viens donc! CHÉRUBINNon! (Durant que Chérubin va et vient cherchant à apercevoir l Ensoleillad, le Philosophe le suit tout en parlant; et Chérubin lui répond de façon très distraite) LE PHILOSOPHELe Duc te déteste, Et le Comte demeure ici. CHÉRUBIN(sur la point des pieds)Raison de plus pour que je reste; Je verrai ma marraine aussi. LE PHILOSOPHESonge au péril qui t environne. CHÉRUBINMe prends-tu donc pour un poltron? LE PHILOSOPHE(de plus en plus agité)Cette fenêtre est au baron. CHÉRUBINBravo! je verrai la baronne! LE PHILOSOPHEMais choisis-en une à la fois. CHÉRUBIN(le plus gravement de monde)Je voudrais bien, je ne peux pas. LE PHILOSOPHEIl les aime par ribambelles! CHÉRUBIN(s arrêtant enfin pour éclairer une bonne fois l esprit de son vieux maître)Je ne peux me fixer, les femmes sont trop belles!Une femme! Une Femme! (très caressant et animé) Ce mot me rend tout attendri…Il me parfume l âme! (sans respirer) Une femme!Ce mot, c est mon mot favori, quel doux mot une femme!De soupirer ce nom, je ne puis me lasser… ce nom, ce nom est une ivresse!Une femme!Quel mot charmant à prononcer…Quelle caresse…Et je ne puis choisir. Chacune tour à tour Me met le coeur en flamme! (caressant) Et je tombe à l instant amoureux de l amour…Dès que passe une femme! LE PHILOSOPHEPour élève, un tel garnement! CHÉRUBIN(au Philosophe, lestement ens éloignant)Voilà ton châtiment! (se dressant sur la pointe des pieds vers la fenêtre de l Ensoleillad) Ah! lui parler! LE PHILOSOPHE(l adjurant affectueusement)Petit, recule…l Ensoleillad voit chaque jour Les plus fins roués de la Cour Et tu vas être ridicule! CHÉRUBINJe reste. LE PHILOSOPHEPourquoi t obstiner? CHÉRUBIN(d un air frondeur et décidé)Parce que… toi, (vivement) tu m as donné des conseils que je tiens à suivre. LE PHILOSOPHEMoi! Dieu puissant!J étais donc gris. CHÉRUBIN(avec un grand sérieux)Philosophe, vous étiez ivre! LE PHILOSOPHE(consterné)Juste ciel! Et que t ai-je appris? CHÉRUBIN(doctoral)Tu m as dit (léger, vif, avec volubilité) Si tu veux séduire Beaucoup de femmes ici-bas voici comme il faut te conduire… LE PHILOSOPHE(qui vient de sursauter, l interrompant)Doux Jésus! CHÉRUBIN(avec un sentiment de prière dansla voix)Ah! (subitement, observant que la fenêtrede l Ensoleillad va s ouvrir) Va-t en! LE PHILOSOPHEMais non, il ne faut pas. CHÉRUBIN(vivement cette fois)Mais va-t en donc? LE PHILOSOPHE(sortant accablé)Mea culpa!! (L Ensoleillad paraît derrière sonbalcon en fer forgé) L ENSOLEILLADQui parle dans la nuit confuse? Quelle est l ombre sur le gazon? CHÉRUBIN(bas)Soyons naïf et vous, ma muse, Inspirez-moi quelque chanson. L ENSOLEILLAD(éclairée par la lumière de sachambre)La lune en nappe d or s étale La brise est tiède comme un bain…La nuit me rend sentimentale. CHÉRUBIN(à part)Sois poitrinaire, Chérubin. (Il chante en s accompagnant sur son épée en guise de guitare) Madame! J ai vingt ans à peine Et je suis un adolescent; (sans respirer) Mais j ai tant d amour et de peine Que déjà je suis languissant…Le baiser, ma lèvre l ignore, Tous mes rêves sont orphelins, Et je suis très naïf encore. L ENSOLEILLAD(avec un intérêt légèrement railleur)Vous vous en vantez? CHÉRUBINJe m en plains! L ENSOLEILLADPauvre enfant! Il a l air sincère! (Elle réfléchit une seConde et recule doucement vers la chambre où elle disparaîtra en disant) Il ne faut pas vous désoler…Je descends pour vous consoler! (La lune éclaire tout le jardin) CHÉRUBIN(subitement ému et tremblant)Ici l Ensoleillad!Nous serons seuls ensemble!!Mon Dieu!c est pour de vrai que cette fois je tremble… (Paraît l Ensoleillad; un moment d émotion, puis d une voix tremblante) Ensoleillad! (Il conduit l Ensoleillad vers le banc etla regarde avec extase) Là! près de moi? L ENSOLEILLADEnfant! CHÉRUBIN..que vous êtes jolie!! (sincèrement ému) Hélas! Ensoleillad! (un silence) L ENSOLEILLAD(lié et caressant)Pourquoi ces grands yeux de mélancolie? CHÉRUBIN(des larmes dans la voix)Vous partez demain… (Souriante, essuyant avec son finmouchoir de dentelles les larmes deChérubin) L ENSOLEILLADPas ce soir. CHÉRUBIN(très malheureux)Mais je ne dois plus vous revoir…Et bientôt qui sait, demain même…Vous m oublierez… (très ému) Le Roi vous aime. L ENSOLEILLAD(amoureuse et avec élan)Qu importe demain et tout l avenir! (avec une infinie tendresse) Mon âme te parle (plus bas) et ton coeur m écoute. Rêve que ce soir ne doit plus finir… (avec abandon) Puisque pour un soir je t appartiens toute. Admire la nuit. La lune ce soir a tant de clarté Qu un oiseau surpris croyant voir l aurore Au bord de son nid s est mis à chanter. Ecoute, le bois tout entier s éveille…Ecoute…Le vent tout bas, nous souffle à l oreille Amants trop bavards, hâtez-vous d aimer! CHÉRUBINTon âme me parle… L ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN…et mon coeur l écoute…Rêvons que ce soir ne doit plus finir. Ah! qu importe demain! et tout l avenir!Puisque tu [je] t [m]) appartiens toute, toute! L ENSOLEILLAD(très amoureusement)Je t appartiens toute…Je t appartiens toute… (La lune se voile) CHÉRUBINToute! L ENSOLEILLAD et CHÉRUBIN(dans le bois)Toute! (Enlacés, les deux amoureux s éloignent dans le bois..) LE COMTE(paraissant à la petite porte charretière qu il referme soigneusement derrièrelui)Eh bien? LE DUC(à la porte de l auberge)Personne? LE BARON(à la porte des appartements)Non, personne! LE DUC(pendant que le Comte et le Baroninspectent)Le Comtesse, ni la Baronne Ce soir ne me donnent d effroi. Si je tremble c est pour le Roi! pour le Roi! LE COMTEPlaçons-nous. LE DUCPlaçons-nous. LE BARONPlaçons-nous. LE DUCJe veille à la porte. LE BARONMoi, je surveille le verger. LE COMTEJe surveilles les couloirs. LE DUCDe la sorte nous conjurerons le danger. Soyons adroits! LE COMTESoyons prudents! LE BARONSoyons adroits! LE DUC, LE COMTE et LE BARON… tandis que tout repose…Veillons! Veillons! LE DUCEt bien que vous soyez en cause, Mes amis, ne pensez qu au Roi! LE COMTE… et soyons adroits! LE BARON… et soyons prudents! (Pendant que le Duc, le Comte et le Baron vont au fond se consulter, l Ensoleillad et Chérubin paraissent à l orée du bois) CHÉRUBIN(amoureusement)Ensoleillad! L ENSOLEILLAD(très effrayée, apercevant les troishommes)J ai peur! Ils sont là! CHÉRUBIN(regardant, puis en prenant viteson parti)Ma Mésange!Je vais les dépister en leur donnant le change. Fais un détour… par le sentier. Là! (Il l embrasse, goguenard) A fin chasseur plus fin gibier!!! (Elle s esquive et rentre furtivement dans la posada. Chérubin disparaît au moment où les trois hommes se séparent. On entend la voix de Chérubin) Lorsque vous n aurez rien à faire (les trois hommes revenant vite lesuns près des autres) LE DUC, LE COMTE, BARONChérubin! c est lui! CHÉRUBINMandez-moi vite auprès de vous… LE BAROND ici, la voix sort… LE DUCIl se tait… LE VOIX DE CHÉRUBINAh! LE COMTENon! LE DUCIl chante encor! LE BARONIl chant encor! LE VOIX DE CHÉRUBIN(comme plus loin)Le paradis que je préfère c est un coussin à vos genoux! LE DUC, LE COMTE et LE BARONLe scélérat est dans le bois…Nous le tenons bien cette fois. (L Ensoleillad inquiète paraît à son balcon; on entend la voix des trois hommes criant Taïaut) L ENSOLEILLADTaïaut (émue) Je les entends à sa poursuite…Mais Chérubin se moque deux. Hélas, le bonheur passe vite, (lié et caressant) Nous étions si bien seuls tous les deux!Ses lèvres cherchaient mes lèvres dans l ombre… (chaleureux) Chérubin! reviens! ah! reviens! LE VOIX DE CHÉRUBINJe suis là! L ENSOLEILLAD(regardant en vain)Chérubin! CHÉRUBIN(toujours invisible)J ai dépisté la meute. (en riant) Le Duc jure si fort Que la forêt s ameute. L ENSOLEILLADMais… je ne te vois pas…Où donc te caches-tu? CHÉRUBIN(apparaissant à califourchon surle mur)J y suis! L ENSOLEILLADCiel!sur le mur! CHÉRUBIN(en se préparant à descendre)Aïe! L ENSOLEILLADQu as-tu? CHÉRUBIN(il descend par le treillage)Non! j ai mal! L ENSOLEILLADOù donc? CHÉRUBIN(continuant sa dégringolade)Pas à l oreille. Car je m étais assis sur un fond de bouteille. L ENSOLEILLAD(amusée et joyeuse)Prends garde! CHÉRUBIN(sautant à terre)Je descends! (Il prend une échelle et l applique contre le balcon de l Ensoleillad. Chérubin grimpe et se trouve aussitôt en haut de l échelle; s il ne peut pénétrer chez l Ensoleillad. Gaîment) Mais c est pour mieux monter! L ENSOLEILLADAh! mon Dieu! CHÉRUBIN(il parvient, à travers les barreaux du balcon fermé, à enlacer son amie; triomphant)Me voilà! L ENSOLEILLADChérubin!! CHÉRUBINMa beauté! (Ils s étreignent. La lune les caressed un grand rayon) L ENSOLEILLAD(avec élan)Amour! amour! (sempre appassionate) quand tu t en mêles, Les jaloux peuvent sur venir; Les amants qu on veut désunir… CHÉRUBINTu les rapproches d un coup d aile. (avec élan) Amour! amour! (sempre appassionate) entends ma voix; L ENSOLEILLADPhoebé luit trop sur nos visages, CHÉRUBINLes jaloux vont nous voir du bois… L ENSOLEILLADCache la lune…Cache la lune d un nuage. (La lune s obscurcit) CHÉRUBIN(joyeux)Miracle! Eros répond…Et Phoebé s obscurcit!! L ENSOLEILLAD et CHÉRUBINEros, Dieu d allégresse, Eros!O toi qui fais mourir d une main qui caresse…Divin Eros, Eros merci! (Tout à coup les jalousies des fenêtres de la Baronne et de la Comtesse se soulèvent) L ENSOLEILLAD(effrayée)Du bruit, descends. (Ils se laisse glisser en bas de l échelle… L Ensoleillad s est sauvée un instant dans sa chambre) LA COMTESSE(de la fenêtre)Qui va là? CHÉRUBIN(à part)Ma marraine! LA BARONNE(apparaissant de même)Qui parle? CHÉRUBIN(à part)Seigneur, l autre aussi! (vivement à la Baronne) C est moi! LA COMTESSEQuoi? CHÉRUBIN(à la Comtesse)C est moi! LA COMTESSE(très bas)Vous ici! L ENSOLEILLAD(revenant)Parlez plus haut, j entends à peine! LE COMTESSE et LA BARONNEImprudent! L ENSOLEILLADQuoi? (surprise d entendre plusieurs voix) qui chuchotte ainsi? LA COMTESSE et LA BARONNE(surprises d entendre plusieurs voix)… qui chuchotte ainsi? CHÉRUBIN(cherchant une défaite)C est le vent!! L ENSOLEILLAD, COMTESSE, LA BARONNEQuoi? CHÉRUBINChut! Puisque de si loin on ne peut s embrasser, Puisqu on ne peut parler, (tendre) lancez-moi quelque gage…J implore un souvenir à défaut d un baiser. L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE et LA BARONNEAh! comment vous résister, beau page! LA BARONNE(lui lançant un bouquet)Tiens! L ENSOLEILLAD(lui lançant sa jarretière)Tiens! LA COMTESSE(lui lançant un ruban de son cou)Tiens! CHÉRUBIN(ravi, attrapant les trois gages, puis lespressant contre son coeur)Ah! le bon tour!Je suis tout mitraillé d amour! L ENSOLEILLAD(effrayée)Le Duc! (Chaque fenêtre se fermebrusquement aprèschaque exclamation) LA BARONNE(effarée)Le Baron! LA COMTESSE(craintive)Le Comte! (Chérubin, pour apercevoir l ennemi,grimpe sur l échelle) LE BARON(arrivant, une lanterne à la main)Il est pris! LE DUCCernons le jardin! LE COMTEC est un scandale! LE DUCUne honte! (Chérubin dégringole au milieu d euxtrois. Il jette devant lui l échelle, et,goguenard, provocant, les attend lesbras croisés) LE BARONBandit! LE DUCGredin! (Les trois hommes sont exaspérés) LE COMTE(dans une colère froide)D où venez-vous? LE DUC(avec explosion)De quelle chambre? LE COMTE(désignant la chambre de la Comtesse, à part)Vient-il d ici? LE BARON(montrant la chambre de la Baronne; à part)Vient-il de là? LE DUC, LE COMTE et LE BARONRéponds! Réponds! CHÉRUBIN(leur éclatant de rire au nez)Tra la la la la la la!! LE DUC, LE COMTE, LE BARONRéponds! Réponds! CHÉRUBINJe m amuse!Je m amuse! LE BARON(en levant sa lanterne vers Chérubin)Ce bouquet est à ma femme! LE COMTE(trépidant de rage concentrée)Ce ruban à la Comtesse! LE DUC(avec explosion)Sa jarretière!! CHÉRUBINJe m amuse!Je m amuse! LE DUC(se découvrant)Pauvre Roi! LE COMTECe ruban! LE BARONCe bouquet! LE DUCRendez la jarretière! LE BARON(dégaînant)Rendez! LE DUC(dégaînant)Rendez! LE COMTE(dégaînant)…ou c est la mort! la mort! la mort! LE DUC(roulant des yeux terribles)…avec le cimetière! LE BARON…avec le cimetière! (Tous les trois chargeant Chérubin avec des cris féroces) CHÉRUBINJamais! Jamais! Jamais! LE DUC, LE COMTE, LE BARONTiens! Tiens! Tiens!Tiens! Tiens! Tiens! Tiens! (Chérubin tient tête aux trois énergumènes, mais, aux cris arrivent aussitôt l Aubergiste affolé et Le Philosophe éploré) L AUBERGISTE(accourant affolé)Alguazils!! alguazils!! LE DUC, LE COMTE et LE BARONTiens! Tiens! LE PHILOSOPHE(éploré)Trois duels! ah! mon pauvre garçon!Trois duels! Trois duels! (On sonne la cloche. Le duel s est arrêté - la porte charretière est ouverte la cour de la posada est envahie par une foule de serviteurs - avec torches et lanternes - de servantes, de passants, de voyageurs et voyageuses réveillés en sursaut, qui paraissent dans leurs costume de nuit) L AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALET, LES VOYAGEUSES et LES VOYAGEURSQuel scandale! Quel scandale!Quel scandale! LE DUCJe tuerai demain ce garçon!Le Roi me donnera raison!Le Roi me donnera raison! LE COMTE et LE BARONMa femme aimer ce polisson!Ah! quelle indigne trahison!Ah! quelle indigne trahison! CHÉRUBINTra la la! Tra la la!Je m amuse!Je m amuse! (paraît le Corrégidor suive d Alguazils) LES SERVITEURS(annonçant à tue-tête)Le Corrégidor!! LE BARON(se jette sur le Corrégidor; à part, avec effarement)Gardez-vous qu on le soupçonne; Mais avec la Comtesse il est bien! LE COMTE(même, jeu)Ah! monsieur, n en parlez a personne Il vient de chez l Ensoleillad! (de l autre côté) Chut! n en dites rien! LE BARON(de l autre côté)Chut! n en dites rien!n en dites rien! rien! LE DUC(même, jeu)Il vient de chez la Baronne, chut!mais au Baronne n en dites rien! L AUBERGISTE, SERVANTES, VALETSPour la maison quel scandale!Le patron en perdra la raison! (Les trois fenêtres se sont ouvertes, les trois femmes sont apparues) LE DUC, LE COMTE et LE BARONChut! n en dites rien! (Les trois femmes à leurs fenêtres) L ENSOLEILLAD(éplorée, à part)Trois duels à la fois!Ils le tueront! LA COMTESSE, LA BARONNE(à part)Ils le tueront! LE PHILOSOPHETrois duels à la fois!Ils le tueront! mon Dieu! O mon Dieu!O mon Dieu! O mon Dieu! CHÉRUBINTra la la la la la la la la la!Je suis gai comme un pinson!Zon! zon! zon!Ah! que je m amuse! la la!Quelle nuit! Je m amuse! la! la! L AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS et LA FOULEQuel scandale! Quel scandale! L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNEPauvre garçon! Ils le tueront! LE DUC, LE COMTE et LE BARONVoyez, il rit! voyez, il rit!Je tuerai demain ce garçon! L ENSOLEILLADHélas! Hélas! LA COMTESSE et LA BARONNEC en est fait! Ils le tueront!C en est fait! Ils le tueront! L AUBERGISTE, SERVANTES, LES VALETS, LA FOULEQuel scandale! Pour la maison! LE PHILOSOPHEMon Dieu!Il a trois duels! DUC, COMTE, BARONLe Roi me donnera raison! LE DUCOui, je tuerai ce garçon! LE COMTE et LE BARONQuelle indigne trahison! LE COMTE(à Chérubin; très catégorique)Demain, je vous tuerai! L AUBERGISTE, LES SERVANTES, LES VALETS et LA FOULEQuel scandale pour la maison!Quel scandale pour la maison! Ah! L ENSOLEILLAD, LA COMTESSE, LA BARONNEAh! Ah! mon Dieu! LE PHILOSOPHEMon Dieu! Mon Dieu! Ah! LE DUC, LE COMTE, LE BARONA mort! A mort! Ah! CHÉRUBINTra la la!Tra la la!Tra la la! (Sur un signe du Corrégidor les alguazils entourent et arrêtent le Duc, le Comte et le Baron qui protestent et se démènent comme des fous furieux. Les trois femmes s évanouissent, chacune à son balcon.cris tumulte indescriptible) Massenet,Jules/Chérubin/III
https://w.atwiki.jp/oper/pages/1562.html
Acte II Premier Tableau Chez Thaïs (Thaïs paraît accompagnée de quelques histrions et d un petit groupe de comédiennes. Bientôt, elle les éloigne d un geste las.) THAÏS (seule, avec lassitude et amertume) Ah! je suis seule, seule, enfin! Tous ces hommes ne sont qu indifférence et que brutalité. (très accentué) Les femmes sont méchantes... et les heures pesantes... J ai l âme vide... Où trouver le repos? Et comment fixer le bonheur? (rêveuse, elle prend in miroir et s y contemple) Ô mon miroir fidèle, rassure-moi? (avec charme) Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement! Eternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes lèvres, que rien ne ternira l or pur de mes cheveux! Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle (avec emportement) et que je serai belle éternellement! Eternellement! Ah! je serai belle (avec élan et ivresse) éternellement! (se dressant et prêtant l oreille comme si une voix lui parlait dans l ombre.) Ah! Tais-toi, voix impitoyable, voix que me dis (sourdement) Thaïs, tu vieilliras! Thaïs, tu vieilliras! Un jour, ainsi, Thaïs (avec effarement) ne serait plus Thaïs! (se calmant peu à peu) Non! Non! je n y puis croire, (s adressant à Vénus) Toi Vénus, Réponds-moi de ma beauté! Vénus réponds-moi de son éternité! (comme un murmure et avec dévotion) Vénus, invisible et présente! Vénus, enchantement de l ombre! Vénus! (volonté) Réponds-moi! Réponds-moi! (en liant) Réponds-moi! (en liant) Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement! Éternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes livres, que rien ne ternira l or pur de mes cheveux! Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle (avec emportement) et que je serai belle éternellement! Éternellement! Ah! je serai belle (avec élan et ivresse) éternellement! (apercevant Athanaël qui est entré silencieusement et s est arrêté sur le seuil, avec charme) Etranger, te voilà, comme tu l avais dit! ATHANAËL (murmurant une prière du fond du coeur, palpitant) Seigneur! Seigneur! Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi! Fais que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté! THAÏS (avec un sourire engageant) Allons, parle à présent. ATHANAËL On dit que nulle femme ne t égale et c est pourquoi j ai voulu te connaître, et c est pourquoi, te voyant, j ai compris combien il me serait glorieux de te vaincre! THAÏS (en souriant) Tes hommages sont haut; ton orgueil les dépasse; présomptueux, prends garde de m aimer! ATHANAËL (avec chaleur) Ah! je t aime, Thaïs, et j aime à te le dire; mais je t aime non comme tu l entends! Moi, je t aime en esprit, je t aime en vérité. Je te promets mieux qu ivresse fleurie et songes d une brève nuit. Cette félicité qu aujourd hui je t apporte ne finira jamais! Jamais! Jamais! THAÏS (ironique, en riant) Ah! Ah! Ah! Ah! Montre moi donc ce merveilleux amour! Un amour vrai n a qu un langage les baisers. ATHANAËL (comme avec un reproche) Thaïs, ne raille pas! L amour que je te prêche, c est l amour inconnu! THAÏS (légèrement) Ami, tu viens bien tard... Je connais toutes les ivresses. ATHANAËL (fougueux et sombre) L amour que tu connais n enfante que la honte. L amour que je t apporte est le seul glorieux! THAÏS (avec hauteur) Je te trouve hardi d offenser ton hôtesse! ATHANAËL T offenser! Je ne songe qu à te conquérir à la vérité! (avec un enthousiasme croissant) Qui m inspirera des discours embrasés pour qu à mon souffle, ô courtisane, ton coeur fonde comme une cire! Qui pourra te livrer à moi! Qui changera ma parole en un Jourdain dont les flots répandus prépareront ton âme à la vie éternelle! THAÏS (troublée, le regardant à la dérobée avec un vague sentiment de crainte) A la vie éternelle! ATHANAËL A la vie éternelle! THAÏS (prenant une résolution, mais d abord tout en tremblant) Eh! bien... fais moi connaître... tout cet amour (avec un doux effroi) mystérieux... Je t obéis... (d une voix suffoquée) Je suis à toi... (Thaïs, avec une spatule d or, puise dans une coupe quelques grains d encens qu elle jette dans le brûle-parfums.) ATHANAËL (à part, avec fièvre) Un tumulte effrayant s élève en ma pensée! (haletant) Seigneur! Seigneur! Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi. (Une fumée légère enveloppe Thaïs en même temps que la Déesse et tandis qu Athanaël troublé la regarde, elle murmure en souriant et comme instinctivement une sorte d incantation mystérieuse.) THAÏS (avec calme et comme extasiée) Vénus invisible et présente! ATHANAËL (très ému) Pitié! Seigneur! THAÏS Vénus, enchantement de l ombre! Vénus, éclat du ciel et blancheur de la neige! Vénus, descends et règne! Splendeur! Volupté! Douceur! ATHANAËL (priant avec ardeur) Que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté! Seigneur! (d un voix étouffée) Pitié! (reprenant violemment possession de lui même, déchire, arrache sa robe d emprunt sous laquelle il a gardé son cilice.) Je suis Athanaël, Moine d Antinoé! Je viens du saint désert et je maudis la chair et je maudis la mort qui te possède! Et me voici devant toi, comme devant un tombeau, et je te dis (d une voix éclatante) Thaïs, lève-toi! Lève-toi! THAÏS (avec épouvante se jetant à ses pieds) Ah! (frémissante) Pitié! Ne me fais pas de mal! Parle! que me veux-tu? Non! Ah! par pitié, tais-toi! par pitié, tais-toi! Je n ai pas plus (haletante) choisi mon sort que ma nature! Et ce n est pas ma faute à moi si je suis belle. (très déchirant et expressif) Pitié! Ne me fais pas mourir! Ah! je crains tant la mort! Ne me fais pas mourir! pitié! Ne me fais pas de mal! (presque parlé, en sanglotant) Pitié! pitié! Non! Ne me fais pas mourir! ATHANAËL (avec enthousiasme) Non! Je l ai dit Tu vivras de la vie éternelle, Sois à jamais la bien aimée et l épouse du Christ dont tu fus l ennemie! THAÏS (avec ardeur) Ah! Je sens une fraîcheur en mon âme ravie, je frissonne et demeure charmée! Ah! Quel pouvoir est le sien! LA VOIX DE NICIAS (au loin et se rapprochant graduellement) Thaïs, (avec gaîté et charme) idole fragile, je veux une dernière fois... THAÏS (écoutant avec un sentiment de répulsion) Nicias! encor! LA VOIX DE NICIAS (de même) Je veux l amour de ta lèvre fleurie... THAÏS (comme à elle-même, avec agitation) Mon âme n est plus mienne. (avec dédain et colère) M aimer! Il n a jamais aimé personne! (brusquement) Il n aime que l amour! LA VOIX DE NICIAS (plus près) Demain, je ne serai pour toi plus rien qu un nom! Plus rien... qu un nom! ATHANAËL (à Thaïs) Tu l entends? THAÏS (à Athanaël, avec énergie) Eh! bien, Va! Dis-lui que je déteste tous les riches, tous les heureux! Qu il m oublie! Entends-tu! Dis-lui que je le hais! ATHANAËL (à Thaïs, avec autorité) A ton seuil, jusqu au jour, j attendrai ta venue! THAÏS (avec résolution et fermeté; à volonté) Non je reste Thaïs! Thaïs! la courtisane! Je ne crois plus à rien et je ne veux plus rien Ni lui, ni toi, ni ton Dieu! (éclatant de rire) Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! (ici avec des pleurs et des sanglots, à volonté) Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! RIDEAU. Fin du 1er Tableau. (La musique continue jusqu au changement.) Acte II Premier Tableau Chez Thaïs (Thaïs paraît accompagnée de quelques histrions et d un petit groupe de comédiennes. Bientôt, elle les éloigne d un geste las.) THAÏS (seule, avec lassitude et amertume) Ah! je suis seule, seule, enfin! Tous ces hommes ne sont qu indifférence et que brutalité. (très accentué) Les femmes sont méchantes... et les heures pesantes... J ai l âme vide... Où trouver le repos? Et comment fixer le bonheur? (rêveuse, elle prend in miroir et s y contemple) Ô mon miroir fidèle, rassure-moi? (avec charme) Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement! Eternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes lèvres, que rien ne ternira l or pur de mes cheveux! Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle (avec emportement) et que je serai belle éternellement! Eternellement! Ah! je serai belle (avec élan et ivresse) éternellement! (se dressant et prêtant l oreille comme si une voix lui parlait dans l ombre.) Ah! Tais-toi, voix impitoyable, voix que me dis (sourdement) Thaïs, tu vieilliras! Thaïs, tu vieilliras! Un jour, ainsi, Thaïs (avec effarement) ne serait plus Thaïs! (se calmant peu à peu) Non! Non! je n y puis croire, (s adressant à Vénus) Toi Vénus, Réponds-moi de ma beauté! Vénus réponds-moi de son éternité! (comme un murmure et avec dévotion) Vénus, invisible et présente! Vénus, enchantement de l ombre! Vénus! (volonté) Réponds-moi! Réponds-moi! (en liant) Réponds-moi! (en liant) Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement! Éternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes livres, que rien ne ternira l or pur de mes cheveux! Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle (avec emportement) et que je serai belle éternellement! Éternellement! Ah! je serai belle (avec élan et ivresse) éternellement! (apercevant Athanaël qui est entré silencieusement et s est arrêté sur le seuil, avec charme) Etranger, te voilà, comme tu l avais dit! ATHANAËL (murmurant une prière du fond du coeur, palpitant) Seigneur! Seigneur! Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi! Fais que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté! THAÏS (avec un sourire engageant) Allons, parle à présent. ATHANAËL On dit que nulle femme ne t égale et c est pourquoi j ai voulu te connaître, et c est pourquoi, te voyant, j ai compris combien il me serait glorieux de te vaincre! THAÏS (en souriant) Tes hommages sont haut; ton orgueil les dépasse; présomptueux, prends garde de m aimer! ATHANAËL (avec chaleur) Ah! je t aime, Thaïs, et j aime à te le dire; mais je t aime non comme tu l entends! Moi, je t aime en esprit, je t aime en vérité. Je te promets mieux qu ivresse fleurie et songes d une brève nuit. Cette félicité qu aujourd hui je t apporte ne finira jamais! Jamais! Jamais! THAÏS (ironique, en riant) Ah! Ah! Ah! Ah! Montre moi donc ce merveilleux amour! Un amour vrai n a qu un langage les baisers. ATHANAËL (comme avec un reproche) Thaïs, ne raille pas! L amour que je te prêche, c est l amour inconnu! THAÏS (légèrement) Ami, tu viens bien tard... Je connais toutes les ivresses. ATHANAËL (fougueux et sombre) L amour que tu connais n enfante que la honte. L amour que je t apporte est le seul glorieux! THAÏS (avec hauteur) Je te trouve hardi d offenser ton hôtesse! ATHANAËL T offenser! Je ne songe qu à te conquérir à la vérité! (avec un enthousiasme croissant) Qui m inspirera des discours embrasés pour qu à mon souffle, ô courtisane, ton coeur fonde comme une cire! Qui pourra te livrer à moi! Qui changera ma parole en un Jourdain dont les flots répandus prépareront ton âme à la vie éternelle! THAÏS (troublée, le regardant à la dérobée avec un vague sentiment de crainte) A la vie éternelle! ATHANAËL A la vie éternelle! THAÏS (prenant une résolution, mais d abord tout en tremblant) Eh! bien... fais moi connaître... tout cet amour (avec un doux effroi) mystérieux... Je t obéis... (d une voix suffoquée) Je suis à toi... (Thaïs, avec une spatule d or, puise dans une coupe quelques grains d encens qu elle jette dans le brûle-parfums.) ATHANAËL (à part, avec fièvre) Un tumulte effrayant s élève en ma pensée! (haletant) Seigneur! Seigneur! Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi. (Une fumée légère enveloppe Thaïs en même temps que la Déesse et tandis qu Athanaël troublé la regarde, elle murmure en souriant et comme instinctivement une sorte d incantation mystérieuse.) THAÏS (avec calme et comme extasiée) Vénus invisible et présente! ATHANAËL (très ému) Pitié! Seigneur! THAÏS Vénus, enchantement de l ombre! Vénus, éclat du ciel et blancheur de la neige! Vénus, descends et règne! Splendeur! Volupté! Douceur! ATHANAËL (priant avec ardeur) Que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté! Seigneur! (d un voix étouffée) Pitié! (reprenant violemment possession de lui même, déchire, arrache sa robe d emprunt sous laquelle il a gardé son cilice.) Je suis Athanaël, Moine d Antinoé! Je viens du saint désert et je maudis la chair et je maudis la mort qui te possède! Et me voici devant toi, comme devant un tombeau, et je te dis (d une voix éclatante) Thaïs, lève-toi! Lève-toi! THAÏS (avec épouvante se jetant à ses pieds) Ah! (frémissante) Pitié! Ne me fais pas de mal! Parle! que me veux-tu? Non! Ah! par pitié, tais-toi! par pitié, tais-toi! Je n ai pas plus (haletante) choisi mon sort que ma nature! Et ce n est pas ma faute à moi si je suis belle. (très déchirant et expressif) Pitié! Ne me fais pas mourir! Ah! je crains tant la mort! Ne me fais pas mourir! pitié! Ne me fais pas de mal! (presque parlé, en sanglotant) Pitié! pitié! Non! Ne me fais pas mourir! ATHANAËL (avec enthousiasme) Non! Je l ai dit Tu vivras de la vie éternelle, Sois à jamais la bien aimée et l épouse du Christ dont tu fus l ennemie! THAÏS (avec ardeur) Ah! Je sens une fraîcheur en mon âme ravie, je frissonne et demeure charmée! Ah! Quel pouvoir est le sien! LA VOIX DE NICIAS (au loin et se rapprochant graduellement) Thaïs, (avec gaîté et charme) idole fragile, je veux une dernière fois... THAÏS (écoutant avec un sentiment de répulsion) Nicias! encor! LA VOIX DE NICIAS (de même) Je veux l amour de ta lèvre fleurie... THAÏS (comme à elle-même, avec agitation) Mon âme n est plus mienne. (avec dédain et colère) M aimer! Il n a jamais aimé personne! (brusquement) Il n aime que l amour! LA VOIX DE NICIAS (plus près) Demain, je ne serai pour toi plus rien qu un nom! Plus rien... qu un nom! ATHANAËL (à Thaïs) Tu l entends? THAÏS (à Athanaël, avec énergie) Eh! bien, Va! Dis-lui que je déteste tous les riches, tous les heureux! Qu il m oublie! Entends-tu! Dis-lui que je le hais! ATHANAËL (à Thaïs, avec autorité) A ton seuil, jusqu au jour, j attendrai ta venue! THAÏS (avec résolution et fermeté; à volonté) Non je reste Thaïs! Thaïs! la courtisane! Je ne crois plus à rien et je ne veux plus rien Ni lui, ni toi, ni ton Dieu! (éclatant de rire) Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! (ici avec des pleurs et des sanglots, à volonté) Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! RIDEAU. Fin du 1er Tableau. (La musique continue jusqu au changement.) Massenet,Jules/Thaïs/II-2
https://w.atwiki.jp/sinntosinnsenn/pages/12.html
人気商品一覧 @wikiのwikiモードでは #price_list(カテゴリ名) と入力することで、あるカテゴリの売れ筋商品のリストを表示することができます。 カテゴリには以下のキーワードがご利用できます。 キーワード 表示される内容 ps3 PlayStation3 ps2 PlayStation3 psp PSP wii Wii xbox XBOX nds Nintendo DS desctop-pc デスクトップパソコン note-pc ノートパソコン mp3player デジタルオーディオプレイヤー kaden 家電 aircon エアコン camera カメラ game-toy ゲーム・おもちゃ全般 all 指定無し 空白の場合はランダムな商品が表示されます。 ※このプラグインは価格比較サイト@PRICEのデータを利用しています。 たとえば、 #price_list(game-toy) と入力すると以下のように表示されます。 ゲーム・おもちゃ全般の売れ筋商品 #price_list ノートパソコンの売れ筋商品 #price_list 人気商品リスト #price_list
https://w.atwiki.jp/japanesehiphop/pages/5474.html
for 梅田サイファー ex- コッペパン ・A.K.A. ドイケン doiken ・ANALOG [WORKS] 2021 Never Get Old - 梅田サイファー トラボルタカスタム - 梅田サイファー
https://w.atwiki.jp/gohongilab2/pages/35.html
tags Parker_G Van_Alstyne_M_W multisided_market strategy Eisenmann_T url auther Eisenmann, T. Parker, G. Van Alstyne, M.W. bibtex @article{EisenmannEtAl2006strategies, title={{Strategies for two-sided markets}}, author={Eisenmann, T. and Parker, G. and Van Alstyne, M.W.}, journal={Harvard business review}, volume={84}, number={10}, pages={92--101}, year={2006} } format for references AIS Eisenmann, T. Parker G. and Van Alstyne、 M. (2006) Strategies for Two-Sided Markets, Harvard Business Review. 84, 19, pp92-101. 経営情報学会 Eisenmann, T., Parker, G., and Van Alstyne, M. W., Strategies for Two-Sided Markets, Harvard Business Review, Vol. 84 Issue 10, 2006, p92-101. CIRIEC Japan Eisenmann, T., Parker, G., and Van Alstyne, M. W. [2006] 「Strategies for Two-Sided Markets」『Harvard Business Review』84巻10号, pp. 92-101 LNBIP Eisenmann, T., Parker, G., and Van Alstyne, M. W. Strategies for Two-Sided Markets. In Harvard Business Review, vol. 84. no. 10, p92--101. (2006) memo cited as
https://w.atwiki.jp/sennjounodennsetu/pages/19.html
階級 少佐 主な兵種 PM・RM 使用武器 PM Veresk RM G36Alligator 突撃隊長。音に敏感で敵の位置を把握しては忍び寄る。 サブクラマス的存在。お父さん。
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3475.html
このテンプレはポリウト方式で作成されています。 こちらの役名一覧に和訳を記載して管理人までお知らせください。 PREMIER ACTE (Un salon (sorte de "temple d'amour"). Le fond complètement ouvert sur la terrasse du château, où aboutit le haut d'un escalier qui monte du parc. Tous les serviteurs du château, hommes, femmes et la valetaille, entourent Jacoppo, le précepteur de Chérubin (surnommé le Philosophe) qui les harangue) ▼LE PHILOSOPHE▲ (à haute voix) Servantes. ▼3 SERVANTES▲ (3 sopranos) Voilà! ▼LE PHILOSOPHE▲ … bonnes et lingères, ▼3 AUTRE SERVANTES▲ (3 mezzo-sopranos) Voilà! ▼LE PHILOSOPHE▲ Serviteurs, valets, marmitons, ▼3 SERVITEURS▲ (3 basses, en gross voix) Voilà! ▼LE PHILOSOPHE▲ Boulangères et fromagères, ▼6 SERVANTES▲ Voici! Voici! Voici! Voici! ▼LE PHILOSOPHE▲ Cuisiniers à triple menton, Qu'avez-vous préparé pour fêter votre maître, Car Chérubin n'est plus un page aux cheveux blonds. (fièrement) Il porte depuis hier, plus déluré qu'un reître, L'épée en bon acier qui sonne à ses talons. ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ Vivat! Vivat! Vivat! Vivat! ▼LE PHILOSOPHE▲ (galamment) Dans un instant Chérubin va paraître. ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ (entre eux joyeusement) Vivat! Dans un instant Chérubin va paraître! vivat! vivat! vivat! vivat! ▼LE PHILOSOPHE▲ Entendons-nous Entendons-nous avant que de tous les côtés Nous arrivent ses invités. Entendons-nous! ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ (très affaires) Avant que de tous les côtés Nous arrivent ses invités. Voilà! voilà Voilà! voilà! Voilà! voilà! (3 basses, avec volubilité) Dindes, dindons et dindonne aux Gravitent autour de nos broches. (3 ténors, avec volubilité) Et la fournaise des fourneaux Les dore comme des brioches. (6 servantes, répétant avec volubilité) Les dore, dore comme des brioches. ▼LES SERVITEURS▲ Les dore, dore comme des brioches! des brioches! Nous avons fait ratisser Sarcler, émonder, tailler De long en large, de large en long! ▼LES SERVANTES▲ Dans nos cuisines nous glaçâmes Deux cents sorbets… Mille pralines! Deux cents sorbets… Mille pralines! Deux cents sorbets, Mille pralines! ▼LE PHILOSOPHE▲ (qui, depuis un instant, s'est bouchéles oreilles) Chut! vous m'assourdissez! Vous m'assourdissez!! ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ (renchérissant encore) Et le parc est comme un salon! Oui! le parc est comme un salon! Nous avons râtissé, ▼LE PHILOSOPHE▲ Chut! Aie! ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ Nous avons tout taillé, Dindons et dindonneaux sont comme des brioches! des brioches! des brioches! Voilà! voilà! voilà! ▼LE PHILOSOPHE▲ Vous m'assourdissez! Vous m'assourdissez! (essayant de crier plus fort que tousafin d'être écouté) Mes camarades, mes braves camarades. Sachez l'autre motif qui vous rassemble ici. Pour qu'en ce jour vous fêtiez Chérubin, fier de ses premiers grades, Votre jeune seigneur, à tous ici présents, Veut rendre un bienfaisant hommage Aux serviteurs il fait doubler les gages. ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ (avec ravissement) Ah! ▼LE PHILOSOPHE▲ Et fait remise aux paysans D'un an de dîme et de fermages! ▼SERVANTES, SERVITEURS▲ (avec une folie joie) Vivat! vivat! vivat! Chérubin! Chérubin! (la ronde folle s'éloigne en criant) Vive Chérubin! (cris prolongés; au loin, encore fort) Vive Chérubin! (Pendant que les cris s'atténuent etque le Philosophe, sur la terrasse,écoute avec ravissement le nom deChérubin que ces braves gensacclament, le Comte, le Duc et le Baron sont entrés) Vive Chérubin! (Ne pas suivre la déclamation qui se terminera avec le musique) ▼LE DUC▲ (d'un air vexé) Vive Chérubin! Ma parole on n'entend plus que ce cri là! ▼LE COMTE▲ (froidement) Toute la canaille raffole de ce maudit garnement là! ▼LE BARON▲ (ironique, au Philosophe, qui vient et qui salue) Mes compliments, monsieur le Philosophe, ▼LE COMTE▲ Votre élève est un fier vaurien! ▼LE DUC▲ (les bras au ciel) Dilapider ainsi son bien! ▼LE COMTE▲ C'est la ruine! la catastrophe! ▼LE PHILOSOPHE▲ Il est généreux, voilà tout! ▼LE COMTE▲ (sèchement) Il est fou, monsieur, il est fou! (Le Comte hausse les épaules et sort. Le Philosophe reste bouche bée) ▼LE BARON▲ (au Duc, avec mauvaise humeur) Dire que j'ai quitté Grenade Pour faire honneur au nouveau grade… De ce petit hurluberlu. ▼LE DUC▲ (se moquant de lui) C'est ta femme qui l'a voulu. ▼LE BARON▲ (d'un air contrit) C'est ma femme qui l'a voulu! ▼LE DUC▲ (à lui-même, d'un air vexé) Et moi… c'est ma pupille! (à part) Pour ce galopin… ▼LE BARON▲ (à part) Chacune s'enflamme… mais qu'il prenne garde… ▼LE DUC▲ … ce vrai galopin! ▼LE BARON▲ (accentué) Le mari regarde, le mari regarde… ▼LE DUC▲ (avec exagération) … mais qu'il prenne garde… ▼LE BARON▲ (de même) … et s'il se hasarde… ▼LE DUC▲ (légèrement et faisant le geste de pourfendre) … à toi, Chérubin! ▼LE BARON▲ (même geste que le Duc) … à toi, Chérubin! ▼LE DUC▲ … à toi, Chérubin! ▼LE BARON▲ … à toi, Chérubin! ▼LE DUC et LE BARON▲ … à toi, Chérubin! ▼LE PHILOSOPHE▲ (à part) Pauvre Chérubin! Pauvre Chérubin! ▼LE DUC▲ (imitant le ton du Philosophe en le parodiant) Pauvre Chérubin! ▼LE BARON▲ (au Philosophe sournoisement) Mais qu'il prenne garde… ▼LE DUC▲ Ce vrai galopin… Mais qu'il prenne garde! à toi, Chérubin! ▼LE BARON▲ Le mari regarde… le mari regarde… Et s'il se hasarde… à toi, Chérubin! ▼LE PHILOSOPHE▲ Pauvre Chérubin! (avec émotion) Chérubin, quelle sera ta destinée en cette vie… (Le Duc et Le Baron, en sortant au Philosophe, en le lardant de coups d'épée imaginaires) ▼LE DUC, LE BARON▲ … à toi, Chérubin! à toi, Chérubin! à toi, Chérubin! (Ils disparaissent) ▼LE PHILOSOPHE▲ Lorsque la gloire te viendra? Obscur, si déjà l'on t'envie, Hélas! qui plus tard t'aimera? ▼NINA▲ (survenant, joyeuse, et s'annonçant,vivement) C'est moi, Philosophe! ▼LE PHILOSOPHE▲ (ravi, joignant les mains) O destin! (souriant) Eh bien! (avec une joie intime) … la voilà ta réponse. (changeant de ton, à Nina) Où donc allez-vous? ▼NINA▲ (contrite) Je renonce à le retrouver ce matin. ▼LE PHILOSOPHE▲ (malicieusement) Nina, vous cherchez, je parie, Ce Chérubin! (au nom Chérubin,Nina sourit) Ce polisson! (au mot de polisson, Nina a un cride surprise indigné) Ce garnement! ▼NINA▲ (révoltée) Ah! c'est trop fort! ▼LE PHILOSOPHE▲ (faisant l'étonné) Oh! ▼NINA▲ (furieuse, tenant tête au Philosophe) Il est charmant, oui, monsieur! Charmant et très brave. Il n'a pas un front soucieux, Mais faut-il déjà qu'il soit grave, Quand la gaîté rit dans ses yeux! Vous dites c'est un polisson! Mais je sais qu'il n'est que volage. Et d'ailleurs, il aurait raison D'avoir les défauts de son âge. On le hait… insinuez-vous, Prenez garde, c'est par rancune, Car si plus d'un en est jaloux, (avec un peu d'émotion) C'est qu'il plaît sans doute à plus d'une. (très chanté) Il plaît, on ne sait pas pourquoi, Il plaît dès qu'il dit quelque chose, Et quand… timide… il devient coi… Il plaît parce qu'il devient rose. (plus chaleureux) Puis, c'est l'ami que je défends (plus accentué) Et défendrai (plus vibrant) … plus que moi-même… (Elle voit ce brave Philosophe qui, ravi, lui sourit, radieuse) Mais je me fâchais… suis-je enfant! (Nina tombe toute émue dans les brasdu Philosophe qui l'embrasse) Vous l'aimez! ▼LE PHILOSOPHE▲ (avec élan et affection) Oui, je l'aime! ▼NINA▲ Vous l'aimez… autant que je l'aime!… autant! (Les deux amis de Chérubin restant ainsi un instant. Bruyants éclats de rire se rapprochant peu à peu; apeurée) Mon tuteur! (gentil et suppliant) Monsieur, devant lui oubliez ce que j'ai pu dire! (Elle s'enfuit. Nouveau éclats de rire de Duc et du Baron qui arrivent tous deux par l'escalier du parc) ▼LE DUC▲ (au fond) C'est merveilleux! ▼LE BARON▲ C'est inouï! ▼LE DUC▲ (montrant le côté du parc en éclatanttoujours de rire) Vraiment, c'est à mourir de rire! (Les voix, les rires se rapprochent encore, puis tout à fait) ▼LE DUC▲ Non. C'est trop drôle en vérité! ▼LE BARON▲ (s'avance en riant bruyamment;se pâmant) Je pleure, Duc. ▼LE DUC▲ (de même) Baron, j'en crève! (rires) ▼LE PHILOSOPHE▲ (légèrement stupéfié) Pourquoi donc cette hilarité? (Nouveau éclats de rire) ▼LE DUC▲ (au Philosophe) Chérubin, ce fou,… (avec intention) Votre élève… (éclats de rire) Je ris tant que j'en dois m'asseoir… (reprenant son récit) A fait dépêcher hier au soir Vers Madrid, à vitesse extrême, un courrier… (secoué par le rire) pour que ce soir même… Vienne mimer, danser ici, devinez qui? ▼LE DUC et LE BARON▲ (insistant) Devinez qui? ▼LE PHILOSOPHE▲ (tremblant un peu) Mais… j'imagine… Quelque histrion… ▼LE DUC et LE BARON▲ Non. ▼LE DUC▲ La première ballerine Que toute l'Europe admira, ▼LE DUC et LE BARON▲ L'Ensoleillad de l'Opéra! ▼LE PHILOSOPHE▲ (ignorant) L'Ensoleillad? ▼LE DUC et LE BARON▲ Oui! ▼LE BARON▲ (imitant l'Ensoleillad) Celle qui danse comme on vole. ▼LE DUC▲ (de même) Elle, Thaïs, Phyrné, Cypris, venir ici! (bien chanté) Sur ma parole, Chérubin est gris. ▼LE BARON▲ Il est gris. ▼LE DUC▲ Il est gris. ▼CHÉRUBIN▲ (entre et continue joyeusement la phrase du Duc et de Baron, épanoui) Je suis gris. ▼LE DUC et LE BARON▲ (un peu gênés) Lui! ▼LE PHILOSOPHE▲ (ravi) Lui! ▼CHÉRUBIN▲ Je suis gris! (fou de jeunesse) Je suis ivre! C'est le soleil qui m'a grisé, C'est le soleil, je suis ivre! Duc, je suis si content de vivre Que je pourrais… vous embrasser. J'ai dix-sept ans, cela me grise, J'ai dix-sept ans! Plus de tuteur! la liberté! (avec volubilité) Je veux faire tant de bêtises Que vous serez épouvantés! C'est le soleil qui m'a grisé… (avec ravissement) Je suis ivre! (Il éclat de rire; avec aplomb) Enfin, je vous le dis… en toute confidence, Regardez ce billet! Baron! Duc! venez voir… L'Etoile de Madrid, la reine de la Danse, L'Ensoleillad, enfin, (triomphant) nous arrive ce soir! ▼LE DUC▲ (suffoquant de surprise, de dépitet de colère) Non! ce n'est pas vrai! c'est impossible! ▼LE BARON▲ (donnant son avis avec gravité) Et d'abord, c'est inadmissible! grotesque! ▼LE DUC▲ (apoplectique) C'est fou! ▼CHÉRUBIN▲ (affirmant) C'est ainsi. (Il relit avec délices le billet del'Ensoleillad) ▼LE DUC▲ (D'une voix étouffée par la colère, n'osant s'attaquer directement à Chérubin, et s'adressant au Philosophe qui ne sait que répondre) L'Ensoleillad… danser ici… Mais c'est inouï de bêtise! Montrez-moi, monsieur s'il vous plaît, Le rideau… ▼LE BARON▲ (persifleur) La rampe… ▼LE DUC▲ (s'épongeant) La frise… ▼LE BARON▲ Les accessoires du Ballet? ▼LE DUC▲ (Haletant, tirant à lui le Philosopheahuri) Pour danser le grand pas des Alcyons rebelles, Où donc sont les portants, où donc sont les chandelles? ▼LE BARON▲ (sceptique, retournant le Philosophede son côté) Et la trappe, monsieur, pour danser Belphégor, Car il faut une trappe à défaut d'un décor. ▼LE DUC▲ (congestionné, rouge, hors de lui. Même jeu pour le Philosophe qui virevolte et ne sait plus à quel saint se vouer) Et pour mimer l'étoile éclairant les Rois Mages… ▼LE BARON▲ (à Chérubin) Où comptez-vous, monsieur, accrocher vos nuages? ▼CHÉRUBIN▲ (de la meilleure grâce du monde) Oh! rassurez-vous, s'il vous plaît, Nous n'aurons pas d'apothéose, Point de grands pas, point de ballet, (galamment) Nous danserons tout autre chose. (très rythmé; dans le vieux style) Nous danserons, c'est bien mieux, En dépit des modes nouvelles, Les vieilles danses des aïeux. (sans respirer) Je n'en connais pas de plus belles! Nous aurons pour décor mouvant Le feuillage où Phœbé s'égare Et, parmi la plainte du vent, L'alerte chanson des guitares. Point n'est besoin pour ces ballets De portants, de frise ou de toiles. Nous aurons le bois pour palais Et pour chandelles les étoiles! (Les invités de Chérubin arrivent sur la terrasse; on les voit se saluer, sepencher sur la balustrade pour mieuxvoir venir filles et garçonsdu village; on entend au loinle rythme des danses.Chérubin passe dans les groupes,salué par les hommes, regardé par lesfemmes, baisant la main aux plusjolies) ▼LE DUC▲ (le plaignant) Il est fou! ▼LE BARON▲ (avec compassion) Le pauvre garçon! ▼LE PHILOSOPHE▲ (doucement) Comme sa folie a raison! (joyeux, à deux invités, désignant le lointain) Accourez voir, don Sanche! les paysans! Ils ont leurs habits du dimanche! Ils dansent! écoutez! ▼CHÉRUBIN▲ (allant à la Comtesse qui vient deparaître) Comtesse! Enfin! ▼LA COMTESSE▲ Tout doux! ▼CHÉRUBIN▲ (lui baissant les mains) Ma marraine! je vous adore! ▼LA COMTESSE▲ (troublée) Le Comte arrive! Taisez-vous! ▼CHÉRUBIN▲ (bas et vivement) Non, il ne peut nous voir encore. Tout au fond du jardin, dans le vieux saule creux que la mousse décore j'ai glissé ce matin une lettre où je dis combien je vous adore. ▼LA COMTESSE▲ (émue) Une lettre! (vivement) Mon époux! Taisez-vous! (Le Comte arrive, toise Chérubin qui lui fait un beau salut.La Comtesse s'éloigne avec son mari) ▼LA BARONNE▲ (barrant la route à Chérubin; elle respire des sels pour cacher sonémoi) Ca, venez! ▼CHÉRUBIN▲ (s'inclinant très bas) Quoi, Baronne? ▼LA BARONNE▲ (avec une compassion excessive) O petit imprudent! Vous parlez bas à la Comtesse… Le Comte est fort jaloux pourtant, Je tremble pour votre jeunesse… ▼CHÉRUBIN▲ Trop bonne! (La Baronne s'éloigne en poussant unpetit soupir attendri et laissantChérubin un peu étonné; puis,Chérubin se met à rire et court à Ninaqui paraît) ▼NINA▲ (très petite fille; à Chérubin) Ah! Chérubin, c'est mal, C'est mal… vous m'avez fait hier la promesse De m'accompagner à la messe Et l'on vous a vu à cheval! ▼CHÉRUBIN▲ (très gentil) Hélas! c'est vrai. Je ne puis feindre. Mais puisque j'étais loin de vous J'ai manqué un moment très doux, Je suis par conséquent à plaindre. (Chérubin regarde si on le voit. Comme tous les invités observent l'arrivée des paysans, il en profite pour essayer de prendre un baiser à la fillette, qui l'esquive en riant et se sauve en le menaçant gentiment du doigt) ▼NINA, LA COMTESSE▲ ▼LA BARONNE, LES INVITÉS▲ (avec plaisir) Les paysans! ▼LE PHILOSOPHE, INVITÉS▲ (avec plaisir) Ils vont danser! ▼LE DUC▲ (à part, désignant les paysans qui vont paraître) Des paysans! ▼LE BARON▲ (avec dégoût) Des paysans! ▼LE PHILOSOPHE▲ (avec satisfaction) Les paysans! Ils vont danser! ▼LE DUC et LE BARON▲ (vexés) Ils vont danser! ▼TOUTES sauve CHÉRUBIN▲ Ils vont danser! C'est amusant! (Le Duc et le Baron, ironiques) C'est amusant! ▼CHÉRUBIN▲ (allant vers l'escalier du parc et s'adressant à ses vassaux; alerte, vivant) Venez ici, les belles filles, Venez ici avec les gas, Car de si loin on ne voit pas Briller vos yeux sous vos mantilles. (Les gas et les filles envahissentla terrasse) ▼LE PHILOSOPHE▲ (à part, radieux) O mon Chérubin! O mon Chérubin! ▼LE DUC et LE BARON▲ (à part, même intention) Des paysans! Ils vont danser! ▼NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS▲ Vive Chérubin! Vive Chérubin! ▼LE DUC et LE BARON▲ (à part, levant les épaules) Il est notre hôte, il le faut bien! (lugubres) Vive Chérubin! Fête Pastorale ▼NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS▲ (en admiration, à Chérubin) Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! C'est ravissant! C'est ravissant! ▼NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS▲ C'est exquis! ▼LES INVITÉS▲ Adorable, cher Marquis! C'est ravissant! Adorable! Ravissant! (Les gas et les filles sortent en menantgrand bruit) ▼CHÉRUBIN▲ (à des Dames; galamment) Pour vous on a dressé les tables. (Les femmes remercient) ▼LE DUC et LE BARON▲ (à eux-mêmes, réciproquement, très grognons) Ce jeune homme est insupportable! (Les Invités sortent sur un bruit joyeux de rires et de compliments. Musique au loin) ▼VOIX▲ (sopranos et mezzo-sopranos; au loin) Ah! ah! ah! ah! (De douces musiques jouent dans le parc à l'apparition des Invités sur la terrasse. Chérubin va s'asseoir et s'évente de son mouchoir de dentelle) ▼LE PHILOSOPHE▲ (radieux, à lui-même) On chante, on rit. Tous sont contents. A cette joie, à ce printemps, Il n'est pas d'ennui qui résiste. (Chérubin pousse un gros soupir) Quoi! Chérubin! Te voilà triste. (nouveau soupir) Tout à l'heure encor si joyeux, (affectueux) Pourquoi des larmes dans tes yeux… Et pourquoi, toi, si gai, fais-tu cette grimace? ▼CHÉRUBIN▲ (avec gravité) Ma gaîté, Philosophe. est toute à la surface. ▼LE PHILOSOPHE▲ (stupéfié) Pourquoi, juste ciel! ▼CHÉRUBIN▲ Je ne sais! ▼LE PHILOSOPHE▲ Quoi! l'on fête ton nouveau grade, Tu vas de succès en succès… D'où te vient donc ce sombre accès? ▼CHÉRUBIN▲ Ah! je sens que je suis malade! ▼LE PHILOSOPHE▲ Malade? Je suis interdit! ▼CHÉRUBIN▲ Oui, j'ai peur d'une catastrophe. ▼LE PHILOSOPHE▲ D'où souffres-tu, mon cher petit? ▼CHÉRUBIN▲ (gentiment triste) Du coeur, mon pauvre Philosophe! (câlin, enfantin et tendre) Philosophe, dis-moi pourquoi Mon coeur se dérobe Quand j'entends à côté de moi Le bruit d'une robe. Dis-moi pourquoi je suis troublé Et deviens tout pâle Quand je vois le vent soulever Les franges d'un châle. Dis-moi pourquoi mon pauvre coeur Sans raison qui vaille Pour un ruban, une faveur, S'étonne ou défaille… Comment peut-on pour un chiffon, Pour un bout d'étoffe Etre ému d'un mal si profond… (simplement) Mon cher Philosophe? ▼LE PHILOSOPHE▲ (avec affection et une douce tristesse) Petit, le mal qui te dévore Je l'ai connu, voici longtemps. Je voudrais en souffrir encore, Car on n'en souffre qu'à vingt ans. (avec une infinie tendresse) Aime ton mal, petit. Aime ton mal, petit. Personne ne l'éprouva sans le bénir. (avec une exaltation progressive) Aime ton mal! C'est ta jeunesse qui frissonne, C'est l'amour et c'est l'avenir! ▼CHÉRUBIN▲ (très ému, palpitant et ravi) Ah! Philosophe! quelle chance… quelle chance… ▼LE PHILOSOPHE▲ Aime ton mal, petit, ▼CHÉRUBIN▲ L'amour! c'était là mon tourment C'était là ma démence? ▼LE PHILOSOPHE▲ Aime ton mal, petit. C'est ta jeunesse qui frissonne… C'est l'amour ▼CHÉRUBIN▲ Quelle lumière brusquement! Au diable la mélancolie! Ah! les bonheurs que j'entrevois! (en mêlant un peu de gaminerie à cesélans, à cette fièvre) … et c'est l'avenir… c'est l'avenir!! Je veux aimer, aimer à la folie, Je veux aimer toutes les femmes à la fois!! ▼LE PHILOSOPHE▲ (à Chérubin, essayant de le retenir; avec une sage philosophie) Contente-toi d'en aimer une… C'est déjà d'un choix hasardeux. ▼CHÉRUBIN▲ (se sauvant; gaîment) Mais déjà j'en aime au moins deux! ▼LE PHILOSOPHE▲ (Il lui lance de loin ces dernières paroles et regarde partir Chérubin par la terrasse, en hochant la tête) C'est que tu n'en aimes aucune! (Le Comte entre, furieux, et s'adresse au Philosophe qui vient d'accourir au devant de lui) ▼LE COMTE▲ (d'un ton sec et violent) Où Chérubin se cache-t-il, le savez-vous? ▼LE PHILOSOPHE▲ (interdit et prudent) Quoi? ▼LE COMTE▲ Si vous le savez, parlez. ▼LE PHILOSOPHE▲ Que de courroux! ▼LE COMTE▲ Parlez-vous? ▼LE PHILOSOPHE▲ Calmez, monsieur, votre colère… Qu'a donc fait Chérubin qui puisse vous déplaire? ▼LE COMTE▲ Je veux le voir. ▼LE PHILOSOPHE▲ (hésitant) Le voir? Puis-je à lui me substituer? ▼LE COMTE▲ Impossible, monsieur, je viens pour le tuer! ▼LE PHILOSOPHE▲ (bondissant) Le tuer! ▼LE COMTE▲ Le gredin! Il ose se permettre D'envoyer cette lettre… A la Comtesse! (vivement apercevant la Comtessequi paraît avec Nina) Pas un mot! (Le Philosophe va au-devant de Nina et reste près d'elle un peu à l'écart) ▼LA COMTESSE▲ (au Comte) Je vous cherchais depuis tantôt… Nous avons, nous tenant chacune par l'épaule, Longé le bois le long des chênes… ▼LE COMTE▲ (rageur, bas à la Comtesse) Et des saules… ▼LA COMTESSE▲ (à part) O mon Dieu! ▼LE COMTE▲ (à la Comtesse, brusquement lui montrant les vers de Chérubin) Connaissez-vous ces vers? ▼LA COMTESSE▲ (très troublée) Mais non! (Le Philosophe et Nina se rapprochentet écoutent) ▼LE COMTE▲ (furieux) Mais si! (ironique) Le madrigal commence ainsi «Pour celle qu'en secret j'adore!» ▼NINA▲ (à part, très émue; vivement) Mes vers! ▼LE COMTE▲ (à la Comtesse) Eh bien? ▼LA COMTESSE▲ Je les ignore. ▼LE COMTE▲ (violemment, bas) Perfide, ils sont pour toi! ▼NINA▲ (très simplement) Eh bien! non! ces vers sont pour moi! ▼LE COMTE▲ Pour vous? ▼LA COMTESSE▲ (bas à Nina qui ne comprend pas et la regarde avec de grands yeux étonnes) Vous me sauvez! ▼LE PHILOSOPHE▲ (à part) Cher ange! ▼LE COMTE▲ (à Nina) Vous voulez me donner le change? ▼NINA▲ Mais! ▼LE COMTE▲ Comment me prouver que ces vers sont pour vous? ▼NINA▲ (simple) Pourquoi donc vous mettre en courroux? ▼LA COMTESSE▲ (à part, défaillante) Je suis perdue! ▼LE PHILOSOPHE▲ (à part) Seigneur, ayez pitié de nous! ▼LE COMTE▲ (impératif, à Nina) Eh bien? ▼LE PHILOSOPHE▲ (au Comte, essayant de détourner la colère du Comte) C'est une enfant encore… ▼LE COMTE▲ (furieux) Qui m'abusait… ▼NINA▲ (Ingénument, disant les vers deChérubin) «Pour celle qu'en secret j'adore!» (affectueusement) Ces vers sont faits pour moi, m'a juré Chérubin. ▼LA COMTESSE▲ (à part) Ah! le traître, l'infâme! ▼LE PHILOSOPHE▲ (à part, les yeux au ciel) O satané gredin! ▼NINA▲ (change doucement la chansonde Chérubin) «Lorsque vous n'aurez rien à faire Mandez-moi vite auprès de vous, Le paradis que je préfère, C'est un coussin à vos genoux. Vous me remarquerez à peine, Je me garderai de parler… Et je retiendrai mon haleine Si mon souffle peut vous troubler. Afin que dans mon coeur morose L'hiver fasse place au printemps, Je demande bien peu de chose Un sourire de temps en temps… Et si c'est trop… un regard même Suffira pour me transformer. Car sans rien dire je vous aime Autant qu'un être peut aimer.» (franchement) Vous voyez! je connais par coeur tout le poème! ▼LE COMTE▲ (à Nina, lui remettant le billet) Aussi je vous le rends, Nina, Il est à vous. (à la Comtesse) Et vous, pardonnez-moi! (Nina confuse prend le billet et sort encausant avec le Philosophe qui l'accompagne jusqu'à la terrasse) ▼LA COMTESSE▲ (dépitée, pendant que le Comte s'incline en lui baisant la main; à part) C'est la Nina qu'il aime! ▼LE COMTE▲ Mes soupçons, madame, étaient fous! Je me repens! ▼LA COMTESSE▲ (s'éloigne, le Comte se rapproche) Mais… ▼LE COMTE▲ Soyez bonne! ▼LA COMTESSE▲ (prenant après hésitation le bras du Comte qui sort avec elle) Pour cette fois, je vous pardonne! (en sortant, à la dérobée, avec dépit) C'est la Nina qu'il aime! ▼LE PHILOSOPHE▲ (seul, avec un tendre émoi) C'est la Nina que tu choisis! Ah! Chérubin! j'en suis saisi! Moi qui craignais pour ta jeune âme, Qui tremblais pour ton avenir, Tu rêves d'épouser la femme A qui je rêvais de t'unir! (Entre Chérubin. Il est tout animé) ▼CHÉRUBIN▲ Philosophe! ▼LE PHILOSOPHE▲ Ah! petit, viens vite! Il faut que je te félicite; Viens dans mes bras, je suis heureux! ▼CHÉRUBIN▲ Et moi, Philosophe… amoureux! ▼LE PHILOSOPHE▲ Oui, je sais. ▼CHÉRUBIN▲ (étonné) Tu sais que je l'aime? ▼LE PHILOSOPHE▲ Oui. ▼CHÉRUBIN▲ Tu l'as vue, elle? ▼LE PHILOSOPHE▲ Elle même. ▼CHÉRUBIN▲ Ah! N'est-ce pas que c'est un être merveilleux? ▼LE PHILOSOPHE▲ Son coeur pur apparaît au cristal de ses yeux. ▼CHÉRUBIN▲ (légèrement goguenard) Est-il très pur? ▼LE PHILOSOPHE▲ (croyant avoir mal entendu) Hein, quoi? ▼CHÉRUBIN▲ (ravi) Entends ces airs allègres! Vois, elle fait porter sa chaise par deux nègres. ▼LE PHILOSOPHE▲ Qui de nous deux est fou? ▼CHÉRUBIN▲ Regarde, la voilà! ▼LE PHILOSOPHE▲ Comment, tu n'es donc pas amoureux de Nina? ▼CHÉRUBIN▲ (surpris) Moi? ▼LE PHILOSOPHE▲ De qui donc alors? (Montrant le cortège de l'Ensoleillad, que l'on aperçoit à présent) ▼CHÉRUBIN▲ (fier, enthousiaste) Vois! Cela se devine! J'aime l'Ensoleillad! ▼LE PHILOSOPHE▲ (épouvanté) Non! ▼CHÉRUBIN▲ (triomphant) Si! (Il envoie un baiser à l'Ensoleillad qui passe dans sa chaise à porteurs et qui lui sourit) ▼LE PHILOSOPHE▲ (accablé) Bonté divine! PREMIER ACTE (Un salon (sorte de "temple d'amour"). Le fond complètement ouvert sur la terrasse du château, où aboutit le haut d'un escalier qui monte du parc. Tous les serviteurs du château, hommes, femmes et la valetaille, entourent Jacoppo, le précepteur de Chérubin (surnommé le Philosophe) qui les harangue) LE PHILOSOPHE (à haute voix) Servantes. 3 SERVANTES (3 sopranos) Voilà! LE PHILOSOPHE … bonnes et lingères, 3 AUTRE SERVANTES (3 mezzo-sopranos) Voilà! LE PHILOSOPHE Serviteurs, valets, marmitons, 3 SERVITEURS (3 basses, en gross voix) Voilà! LE PHILOSOPHE Boulangères et fromagères, 6 SERVANTES Voici! Voici! Voici! Voici! LE PHILOSOPHE Cuisiniers à triple menton, Qu'avez-vous préparé pour fêter votre maître, Car Chérubin n'est plus un page aux cheveux blonds. (fièrement) Il porte depuis hier, plus déluré qu'un reître, L'épée en bon acier qui sonne à ses talons. SERVANTES, SERVITEURS Vivat! Vivat! Vivat! Vivat! LE PHILOSOPHE (galamment) Dans un instant Chérubin va paraître. SERVANTES, SERVITEURS (entre eux joyeusement) Vivat! Dans un instant Chérubin va paraître! vivat! vivat! vivat! vivat! LE PHILOSOPHE Entendons-nous Entendons-nous avant que de tous les côtés Nous arrivent ses invités. Entendons-nous! SERVANTES, SERVITEURS (très affaires) Avant que de tous les côtés Nous arrivent ses invités. Voilà! voilà Voilà! voilà! Voilà! voilà! (3 basses, avec volubilité) Dindes, dindons et dindonne aux Gravitent autour de nos broches. (3 ténors, avec volubilité) Et la fournaise des fourneaux Les dore comme des brioches. (6 servantes, répétant avec volubilité) Les dore, dore comme des brioches. LES SERVITEURS Les dore, dore comme des brioches! des brioches! Nous avons fait ratisser Sarcler, émonder, tailler De long en large, de large en long! LES SERVANTES Dans nos cuisines nous glaçâmes Deux cents sorbets… Mille pralines! Deux cents sorbets… Mille pralines! Deux cents sorbets, Mille pralines! LE PHILOSOPHE (qui, depuis un instant, s'est bouchéles oreilles) Chut! vous m'assourdissez! Vous m'assourdissez!! SERVANTES, SERVITEURS (renchérissant encore) Et le parc est comme un salon! Oui! le parc est comme un salon! Nous avons râtissé, LE PHILOSOPHE Chut! Aie! SERVANTES, SERVITEURS Nous avons tout taillé, Dindons et dindonneaux sont comme des brioches! des brioches! des brioches! Voilà! voilà! voilà! LE PHILOSOPHE Vous m'assourdissez! Vous m'assourdissez! (essayant de crier plus fort que tousafin d'être écouté) Mes camarades, mes braves camarades. Sachez l'autre motif qui vous rassemble ici. Pour qu'en ce jour vous fêtiez Chérubin, fier de ses premiers grades, Votre jeune seigneur, à tous ici présents, Veut rendre un bienfaisant hommage Aux serviteurs il fait doubler les gages. SERVANTES, SERVITEURS (avec ravissement) Ah! LE PHILOSOPHE Et fait remise aux paysans D'un an de dîme et de fermages! SERVANTES, SERVITEURS (avec une folie joie) Vivat! vivat! vivat! Chérubin! Chérubin! (la ronde folle s'éloigne en criant) Vive Chérubin! (cris prolongés; au loin, encore fort) Vive Chérubin! (Pendant que les cris s'atténuent etque le Philosophe, sur la terrasse,écoute avec ravissement le nom deChérubin que ces braves gensacclament, le Comte, le Duc et le Baron sont entrés) Vive Chérubin! (Ne pas suivre la déclamation qui se terminera avec le musique) LE DUC (d'un air vexé) Vive Chérubin! Ma parole on n'entend plus que ce cri là! LE COMTE (froidement) Toute la canaille raffole de ce maudit garnement là! LE BARON (ironique, au Philosophe, qui vient et qui salue) Mes compliments, monsieur le Philosophe, LE COMTE Votre élève est un fier vaurien! LE DUC (les bras au ciel) Dilapider ainsi son bien! LE COMTE C'est la ruine! la catastrophe! LE PHILOSOPHE Il est généreux, voilà tout! LE COMTE (sèchement) Il est fou, monsieur, il est fou! (Le Comte hausse les épaules et sort. Le Philosophe reste bouche bée) LE BARON (au Duc, avec mauvaise humeur) Dire que j'ai quitté Grenade Pour faire honneur au nouveau grade… De ce petit hurluberlu. LE DUC (se moquant de lui) C'est ta femme qui l'a voulu. LE BARON (d'un air contrit) C'est ma femme qui l'a voulu! LE DUC (à lui-même, d'un air vexé) Et moi… c'est ma pupille! (à part) Pour ce galopin… LE BARON (à part) Chacune s'enflamme… mais qu'il prenne garde… LE DUC … ce vrai galopin! LE BARON (accentué) Le mari regarde, le mari regarde… LE DUC (avec exagération) … mais qu'il prenne garde… LE BARON (de même) … et s'il se hasarde… LE DUC (légèrement et faisant le geste de pourfendre) … à toi, Chérubin! LE BARON (même geste que le Duc) … à toi, Chérubin! LE DUC … à toi, Chérubin! LE BARON … à toi, Chérubin! LE DUC et LE BARON … à toi, Chérubin! LE PHILOSOPHE (à part) Pauvre Chérubin! Pauvre Chérubin! LE DUC (imitant le ton du Philosophe en le parodiant) Pauvre Chérubin! LE BARON (au Philosophe sournoisement) Mais qu'il prenne garde… LE DUC Ce vrai galopin… Mais qu'il prenne garde! à toi, Chérubin! LE BARON Le mari regarde… le mari regarde… Et s'il se hasarde… à toi, Chérubin! LE PHILOSOPHE Pauvre Chérubin! (avec émotion) Chérubin, quelle sera ta destinée en cette vie… (Le Duc et Le Baron, en sortant au Philosophe, en le lardant de coups d'épée imaginaires) LE DUC, LE BARON … à toi, Chérubin! à toi, Chérubin! à toi, Chérubin! (Ils disparaissent) LE PHILOSOPHE Lorsque la gloire te viendra? Obscur, si déjà l'on t'envie, Hélas! qui plus tard t'aimera? NINA (survenant, joyeuse, et s'annonçant,vivement) C'est moi, Philosophe! LE PHILOSOPHE (ravi, joignant les mains) O destin! (souriant) Eh bien! (avec une joie intime) … la voilà ta réponse. (changeant de ton, à Nina) Où donc allez-vous? NINA (contrite) Je renonce à le retrouver ce matin. LE PHILOSOPHE (malicieusement) Nina, vous cherchez, je parie, Ce Chérubin! (au nom Chérubin,Nina sourit) Ce polisson! (au mot de polisson, Nina a un cride surprise indigné) Ce garnement! NINA (révoltée) Ah! c'est trop fort! LE PHILOSOPHE (faisant l'étonné) Oh! NINA (furieuse, tenant tête au Philosophe) Il est charmant, oui, monsieur! Charmant et très brave. Il n'a pas un front soucieux, Mais faut-il déjà qu'il soit grave, Quand la gaîté rit dans ses yeux! Vous dites c'est un polisson! Mais je sais qu'il n'est que volage. Et d'ailleurs, il aurait raison D'avoir les défauts de son âge. On le hait… insinuez-vous, Prenez garde, c'est par rancune, Car si plus d'un en est jaloux, (avec un peu d'émotion) C'est qu'il plaît sans doute à plus d'une. (très chanté) Il plaît, on ne sait pas pourquoi, Il plaît dès qu'il dit quelque chose, Et quand… timide… il devient coi… Il plaît parce qu'il devient rose. (plus chaleureux) Puis, c'est l'ami que je défends (plus accentué) Et défendrai (plus vibrant) … plus que moi-même… (Elle voit ce brave Philosophe qui, ravi, lui sourit, radieuse) Mais je me fâchais… suis-je enfant! (Nina tombe toute émue dans les brasdu Philosophe qui l'embrasse) Vous l'aimez! LE PHILOSOPHE (avec élan et affection) Oui, je l'aime! NINA Vous l'aimez… autant que je l'aime!… autant! (Les deux amis de Chérubin restant ainsi un instant. Bruyants éclats de rire se rapprochant peu à peu; apeurée) Mon tuteur! (gentil et suppliant) Monsieur, devant lui oubliez ce que j'ai pu dire! (Elle s'enfuit. Nouveau éclats de rire de Duc et du Baron qui arrivent tous deux par l'escalier du parc) LE DUC (au fond) C'est merveilleux! LE BARON C'est inouï! LE DUC (montrant le côté du parc en éclatanttoujours de rire) Vraiment, c'est à mourir de rire! (Les voix, les rires se rapprochent encore, puis tout à fait) LE DUC Non. C'est trop drôle en vérité! LE BARON (s'avance en riant bruyamment;se pâmant) Je pleure, Duc. LE DUC (de même) Baron, j'en crève! (rires) LE PHILOSOPHE (légèrement stupéfié) Pourquoi donc cette hilarité? (Nouveau éclats de rire) LE DUC (au Philosophe) Chérubin, ce fou,… (avec intention) Votre élève… (éclats de rire) Je ris tant que j'en dois m'asseoir… (reprenant son récit) A fait dépêcher hier au soir Vers Madrid, à vitesse extrême, un courrier… (secoué par le rire) pour que ce soir même… Vienne mimer, danser ici, devinez qui? LE DUC et LE BARON (insistant) Devinez qui? LE PHILOSOPHE (tremblant un peu) Mais… j'imagine… Quelque histrion… LE DUC et LE BARON Non. LE DUC La première ballerine Que toute l'Europe admira, LE DUC et LE BARON L'Ensoleillad de l'Opéra! LE PHILOSOPHE (ignorant) L'Ensoleillad? LE DUC et LE BARON Oui! LE BARON (imitant l'Ensoleillad) Celle qui danse comme on vole. LE DUC (de même) Elle, Thaïs, Phyrné, Cypris, venir ici! (bien chanté) Sur ma parole, Chérubin est gris. LE BARON Il est gris. LE DUC Il est gris. CHÉRUBIN (entre et continue joyeusement la phrase du Duc et de Baron, épanoui) Je suis gris. LE DUC et LE BARON (un peu gênés) Lui! LE PHILOSOPHE (ravi) Lui! CHÉRUBIN Je suis gris! (fou de jeunesse) Je suis ivre! C'est le soleil qui m'a grisé, C'est le soleil, je suis ivre! Duc, je suis si content de vivre Que je pourrais… vous embrasser. J'ai dix-sept ans, cela me grise, J'ai dix-sept ans! Plus de tuteur! la liberté! (avec volubilité) Je veux faire tant de bêtises Que vous serez épouvantés! C'est le soleil qui m'a grisé… (avec ravissement) Je suis ivre! (Il éclat de rire; avec aplomb) Enfin, je vous le dis… en toute confidence, Regardez ce billet! Baron! Duc! venez voir… L'Etoile de Madrid, la reine de la Danse, L'Ensoleillad, enfin, (triomphant) nous arrive ce soir! LE DUC (suffoquant de surprise, de dépitet de colère) Non! ce n'est pas vrai! c'est impossible! LE BARON (donnant son avis avec gravité) Et d'abord, c'est inadmissible! grotesque! LE DUC (apoplectique) C'est fou! CHÉRUBIN (affirmant) C'est ainsi. (Il relit avec délices le billet del'Ensoleillad) LE DUC (D'une voix étouffée par la colère, n'osant s'attaquer directement à Chérubin, et s'adressant au Philosophe qui ne sait que répondre) L'Ensoleillad… danser ici… Mais c'est inouï de bêtise! Montrez-moi, monsieur s'il vous plaît, Le rideau… LE BARON (persifleur) La rampe… LE DUC (s'épongeant) La frise… LE BARON Les accessoires du Ballet? LE DUC (Haletant, tirant à lui le Philosopheahuri) Pour danser le grand pas des Alcyons rebelles, Où donc sont les portants, où donc sont les chandelles? LE BARON (sceptique, retournant le Philosophede son côté) Et la trappe, monsieur, pour danser Belphégor, Car il faut une trappe à défaut d'un décor. LE DUC (congestionné, rouge, hors de lui. Même jeu pour le Philosophe qui virevolte et ne sait plus à quel saint se vouer) Et pour mimer l'étoile éclairant les Rois Mages… LE BARON (à Chérubin) Où comptez-vous, monsieur, accrocher vos nuages? CHÉRUBIN (de la meilleure grâce du monde) Oh! rassurez-vous, s'il vous plaît, Nous n'aurons pas d'apothéose, Point de grands pas, point de ballet, (galamment) Nous danserons tout autre chose. (très rythmé; dans le vieux style) Nous danserons, c'est bien mieux, En dépit des modes nouvelles, Les vieilles danses des aïeux. (sans respirer) Je n'en connais pas de plus belles! Nous aurons pour décor mouvant Le feuillage où Phœbé s'égare Et, parmi la plainte du vent, L'alerte chanson des guitares. Point n'est besoin pour ces ballets De portants, de frise ou de toiles. Nous aurons le bois pour palais Et pour chandelles les étoiles! (Les invités de Chérubin arrivent sur la terrasse; on les voit se saluer, sepencher sur la balustrade pour mieuxvoir venir filles et garçonsdu village; on entend au loinle rythme des danses.Chérubin passe dans les groupes,salué par les hommes, regardé par lesfemmes, baisant la main aux plusjolies) LE DUC (le plaignant) Il est fou! LE BARON (avec compassion) Le pauvre garçon! LE PHILOSOPHE (doucement) Comme sa folie a raison! (joyeux, à deux invités, désignant le lointain) Accourez voir, don Sanche! les paysans! Ils ont leurs habits du dimanche! Ils dansent! écoutez! CHÉRUBIN (allant à la Comtesse qui vient deparaître) Comtesse! Enfin! LA COMTESSE Tout doux! CHÉRUBIN (lui baissant les mains) Ma marraine! je vous adore! LA COMTESSE (troublée) Le Comte arrive! Taisez-vous! CHÉRUBIN (bas et vivement) Non, il ne peut nous voir encore. Tout au fond du jardin, dans le vieux saule creux que la mousse décore j'ai glissé ce matin une lettre où je dis combien je vous adore. LA COMTESSE (émue) Une lettre! (vivement) Mon époux! Taisez-vous! (Le Comte arrive, toise Chérubin qui lui fait un beau salut.La Comtesse s'éloigne avec son mari) LA BARONNE (barrant la route à Chérubin; elle respire des sels pour cacher sonémoi) Ca, venez! CHÉRUBIN (s'inclinant très bas) Quoi, Baronne? LA BARONNE (avec une compassion excessive) O petit imprudent! Vous parlez bas à la Comtesse… Le Comte est fort jaloux pourtant, Je tremble pour votre jeunesse… CHÉRUBIN Trop bonne! (La Baronne s'éloigne en poussant unpetit soupir attendri et laissantChérubin un peu étonné; puis,Chérubin se met à rire et court à Ninaqui paraît) NINA (très petite fille; à Chérubin) Ah! Chérubin, c'est mal, C'est mal… vous m'avez fait hier la promesse De m'accompagner à la messe Et l'on vous a vu à cheval! CHÉRUBIN (très gentil) Hélas! c'est vrai. Je ne puis feindre. Mais puisque j'étais loin de vous J'ai manqué un moment très doux, Je suis par conséquent à plaindre. (Chérubin regarde si on le voit. Comme tous les invités observent l'arrivée des paysans, il en profite pour essayer de prendre un baiser à la fillette, qui l'esquive en riant et se sauve en le menaçant gentiment du doigt) NINA, LA COMTESSE LA BARONNE, LES INVITÉS (avec plaisir) Les paysans! LE PHILOSOPHE, INVITÉS (avec plaisir) Ils vont danser! LE DUC (à part, désignant les paysans qui vont paraître) Des paysans! LE BARON (avec dégoût) Des paysans! LE PHILOSOPHE (avec satisfaction) Les paysans! Ils vont danser! LE DUC et LE BARON (vexés) Ils vont danser! TOUTES sauve CHÉRUBIN Ils vont danser! C'est amusant! (Le Duc et le Baron, ironiques) C'est amusant! CHÉRUBIN (allant vers l'escalier du parc et s'adressant à ses vassaux; alerte, vivant) Venez ici, les belles filles, Venez ici avec les gas, Car de si loin on ne voit pas Briller vos yeux sous vos mantilles. (Les gas et les filles envahissentla terrasse) LE PHILOSOPHE (à part, radieux) O mon Chérubin! O mon Chérubin! LE DUC et LE BARON (à part, même intention) Des paysans! Ils vont danser! NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS Vive Chérubin! Vive Chérubin! LE DUC et LE BARON (à part, levant les épaules) Il est notre hôte, il le faut bien! (lugubres) Vive Chérubin! Fête Pastorale NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS (en admiration, à Chérubin) Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! Bravo! C'est ravissant! C'est ravissant! NINA, LA COMTESSE, LA BARONNE, INVITÉS C'est exquis! LES INVITÉS Adorable, cher Marquis! C'est ravissant! Adorable! Ravissant! (Les gas et les filles sortent en menantgrand bruit) CHÉRUBIN (à des Dames; galamment) Pour vous on a dressé les tables. (Les femmes remercient) LE DUC et LE BARON (à eux-mêmes, réciproquement, très grognons) Ce jeune homme est insupportable! (Les Invités sortent sur un bruit joyeux de rires et de compliments. Musique au loin) VOIX (sopranos et mezzo-sopranos; au loin) Ah! ah! ah! ah! (De douces musiques jouent dans le parc à l'apparition des Invités sur la terrasse. Chérubin va s'asseoir et s'évente de son mouchoir de dentelle) LE PHILOSOPHE (radieux, à lui-même) On chante, on rit. Tous sont contents. A cette joie, à ce printemps, Il n'est pas d'ennui qui résiste. (Chérubin pousse un gros soupir) Quoi! Chérubin! Te voilà triste. (nouveau soupir) Tout à l'heure encor si joyeux, (affectueux) Pourquoi des larmes dans tes yeux… Et pourquoi, toi, si gai, fais-tu cette grimace? CHÉRUBIN (avec gravité) Ma gaîté, Philosophe. est toute à la surface. LE PHILOSOPHE (stupéfié) Pourquoi, juste ciel! CHÉRUBIN Je ne sais! LE PHILOSOPHE Quoi! l'on fête ton nouveau grade, Tu vas de succès en succès… D'où te vient donc ce sombre accès? CHÉRUBIN Ah! je sens que je suis malade! LE PHILOSOPHE Malade? Je suis interdit! CHÉRUBIN Oui, j'ai peur d'une catastrophe. LE PHILOSOPHE D'où souffres-tu, mon cher petit? CHÉRUBIN (gentiment triste) Du coeur, mon pauvre Philosophe! (câlin, enfantin et tendre) Philosophe, dis-moi pourquoi Mon coeur se dérobe Quand j'entends à côté de moi Le bruit d'une robe. Dis-moi pourquoi je suis troublé Et deviens tout pâle Quand je vois le vent soulever Les franges d'un châle. Dis-moi pourquoi mon pauvre coeur Sans raison qui vaille Pour un ruban, une faveur, S'étonne ou défaille… Comment peut-on pour un chiffon, Pour un bout d'étoffe Etre ému d'un mal si profond… (simplement) Mon cher Philosophe? LE PHILOSOPHE (avec affection et une douce tristesse) Petit, le mal qui te dévore Je l'ai connu, voici longtemps. Je voudrais en souffrir encore, Car on n'en souffre qu'à vingt ans. (avec une infinie tendresse) Aime ton mal, petit. Aime ton mal, petit. Personne ne l'éprouva sans le bénir. (avec une exaltation progressive) Aime ton mal! C'est ta jeunesse qui frissonne, C'est l'amour et c'est l'avenir! CHÉRUBIN (très ému, palpitant et ravi) Ah! Philosophe! quelle chance… quelle chance… LE PHILOSOPHE Aime ton mal, petit, CHÉRUBIN L'amour! c'était là mon tourment C'était là ma démence? LE PHILOSOPHE Aime ton mal, petit. C'est ta jeunesse qui frissonne… C'est l'amour CHÉRUBIN Quelle lumière brusquement! Au diable la mélancolie! Ah! les bonheurs que j'entrevois! (en mêlant un peu de gaminerie à cesélans, à cette fièvre) … et c'est l'avenir… c'est l'avenir!! Je veux aimer, aimer à la folie, Je veux aimer toutes les femmes à la fois!! LE PHILOSOPHE (à Chérubin, essayant de le retenir; avec une sage philosophie) Contente-toi d'en aimer une… C'est déjà d'un choix hasardeux. CHÉRUBIN (se sauvant; gaîment) Mais déjà j'en aime au moins deux! LE PHILOSOPHE (Il lui lance de loin ces dernières paroles et regarde partir Chérubin par la terrasse, en hochant la tête) C'est que tu n'en aimes aucune! (Le Comte entre, furieux, et s'adresse au Philosophe qui vient d'accourir au devant de lui) LE COMTE (d'un ton sec et violent) Où Chérubin se cache-t-il, le savez-vous? LE PHILOSOPHE (interdit et prudent) Quoi? LE COMTE Si vous le savez, parlez. LE PHILOSOPHE Que de courroux! LE COMTE Parlez-vous? LE PHILOSOPHE Calmez, monsieur, votre colère… Qu'a donc fait Chérubin qui puisse vous déplaire? LE COMTE Je veux le voir. LE PHILOSOPHE (hésitant) Le voir? Puis-je à lui me substituer? LE COMTE Impossible, monsieur, je viens pour le tuer! LE PHILOSOPHE (bondissant) Le tuer! LE COMTE Le gredin! Il ose se permettre D'envoyer cette lettre… A la Comtesse! (vivement apercevant la Comtessequi paraît avec Nina) Pas un mot! (Le Philosophe va au-devant de Nina et reste près d'elle un peu à l'écart) LA COMTESSE (au Comte) Je vous cherchais depuis tantôt… Nous avons, nous tenant chacune par l'épaule, Longé le bois le long des chênes… LE COMTE (rageur, bas à la Comtesse) Et des saules… LA COMTESSE (à part) O mon Dieu! LE COMTE (à la Comtesse, brusquement lui montrant les vers de Chérubin) Connaissez-vous ces vers? LA COMTESSE (très troublée) Mais non! (Le Philosophe et Nina se rapprochentet écoutent) LE COMTE (furieux) Mais si! (ironique) Le madrigal commence ainsi «Pour celle qu'en secret j'adore!» NINA (à part, très émue; vivement) Mes vers! LE COMTE (à la Comtesse) Eh bien? LA COMTESSE Je les ignore. LE COMTE (violemment, bas) Perfide, ils sont pour toi! NINA (très simplement) Eh bien! non! ces vers sont pour moi! LE COMTE Pour vous? LA COMTESSE (bas à Nina qui ne comprend pas et la regarde avec de grands yeux étonnes) Vous me sauvez! LE PHILOSOPHE (à part) Cher ange! LE COMTE (à Nina) Vous voulez me donner le change? NINA Mais! LE COMTE Comment me prouver que ces vers sont pour vous? NINA (simple) Pourquoi donc vous mettre en courroux? LA COMTESSE (à part, défaillante) Je suis perdue! LE PHILOSOPHE (à part) Seigneur, ayez pitié de nous! LE COMTE (impératif, à Nina) Eh bien? LE PHILOSOPHE (au Comte, essayant de détourner la colère du Comte) C'est une enfant encore… LE COMTE (furieux) Qui m'abusait… NINA (Ingénument, disant les vers deChérubin) «Pour celle qu'en secret j'adore!» (affectueusement) Ces vers sont faits pour moi, m'a juré Chérubin. LA COMTESSE (à part) Ah! le traître, l'infâme! LE PHILOSOPHE (à part, les yeux au ciel) O satané gredin! NINA (change doucement la chansonde Chérubin) «Lorsque vous n'aurez rien à faire Mandez-moi vite auprès de vous, Le paradis que je préfère, C'est un coussin à vos genoux. Vous me remarquerez à peine, Je me garderai de parler… Et je retiendrai mon haleine Si mon souffle peut vous troubler. Afin que dans mon coeur morose L'hiver fasse place au printemps, Je demande bien peu de chose Un sourire de temps en temps… Et si c'est trop… un regard même Suffira pour me transformer. Car sans rien dire je vous aime Autant qu'un être peut aimer.» (franchement) Vous voyez! je connais par coeur tout le poème! LE COMTE (à Nina, lui remettant le billet) Aussi je vous le rends, Nina, Il est à vous. (à la Comtesse) Et vous, pardonnez-moi! (Nina confuse prend le billet et sort encausant avec le Philosophe qui l'accompagne jusqu'à la terrasse) LA COMTESSE (dépitée, pendant que le Comte s'incline en lui baisant la main; à part) C'est la Nina qu'il aime! LE COMTE Mes soupçons, madame, étaient fous! Je me repens! LA COMTESSE (s'éloigne, le Comte se rapproche) Mais… LE COMTE Soyez bonne! LA COMTESSE (prenant après hésitation le bras du Comte qui sort avec elle) Pour cette fois, je vous pardonne! (en sortant, à la dérobée, avec dépit) C'est la Nina qu'il aime! LE PHILOSOPHE (seul, avec un tendre émoi) C'est la Nina que tu choisis! Ah! Chérubin! j'en suis saisi! Moi qui craignais pour ta jeune âme, Qui tremblais pour ton avenir, Tu rêves d'épouser la femme A qui je rêvais de t'unir! (Entre Chérubin. Il est tout animé) CHÉRUBIN Philosophe! LE PHILOSOPHE Ah! petit, viens vite! Il faut que je te félicite; Viens dans mes bras, je suis heureux! CHÉRUBIN Et moi, Philosophe… amoureux! LE PHILOSOPHE Oui, je sais. CHÉRUBIN (étonné) Tu sais que je l'aime? LE PHILOSOPHE Oui. CHÉRUBIN Tu l'as vue, elle? LE PHILOSOPHE Elle même. CHÉRUBIN Ah! N'est-ce pas que c'est un être merveilleux? LE PHILOSOPHE Son coeur pur apparaît au cristal de ses yeux. CHÉRUBIN (légèrement goguenard) Est-il très pur? LE PHILOSOPHE (croyant avoir mal entendu) Hein, quoi? CHÉRUBIN (ravi) Entends ces airs allègres! Vois, elle fait porter sa chaise par deux nègres. LE PHILOSOPHE Qui de nous deux est fou? CHÉRUBIN Regarde, la voilà! LE PHILOSOPHE Comment, tu n'es donc pas amoureux de Nina? CHÉRUBIN (surpris) Moi? LE PHILOSOPHE De qui donc alors? (Montrant le cortège de l'Ensoleillad, que l'on aperçoit à présent) CHÉRUBIN (fier, enthousiaste) Vois! Cela se devine! J'aime l'Ensoleillad! LE PHILOSOPHE (épouvanté) Non! CHÉRUBIN (triomphant) Si! (Il envoie un baiser à l'Ensoleillad qui passe dans sa chaise à porteurs et qui lui sourit) LE PHILOSOPHE (accablé) Bonté divine! Massenet,Jules/Chérubin/II
https://w.atwiki.jp/paserss/pages/15.html
Sony a présenté aujourd hui une nouvelle gamme de portables fins et légers avec des regards élégants et disponibles dans cinq couleurs brillantes. Les ordinateurs portables Sony VAIO CR sont destinés aux plus jeunes utilisateurs intéressés de regards et compacité plutôt que des performances haut de gamme. Taillée en argent et disponible en cinq couleurs curieusement nommées (sangria, cosmopolite, Colombe, indigo et noir), les nouveaux portables de CR sont plus à l aise dans un dortoir de collège qu une salle de conférence. Batterie Sony vaio vgp-bps24 Touches intéressantes incluent une police spécialisée clavier, une LED qui palpite sous la garniture de l ordinateur portable pour indiquer ce qui se passe — démarrage, mettre hors tension, hibernation — et rougeoyant et à la décoloration en conséquence. Chaque cahier de CR est livré avec son propre VAIO marqué papier peint et couleurs assorties en option sac de transport et souris. Pesant 5,5 kilos avec la batterie standard, le CR vous permet de bouger tout en se faire remarquer. Chargé avec un Intel Centrino Core 2 Duo 1,8 GHz processeur T7100 (Intel Santa Rosa) fournissant avec beaucoup de puissance et efficacité énergétique pour la plupart des utilisateurs. Le CR est livré pré-installé avec système d exploitation Windows Vista Home Premium et l édition de Windows Vista Professionnel est une mise à niveau en option. Équipé d un écran de 14,1 pouces doté de la technologie XBRITE-ECO LCD de Sony, un modèle d enceintes le CR CD/DVD lecteur/graveur et fonction intégrée saura satisfaire la plupart de vos besoins de divertissement. Mode de fusion instantanée et A / V contrôles fournissent un accès sur demande à des films, Batterie Sony vaio vgp-bps22a de musique et de photos sans avoir besoin de démarrage du système d exploitation. Les carnets de CR viennent également chargés avec le logiciel de Sony LocationFree, ainsi vous pouvez regarder la télévision, accéder à vos personnel magnétoscope ou lecteur DVD et découvre que le contenu de votre ordinateur portable via Internet et d une station de base disponible. Un appareil photo numérique intégré et un microphone vous permettent de prendre des photos ou participer à des chats vidéo direct. Équipé d un Memory Stick Duo, Memory Stick Pro, Batterie Sony vaio vgp-bps21a carte SD et carte ExpressCard fentes de média, le CR vous permet d accéder instantanément à vos fichiers multimédias numériques provenant d autres appareils. Le port S-vidéo inclus le rend pratique pour connecter le CR à un téléviseur et regarder un DVD ou jouer à des jeux sur grand écran.
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3486.html
ACTE IV Septième Tableau (Dans la forêt des Ardennes; une clairière; grands arbres. A gauche, des rochers surmontés de plantations etdissimulant l entrée d une sombre caverne. Au fond,paysage ensoleillé. Des Sylvains et des Nymphes sontgroupés et étendus, au fond, sous les arbres; d autresdansent à l ombre de ces arbres. Appels de Trompettesau lointain et se rapprochant rapidement. Les Sylvainsétonnés arrêtent leurs danses et écoutent; bientôt paraissent à cheval quatre Hérauts sonnant de la trompette, un Porte-Étendard et un Héraut proclamantle tournoi) ▼LE HÉRAUT BYZANTIN▲ (à haute voix) Entendez tous ce que ma voix proclame, Vous tous que la gloire enflamme Au jour prescrit le tournoi dans Byzance Va rassembler les chefs, les preux au coeur vaillant! Et la main d Esclarmonde et la toute-puissance Appartiendront enfin au vainqueur triomphant! (Tous s éloignent; Les Sylvains et les Nymphes s avancent peu à peu,rassurés, ils reprennent leurs danses après les derniers appels detrompette se perdant dans les profondeurs de la forêt. Parseïs et leChevalier Énéas son entrés.Ils jettent autourd eux des regardsinquiets et semblent s être égarésdans la forêt; trompettes au loin) ▼LE CHEVALIER ÉNÉAS▲ (écoutant les appels de trompette qui résonnent au loin) Oui, le délai marqué s avance Et le tournoi prescrit se prépare à Byzance! ▼PARSÉIS▲ Mais celle qui doit en être le prix, Esclarmonde, ma soeur, qu est-elle devenue? Dans quelle contrée inconnue Est-elle au pouvoir des mauvais esprits? ▼ÉNÉAS▲ C est ici, Parséis, qu habite votre père, C est dans cette forêt qu il vint finir ses jours. Phorcas saura pénétrer ce mystère… ▼PARSÉIS▲ Ah! Je tremble en venant implorer sont secours! (à Énéas, tendrement) C est en vous que j espère, Vous seul avez suivi mes pas, Merci, cher, Énéas, Vous seul avez suivi mes pas, Je ne l oublierai pas! ▼ÉNÉAS▲ Ne dites pas merci, ô douce Parséis! En vous suivant j ai suivi mon espoir Et mon bonheur! J ai suivi mon bonheur mon espoir! ▼PARSÉIS▲ Merci, cher Énéas! Vous seul avez suivi mes pas, Je ne l oublierai pas! Merci, cher Énéas! je me l oublierai pas! (allant à la rencontre des Sylvains) Répondez, habitants de ce bois séculaire, No connaissez-vous pas, retiré dans ce lieu, Un vieillard vénérable étrange et solitaire… Un mortel il est vrai… mais presqu un Dieu! (Les Sylvains désignent la caverne et s enfuient effrayés) ▼ÉNÉAS▲ (désignant la caverne, avec effroi) Le voici! c est lui! ▼PARSÉIS▲ (émue) Je frémis! grand Dieu! (Énéas et Parséis restent un peu à l écart. Phorcas paraît, méditatif et sombre, sur le seuil de la caverne) ▼PHORCAS▲ (il semble rêver en marchant lentement) Les Temps vont s accomplir… Et bientôt le destin va donner un époux à ma fille Esclarmonde, Un maître au peuple byzantin… D où me vient malgré moi cette angoisse profonde? Sort mystérieux auquel j obéis, Voudrais-tu m infliger, m infliger une épreuve dernière? Épargne, hélas! épargne le coeur d un père! le coeur d un père! Mais qu ai-je à redouter? Que vois-je? Énéas! Parséis! Que m annonce ici votre présence? Mais parlez! Vous gardez le silence (avec inquiétude) Esclarmonde? ▼PARSÉIS▲ (confuse) Elle a quitté Byzance! ▼PHORCAS▲ (avec éclat et avec douleur) Ah! Mon coeur pressentait… malheur! malheur! sur nous! malheur sur nous! ▼ÉNÉAS, PARSÉIS▲ Grâce! pitié pour elle! pitié! (Tonnerre lointain) ▼PARSÉIS▲ Elle a voulu choisir elle-même un époux! Lorsque l ombre envahit la voûte constellée… Des Esprits que jamais je n ai vus qu en tremblant, Emportaient Esclarmonde inconnue et voilée… Auprès du chevalier Roland! ▼PHORCAS▲ (répétant) Le chevalier Roland? ▼PARSÉIS▲ (continuant sou récit) Chaque nuit l éloignait de moi… ▼PHORCAS▲ (interrogeant anxieusement) Chaque nuit? ▼PARSÉIS▲ Mais chaque aurore A mes soins empressés venait la rendre encore! ▼PHORCAS▲ (palpitant) Chaque aurore? ▼PARSÉIS▲ (avec des larmes) Hélas! de l imprudente, un jour, J ai vainement attendu le retour! Quel malheur l a frappée? Hélas! hélas! mon coeur désespère! mon coeur désespère! Voilà pourquoi je suis venue à vous, mon père! (suppliante) La triste Parséis se jette à vos genoux! Ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous! La triste Parséis se jette à vox genoux! Ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous. ▼ÉNÉAS▲ (suppliant) Phorcas, ayez pitié! Phorcas! pitié! ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous! ▼PHORCAS▲ (sévèrement) Non! non! pas de grâce! pas de pitié! Je devrais te punir, ô gardienne infidèle Qui n as pas su combattre un tel égarement… Mais plus que toi, ta soeur se montra criminelle… C est sur elle que va tomber le châtiment! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS▲ Grâce pour elle! grâce pour elle! pitié! pitié! ▼PHORCAS▲ Non! non! non! (Violents coups de tonnerre; éclairs; obscurité; Énéas et Parseïs épouvantés se retirent et se retirent à l entrée de la caverne) ▼PHORCAS▲ (avec autorité) Esprits de l air! Esprits de l onde! Esprits du feu! Hâtez-vous d accomplir mon voeu! En ma présence amenez Esclarmonde! (Tonnerre et éclairs; la terre s entrouvre; une fumée épaisse et des flammes s en échappent. Le nuage se dissipe. Le jour revient; Esclarmonde a paru) ▼ESCLARMONDE▲ (sans voir Phorcas; avec la lenteur et l étonnement d unepersonne qui s éveille) D une longue torpeur je sens que je m éveille… (s éveillant peu à peu davantage et avec un semblant d effroi d abord vaguement exprimé) Ah! je me souviens! Honte sans pareille! le Prêtre! les bourreaux! Roland perdu pour moi… Les Esprits à leurs mains cruelles m ont ravie… Me ramenant vers l île où je reçus sa foi! Puis d un profond sommeil je me suis endormie… Hélas! En retrouvant la vie et la pensée, Je te retrouve, ô souvenir D une félicité passée (très expressif) Qui ne doit plus jamais… revenir! (très déchirant) Ah! Plus notre hymen avait de charmes Plus je dois répandre de larmes Sur le bonheur que j ai perdu. Hélas! Hélas! En retrouvant la vie et la pensée, Je te retrouve, ô souvenir De la félicité passée… O souvenir! (vaguement et tristement) Où suis-je maintenant? Une forêt? (Apercevant Phorcas et reculant) Mon père! (tremblante) pardon! pardon! ▼PHORCAS▲ (d une voix contenue et sombre) Te pardonner? (à volonté et très déclamé) et comment le pourrais-je? ô fille sacrilège! (sévèrement) Toi qui, bravant le céleste courroux Et l arrêt du destin, Osas prendre un époux et te montrer à lui! ▼ESCLARMONDE▲ Grâce, mon père! grâce! ▼VOIX DES ESPRITS▲ (Choeur invisible) Non! ▼PHORCAS▲ (répétant) Non! Le Ciel a parlé! non! Le destin sévère Réclame un châtiment Pour la fille indocile et son coupable amant! ▼LES VOIX▲ Esclarmonde! ▼PHORCAS▲ (répétant) Esclarmonde! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS▲ (répétant) Esclarmonde! ▼LES VOIX▲ Ta désobéissance ▼PHORCAS▲ (de même) Ta désobéissance… ▼PARSÉIS, ÉNÉAS▲ (de même) Ta désobéissance… ▼LES VOIX, PHORCAS▲ Te fait perdre à jamais le trône et la puissance! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS▲ Tout est perdu pour toi! ▼ESCLARMONDE▲ (avec transport) Qu importe! nous aimons! ▼LES VOIX▲ Pour ton amant parjure… pour lui, la mort! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS▲ …pour lui, la mort! ▼ESCLARMONDE▲ (avec un cri de douleur) Ah! pour lui… la mort! ▼LES VOIX▲ Phorcas! ▼VOIX, PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS▲ Qu il meure de ta/sa/ma main… ▼LES VOIX▲ Si ta fille ne jure quelle renonce à lui! ▼LES VOIX, PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS▲ Qu il meure de ta/sa/ma main ▼ESCLARMONDE▲ Grâce! ▼LES VOIX▲ Non! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS▲ Obéis! Esclarmonde! à l inflexible loi! C est le salut pour Roland et pour toi! Obéis! Renonce à ton amant, tel est l arrêt du sort! Obéis, ou pour lui, c est la mort! la mort! c est la mort! ▼ESCLARMONDE▲ (avec la plus grand émotion; parlé, presque sans voix) Donc pour sauver la vie… à celui… qui j adore… Je dois… en ce funeste jour… cachant le feu qui me dévore… (très expressif et tendre) Lui jurer que mon coeur pour lui… n a plus d amour! ▼ÉNÉAS▲ (palpitant) Obéis! obéis! ▼PARSÉIS▲ (palpitant) Esclarmonde! obéis! ▼PHORCAS▲ …obéis! ▼ESCLARMONDE▲ Grands Dieux! si ma bouche fidèle à mentir se refuse… C est fait de lui! c est fait de lui! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS▲ C est l inflexible loi! ▼ESCLARMONDE▲ Mais si je me résigne au mensonge qui me dit, cher amant, que tu ne mourras pas de penser que tu n es plus aimé! Ah! qui me dit, cher amant, Cher amant que tu ne mourras pas de ma trahison feinte? (palpitant) Grands dieux! c est fait de lui! hélas! c est fait… de lui! Roland! pour toi la mort! C est fait de lui! ô mon Roland! ô mon Roland! non, tu ne mourras pas! Non! tu ne mourras pas! ▼ÉNÉAS▲ Résigne-toi! obéis! c est la loi! C est le salut pour Roland! Résigne-toi, Esclarmonde, c est la loi! Obéis! C est la toi! le salut… pour Roland! pour Roland et pour toi! obéis! par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! ▼PARSÉIS▲ Résigne-toi! c est le salut pour Roland! O ma soeur, résigne-toi! Par toi ne mourra pas! (suppliant) Obéis! Résigne-toi! ô ma soeur! Résigne-toi! c est le salut! Résigne-toi! obéis! Par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! ▼PHORCAS▲ Résigne-toi! c est le salut pour Roland! Résigne-toi! obéis c est la toi! Esclarmonde! obéis, c est la loi! C est la loi! le salut pour Roland Et pour toi! obéis! Par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! ▼ESCLARMONDE▲ (à son père, avec courage) J accomplira le sacrifice! (Phorcas, Énéas et Parséis se retirent. Avec émotion) Il vient! (douloureusement) Ah! quel supplice! (tendrement) Mais… je te sauverai, mon époux adoré! (résolument) Ensuite je mourrai! (Roland paraît; il entre comme un homme égaré, désespéré; regardant autour de lui, il reconnaît Esclarmonde) ▼ROLAND▲ C est elle! ma bien aimée! Ah! rends le bonheur à ton époux Donne-lui le pardon qu il implore à genoux! ▼ESCLARMONDE▲ (aussi calme et retenue que Roland est enfiévré) Mon pardon… je te le donne… Mais il faut que Roland… ▼ROLAND▲ (avec anxiété) Parle… ▼ESCLARMONDE▲ (s éloignant de Roland) M oublie et m abandonne! ▼ROLAND▲ Folie! Tu parles d abandon! tu veux que je t oublie! (avec âme et passion) Quand je t ai retrouvée Il me faudrait partir! Non! non! non! jamais! Je n y puis consentir!… ▼ESCLARMONDE▲ Il le faut! ▼ROLAND▲ …et pourquoi? ▼ESCLARMONDE▲ (triste et agitée) Jadis… j étais digne de toi! Un peuple obéisait à mon loi souveraine… Aux Esprits aux démons je commandais en reine! Hélas! ton imprudence a changé dans l instant En un funeste sort ce destin éclatant! fuis! laisse-moi! ▼ROLAND▲ (avec feu) Te quitter! ▼ESCLARMONDE▲ (doucement et avec des larmes) J ai perdu mon pouvoir! ▼ROLAND▲ Ne plus te voir! quand je t adore Malheureuse bien plus encore! Je te retrouve! Bénissons l heureux jour! Nous nous aimons et rien n est vrai que notre amour! Viens! viens! (palpitant et tendrement passionné; soutenu et bien chanté) Le bonheur que rien n achève Nous l aurons si tu le veux! ▼ESCLARMONDE▲ (passionné) Viens! viens! ▼ROLAND▲ Hâtons-nous! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! ▼ROLAND, ESCLARMONDE▲ Viens! ▼ROLAND▲ (bien chanté) Ne me parle pas de gloire! Ma gloire c est d être à toi! Te vaincre, c est ma victoire, Ton amour, ma seule loi! Je ne sais plus s il existe… ▼ESCLARMONDE▲ Viens! ▼ROLAND▲ Un chevalier glorieux! ▼ESCLARMONDE▲ Partons! ▼ROLAND▲ Mais je sais que je suis triste Si je vis loin de tes yeux! ▼ESCLARMONDE, ROLAND▲ Viens! Viens! Partons! ▼ESCLARMONDE▲ (avec ivresse) Ah! le beau rêve, si tu veux! Ah! qu importe! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! Toi, vaillant, moi, frêle et souple… Enlacés languissamment! Nous serons le couple éternel! moi, l amante, et toi, l amant! ▼ROLAND▲ Le bonheur que rien n achève Nous l aurons, si tu le veux! Ah! qu importe! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! Moi vaillant, toi, frêle et souple… Enlacés languissamment! Nous serons le couple éternel! Toi, l amante, et moi, l amant! (Esclarmonde et Roland vont fuir. La foudre éclate; le tonnerre gronde) ▼LES VOIX SOUTERRAINES▲ Renonce à ton amant, ou pour lui c est la mort! ▼ESCLARMONDE▲ (épouvantée s est détachée de Roland) Ah! Malheureuse! (très déclamé) au trépas… Roland! par moi livré! ▼ROLAND▲ (avec angoisse) Qu as-tu donc? ▼ESCLARMONDE▲ (hors d elle-même) Je dis que je ne puis te suivre… Je dis que je dois te quitter, À jamais vivre loin de toi… ▼ROLAND▲ (éperdu) Dis aussi que tu ne m aimes plus! ▼ESCLARMONDE▲ (désespérée. à part) Ne plus l aimer! quand je l adore… ▼ROLAND▲ Réponds! réponds! ▼ESCLARMONDE▲ Non! non! ▼ROLAND▲ Insensé que je fus de croire à tes serments! (avec désespoir) Réponds! ▼PHORCAS▲ (paraît) Réponds! ▼LES VOIX▲ Réponds! réponds! réponds! ▼ESCLARMONDE▲ (affolée, à Roland) Je ne veux plus t aimer! non! adieu! (Esclarmonde et Phorcas disparaissent dans la nuée qui les enveloppe) ▼LES VOIX▲ Le crime est expié! ▼ROLAND▲ (seul, comme sortant d un rêve) Disparue! (avec un sanglot) Maudite? (Il tombe anéanti, défaillant sur un rocher) Ah! mourir! (Le ciel s éclaircit à nouveau. Roland revenant à lui etreconnaissant les appels du Héraut; d abord, vaguement) Le tournoi! (plus accentué) Oui, j ai bien entendu… La mort… la mort digne de moi! O mort, je t appelais et tu m as répondu! (Il court au devant des chevaliers qui paraissent) ÉPILOGUE Huitième Tableau (À Byzance; Dans la basilique. Devant les portes du Saint Iconostase. L Empereur Phorcas, sur son trône, entouré des dignitaires, des guerriers et du peuple) ▼L EMPEREUR PHORCAS▲ (sur son trône) Dignitaires! Guerriers! Sous ces augustes voûtes Devant moi vous voici rassemblés! O peuple, qui m écoutes, Les temps sont accomplis ainsi que les Destins que je t ai révélés! (Phorcas descend de son trône se tournant vers l Iconostase) De l autel vénéré que la lumière inonde Ouvrez les portes d or! (Les portes du Saint Iconostase se sont ouvertes. Dans unnuage d encens Esclarmonde voilée paraît, tiare en tête,constellée de pierreries, ou dirait une idole Byzantine.Ses femmes l entourent, sa soeur Parseïs est à ses côtés. Gardes richement vêtus. Thuriféraires) ▼LA FOULE▲ O divine Esclarmonde! Ton trône resplendit plus brillant que le jour! Le destin à tes pieds met Byzance et le monde, Tout l univers t acclame en frémissant d amour! ▼PHORCAS▲ Auprès d elle amenez le vainqueur du tournoi! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, LA FOULE▲ Devant elle amenez le vainqueur du tournoi! (On introduit le chevalier Roland, casque en tête, la visière baissée) ▼ESCLARMONDE▲ (inquiète, à elle-même) Quel est ce vainqueur? malgré moi… je tremble! quel est-il? ▼PHORCAS▲ (à Roland) Fier chevalier, approche, et de tant de vaillance Viens recevoir le prix! Mais d abord, dis ton nom, Héros, qui d Esclarmonde as conquis la puissance La trône et la beauté! Tu ne réponds pas? (Roland relève la visière de son casque) ▼ROLAND▲ (avec fermeté) Non! ▼ESCLARMONDE▲ (avec émotion) Sa voix! c est lui! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE▲ Que dit il? quel est-il? ▼ROLAND▲ (avec tristesse et détachement) Qu importe que je me nomme! Mon nom est Désespoir! Je m appelle Douleur! (très expressif et accentué) Et je ne suis qu un homme Qui garde au fond du coeur Un remords éternel une affreuse souffrance! J étais venu chercher un glorieux trépas La mort trompe aujourd hui mon espérance! Trône! puissance! et céleste beauté! Ne charment pas mon coeur désenchanté; Tous ces biens… malgré moi conquis… Je les refuse! ▼ESCLARMONDE▲ (à part, avec ivresse) O joie! il refuse! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE▲ O folie! il refuse! quel délire! quelle démence! ▼PHORCAS▲ (à Roland) L objet de ton refus, insensé ne veux-tu pas au moins le connaître? ▼ROLAND▲ (se détournant) Non! un seul être Me possède et le reste n est rien! rien! ▼ESCLARMONDE▲ (à part, enivrée) C est lui! Roland! Roland! ▼PHORCAS▲ (avec solennité) Voiles, tombez! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE▲ O vainqueur! Vois les traits de l Impératrice Esclarmonde! (Toute la foule s incline) C est Esclarmonde! ▼ROLAND▲ (indifférent) Esclarmonde? (se retournant et la reconnaissant) O ciel! toi! c est toi que j adorais! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE▲ C est Esclarmonde! ▼ROLAND▲ (tendrement) Mon seul amour au monde! ▼ESCLARMONDE▲ (de même) Oui, mon amant, c est moi! Veux-tu toujours mourir? ▼ROLAND▲ (avec transport) Vivre! vivre avec toi! (avec âme) Chère épouse, ô chère maîtresse! O toi que tendrement sur mon coeur je tenais! Tu n as point révélé ton nom a ma tendresse… ▼ESCLARMONDE▲ Et maintenant ce nom tu le connais… (avec élan) Je m appelle l Adorée! (simplement et tendrement ému) Je m appelle le Bonheur! le Bonheur! ▼ROLAND▲ Tu t appelles l Adorée! Tu t appelles le Bonheur! le Bonheur! ▼PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE▲ O divine Esclarmonde! O valeureux Héros! L univers vous acclame en frémissant d amour! ACTE IV Septième Tableau (Dans la forêt des Ardennes; une clairière; grands arbres. A gauche, des rochers surmontés de plantations etdissimulant l entrée d une sombre caverne. Au fond,paysage ensoleillé. Des Sylvains et des Nymphes sontgroupés et étendus, au fond, sous les arbres; d autresdansent à l ombre de ces arbres. Appels de Trompettesau lointain et se rapprochant rapidement. Les Sylvainsétonnés arrêtent leurs danses et écoutent; bientôt paraissent à cheval quatre Hérauts sonnant de la trompette, un Porte-Étendard et un Héraut proclamantle tournoi) LE HÉRAUT BYZANTIN (à haute voix) Entendez tous ce que ma voix proclame, Vous tous que la gloire enflamme Au jour prescrit le tournoi dans Byzance Va rassembler les chefs, les preux au coeur vaillant! Et la main d Esclarmonde et la toute-puissance Appartiendront enfin au vainqueur triomphant! (Tous s éloignent; Les Sylvains et les Nymphes s avancent peu à peu,rassurés, ils reprennent leurs danses après les derniers appels detrompette se perdant dans les profondeurs de la forêt. Parseïs et leChevalier Énéas son entrés.Ils jettent autourd eux des regardsinquiets et semblent s être égarésdans la forêt; trompettes au loin) LE CHEVALIER ÉNÉAS (écoutant les appels de trompette qui résonnent au loin) Oui, le délai marqué s avance Et le tournoi prescrit se prépare à Byzance! PARSÉIS Mais celle qui doit en être le prix, Esclarmonde, ma soeur, qu est-elle devenue? Dans quelle contrée inconnue Est-elle au pouvoir des mauvais esprits? ÉNÉAS C est ici, Parséis, qu habite votre père, C est dans cette forêt qu il vint finir ses jours. Phorcas saura pénétrer ce mystère… PARSÉIS Ah! Je tremble en venant implorer sont secours! (à Énéas, tendrement) C est en vous que j espère, Vous seul avez suivi mes pas, Merci, cher, Énéas, Vous seul avez suivi mes pas, Je ne l oublierai pas! ÉNÉAS Ne dites pas merci, ô douce Parséis! En vous suivant j ai suivi mon espoir Et mon bonheur! J ai suivi mon bonheur mon espoir! PARSÉIS Merci, cher Énéas! Vous seul avez suivi mes pas, Je ne l oublierai pas! Merci, cher Énéas! je me l oublierai pas! (allant à la rencontre des Sylvains) Répondez, habitants de ce bois séculaire, No connaissez-vous pas, retiré dans ce lieu, Un vieillard vénérable étrange et solitaire… Un mortel il est vrai… mais presqu un Dieu! (Les Sylvains désignent la caverne et s enfuient effrayés) ÉNÉAS (désignant la caverne, avec effroi) Le voici! c est lui! PARSÉIS (émue) Je frémis! grand Dieu! (Énéas et Parséis restent un peu à l écart. Phorcas paraît, méditatif et sombre, sur le seuil de la caverne) PHORCAS (il semble rêver en marchant lentement) Les Temps vont s accomplir… Et bientôt le destin va donner un époux à ma fille Esclarmonde, Un maître au peuple byzantin… D où me vient malgré moi cette angoisse profonde? Sort mystérieux auquel j obéis, Voudrais-tu m infliger, m infliger une épreuve dernière? Épargne, hélas! épargne le coeur d un père! le coeur d un père! Mais qu ai-je à redouter? Que vois-je? Énéas! Parséis! Que m annonce ici votre présence? Mais parlez! Vous gardez le silence (avec inquiétude) Esclarmonde? PARSÉIS (confuse) Elle a quitté Byzance! PHORCAS (avec éclat et avec douleur) Ah! Mon coeur pressentait… malheur! malheur! sur nous! malheur sur nous! ÉNÉAS, PARSÉIS Grâce! pitié pour elle! pitié! (Tonnerre lointain) PARSÉIS Elle a voulu choisir elle-même un époux! Lorsque l ombre envahit la voûte constellée… Des Esprits que jamais je n ai vus qu en tremblant, Emportaient Esclarmonde inconnue et voilée… Auprès du chevalier Roland! PHORCAS (répétant) Le chevalier Roland? PARSÉIS (continuant sou récit) Chaque nuit l éloignait de moi… PHORCAS (interrogeant anxieusement) Chaque nuit? PARSÉIS Mais chaque aurore A mes soins empressés venait la rendre encore! PHORCAS (palpitant) Chaque aurore? PARSÉIS (avec des larmes) Hélas! de l imprudente, un jour, J ai vainement attendu le retour! Quel malheur l a frappée? Hélas! hélas! mon coeur désespère! mon coeur désespère! Voilà pourquoi je suis venue à vous, mon père! (suppliante) La triste Parséis se jette à vos genoux! Ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous! La triste Parséis se jette à vox genoux! Ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous. ÉNÉAS (suppliant) Phorcas, ayez pitié! Phorcas! pitié! ayez pitié! ayez pitié d Esclarmonde et de nous! PHORCAS (sévèrement) Non! non! pas de grâce! pas de pitié! Je devrais te punir, ô gardienne infidèle Qui n as pas su combattre un tel égarement… Mais plus que toi, ta soeur se montra criminelle… C est sur elle que va tomber le châtiment! PARSÉIS, ÉNÉAS Grâce pour elle! grâce pour elle! pitié! pitié! PHORCAS Non! non! non! (Violents coups de tonnerre; éclairs; obscurité; Énéas et Parseïs épouvantés se retirent et se retirent à l entrée de la caverne) PHORCAS (avec autorité) Esprits de l air! Esprits de l onde! Esprits du feu! Hâtez-vous d accomplir mon voeu! En ma présence amenez Esclarmonde! (Tonnerre et éclairs; la terre s entrouvre; une fumée épaisse et des flammes s en échappent. Le nuage se dissipe. Le jour revient; Esclarmonde a paru) ESCLARMONDE (sans voir Phorcas; avec la lenteur et l étonnement d unepersonne qui s éveille) D une longue torpeur je sens que je m éveille… (s éveillant peu à peu davantage et avec un semblant d effroi d abord vaguement exprimé) Ah! je me souviens! Honte sans pareille! le Prêtre! les bourreaux! Roland perdu pour moi… Les Esprits à leurs mains cruelles m ont ravie… Me ramenant vers l île où je reçus sa foi! Puis d un profond sommeil je me suis endormie… Hélas! En retrouvant la vie et la pensée, Je te retrouve, ô souvenir D une félicité passée (très expressif) Qui ne doit plus jamais… revenir! (très déchirant) Ah! Plus notre hymen avait de charmes Plus je dois répandre de larmes Sur le bonheur que j ai perdu. Hélas! Hélas! En retrouvant la vie et la pensée, Je te retrouve, ô souvenir De la félicité passée… O souvenir! (vaguement et tristement) Où suis-je maintenant? Une forêt? (Apercevant Phorcas et reculant) Mon père! (tremblante) pardon! pardon! PHORCAS (d une voix contenue et sombre) Te pardonner? (à volonté et très déclamé) et comment le pourrais-je? ô fille sacrilège! (sévèrement) Toi qui, bravant le céleste courroux Et l arrêt du destin, Osas prendre un époux et te montrer à lui! ESCLARMONDE Grâce, mon père! grâce! VOIX DES ESPRITS (Choeur invisible) Non! PHORCAS (répétant) Non! Le Ciel a parlé! non! Le destin sévère Réclame un châtiment Pour la fille indocile et son coupable amant! LES VOIX Esclarmonde! PHORCAS (répétant) Esclarmonde! PARSÉIS, ÉNÉAS (répétant) Esclarmonde! LES VOIX Ta désobéissance PHORCAS (de même) Ta désobéissance… PARSÉIS, ÉNÉAS (de même) Ta désobéissance… LES VOIX, PHORCAS Te fait perdre à jamais le trône et la puissance! PARSÉIS, ÉNÉAS Tout est perdu pour toi! ESCLARMONDE (avec transport) Qu importe! nous aimons! LES VOIX Pour ton amant parjure… pour lui, la mort! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS …pour lui, la mort! ESCLARMONDE (avec un cri de douleur) Ah! pour lui… la mort! LES VOIX Phorcas! VOIX, PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS Qu il meure de ta/sa/ma main… LES VOIX Si ta fille ne jure quelle renonce à lui! LES VOIX, PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS Qu il meure de ta/sa/ma main ESCLARMONDE Grâce! LES VOIX Non! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS Obéis! Esclarmonde! à l inflexible loi! C est le salut pour Roland et pour toi! Obéis! Renonce à ton amant, tel est l arrêt du sort! Obéis, ou pour lui, c est la mort! la mort! c est la mort! ESCLARMONDE (avec la plus grand émotion; parlé, presque sans voix) Donc pour sauver la vie… à celui… qui j adore… Je dois… en ce funeste jour… cachant le feu qui me dévore… (très expressif et tendre) Lui jurer que mon coeur pour lui… n a plus d amour! ÉNÉAS (palpitant) Obéis! obéis! PARSÉIS (palpitant) Esclarmonde! obéis! PHORCAS …obéis! ESCLARMONDE Grands Dieux! si ma bouche fidèle à mentir se refuse… C est fait de lui! c est fait de lui! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS C est l inflexible loi! ESCLARMONDE Mais si je me résigne au mensonge qui me dit, cher amant, que tu ne mourras pas de penser que tu n es plus aimé! Ah! qui me dit, cher amant, Cher amant que tu ne mourras pas de ma trahison feinte? (palpitant) Grands dieux! c est fait de lui! hélas! c est fait… de lui! Roland! pour toi la mort! C est fait de lui! ô mon Roland! ô mon Roland! non, tu ne mourras pas! Non! tu ne mourras pas! ÉNÉAS Résigne-toi! obéis! c est la loi! C est le salut pour Roland! Résigne-toi, Esclarmonde, c est la loi! Obéis! C est la toi! le salut… pour Roland! pour Roland et pour toi! obéis! par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! PARSÉIS Résigne-toi! c est le salut pour Roland! O ma soeur, résigne-toi! Par toi ne mourra pas! (suppliant) Obéis! Résigne-toi! ô ma soeur! Résigne-toi! c est le salut! Résigne-toi! obéis! Par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! PHORCAS Résigne-toi! c est le salut pour Roland! Résigne-toi! obéis c est la toi! Esclarmonde! obéis, c est la loi! C est la loi! le salut pour Roland Et pour toi! obéis! Par toi Roland ne mourra pas! Résigne-toi! c est la loi! ESCLARMONDE (à son père, avec courage) J accomplira le sacrifice! (Phorcas, Énéas et Parséis se retirent. Avec émotion) Il vient! (douloureusement) Ah! quel supplice! (tendrement) Mais… je te sauverai, mon époux adoré! (résolument) Ensuite je mourrai! (Roland paraît; il entre comme un homme égaré, désespéré; regardant autour de lui, il reconnaît Esclarmonde) ROLAND C est elle! ma bien aimée! Ah! rends le bonheur à ton époux Donne-lui le pardon qu il implore à genoux! ESCLARMONDE (aussi calme et retenue que Roland est enfiévré) Mon pardon… je te le donne… Mais il faut que Roland… ROLAND (avec anxiété) Parle… ESCLARMONDE (s éloignant de Roland) M oublie et m abandonne! ROLAND Folie! Tu parles d abandon! tu veux que je t oublie! (avec âme et passion) Quand je t ai retrouvée Il me faudrait partir! Non! non! non! jamais! Je n y puis consentir!… ESCLARMONDE Il le faut! ROLAND …et pourquoi? ESCLARMONDE (triste et agitée) Jadis… j étais digne de toi! Un peuple obéisait à mon loi souveraine… Aux Esprits aux démons je commandais en reine! Hélas! ton imprudence a changé dans l instant En un funeste sort ce destin éclatant! fuis! laisse-moi! ROLAND (avec feu) Te quitter! ESCLARMONDE (doucement et avec des larmes) J ai perdu mon pouvoir! ROLAND Ne plus te voir! quand je t adore Malheureuse bien plus encore! Je te retrouve! Bénissons l heureux jour! Nous nous aimons et rien n est vrai que notre amour! Viens! viens! (palpitant et tendrement passionné; soutenu et bien chanté) Le bonheur que rien n achève Nous l aurons si tu le veux! ESCLARMONDE (passionné) Viens! viens! ROLAND Hâtons-nous! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! ROLAND, ESCLARMONDE Viens! ROLAND (bien chanté) Ne me parle pas de gloire! Ma gloire c est d être à toi! Te vaincre, c est ma victoire, Ton amour, ma seule loi! Je ne sais plus s il existe… ESCLARMONDE Viens! ROLAND Un chevalier glorieux! ESCLARMONDE Partons! ROLAND Mais je sais que je suis triste Si je vis loin de tes yeux! ESCLARMONDE, ROLAND Viens! Viens! Partons! ESCLARMONDE (avec ivresse) Ah! le beau rêve, si tu veux! Ah! qu importe! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! Toi, vaillant, moi, frêle et souple… Enlacés languissamment! Nous serons le couple éternel! moi, l amante, et toi, l amant! ROLAND Le bonheur que rien n achève Nous l aurons, si tu le veux! Ah! qu importe! l heure est brève! Nous aimons, partons tous deux! Moi vaillant, toi, frêle et souple… Enlacés languissamment! Nous serons le couple éternel! Toi, l amante, et moi, l amant! (Esclarmonde et Roland vont fuir. La foudre éclate; le tonnerre gronde) LES VOIX SOUTERRAINES Renonce à ton amant, ou pour lui c est la mort! ESCLARMONDE (épouvantée s est détachée de Roland) Ah! Malheureuse! (très déclamé) au trépas… Roland! par moi livré! ROLAND (avec angoisse) Qu as-tu donc? ESCLARMONDE (hors d elle-même) Je dis que je ne puis te suivre… Je dis que je dois te quitter, À jamais vivre loin de toi… ROLAND (éperdu) Dis aussi que tu ne m aimes plus! ESCLARMONDE (désespérée. à part) Ne plus l aimer! quand je l adore… ROLAND Réponds! réponds! ESCLARMONDE Non! non! ROLAND Insensé que je fus de croire à tes serments! (avec désespoir) Réponds! PHORCAS (paraît) Réponds! LES VOIX Réponds! réponds! réponds! ESCLARMONDE (affolée, à Roland) Je ne veux plus t aimer! non! adieu! (Esclarmonde et Phorcas disparaissent dans la nuée qui les enveloppe) LES VOIX Le crime est expié! ROLAND (seul, comme sortant d un rêve) Disparue! (avec un sanglot) Maudite? (Il tombe anéanti, défaillant sur un rocher) Ah! mourir! (Le ciel s éclaircit à nouveau. Roland revenant à lui etreconnaissant les appels du Héraut; d abord, vaguement) Le tournoi! (plus accentué) Oui, j ai bien entendu… La mort… la mort digne de moi! O mort, je t appelais et tu m as répondu! (Il court au devant des chevaliers qui paraissent) ÉPILOGUE Huitième Tableau (À Byzance; Dans la basilique. Devant les portes du Saint Iconostase. L Empereur Phorcas, sur son trône, entouré des dignitaires, des guerriers et du peuple) L EMPEREUR PHORCAS (sur son trône) Dignitaires! Guerriers! Sous ces augustes voûtes Devant moi vous voici rassemblés! O peuple, qui m écoutes, Les temps sont accomplis ainsi que les Destins que je t ai révélés! (Phorcas descend de son trône se tournant vers l Iconostase) De l autel vénéré que la lumière inonde Ouvrez les portes d or! (Les portes du Saint Iconostase se sont ouvertes. Dans unnuage d encens Esclarmonde voilée paraît, tiare en tête,constellée de pierreries, ou dirait une idole Byzantine.Ses femmes l entourent, sa soeur Parseïs est à ses côtés. Gardes richement vêtus. Thuriféraires) LA FOULE O divine Esclarmonde! Ton trône resplendit plus brillant que le jour! Le destin à tes pieds met Byzance et le monde, Tout l univers t acclame en frémissant d amour! PHORCAS Auprès d elle amenez le vainqueur du tournoi! PARSÉIS, ÉNÉAS, LA FOULE Devant elle amenez le vainqueur du tournoi! (On introduit le chevalier Roland, casque en tête, la visière baissée) ESCLARMONDE (inquiète, à elle-même) Quel est ce vainqueur? malgré moi… je tremble! quel est-il? PHORCAS (à Roland) Fier chevalier, approche, et de tant de vaillance Viens recevoir le prix! Mais d abord, dis ton nom, Héros, qui d Esclarmonde as conquis la puissance La trône et la beauté! Tu ne réponds pas? (Roland relève la visière de son casque) ROLAND (avec fermeté) Non! ESCLARMONDE (avec émotion) Sa voix! c est lui! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE Que dit il? quel est-il? ROLAND (avec tristesse et détachement) Qu importe que je me nomme! Mon nom est Désespoir! Je m appelle Douleur! (très expressif et accentué) Et je ne suis qu un homme Qui garde au fond du coeur Un remords éternel une affreuse souffrance! J étais venu chercher un glorieux trépas La mort trompe aujourd hui mon espérance! Trône! puissance! et céleste beauté! Ne charment pas mon coeur désenchanté; Tous ces biens… malgré moi conquis… Je les refuse! ESCLARMONDE (à part, avec ivresse) O joie! il refuse! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE O folie! il refuse! quel délire! quelle démence! PHORCAS (à Roland) L objet de ton refus, insensé ne veux-tu pas au moins le connaître? ROLAND (se détournant) Non! un seul être Me possède et le reste n est rien! rien! ESCLARMONDE (à part, enivrée) C est lui! Roland! Roland! PHORCAS (avec solennité) Voiles, tombez! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE O vainqueur! Vois les traits de l Impératrice Esclarmonde! (Toute la foule s incline) C est Esclarmonde! ROLAND (indifférent) Esclarmonde? (se retournant et la reconnaissant) O ciel! toi! c est toi que j adorais! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE C est Esclarmonde! ROLAND (tendrement) Mon seul amour au monde! ESCLARMONDE (de même) Oui, mon amant, c est moi! Veux-tu toujours mourir? ROLAND (avec transport) Vivre! vivre avec toi! (avec âme) Chère épouse, ô chère maîtresse! O toi que tendrement sur mon coeur je tenais! Tu n as point révélé ton nom a ma tendresse… ESCLARMONDE Et maintenant ce nom tu le connais… (avec élan) Je m appelle l Adorée! (simplement et tendrement ému) Je m appelle le Bonheur! le Bonheur! ROLAND Tu t appelles l Adorée! Tu t appelles le Bonheur! le Bonheur! PARSÉIS, ÉNÉAS, PHORCAS, LA FOULE O divine Esclarmonde! O valeureux Héros! L univers vous acclame en frémissant d amour! Massenet,Jules/Esclarmonde