約 2,595,056 件
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3170.html
ACTE II Premier Tableau (La scène représente un carrefour au bas de la butte Montmartre. À gauche, au fond de la scène, un escalier descendant; plus à gauche, une ruelle puis un hangar; à droite, une maison et un cabaret; au fond, à droite, un escalier montant, plus à droite une ruelle; au loin, à droite, la Butte; à gauche le faubourg) Scène Première (Au lever du rideau, sous le hangar, une laitière prépare son étalage et allume son feu; près d elle, sur une table à la terrasse d un marchand de vin, une fillette (17 ans) plie les journaux du matin. A droite, près d une poubelle renversée, une petite chiffonnière travaille hâtivement; à côté d elle une glaneuse de charbon et, plus loin, un bricoleur fouillent les ordures. Des ménagères vont aux provisions. Cinq heures du matin, en avril. Un léger brouillard enveloppe la ville) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (à la glaneuse) Dir qu en c moment y a des femmes qui dorment dans de la soie! ▼LA GLANEUSE DE CHARBON▲ Bah! les draps de soie s usent plus vite que les autres. ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ Oui, parce qu on y dort plus longtemps! ▼LA GLANEUSE▲ Grande bête! ton tour viendra… (Un noctambule paraît) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ Mon tour? si c était vrai! (Le noctambule s approche de la plieuse) ▼LE NOCTAMBULE▲ Si jolie, si matin… (il tourne autour de la fillette) Malice du destin, qui revêt de satin et de robes d aurore les guetteuses de nuit aux rides inclémentes et cache au libertin, sous des voiles de nuit les fillettes d aurore que le désir tourmente. (à la plieuse) Un baiser? ▼LA PLIEUSE▲ Passez vot chemin! ▼LE NOCTAMBULE▲ (riant) Mon chemin, je le cherche… me tendras-tu la perche? (avec afféterie) Sans les lanternes de tes jolis yeux, je risque fort de me perdre! tu veux?… (La fillette lui tourne le dos) ▼LA GLANEUSE▲ (s étirant) Ah! ▼LE BRICOLEUR▲ (geignant) Ah! ▼LE NOCTAMBULE▲ (regardant autour de lui) En ce froid carrefour où gémit la souffrance, je me sens mal à l aise, (à la fillette) et sans ta jeune chair il me semblerait choir au seuil du sombre enfer où le Dante écrivit Ici point d espérance! Le son de ma voix éveille-t-il en toi une vague souvenance… que tu restes songeuse?… ou bien un frais désir fait-il bondir ton coeur d amoureuse? ▼LA PLIEUSE▲ (riant) Vous êtes fou! ▼LA LAITIÈRE▲ (riant) Sa folie n est pas dangereuse!… (le noctambule fait une pirouette) Qui êtes-vous ? ▼LE NOCTAMBULE▲ (rejetant son manteau sur l épaule et apparaissant séduisant, tout à fait joli dans un costume de printemps auquel sont piqués quelques grelots de folie) Je suis le Plaisir de Paris! (Les deux femmes font un geste d étonnement admiratif. La petite chiffonnière, la glaneuse, le bricoleur interrompent leur travail et s approchent. D autres figures de souffrance, sorties de l ombre, se groupent derrière eux. Le noctambule pirouette de nouveau) ▼LA LAITIÈRE▲ Où allez-vous? ▼LE NOCTAMBULE▲ Je vais vers les Amantes que le Désir tourmente! Je vais cherchant les coeurs qu oublia le bonheur. (montrant la ville) Là-bas glanant le Rire, ici semant l Envie, prêchant partout le droit de tous à la folie Je suis le Procureur de la grande Cité! Ton humble serviteur… ou ton maître! ▼LA LAITIÈRE▲ (le menaçant de son balai) Effronté! (Il s enfuit en riant) ▼LE NOCTAMBULE▲ Ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! (Au coin de la rue, il heurte violemment le chiffonnier et disparaît) ▼LE CHIFFONNIER▲ Hé! fait attention! butor! (le chiffonnier chancelle et tombe) ▼LE NOCTAMBULE▲ (déjà loin) Je suis le Procureur de la grande Cité! (Le bricoleur s avance vers le chiffonnier; il le débarrasse de sa hotte, puis le relève) ▼LE CHIFFONNIER▲ (à part) Ah!… je le connais… le misérable! ce n est pas la première fois qu il se trouve sur mon chemin! (au bricoleur) Un soir, il y a longtemps, je m en souviens comme si c était hier… ici, au même endroit, il m est apparu… (La plieuse fait un paquet de ses journaux et s en va) hélas! il n était pas seul ce jour-là… une fillette lui donnait la main et souriait à sa chanson… c était ma fille! (dramatique) Je l avais laissée là, au travail… il est venu, il lui a soufflé à l oreille ses tentations mauvaises… (douloureux) et la coquette l a écouté… ell l a suivi… en s enfuyant, ell m a heurté… comme aujourd hui… je suis tombé! Ah! ah! ah! ah! (Il sanglote et se met au travail) ▼LA GLANEUSE, LA CHIFFONIERE▲ Pauvre homme! ▼LE BRICOLEUR▲ Bah! dans toutes les familles, c est la même chose! Moi, j en avais trois, je n ai pu les tenir! Faut pas leur en vouloir si elles préfèr à notre vie d enfer le paradis qui les appelle là-bas… ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (à part) Est-c que les bons lits, les belles robes, comme le soleil, (elle tend les bras vers le soleil dont les premiers rayons éclairent la Butte) ne devraient pas être à tout le monde! Scène Seconde (Deux gardiens de la paix traversent lentement la scène et s approchent de la laitière. Le carrefour s anime. Une balayeuse apparaît au fond et s avance vers le groupe) ▼PREMIER GARDIEN▲ (à la laitière) Belle journée! ▼LA LAITIÈRE▲ Voici le printemps. ▼PREMIER GARDIEN▲ La saison des amours… ▼LA LAITIÈRE▲ Pour ceux qui ont vingt ans! ▼DEUXIÈME GARDIEN▲ Bah! chacun son tour… ▼LA LAITIÈRE▲ J attends encore le mien! ▼PREMIER GARDIEN▲ Vous n avez jamais aimé? (Un gavroche s approche de l éventaire et se chauffe les mains au fourneau) ▼LA LAITIÈRE▲ (simplement) Je n ai pas eu le temps! (Les gardiens rient) ▼LA GAVROCHE▲ (à la laitière) Un p tit noir? ▼LA BALAYEUSE▲ (fanfaronne) Moi, j ai eu ch vaux et voitures… Y a vingt ans (triomphante) j étais la reine de Paris! (comique) quell dégringolade! hein? mais je ne regrette rien… je me suis tant amusée… (sentimentale) Ah! la belle vie! le joyeux, le tendre, l inoubliable paradis! (Le gavroche, qui l a écoutée, hausse les épaules, puis s approche d elle, la tire par la manche) ▼LE GAVROCHE▲ (avec une naïveté feinte) Dites donnez-moi l adresse… ▼LA BALAYEUSE▲ Quelle adresse? ▼LE GAVROCHE▲ (goguenard) L adresse… de vot paradis! ▼LA BALAYEUSE▲ Mais, mon petit, (montrant la ville, tendre) c est Paris! ▼LE GAVROCHE▲ (jouant l étonnement) Paris… (il regarde la ville) c est étonnant! depuis que j suis au monde j m en étais pas encore aperçu! ▼PREMIER GARDIEN▲ (bourru) Allons, circule! ▼LE GAVROCHE▲ (narquois, froidement) De quoi… on n peut pas s instruire?… ▼PREMIER GARDIEN▲ (brutal) Va travailler! (Il le pousse. Le gavroche immobile, toise le gardien, puis d une pirouette nonchalante il lui tourne le dos et s en va lentement arrivé au coin de la rue, il se retourne) ▼LE GAVROCHE▲ (criant, ses mains en porte-voix) Y en a donc que pour les femm s, dans vot paradis! (geste menaçant des gardiens; le gamin s enfuit; les gardiens s éloignent du même côté. La petite chiffonnière s en va d un autre côté, courbée sous le poids d un sac de chiffons. La balayeuse reprend son travail et disparaît dans la rue voisine. La glaneuse s approche de la laitière) ▼LA PETITE CHIFFONNIÈRE▲ (avec amertume) Y en a qu pour les femmes!… (Le chiffonnier et le bricoleur montent l escalier. Julien paraît au fond de la scène; il fait un geste à ses amis) Scène Troisième (Les bohèmes paraissent en haut de l escalier et s avancent, comiquement, avec des allures de conspirateurs) ▼LE PEINTRE▲ (à Julien) C est ici? ▼LE SCULPTEUR▲ C est là qu elle travaille? (la glaneuse s éloigne) ▼JULIEN▲ (indiquant la maison) Sa mère l accompagnera jusqu à cette porte… sitôt disparue, je m élance… je rattrape Louise… (rageusement) et, si ses parents refusent… ▼LE PEINTRE▲ Tu l enlèves! (Julien approuve) ▼TOUS▲ (entourant Julien) Bravo! bravo! bravo! ▼LE CHANSONNIER▲ Mais, consentira-t-elle? ▼JULIEN▲ Je la déciderai! (Ils se répandent sur la place à droite, le sculpteur, le peintre et le jeune poète; à gauche, Julien, l étudiant, les philosophes et le chansonnier. Les autres inspectent silencieusement les alentours) ▼LE PEINTRE▲ (à Julien) Nous en ferons notre Muse! ▼LE SCULPTEUR▲ (au poète) Le coin est joli… ▼LE CHANSONNIER▲ (à Julien) Muse des Bohèmes! ▼LE PEINTRE▲ (au sculpteur) Un vrai carrefour à sérénades… ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ (avec dédain) Une muse? ▼LE SCULPTEUR▲ (au peintre) Nous aurions dû prendre nos instruments… ▼LE CHANSONNIER▲ (au philosophe) On la couronnera! (Des têtes de bonnes paraissent aux fenêtres de la maison) ▼LE SCULPTEUR▲ Nous reviendrons. ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Les Muses sont mortes! ▼LE CHANSONNIER▲ (enthousiaste) On les ressuscitera! ▼LE PEINTRE▲ (lorgnant les fenêtres) Les jolies filles! ▼LE SCULPTEUR▲ Mesdemoiselles? ▼LE CHANSONNIER▲ Elles sont charmantes! ▼LE JEUNE POETE▲ Ravissantes! (D autres têtes paraissent à d autres fenêtres. Les bohèmes envoient des baisers et saluent; d autres font les clowns. Le chansonnier, grattant sa canne ainsi qu une guitare, se met en évidence. À l écart dissertent les philosophes) ▼LE CHANSONNIER▲ Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime! Toujours gais et pimpants, Les femm s nous trouvent séduisants… ▼DEUXIEME PHILOSOPHE▲ (à l autre) Pourquoi refuseraient-ils? ▼LE CHANSONNIER▲ Quoiqu sans argents! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Ils préfèrent sans doute en faire la femme d un bourgeois! ▼LE CHANSONNIER▲ Presqu indigents! ▼DEUXIEME PHILOSOPHE▲ (ironique) Mais, les ouvriers méprisent les bourgeois! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Ah! ah! tu crois ça! ▼LE CHANSONNIER▲ Mais nous somm s très intelligents! (Cris et bravos; des fenêtres on jette des sous. Les bohèmes saluent ironiquement) ▼LE PEINTRE▲ (saluant) Aimez-vous la peinture? ▼LE SCULPTEUR▲ (de même) La sculpture? ▼LE CHANSONNIER▲ (de même) La musique? ▼LE JEUNE POETE▲ Je suis un grand poète! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ Mon cher, l idéal des ouvriers c est d être des bourgeois. (tous approuvent) le désir des bourgeois être des grands seigneurs… (nouvelle approbation plus nourrie. Ironique) et le rêve des grands seigneurs (attention générale ironique. Emphatique) devenir des artistes! (rires) ▼LE PEINTRE▲ Et le rêve des artistes! ▼PREMIER PHILOSOPHE▲ (avec emphase) Être des dieux! ▼TOUS▲ Bravo! ▼LES BOHÈMES▲ Oui, des dieux! ▼L APPRENTI▲ (traversant la scène, passant dans le fond) Allez donc travailler, tas d feignants! (Les bohèmes esquissent une poursuite, puis ils descendent l escalier en chantant. Le philosophe, le chansonnier, le peintre et l étudiant vont dire adieu à Julien) ▼LES BOHÈMES▲ Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime. Toujours gais et pimpants, les femm s nous trouvent séduisants… ▼JULIEN▲ (à ses amis, fiévreusement) Voici l heure, laissez-moi. ▼LES BOHÈMES▲ Quoiqu sans argents! ▼LE PREMIER PHILOSOPHE▲ (à Julien) Allons, bonne chance… ▼LE CHANSONNIER▲ (l excitant) Enlève la redoute!… ▼LES BOHÈMES▲ (déjà loin) Presqu indigents! ▼LE PEINTRE▲ (avec mystère) Sois éloquent! ▼L ETUDIANT▲ (donnant une accolade à Julien) A tout à l heure… (ils s éloignent) ▼LES BOHÈMES▲ (très loin) Mais nous somm s très intelligents! (cris lointains des bohèmes) Scène Quatrième ▼JULIEN▲ (dans une agitation douloureuse) Elle va paraître, ma joie, mon tourment, ma vie! Voudra-t-elle me suivre? Voudra-t-elle qu aujourd hui notre amour soit vainqueur! Que dois-je lui dire? Comment la décider? (avec angoisse) Qui viendrait à mon aide?… ▼LA REMPAILLEUSE▲ (lointaine) La caneus , racc modeus de chais s!… (Julien fait un geste de surprise) ▼MARCHAND DE CHIFFONS▲ (lointain) Marchand d chiffons, ferraille à vendr !… (Il écoute avec émoi croissant; les chants qui se rapprochent) ▼LA REMPAILLEUSE▲ (plus près) la caneus , racc modeus de chais s!… ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (lointaine) artichauts, des gros artichauts! ▼LE MARCHAND DE CAROTTES▲ v là d la carott , elle est bell , v là d la carott ! d la carott ! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ A la tendress , la verduress ! ▼LE MARCHAND DE CAROTTES▲ (très loin) D la carott ! ▼LA MARCHANDE DE MOURON▲ (près de la scène) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (se rapprochant) Et à un sou, vert et tendre, et à un sou! (flûte du chevrier lointain) ▼LA MARCHANDE DE MOURON▲ (près de la scène) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼LA MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ En v là des gros, des bien beaux! ▼MARCHANDS DE TONNEAUX▲ Tonneaux, tonneaux, v la l marchand d tonneaux! ▼MARCHANDS DE BALAIS▲ Ach tez des balais, v la l marchand d balais; c est papa, qui les fait, c est maman qui les vend, c est moi qui mang l argent! ▼MARCHANDS DE POMMES DE TERRES▲ Pomm s terr , pomm s terr , oh les pomm s terre, au boisseau, trois sous l quart, c est d la holland ! ▼MARCHANDS DE POIS VERTS▲ Pois verts, pois verts, dix sous l boisseau! ▼JULIEN▲ (avec enthousiasme) Ah! chanson de Paris, où vibre et palpite mon âme! ▼MARCHANDS ET MARCHANDES▲ (lointain) Pois verts! pois verts! ▼JULIEN▲ Naïf et vieux refrain du faubourg qui s éveille, aube sonore qui réjouit mon oreille! Cris de Paris… voix de la rue Êtes-vous le chant de victoire de notre amour triomphant?… (Des ouvrières paraissent au fond. Julien se cache sous le hangar, épiant, anxieux) Scène Cinquième ▼BLANCHE▲ Bonjour! ▼MARGUERITE▲ Bonjour! ▼BLANCHE▲ Comment vas-tu? (Elles disparaissent à l entrée de la maison. Une autre paraît faisant un geste à une quatrième qui s avance) ▼SUZANNE▲ Nous sommes en avance? ▼GERTRUDE▲ Il est huit heures… ▼SUZANNE▲ Ah! (Elles entrent dans la maison. Deux autres s avancent en caquetant) ▼IRMA▲ Eh! bien, tu t es amusée, hier? ▼CAMILLE▲ Ah! c que j ai ri! ▼IRMA▲ Tu sais… le grand Léon… (elle lui parle à l oreille) ▼CAMILLE▲ Vrai? ▼IRMA▲ En mariage, ma chère! (elles disparaissent) ▼JULIEN▲ Viendra-t-elle? (impatient, il sort de sa cachette; trois ouvrières entrent et le regardent gesticuler) ▼L APPRENTIE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ▼ÉLISE▲ Qu il est beau! ▼MADELEINE▲ Eh! l artiste! ▼L APPRENTIE▲ Il attend sa belle! ▼MADELEINE, MARGUERITE▲ Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ▼L APPRENTIE, MADELEINE, MARGUERITE▲ C te tête! (Elles s enfuient en riant. Julien les regarde entrer dans la maison, il reste pensif, puis il va vers la rue. Julien, apercevant enfin Louise et sa mère, manifeste sa joie; il revient en courant, va se cacher dans le hangar et guette. Étonné de ne pas les voir, il regarde; il les aperçoit et se dissimule vivement) Scène Sixième (La mère et Louise entrent; elles s avancent lentement; elles s arrêtent) ▼LA MÈRE▲ (bougonnant) Pourquoi te retourner? Il nous suit, sans doute… suffit! Je d mand rai à ton père que dorénavant tu travailles chez nous. (Louise lève les yeux au ciel. Mimique de Julien qui, n y pouvant tenir, se montre à Louise) Ah! t as beau faire les gros yeux!… (Louise, voyant Julien, porte la main sur son coeur) On changera ta mauvaise tête, Il faudra bien que Louise reste une fille honnête!… Allons, au revoir! (Louise, froidement, lui tend la joue; la mère l embrasse avec tendresse. Louise entre dans la maison, la mère s éloigne lentement, surveille un instant les fenêtres de l atelier; arrivée près de la rue, elle guette de tous côtés, méfiante, puis disparaît. Julien se risque timidement, s enhardit, hésite, puis s élance dans la maison) ▼MARCHAND DE LA RUE▲ (lointain) V là d la carotte elle est bell ! V là d la carott ! d la carott ! d la carott ! Scène Septième (Julien reparaît, entraînant Louise) ▼LOUISE▲ (affolée, se débattant) Laissez-moi… ah! de grâce! (Julien l entraîne dans le hangar) ▼JULIEN▲ Alors, ils ont refusé? (Louise se débat et veut fuir) ▼LOUISE▲ Je vous en prie! si ma mère revenait… ▼JULIEN▲ Ils ont refusé? ▼LOUISE▲ Vous me faites mourir de peur! ▼JULIEN▲ Et tu supportes cette chose! tu ne te révoltes pas? ▼LOUISE▲ Que puis-je faire? ▼JULIEN▲ Tu le demandes! ▼LOUISE▲ Ils sont les maîtres! ▼JULIEN▲ Pourquoi, les maîtres? Parce qu ils t on fait naître, se croient-ils le droit d emprisonner ta jeunesse adorable? ▼LOUISE▲ Julien!… ▼JULIEN▲ D asservir ta vie! ▼LOUISE▲ (suppliante) Ah! par pitié! ▼JULIEN▲ De la murer pour leur plaisir! ▼LOUISE▲ Laissez-moi partir! ▼JULIEN▲ Ta volonté, désormais, est celle d une femme et vaut la leur tu es femme, tu peux, tu dois vouloir! ▼LOUISE▲ (ne sachant que répondre) Ah! je vais être en retard… (suppliante) laissez-moi partir. (Julien, fâché de son indifférence, la laisse partir. Elle fait quelques pas, puis revient, souriante, espiègle) ▼JULIEN▲ Tu ne m aimes plus! ▼LOUISE▲ (naïvement) Ce n est pas vrai! (Les cris de la rue reparaissent, lointains) ▼JULIEN▲ Si tu m aimais, oublierais-tu ta promesse? (Louise, troublée, se détourne) ▼UNE MARCHANDE DE LA RUE▲ (lointaine) V là du cresson d fontain , la santé du corps! ▼JULIEN▲ Écrivez encore à mon père, s il refuse votre demande je promets de fuir avec vous. ▼UNE MARCHANDE▲ (lointaine) Mouron pour les p tits oiseaux! ▼UN MARCHAND▲ (lointain) Pois verts! pois verts! ▼LOUISE▲ (presque parlé) Ah! si je pouvais… (flûte du chevrier) si mon père… ▼JULIEN▲ Ton père te pardonnerait! ▼LOUISE▲ Jamais! ▼JULIEN▲ Plus tard, quand ton bonheur… ▼LOUISE▲ Mon abandon le tuerait et je l aime mon père, autant que je t aime… ▼JULIEN▲ (la serrant dans ses bras) Ah!… ah! Louise, si tu m aimes, partons de suite au Pays (montrant la Butte ensoleillée) où vivent libres les Amants! Viens, je te choierai tant, et toute ta vie! (De la rue voisine viennent des cris et des rires) Viens vers la Joie, le Plaisir! (Entendant des rires, Louise, troublée, veut fuir, Julien la retient. Quatre ouvrières traversent la scène en riant et entrent dans la maison) ▼JULIEN▲ (plus pressant) Si tu m aimes, Louise, Viens, fuyons de suite, si tu m aimes, n attends pas plus longtemps! Tiens ta promesse dès maintenant, Louise! Louise! (il veut l entraîner) ▼LOUISE▲ (éperdue, se débattant) Julien! ▼JULIEN▲ Viens! ▼LOUISE▲ Ah! je deviens folle… ▼JULIEN▲ Vers le plaisir!… ▼LOUISE▲ (affolée) Je ne sais que faire… laissez-moi partir! Demain… plus tard… (avec tendresse) Je serai ta femme! Julien!. mon bien-aimé!… (Flûte lointaine du chevrier. Louise se jette à son cou, ils s embrassent; puis Louise se dégage et s éloigne vers la maison; sur le seuil de la porte, elle envoie un baiser. Julien répond avec tristesse. - Louise disparaît) Scène Huitième ▼UN MARCHAND D HABITS▲ (descendant l escalier) Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ? (il interroge les fenêtres) Marchand d habits!… (il se tourne de l autre côté) avez-vous des habits à vendr ? (Mélancoliquement il s éloigne. Julien, accablé, s achemine tristement vers la Ville) Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ? (Julien, sur le seuil de l escalier, près de la rue, fait un dernier geste de désespoir, descend lentement et disparaît. Le rideau tombe très lentement) ▼MARCHANDE DE MOURON▲ (Enfant. Très loin) Mouron pour les p tits oiseaux!… (flûte du chevrier) ▼MARCHANDE D ARTICHAUTS▲ (très lointaine) A la tendress (s éloignant) la verduress !… Interlude Deuxième Tableau (Rideau. Rire des ouvrières. Un atelier de couture; les ouvrières, autour des tables, travaillent en caquetant et chantant; quelques-unes bavardent; près du mannequin, deux ouvrières plissent une jupe; l apprentie, couchée à terre, ramasse les épingles; une ouvrière travaille à la machine. Louise, un peu séparée des autres, garde le silence. Durant les conversations, des ouvrières chantent) Scène Première (Première table côté jardin Irma, Camille, 4 coryphées; deuxième table Blanche, Madeleine, puis Élise et Suzanne, 2 coryphées; troisième table Louise, Gertrude, Marguerite; près du mannequin Suzanne, Élise; l apprentie, la première, la mécaniceienne; autres tables jeunes et vieilles ouvrières) La la la la la la la la ▼SUZANNE▲ (près du mannequin, faisant les plis d une jupe) C est énervant! je n peux pas y arriver… ▼L APPRENTIE▲ (accroupie devant la table; à Gertrude) Passez-moi vos ciseaux… ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la ▼GERTRUDE▲ (Gertrude doit avoir les cheveux gris et jouer en vieille fille sentimentale et prétentieuse) Et les tiens? ▼ÉLISE▲ Quell mauvaise étoffe! ▼L APPRENTIE▲ perdus!… ▼ÉLISE▲ Les plis n marquent pas… ▼GERTRUDE▲ J en ai assez d les prêter. ▼L APPRENTIE▲ Un minute? (Élise prend la jupe, la montre à la première, puis va s asseoir à la deuxième table) ▼GERTRUDE▲ Tu n as qu à t en payer! (Elle se lève et va essayer un corsage sur le mannequin) ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la ! ▼IRMA▲ Moi, j ai vu «l Pré aux Clércs et Mignon» (Blanche se lève et va causer à Marguerite) ▼CAMILLE▲ Moi, j ai vu Manon. ▼BLANCHE▲ (à Marguerite, à mi-voix) Voudrais-tu m montrer à baleiner? ▼IRMA▲ Cest beau? ▼CAMILLE▲ Très beau, surtout quand ell meurt. ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la la!… ▼GERTRUDE▲ (avec impatience) J peux pas arriver à finir c corsage! ▼MARGUERITE▲ (à Blanche) Tu prends ton ruban comm ceci… ▼GERTRUDE▲ Sur l mann quin, c est bien, mais sur la femme! ▼MARGUERITE▲ Tu commenc s par en bas, tu l fais sout nir très peu… ▼IRMA▲ C est pour qui? ▼JEUNES OUVRIERES▲ La la la la la la la!… ▼GERTRUDE▲ Pour la duchesse… ▼CAMILLE▲ (moqueuse) En effet, j vois ça d ici! (Élise va s asseoir près de Blanche à la deuxièmee table) ▼GERTRUDE▲ (riant) Faut lui mett du crin sous les bras… ▼CAMILLE▲ (riant) Faut lui fair des hanches… ▼IRMA▲ (riant) Un vrai rembourrage, quoi! ▼L APPRENTIE▲ (en gavroche) C qui y a des clientes, tout d même! (Rires) Ah! ah! ah! ah! ah!… (Blanche reprend sa place) ▼OUVRIERES, IRMA, CAMILLE▲ La la la la la!… ▼BLANCHE▲ (à Irma) Moi, j vais m faire une robe pour le Grand Prix… ▼LA PREMIERE▲ (à Louise) N oubliez pas le sachet d héliotrope?… ▼BLANCHE▲ J ai vu un modèl , ma chère (la dispute, bien en dehors) ▼ÉLISE▲ (à Suzanne qui lui donne des conseils) Ah! laiss -moi tranquille, tu m ennuies! ▼VIEILLES OUVRIERES▲ La la la la la la la la!… ▼SUZANNE▲ C est pas comm ça qu on s y prend… ▼ÉLISE▲ Tu veux toujours en savoir plus qu les autres! ▼SUZANNE▲ P tite imbécile! tu n vois pas qu ça craqu sous l aiguille? ▼ÉLISE▲ Oh! la! la! quel cauch mar! ▼SUZANNE▲ T en as un caractère! ▼ÉLISE▲ Tu n t es pas r gardée! ▼SUZANNE▲ Va donc hé! bouffie! ▼JEUNES ET VIEILLES OUVRIERES▲ La la la la la la la!… (Élise lance une pelote à la tête de Suzanne; les autres s interposent. Toutes rient avec éclats. La première se lève) ▼LA PREMIERE▲ Mesd moiselles, un peu d silence… nous n sommes pas au marché… (Silence relatif. La première va causer avec Gertrude. Geste de Louise, songeant à Julien) ▼CAMILLE▲ (bas à ses voisines) Voyez Louise, quell drôl de tête elle fait aujourd hui… ▼ÉLISE, SUZANNE▲ C est vrai! ▼IRMA▲ C est vrai! on dirait qu elle a pleuré. ▼GERTRUDE▲ Elle a peut-être des ennuis de famille… ▼CAMILLE▲ Ses parents sont très durs pour elle… (Les ouvrières se groupent et jettent des regards sur Louise qui semble ne rien voir) ▼IRMA▲ Ell n a pas la vie belle… ▼CAMILLE▲ Sa mèr la frappe encore… ▼BLANCHE, SUZANNE▲ (indignées) Ah! ▼ÉLISE▲ Ce n est pas moi qui me laisserais battre! ▼SUZANNE▲ Moi non plus! ▼BLANCHE▲ Et moi, c que j les plaqu rais! ▼L APPRENTIE▲ Moi, quand le pèr veut m battre, j lui dis cogn sur maman, (emphatique) y a plus d largeur! (rires. Louise baisse la tête, écoute, et reprend son attitude indifférente) ▼IRMA▲ (regardant ironiquement Louise) Non; je crois que Louise est amoureuse. ▼GERTRUDE▲ (étonnée) Amoureuse! Louise… (elle rit) ▼CAMILLE▲ Pourquoi Louise serait-ell pas amoureuse? ▼ÉLISE▲ Amoureuse, Louise… (elle hausse les épaules) ▼L APPRENTIE▲ (à part) Amoureuse! ▼SUZANNE, MADELEINE▲ Amoureuse! ▼GERTRUDE, MARGUERITE▲ Amoureuse! ▼BLANCHE, ÉLISE▲ Amoureuse! ▼IRMA, CAMILLE▲ Amoureuse! ▼BLANCHE, MARGUERITE, GERTRUDE, SUZANNE, MADELEINE, ÉLISE, IRMA, CAMILLE, BLANCHE▲ Louise, entends-tu? on dit que tu es amoureuse… ▼LOUISE▲ (troublée) Moi? ▼IRMA, CAMILLE▲ Est-ce vrai? ▼LOUISE▲ (avec colère) Vous êtes folles… ▼GERTRUDE▲ (reprend sa place près de Louise) Un amoureux à ton âge, ce n est pas un péché, et tu peux l avouer… A moins que tu ne veuilles garder le secret de tes aventures. (orgue de barbarie lointain) ▼ÉLISE, SUZANNE▲ Louise, raconte-nous… ▼LOUISE▲ (simplement) Je n ai pas d aventure. ▼GERTRUDE▲ (avec un lyrisme comique contenu) Que c est charmant une aventure! (Derrière elle, l apprentie, avec des gestes de gavroche, mime ironiquement les paroles sentimentales de la chanson de la vieille fille) Un garçon de jolie figure qui vous aime et vous le prouve à tout moment! C est le rêve d or des jeunes filles… rêve auquel on pense tout enfant. Pour le baiser d un jeune amant, (avec feu) je donnerais sans regret le restant de ma vie. (pâmée; orgue de barbarie lointain) ▼CAMILLE▲ (naivement) D où vient ce sentiment qui nous attire constamment vers les hommes? D où vient qu à leur approche nos coeurs chavirent? (pétulante) On a beau nous dire (avec mystère) «Prenez garde» Qu apparaisse le prédestiné, les scrupules s envolent. À son regard, on rougit; à sa parole, on sourit; dans l enthousiasme du baiser, on s ouvre au dieu malin; c est un bonnet de plus qu on accroche au moulin (Rires étouffés. Peu à peu les ouvrières reprennent leur travail et causent à voix basse) ▼L APPRENTIE▲ (agenouillée devant Louise) Louise, raconte-nous tes aventures… ▼LOUISE▲ (avec impatience) Je n ai pas d aventure. (Louise hausse les épaules; l apprentie, dépitée, s éloigne en rampant sous les tables. Élise va s asseoir auprès de Gertrude) ▼IRMA▲ (à ses voisines, langoureusement) Oh! moi quand je suis dans la rue, tout mon etre prend comme feu; ▼ÉLISE▲ (à Marguerite) C est un beau brun… ▼IRMA▲ Sous les rayons ardents ▼MARGUERITE▲ Tu l aimes? ▼IRMA▲ … des yeux qui me désirent, ▼ÉLISE▲ J en suis toquée ▼IRMA▲ Je vais radieuse! ▼MARGUERITE▲ Grande folle! (Élise reprend sa place; Suzanne va ``essayer au mannequin) ▼LA PREMIERE▲ (à Madeleine) Voyez la longueur des manches ▼IRMA▲ Les frôlements, les appels, ▼GERTRUDE▲ Dieu, qu il fait chaud! ouvrez la f nêtre… (l apprentie va ouvrir une fenêtre) ▼BLANCHE▲ (à Élise) C est tordant! ▼IRMA▲ … les flatteries… ▼SUZANNE▲ (à Madeleine) Tu viens avec moi, ce soir? ▼IRMA▲ … m attisent et me grisent! ▼ÉLISE▲ Louise, chante-nous quelque chose?… ▼LA PREMIERE▲ (à Marguerite) Laissez-la donc tranquille!… ▼IRMA▲ Il me semble… ▼L APPRENTIE▲ (à la mécanicienne) J ai rendez-vous à huit heures… ▼IRMA▲ … être en voyage… ▼ÉLISE▲ (à Blanche) Il t a fait la cour? ▼IRMA▲ … alors… ▼LA PREMIERE▲ A qui l corsage? ▼IRMA▲ … que paysages… ▼ÉLISE▲ C est à moi. ▼IRMA▲ … et maisons tourbillonnent… ▼LA PREMIERE▲ Dépêchez-vous, il le faut pour ce soir. ▼IRMA▲ …en ronde folle autour du wagon! ▼SUZANNE, BLANCHE, ÉLISE, MADELEINE▲ (riant bruyamment) ah! ah! ah! ah! ah!… ▼CAMILLE, GERTRUDE▲ Chut! (La première va dans la chambre voisine) ▼L APPRENTIE▲ Écoutez! ▼IRMA▲ (L apprentie, accroupie près d Irma, l écoute avec admiration) Une voix mystérieuse, prometteuse de bonheur, parmi les bruissements de la rue amoureuse, me poursuit et m enjôle… C est la voix de Paris! C est l appel au plaisir, à l amour! Et, peu à peu, l ivresse me gagne… dans un frisson délicieux, à tous les yeux, je livre mes yeux. Et mon coeur bat la campagne et succombe aux désirs de tous les coeurs. ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ C est la voix de Paris… ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ Régalez-vous, mesdam s, voilà l plaisir! (fanfare dans la coulisse) ▼TOUTES▲ (diversement) Ah! la musique! Scène Seconde (Irma, Camille, Marguerite, Élise, Madeleine et l apprentie vont aux fenêtres et regardent curieusement dans la cour) ▼UNE VOIX▲ (dans la coulisse, en colère, semblant marquer la mesure) Un! ▼BLANCHE▲ (se levant et courant vers la fenêtre) Quell drôl de fanfare! ▼IRMA▲ Ils accompagn nt un chanteur… ▼CAMILLE▲ Il est bien, c lui-là. ▼SUZANNE▲ (pouffant) Tu trouves! ▼ÉLISE▲ (à Madeleine) On dirait l artist de tout à l heure! (Élise, Madeleine, l apprentie, croyant que Julien va chanter pour elles, se moquent de Camille qui le trouve à son goût; pendant la première partie de la sérénade, elles échangent des signes d intelligence, envoient des baisers au chanteur et semblent très excitées) ▼L APPRENTIE▲ Il nous r garde! ▼CAMILLE▲ Louise! viens voir… il est très bien. ▼L APPRENTIE▲ Très bien! (Louise semble ne pas entendre. Guitare dans la coulisse) ▼JULIEN▲ (dans la coulisse) Dans la cité lointaine, Au bleu pays d espoir, Je sais, loin de la peine, Un joyeux reposoir, Qui, pour fêter ma reine, Se fleurit chaque soir. ▼LES OUVRIERES▲ Quelle jolie voix! Quelle jolie voix! Ah ma chère, quelle jolie voix! ▼LOUISE▲ (à part) C est lui! c est Julien! (Camille vient prendre le bouquet qu Irma a laissé sur la table pour le jeter au chanteur. Irma veut l empêcher et la pousse. Suzanne se lève, tout en continuant à coudre, elle passe devant les tables, s arrête près de la fenêtre, écoute, ravie, pâmée) ▼JULIEN▲ Les fleurs du beau Domaine S avivent chaque soir; Mais l insensible reine Dédaigne leur espoir; (Ne daigne s émouvoir.) (comme en ritornelle) Quand viendras-tu, dis-moi, la belle, Au reposoir d ivresse éternelle? L Aube t appelle et te sourit, voici le jour!… Veux-tu que je te mène en ce riant séjour, A l amour! ▼LES OUVRIERES▲ Bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo! (fanfare des bohèmes dans la coulisse) ▼CAMILLE▲ (ravie) Il va chanter encore! ▼LOUISE▲ Quel supplice! Quel affreux tourment! ▼JULIEN▲ Jadis tu me contais un magique voyage «Tous deux, me disais-tu, dès notre mariage, libres, nous partirons au Pays adoré, loin de ce monde où nous avons pleuré» Voici le jour sacré de tenir ta promesse et l heure du départ, l heure d allégresse, l heure sonne et carillonne et chante à ton coeur les désirs de mon coeur!… Quand partons-nous, dis-moi, la belle, pour le pays d ivresse éternelle? ▼LES OUVRIERES▲ (mystérieusement) Quelle caresse! Aux accents de sa tendresse, mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Quelle ivresse! à ses accents mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Ah quel doux chant de tendresse… Quelle jolie voix! quelle jolie voix! ah! ah! Ah! Ah! quelle caresse! quel doux chant de tendresse! Ah! ah! mon coeur s abandonne! ▼CAMILLE▲ Comme il nous regarde! ▼IRMA▲ On dirait qu il s adresse à l une de nous… (Élise fait à Madeleine un geste d intelligence) ▼L APPRENTIE▲ C est vrai! ▼LOUISE▲ (à part) Pauvre Julien! ▼ÉLISE▲ Il n a pas l air content… ▼BLANCHE▲ Jetons-lui des sous! ▼CAMILLE▲ Et des baisers! (elles jettent des sous et envoient des baisers au chanteur) ▼LOUISE▲ (peut-être jalouse) Ah! j aurais dû partir tout à l heure (Julien gratte avec rage les cordes de sa guitare) ▼GERTRUDE▲ Qu est-c qu il a? ▼L APRENTIE▲ Il devient fou? (Rires. Louise se lève, frémissante, puis se rassied. A partir de ce moment, les ouvrières trouvant la chanson moins jolie, ennuyeuse même, échangent des gestes de lassitude, de moquerie. Élise et Madeleine, déçues dans leur espoir, raillent et sifflent impitoyablement le chanteur) ▼JULIEN▲ (avec émotion) Si ton âme, oubliant les serments d autrefois, S est détournée de moi; Si tes voeux sont de vivre sans lumière et sans joie… ▼GERTRUDE▲ Que chante-t-il? ▼ÉLISE▲ C est assommant! ▼JULIEN▲ … coeur infidèle… ▼MADELEINE▲ (riant) Ah! ah! ah!… ▼JULIEN▲ (avec emphase) … va plus loin battre de l aile ▼ÉLISE▲ (agacée) Ah! ▼CAMILLE▲ Il nous ennuie! ▼GERTRUDE▲ (geignant, avec ennuie) Ah! ▼JULIEN▲ Moi, le renonce à vivre car la vie est sans excuse quand l adorée, la seule aimée, à mes appels se refuse! ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ Ah! ▼ÉLISE▲ Dieu, qu il m énerve! ▼SUZANNE, MADELEINE▲ Que chante-t-il? ▼IRMA, CAMILLE▲ A-t-il bientôt fini? ▼GERTRUDE▲ C est rasant! ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ C est assommant! ▼LES OUVRIERES▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ (criant) Une autre! ▼L APPRENTIE▲ (criant) Une autre! ▼IRMA, CAMILLE, GERTRUDE▲ (criant) Une autre! BLANCHEs, MARGUERITE, ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ (criant) Une autre! ▼TOUTES▲ (auf Louise) Une autre! (Durant cette dernière strophe, Louise se lève, frémissante. L apprentie, juchée sur une chaise, fait la manivelle avec le coin de son tablier roulé imitant comiquement le jouer d orgue) ▼JULIEN▲ Le temps passe et tu ne réponds pas… ▼ÉLISE▲ Ah! quel malheur! ▼JULIEN▲ Je ne sais plus que te dire!… ▼GERTRUDE▲ Pauvre petit! ▼JULIEN▲ Faut-il que tu m aies menti jadis!… ▼SUZANNE▲ Quel raseur! ▼L APPRENTIE▲ Oh! la! la! quell scie! ▼ÉLISE▲ Va chez l coiffeur! ▼JULIEN▲ Faut-il que tu m aies menti! ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ (criant) Menti! ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ A-t-il bientôt fini? (L apprentie court ramasser des chiffons et les jette dans la cour) ▼JULIEN▲ Sois maudite! Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼IRMA, CAMILLE▲ (riant) Ah! ah! ah!… ▼JULIEN▲ Assez! assez! (lui répondant par la fenêtre) Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼GERTRUDE▲ (riant) Ah! ah! ah!… J en pleure! c est tordant! Quell scie! (criant) Ferme ça ▼BLANCHE, MARGUERITE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! C te tête! quel type! Voyez-le donc… il est fou! il est fou! (criant) Music! ▼ÉLISE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Il est fou! il est saoûl! (Élise ramasse des chiffons et les jette dans le cour) A Charenton! quel cauch mar! oh! la, la! ▼SUZANNE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Il est saoûl! il est fou! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl! (criant) Music! ▼MADELEINE▲ (riant) Ah! ah! ah! ah! ah! Assez! quell scie! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl! (criant) Music! ▼L APPRENTIE▲ (criant, les mains en porte-voix) Ta bouche! Il est fou! (faisant des gestes à la fenêtre) Music! ▼LES JEUNES OUVRIERES▲ (ironiquement) Bravo! bravo! bravo! (imitant le chanteur) Fille sans coeur! Ame sans foi! ▼LES VIEILLES OUVRIERES▲ (criant) Assez! assez! assez! (cri plaintif) Ah! A-t-il bientôt fini! (Élise et Camille se rasseyent) ▼IRMA, CAMILLE, ÉLISE, L APPRENTIE, JEUNES OUVRIERES▲ (criant) Music! ▼TOUTES▲ (criant) Music! Music! Music! (Les musiciens de la cour obéissent et jouent. Charivari. Les ouvrières dansent et chahutent. Louise se lève. Son visage exprime l angoisse; elle hésite un moment, puis elle va prendre son chapeau et se dispose à sortir) ▼IRMA, CAMILLE, ÉLISE, SUZANNE▲ La la la la la la la la La la la la ▼LES AUTRES OUVRIERES▲ La la la la la la la La la la la ▼TOUTES▲ (rires) Ah! ah! ah! ah! ah!… ▼GERTRUDE▲ (s apercevant du trouble de Louise; à Louise) Louise, qu avez-vous? Êtes-vous souffrante? (d autres ouvrières s approchent) ▼L APPRENTIE▲ (regardant par la fenêtre) Il s en va! ▼LOUISE▲ (avec embarras) Oui… je ne suis pas bien… J étouffe… je suis tout étourdie… (Elle se lève, fiévreuse) Je ne puis rester! ▼CAMILLE▲ Tu veux partir? (Louise, indécise, semble écouter au loin) ▼LOUISE▲ (décidée) Oui, je préfèr rentrer chez nous. (à Gertrude) Vous direz à Madame que j ai dû m en aller… (Elle prend son chapeau et va vers la porte. Quelques ouvrières l entourent) ▼IRMA▲ (affectueusement) Louise, qu as-tu? (Louise, embarrassée, ne sait que répondre) ▼CAMILLE▲ (de même) Tu souffres? ▼IRMA▲ Veux-tu que je t accompagne? ▼LOUISE▲ Non, laissez-moi… (elle ouvre la porte; bas avec effort) Adieu! (Elle disparaît. La fanfare s éloigne. Les ouvrières, étonnées, se regardent) Scène Troisième ▼ÉLISE▲ Qu est-c qui lui prend? ▼CAMILLE▲ Qu est-c que ça veut dire? ▼IRMA▲ (prenant la défense de Louise) Elle était malade! ▼SUZANNE▲ (ironique) Comm vous et moi! ▼L APPRENTIE▲ (criant) C est la faute au chanteur! ▼ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE▲ Voyons! ▼IRMA, BLANCHE, MARGUERITE▲ Voyons! (Elles se précipitent aux fenêtres) ▼CAMILLE▲ La voici! ▼GERTRUDE▲ (restée assise; criant) Eh bien! que fait-elle? ▼ÉLISE, SUZANNE▲ Parfait! ▼IRMA, CAMILLE▲ C est bien ça! (Les ouvrières restées assises, se lèvent et courent aux fenêtres) ▼TOUTES▲ (avec stupéfaction) Ah!… (Gertrude et la première joignent les mains avec épouvante) ▼L APPRENTIE▲ (avec transport, criant) Ils part nt en prom nade! (Elle se roule à terre) ▼TOUTES▲ (riant aux éclats) Ah! ah! ah! (Rideau vivement) ACTE II Premier TableauLa scène représente un carrefour au bas de la butte Montmartre. À gauche, au fond de la scène, un escalier descendant; plus à gauche, une ruelle puis un hangar; à droite, une maison et un cabaret; au fond, à droite, un escalier montant, plus à droite une ruelle; au loin, à droite, la Butte; à gauche le faubourg Scène PremièreAu lever du rideau, sous le hangar, une laitière prépare son étalage et allume son feu; près d elle, sur une table à la terrasse d un marchand de vin, une fillette 17 ans plie les journaux du matin. A droite, près d une poubelle renversée, une petite chiffonnière travaille hâtivement; à côté d elle une glaneuse de charbon et, plus loin, un bricoleur fouillent les ordures. Des ménagères vont aux provisions. Cinq heures du matin, en avril. Un léger brouillard enveloppe la ville LA PETITE CHIFFONNIÈREà la glaneuse Dir qu en c moment y a des femmes qui dorment dans de la soie! LA GLANEUSE DE CHARBON Bah! les draps de soie s usent plus vite que les autres. LA PETITE CHIFFONNIÈRE Oui, parce qu on y dort plus longtemps! LA GLANEUSE Grande bête! ton tour viendra…Un noctambule paraît LA PETITE CHIFFONNIÈRE Mon tour? si c était vrai!Le noctambule s approche de la plieuse LE NOCTAMBULE Si jolie, si matin…il tourne autour de la fillette Malice du destin, qui revêt de satin et de robes d aurore les guetteuses de nuit aux rides inclémentes et cache au libertin, sous des voiles de nuit les fillettes d aurore que le désir tourmente.à la plieuse Un baiser? LA PLIEUSE Passez vot chemin! LE NOCTAMBULEriant Mon chemin, je le cherche… me tendras-tu la perche?avec afféterie Sans les lanternes de tes jolis yeux, je risque fort de me perdre! tu veux?…La fillette lui tourne le dos LA GLANEUSEs étirant Ah! LE BRICOLEURgeignant Ah! LE NOCTAMBULEregardant autour de lui En ce froid carrefour où gémit la souffrance, je me sens mal à l aise,à la fillette et sans ta jeune chair il me semblerait choir au seuil du sombre enfer où le Dante écrivit Ici point d espérance! Le son de ma voix éveille-t-il en toi une vague souvenance… que tu restes songeuse?… ou bien un frais désir fait-il bondir ton coeur d amoureuse? LA PLIEUSEriant Vous êtes fou! LA LAITIÈREriant Sa folie n est pas dangereuse!…le noctambule fait une pirouette Qui êtes-vous ? LE NOCTAMBULErejetant son manteau sur l épaule et apparaissant séduisant, tout à fait joli dans un costume de printemps auquel sont piqués quelques grelots de folie Je suis le Plaisir de Paris!Les deux femmes font un geste d étonnement admiratif. La petite chiffonnière, la glaneuse, le bricoleur interrompent leur travail et s approchent. D autres figures de souffrance, sorties de l ombre, se groupent derrière eux. Le noctambule pirouette de nouveau LA LAITIÈRE Où allez-vous? LE NOCTAMBULE Je vais vers les Amantes que le Désir tourmente! Je vais cherchant les coeurs qu oublia le bonheur.montrant la ville Là-bas glanant le Rire, ici semant l Envie, prêchant partout le droit de tous à la folie Je suis le Procureur de la grande Cité! Ton humble serviteur… ou ton maître! LA LAITIÈREle menaçant de son balai Effronté!Il s enfuit en riant LE NOCTAMBULE Ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha! ha!Au coin de la rue, il heurte violemment le chiffonnier et disparaît LE CHIFFONNIER Hé! fait attention! butor!le chiffonnier chancelle et tombe LE NOCTAMBULEdéjà loin Je suis le Procureur de la grande Cité!Le bricoleur s avance vers le chiffonnier; il le débarrasse de sa hotte, puis le relève LE CHIFFONNIERà part Ah!… je le connais… le misérable! ce n est pas la première fois qu il se trouve sur mon chemin!au bricoleur Un soir, il y a longtemps, je m en souviens comme si c était hier… ici, au même endroit, il m est apparu…La plieuse fait un paquet de ses journaux et s en va hélas! il n était pas seul ce jour-là… une fillette lui donnait la main et souriait à sa chanson… c était ma fille!dramatique Je l avais laissée là, au travail… il est venu, il lui a soufflé à l oreille ses tentations mauvaises…douloureux et la coquette l a écouté… ell l a suivi… en s enfuyant, ell m a heurté… comme aujourd hui… je suis tombé! Ah! ah! ah! ah!Il sanglote et se met au travail LA GLANEUSE, LA CHIFFONIERE Pauvre homme! LE BRICOLEUR Bah! dans toutes les familles, c est la même chose! Moi, j en avais trois, je n ai pu les tenir! Faut pas leur en vouloir si elles préfèr à notre vie d enfer le paradis qui les appelle là-bas… LA PETITE CHIFFONNIÈREà part Est-c que les bons lits, les belles robes, comme le soleil,elle tend les bras vers le soleil dont les premiers rayons éclairent la Butte ne devraient pas être à tout le monde! Scène SecondeDeux gardiens de la paix traversent lentement la scène et s approchent de la laitière. Le carrefour s anime. Une balayeuse apparaît au fond et s avance vers le groupe PREMIER GARDIENà la laitière Belle journée! LA LAITIÈRE Voici le printemps. PREMIER GARDIEN La saison des amours… LA LAITIÈRE Pour ceux qui ont vingt ans! DEUXIÈME GARDIEN Bah! chacun son tour… LA LAITIÈRE J attends encore le mien! PREMIER GARDIEN Vous n avez jamais aimé?Un gavroche s approche de l éventaire et se chauffe les mains au fourneau LA LAITIÈREsimplement Je n ai pas eu le temps!Les gardiens rient LA GAVROCHEà la laitière Un p tit noir? LA BALAYEUSEfanfaronne Moi, j ai eu ch vaux et voitures… Y a vingt anstriomphante j étais la reine de Paris!comique quell dégringolade! hein? mais je ne regrette rien… je me suis tant amusée…sentimentale Ah! la belle vie! le joyeux, le tendre, l inoubliable paradis!Le gavroche, qui l a écoutée, hausse les épaules, puis s approche d elle, la tire par la manche LE GAVROCHEavec une naïveté feinte Dites donnez-moi l adresse… LA BALAYEUSE Quelle adresse? LE GAVROCHEgoguenard L adresse… de vot paradis! LA BALAYEUSE Mais, mon petit,montrant la ville, tendre c est Paris! LE GAVROCHEjouant l étonnement Paris…il regarde la ville c est étonnant! depuis que j suis au monde j m en étais pas encore aperçu! PREMIER GARDIENbourru Allons, circule! LE GAVROCHEnarquois, froidement De quoi… on n peut pas s instruire?… PREMIER GARDIENbrutal Va travailler!Il le pousse. Le gavroche immobile, toise le gardien, puis d une pirouette nonchalante il lui tourne le dos et s en va lentement arrivé au coin de la rue, il se retourne LE GAVROCHEcriant, ses mains en porte-voix Y en a donc que pour les femm s, dans vot paradis!geste menaçant des gardiens; le gamin s enfuit; les gardiens s éloignent du même côté. La petite chiffonnière s en va d un autre côté, courbée sous le poids d un sac de chiffons. La balayeuse reprend son travail et disparaît dans la rue voisine. La glaneuse s approche de la laitière LA PETITE CHIFFONNIÈREavec amertume Y en a qu pour les femmes!…Le chiffonnier et le bricoleur montent l escalier. Julien paraît au fond de la scène; il fait un geste à ses amis Scène TroisièmeLes bohèmes paraissent en haut de l escalier et s avancent, comiquement, avec des allures de conspirateurs LE PEINTREà Julien C est ici? LE SCULPTEUR C est là qu elle travaille?la glaneuse s éloigne JULIENindiquant la maison Sa mère l accompagnera jusqu à cette porte… sitôt disparue, je m élance… je rattrape Louise…rageusement et, si ses parents refusent… LE PEINTRE Tu l enlèves!Julien approuve TOUSentourant Julien Bravo! bravo! bravo! LE CHANSONNIER Mais, consentira-t-elle? JULIEN Je la déciderai!Ils se répandent sur la place à droite, le sculpteur, le peintre et le jeune poète; à gauche, Julien, l étudiant, les philosophes et le chansonnier. Les autres inspectent silencieusement les alentours LE PEINTREà Julien Nous en ferons notre Muse! LE SCULPTEURau poète Le coin est joli… LE CHANSONNIERà Julien Muse des Bohèmes! LE PEINTREau sculpteur Un vrai carrefour à sérénades… PREMIER PHILOSOPHEavec dédain Une muse? LE SCULPTEURau peintre Nous aurions dû prendre nos instruments… LE CHANSONNIERau philosophe On la couronnera!Des têtes de bonnes paraissent aux fenêtres de la maison LE SCULPTEUR Nous reviendrons. PREMIER PHILOSOPHE Les Muses sont mortes! LE CHANSONNIERenthousiaste On les ressuscitera! LE PEINTRElorgnant les fenêtres Les jolies filles! LE SCULPTEUR Mesdemoiselles? LE CHANSONNIER Elles sont charmantes! LE JEUNE POETE Ravissantes!D autres têtes paraissent à d autres fenêtres. Les bohèmes envoient des baisers et saluent; d autres font les clowns. Le chansonnier, grattant sa canne ainsi qu une guitare, se met en évidence. À l écart dissertent les philosophes LE CHANSONNIER Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime! Toujours gais et pimpants, Les femm s nous trouvent séduisants… DEUXIEME PHILOSOPHEà l autre Pourquoi refuseraient-ils? LE CHANSONNIER Quoiqu sans argents! PREMIER PHILOSOPHE Ils préfèrent sans doute en faire la femme d un bourgeois! LE CHANSONNIER Presqu indigents! DEUXIEME PHILOSOPHEironique Mais, les ouvriers méprisent les bourgeois! PREMIER PHILOSOPHE Ah! ah! tu crois ça! LE CHANSONNIER Mais nous somm s très intelligents!Cris et bravos; des fenêtres on jette des sous. Les bohèmes saluent ironiquement LE PEINTREsaluant Aimez-vous la peinture? LE SCULPTEURde même La sculpture? LE CHANSONNIERde même La musique? LE JEUNE POETE Je suis un grand poète! PREMIER PHILOSOPHE Mon cher, l idéal des ouvriers c est d être des bourgeois.tous approuvent le désir des bourgeois être des grands seigneurs…nouvelle approbation plus nourrie. Ironique et le rêve des grands seigneurs attention générale ironique. Emphatique devenir des artistes!rires LE PEINTRE Et le rêve des artistes! PREMIER PHILOSOPHEavec emphase Être des dieux! TOUS Bravo! LES BOHÈMES Oui, des dieux! L APPRENTItraversant la scène, passant dans le fond Allez donc travailler, tas d feignants!Les bohèmes esquissent une poursuite, puis ils descendent l escalier en chantant. Le philosophe, le chansonnier, le peintre et l étudiant vont dire adieu à Julien LES BOHÈMES Enfants de la bohème, Nous aimons qui nous aime. Toujours gais et pimpants, les femm s nous trouvent séduisants… JULIENà ses amis, fiévreusement Voici l heure, laissez-moi. LES BOHÈMES Quoiqu sans argents! LE PREMIER PHILOSOPHEà Julien Allons, bonne chance… LE CHANSONNIERl excitant Enlève la redoute!… LES BOHÈMESdéjà loin Presqu indigents! LE PEINTREavec mystère Sois éloquent! L ETUDIANTdonnant une accolade à Julien A tout à l heure…ils s éloignent LES BOHÈMEStrès loin Mais nous somm s très intelligents!cris lointains des bohèmes Scène Quatrième JULIENdans une agitation douloureuse Elle va paraître, ma joie, mon tourment, ma vie! Voudra-t-elle me suivre? Voudra-t-elle qu aujourd hui notre amour soit vainqueur! Que dois-je lui dire? Comment la décider?avec angoisse Qui viendrait à mon aide?… LA REMPAILLEUSElointaine La caneus , racc modeus de chais s!…Julien fait un geste de surprise MARCHAND DE CHIFFONSlointain Marchand d chiffons, ferraille à vendr !…Il écoute avec émoi croissant; les chants qui se rapprochent LA REMPAILLEUSEplus près la caneus , racc modeus de chais s!… LA MARCHANDE D ARTICHAUTSlointaine artichauts, des gros artichauts! LE MARCHAND DE CAROTTES v là d la carott , elle est bell , v là d la carott ! d la carott ! LA MARCHANDE D ARTICHAUTS A la tendress , la verduress ! LE MARCHAND DE CAROTTEStrès loin D la carott ! LA MARCHANDE DE MOURONprès de la scène Mouron pour les p tits oiseaux! LA MARCHANDE D ARTICHAUTSse rapprochant Et à un sou, vert et tendre, et à un sou!flûte du chevrier lointain LA MARCHANDE DE MOURONprès de la scène Mouron pour les p tits oiseaux! LA MARCHANDE D ARTICHAUTS En v là des gros, des bien beaux! MARCHANDS DE TONNEAUX Tonneaux, tonneaux, v la l marchand d tonneaux! MARCHANDS DE BALAIS Ach tez des balais, v la l marchand d balais; c est papa, qui les fait, c est maman qui les vend, c est moi qui mang l argent! MARCHANDS DE POMMES DE TERRES Pomm s terr , pomm s terr , oh les pomm s terre, au boisseau, trois sous l quart, c est d la holland ! MARCHANDS DE POIS VERTS Pois verts, pois verts, dix sous l boisseau! JULIENavec enthousiasme Ah! chanson de Paris, où vibre et palpite mon âme! MARCHANDS ET MARCHANDESlointain Pois verts! pois verts! JULIEN Naïf et vieux refrain du faubourg qui s éveille, aube sonore qui réjouit mon oreille! Cris de Paris… voix de la rue Êtes-vous le chant de victoire de notre amour triomphant?…Des ouvrières paraissent au fond. Julien se cache sous le hangar, épiant, anxieux Scène Cinquième BLANCHE Bonjour! MARGUERITE Bonjour! BLANCHE Comment vas-tu?Elles disparaissent à l entrée de la maison. Une autre paraît faisant un geste à une quatrième qui s avance SUZANNE Nous sommes en avance? GERTRUDE Il est huit heures… SUZANNE Ah!Elles entrent dans la maison. Deux autres s avancent en caquetant IRMA Eh! bien, tu t es amusée, hier? CAMILLE Ah! c que j ai ri! IRMA Tu sais… le grand Léon…elle lui parle à l oreille CAMILLE Vrai? IRMA En mariage, ma chère!elles disparaissent JULIEN Viendra-t-elle?impatient, il sort de sa cachette; trois ouvrières entrent et le regardent gesticuler L APPRENTIEriant Ah! ah! ah! ah! ah! ah! ÉLISE Qu il est beau! MADELEINE Eh! l artiste! L APPRENTIE Il attend sa belle! MADELEINE, MARGUERITE Ah! ah! ah! ah! ah! ah! L APPRENTIE, MADELEINE, MARGUERITE C te tête!Elles s enfuient en riant. Julien les regarde entrer dans la maison, il reste pensif, puis il va vers la rue. Julien, apercevant enfin Louise et sa mère, manifeste sa joie; il revient en courant, va se cacher dans le hangar et guette. Étonné de ne pas les voir, il regarde; il les aperçoit et se dissimule vivement Scène SixièmeLa mère et Louise entrent; elles s avancent lentement; elles s arrêtent LA MÈREbougonnant Pourquoi te retourner? Il nous suit, sans doute… suffit! Je d mand rai à ton père que dorénavant tu travailles chez nous.Louise lève les yeux au ciel. Mimique de Julien qui, n y pouvant tenir, se montre à Louise Ah! t as beau faire les gros yeux!…Louise, voyant Julien, porte la main sur son coeur On changera ta mauvaise tête, Il faudra bien que Louise reste une fille honnête!… Allons, au revoir!Louise, froidement, lui tend la joue; la mère l embrasse avec tendresse. Louise entre dans la maison, la mère s éloigne lentement, surveille un instant les fenêtres de l atelier; arrivée près de la rue, elle guette de tous côtés, méfiante, puis disparaît. Julien se risque timidement, s enhardit, hésite, puis s élance dans la maison MARCHAND DE LA RUElointain V là d la carotte elle est bell ! V là d la carott ! d la carott ! d la carott ! Scène SeptièmeJulien reparaît, entraînant Louise LOUISEaffolée, se débattant Laissez-moi… ah! de grâce!Julien l entraîne dans le hangar JULIEN Alors, ils ont refusé?Louise se débat et veut fuir LOUISE Je vous en prie! si ma mère revenait… JULIEN Ils ont refusé? LOUISE Vous me faites mourir de peur! JULIEN Et tu supportes cette chose! tu ne te révoltes pas? LOUISE Que puis-je faire? JULIEN Tu le demandes! LOUISE Ils sont les maîtres! JULIEN Pourquoi, les maîtres? Parce qu ils t on fait naître, se croient-ils le droit d emprisonner ta jeunesse adorable? LOUISE Julien!… JULIEN D asservir ta vie! LOUISEsuppliante Ah! par pitié! JULIEN De la murer pour leur plaisir! LOUISE Laissez-moi partir! JULIEN Ta volonté, désormais, est celle d une femme et vaut la leur tu es femme, tu peux, tu dois vouloir! LOUISEne sachant que répondre Ah! je vais être en retard…suppliante laissez-moi partir.Julien, fâché de son indifférence, la laisse partir. Elle fait quelques pas, puis revient, souriante, espiègle JULIEN Tu ne m aimes plus! LOUISEnaïvement Ce n est pas vrai!Les cris de la rue reparaissent, lointains JULIEN Si tu m aimais, oublierais-tu ta promesse?Louise, troublée, se détourne UNE MARCHANDE DE LA RUElointaine V là du cresson d fontain , la santé du corps! JULIEN Écrivez encore à mon père, s il refuse votre demande je promets de fuir avec vous. UNE MARCHANDElointaine Mouron pour les p tits oiseaux! UN MARCHANDlointain Pois verts! pois verts! LOUISEpresque parlé Ah! si je pouvais…flûte du chevrier si mon père… JULIEN Ton père te pardonnerait! LOUISE Jamais! JULIEN Plus tard, quand ton bonheur… LOUISE Mon abandon le tuerait et je l aime mon père, autant que je t aime… JULIENla serrant dans ses bras Ah!… ah! Louise, si tu m aimes, partons de suite au Paysmontrant la Butte ensoleillée où vivent libres les Amants! Viens, je te choierai tant, et toute ta vie!De la rue voisine viennent des cris et des rires Viens vers la Joie, le Plaisir!Entendant des rires, Louise, troublée, veut fuir, Julien la retient. Quatre ouvrières traversent la scène en riant et entrent dans la maison JULIENplus pressant Si tu m aimes, Louise, Viens, fuyons de suite, si tu m aimes, n attends pas plus longtemps! Tiens ta promesse dès maintenant, Louise! Louise!il veut l entraîner LOUISEéperdue, se débattant Julien! JULIEN Viens! LOUISE Ah! je deviens folle… JULIEN Vers le plaisir!… LOUISEaffolée Je ne sais que faire… laissez-moi partir! Demain… plus tard…avec tendresse Je serai ta femme! Julien!. mon bien-aimé!…Flûte lointaine du chevrier. Louise se jette à son cou, ils s embrassent; puis Louise se dégage et s éloigne vers la maison; sur le seuil de la porte, elle envoie un baiser. Julien répond avec tristesse. - Louise disparaît Scène Huitième UN MARCHAND D HABITSdescendant l escalier Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ?il interroge les fenêtres Marchand d habits!…il se tourne de l autre côté avez-vous des habits à vendr ?Mélancoliquement il s éloigne. Julien, accablé, s achemine tristement vers la Ville Marchand d habits!… Avez-vous des habits à vendr ?Julien, sur le seuil de l escalier, près de la rue, fait un dernier geste de désespoir, descend lentement et disparaît. Le rideau tombe très lentement MARCHANDE DE MOURONEnfant. Très loin Mouron pour les p tits oiseaux!…flûte du chevrier MARCHANDE D ARTICHAUTStrès lointaine A la tendress s éloignant la verduress !… Interlude Deuxième TableauRideau. Rire des ouvrières. Un atelier de couture; les ouvrières, autour des tables, travaillent en caquetant et chantant; quelques-unes bavardent; près du mannequin, deux ouvrières plissent une jupe; l apprentie, couchée à terre, ramasse les épingles; une ouvrière travaille à la machine. Louise, un peu séparée des autres, garde le silence. Durant les conversations, des ouvrières chantent Scène PremièrePremière table côté jardin Irma, Camille, 4 coryphées; deuxième table Blanche, Madeleine, puis Élise et Suzanne, 2 coryphées; troisième table Louise, Gertrude, Marguerite; près du mannequin Suzanne, Élise; l apprentie, la première, la mécaniceienne; autres tables jeunes et vieilles ouvrières La la la la la la la la SUZANNEprès du mannequin, faisant les plis d une jupe C est énervant! je n peux pas y arriver… L APPRENTIEaccroupie devant la table; à Gertrude Passez-moi vos ciseaux… JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la GERTRUDEGertrude doit avoir les cheveux gris et jouer en vieille fille sentimentale et prétentieuse Et les tiens? ÉLISE Quell mauvaise étoffe! L APPRENTIE perdus!… ÉLISE Les plis n marquent pas… GERTRUDE J en ai assez d les prêter. L APPRENTIE Un minute?Élise prend la jupe, la montre à la première, puis va s asseoir à la deuxième table GERTRUDE Tu n as qu à t en payer!Elle se lève et va essayer un corsage sur le mannequin JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la ! IRMA Moi, j ai vu «l Pré aux Clércs et Mignon»Blanche se lève et va causer à Marguerite CAMILLE Moi, j ai vu Manon. BLANCHEà Marguerite, à mi-voix Voudrais-tu m montrer à baleiner? IRMA Cest beau? CAMILLE Très beau, surtout quand ell meurt. JEUNES OUVRIERES La la la la la la la la!… GERTRUDEavec impatience J peux pas arriver à finir c corsage! MARGUERITEà Blanche Tu prends ton ruban comm ceci… GERTRUDE Sur l mann quin, c est bien, mais sur la femme! MARGUERITE Tu commenc s par en bas, tu l fais sout nir très peu… IRMA C est pour qui? JEUNES OUVRIERES La la la la la la la!… GERTRUDE Pour la duchesse… CAMILLEmoqueuse En effet, j vois ça d ici!Élise va s asseoir près de Blanche à la deuxièmee table GERTRUDEriant Faut lui mett du crin sous les bras… CAMILLEriant Faut lui fair des hanches… IRMAriant Un vrai rembourrage, quoi! L APPRENTIEen gavroche C qui y a des clientes, tout d même!Rires Ah! ah! ah! ah! ah!…Blanche reprend sa place OUVRIERES, IRMA, CAMILLE La la la la la!… BLANCHEà Irma Moi, j vais m faire une robe pour le Grand Prix… LA PREMIEREà Louise N oubliez pas le sachet d héliotrope?… BLANCHE J ai vu un modèl , ma chèrela dispute, bien en dehors ÉLISEà Suzanne qui lui donne des conseils Ah! laiss -moi tranquille, tu m ennuies! VIEILLES OUVRIERES La la la la la la la la!… SUZANNE C est pas comm ça qu on s y prend… ÉLISE Tu veux toujours en savoir plus qu les autres! SUZANNE P tite imbécile! tu n vois pas qu ça craqu sous l aiguille? ÉLISE Oh! la! la! quel cauch mar! SUZANNE T en as un caractère! ÉLISE Tu n t es pas r gardée! SUZANNE Va donc hé! bouffie! JEUNES ET VIEILLES OUVRIERES La la la la la la la!…Élise lance une pelote à la tête de Suzanne; les autres s interposent. Toutes rient avec éclats. La première se lève LA PREMIERE Mesd moiselles, un peu d silence… nous n sommes pas au marché…Silence relatif. La première va causer avec Gertrude. Geste de Louise, songeant à Julien CAMILLEbas à ses voisines Voyez Louise, quell drôl de tête elle fait aujourd hui… ÉLISE, SUZANNE C est vrai! IRMA C est vrai! on dirait qu elle a pleuré. GERTRUDE Elle a peut-être des ennuis de famille… CAMILLE Ses parents sont très durs pour elle…Les ouvrières se groupent et jettent des regards sur Louise qui semble ne rien voir IRMA Ell n a pas la vie belle… CAMILLE Sa mèr la frappe encore… BLANCHE, SUZANNEindignées Ah! ÉLISE Ce n est pas moi qui me laisserais battre! SUZANNE Moi non plus! BLANCHE Et moi, c que j les plaqu rais! L APPRENTIE Moi, quand le pèr veut m battre, j lui dis cogn sur maman,emphatique y a plus d largeur!rires. Louise baisse la tête, écoute, et reprend son attitude indifférente IRMAregardant ironiquement Louise Non; je crois que Louise est amoureuse. GERTRUDEétonnée Amoureuse! Louise…elle rit CAMILLE Pourquoi Louise serait-ell pas amoureuse? ÉLISE Amoureuse, Louise…elle hausse les épaules L APPRENTIEà part Amoureuse! SUZANNE, MADELEINE Amoureuse! GERTRUDE, MARGUERITE Amoureuse! BLANCHE, ÉLISE Amoureuse! IRMA, CAMILLE Amoureuse! BLANCHE, MARGUERITE, GERTRUDE, SUZANNE, MADELEINE, ÉLISE, IRMA, CAMILLE, BLANCHE Louise, entends-tu? on dit que tu es amoureuse… LOUISEtroublée Moi? IRMA, CAMILLE Est-ce vrai? LOUISEavec colère Vous êtes folles… GERTRUDEreprend sa place près de Louise Un amoureux à ton âge, ce n est pas un péché, et tu peux l avouer… A moins que tu ne veuilles garder le secret de tes aventures.orgue de barbarie lointain ÉLISE, SUZANNE Louise, raconte-nous… LOUISEsimplement Je n ai pas d aventure. GERTRUDEavec un lyrisme comique contenu Que c est charmant une aventure!Derrière elle, l apprentie, avec des gestes de gavroche, mime ironiquement les paroles sentimentales de la chanson de la vieille fille Un garçon de jolie figure qui vous aime et vous le prouve à tout moment! C est le rêve d or des jeunes filles… rêve auquel on pense tout enfant. Pour le baiser d un jeune amant,avec feu je donnerais sans regret le restant de ma vie.pâmée; orgue de barbarie lointain CAMILLEnaivement D où vient ce sentiment qui nous attire constamment vers les hommes? D où vient qu à leur approche nos coeurs chavirent?pétulante On a beau nous dire avec mystère «Prenez garde» Qu apparaisse le prédestiné, les scrupules s envolent. À son regard, on rougit; à sa parole, on sourit; dans l enthousiasme du baiser, on s ouvre au dieu malin; c est un bonnet de plus qu on accroche au moulinRires étouffés. Peu à peu les ouvrières reprennent leur travail et causent à voix basse L APPRENTIEagenouillée devant Louise Louise, raconte-nous tes aventures… LOUISEavec impatience Je n ai pas d aventure.Louise hausse les épaules; l apprentie, dépitée, s éloigne en rampant sous les tables. Élise va s asseoir auprès de Gertrude IRMAà ses voisines, langoureusement Oh! moi quand je suis dans la rue, tout mon etre prend comme feu; ÉLISEà Marguerite C est un beau brun… IRMA Sous les rayons ardents MARGUERITE Tu l aimes? IRMA … des yeux qui me désirent, ÉLISE J en suis toquée IRMA Je vais radieuse! MARGUERITE Grande folle!Élise reprend sa place; Suzanne va ``essayer au mannequin LA PREMIEREà Madeleine Voyez la longueur des manches IRMA Les frôlements, les appels, GERTRUDE Dieu, qu il fait chaud! ouvrez la f nêtre…l apprentie va ouvrir une fenêtre BLANCHEà Élise C est tordant! IRMA … les flatteries… SUZANNEà Madeleine Tu viens avec moi, ce soir? IRMA … m attisent et me grisent! ÉLISE Louise, chante-nous quelque chose?… LA PREMIEREà Marguerite Laissez-la donc tranquille!… IRMA Il me semble… L APPRENTIEà la mécanicienne J ai rendez-vous à huit heures… IRMA … être en voyage… ÉLISEà Blanche Il t a fait la cour? IRMA … alors… LA PREMIERE A qui l corsage? IRMA … que paysages… ÉLISE C est à moi. IRMA … et maisons tourbillonnent… LA PREMIERE Dépêchez-vous, il le faut pour ce soir. IRMA …en ronde folle autour du wagon! SUZANNE, BLANCHE, ÉLISE, MADELEINEriant bruyamment ah! ah! ah! ah! ah!… CAMILLE, GERTRUDE Chut!La première va dans la chambre voisine L APPRENTIE Écoutez! IRMAL apprentie, accroupie près d Irma, l écoute avec admiration Une voix mystérieuse, prometteuse de bonheur, parmi les bruissements de la rue amoureuse, me poursuit et m enjôle… C est la voix de Paris! C est l appel au plaisir, à l amour! Et, peu à peu, l ivresse me gagne… dans un frisson délicieux, à tous les yeux, je livre mes yeux. Et mon coeur bat la campagne et succombe aux désirs de tous les coeurs. LES JEUNES OUVRIERES C est la voix de Paris… LES VIEILLES OUVRIERES Régalez-vous, mesdam s, voilà l plaisir!fanfare dans la coulisse TOUTESdiversement Ah! la musique! Scène SecondeIrma, Camille, Marguerite, Élise, Madeleine et l apprentie vont aux fenêtres et regardent curieusement dans la cour UNE VOIXdans la coulisse, en colère, semblant marquer la mesure Un! BLANCHEse levant et courant vers la fenêtre Quell drôl de fanfare! IRMA Ils accompagn nt un chanteur… CAMILLE Il est bien, c lui-là. SUZANNEpouffant Tu trouves! ÉLISEà Madeleine On dirait l artist de tout à l heure!Élise, Madeleine, l apprentie, croyant que Julien va chanter pour elles, se moquent de Camille qui le trouve à son goût; pendant la première partie de la sérénade, elles échangent des signes d intelligence, envoient des baisers au chanteur et semblent très excitées L APPRENTIE Il nous r garde! CAMILLE Louise! viens voir… il est très bien. L APPRENTIE Très bien!Louise semble ne pas entendre. Guitare dans la coulisse JULIENdans la coulisse Dans la cité lointaine, Au bleu pays d espoir, Je sais, loin de la peine, Un joyeux reposoir, Qui, pour fêter ma reine, Se fleurit chaque soir. LES OUVRIERES Quelle jolie voix! Quelle jolie voix! Ah ma chère, quelle jolie voix! LOUISEà part C est lui! c est Julien!Camille vient prendre le bouquet qu Irma a laissé sur la table pour le jeter au chanteur. Irma veut l empêcher et la pousse. Suzanne se lève, tout en continuant à coudre, elle passe devant les tables, s arrête près de la fenêtre, écoute, ravie, pâmée JULIEN Les fleurs du beau Domaine S avivent chaque soir; Mais l insensible reine Dédaigne leur espoir;Ne daigne s émouvoir.comme en ritornelle Quand viendras-tu, dis-moi, la belle, Au reposoir d ivresse éternelle? L Aube t appelle et te sourit, voici le jour!… Veux-tu que je te mène en ce riant séjour, A l amour! LES OUVRIERES Bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo, bravo!fanfare des bohèmes dans la coulisse CAMILLEravie Il va chanter encore! LOUISE Quel supplice! Quel affreux tourment! JULIEN Jadis tu me contais un magique voyage «Tous deux, me disais-tu, dès notre mariage, libres, nous partirons au Pays adoré, loin de ce monde où nous avons pleuré» Voici le jour sacré de tenir ta promesse et l heure du départ, l heure d allégresse, l heure sonne et carillonne et chante à ton coeur les désirs de mon coeur!… Quand partons-nous, dis-moi, la belle, pour le pays d ivresse éternelle? LES OUVRIERESmystérieusement Quelle caresse! Aux accents de sa tendresse, mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Quelle ivresse! à ses accents mon coeur s abandonne… Quelle jolie voix! ah! ah! ah! Ah quel doux chant de tendresse… Quelle jolie voix! quelle jolie voix! ah! ah! Ah! Ah! quelle caresse! quel doux chant de tendresse! Ah! ah! mon coeur s abandonne! CAMILLE Comme il nous regarde! IRMA On dirait qu il s adresse à l une de nous…Élise fait à Madeleine un geste d intelligence L APPRENTIE C est vrai! LOUISEà part Pauvre Julien! ÉLISE Il n a pas l air content… BLANCHE Jetons-lui des sous! CAMILLE Et des baisers!elles jettent des sous et envoient des baisers au chanteur LOUISEpeut-être jalouse Ah! j aurais dû partir tout à l heureJulien gratte avec rage les cordes de sa guitare GERTRUDE Qu est-c qu il a? L APRENTIE Il devient fou?Rires. Louise se lève, frémissante, puis se rassied. A partir de ce moment, les ouvrières trouvant la chanson moins jolie, ennuyeuse même, échangent des gestes de lassitude, de moquerie. Élise et Madeleine, déçues dans leur espoir, raillent et sifflent impitoyablement le chanteur JULIENavec émotion Si ton âme, oubliant les serments d autrefois, S est détournée de moi; Si tes voeux sont de vivre sans lumière et sans joie… GERTRUDE Que chante-t-il? ÉLISE C est assommant! JULIEN … coeur infidèle… MADELEINEriant Ah! ah! ah!… JULIENavec emphase … va plus loin battre de l aile ÉLISEagacée Ah! CAMILLE Il nous ennuie! GERTRUDEgeignant, avec ennuie Ah! JULIEN Moi, le renonce à vivre car la vie est sans excuse quand l adorée, la seule aimée, à mes appels se refuse! BLANCHE, MARGUERITE Ah! ÉLISE Dieu, qu il m énerve! SUZANNE, MADELEINE Que chante-t-il? IRMA, CAMILLE A-t-il bientôt fini? GERTRUDE C est rasant! BLANCHE, MARGUERITE C est assommant! LES OUVRIERESriant Ah! ah! ah! ah! ah! ÉLISE, SUZANNE, MADELEINEcriant Une autre! L APPRENTIEcriant Une autre! IRMA, CAMILLE, GERTRUDEcriant Une autre! BLANCHEs, MARGUERITE,ÉLISE, SUZANNE, MADELEINEcriant Une autre! TOUTESauf Louise Une autre!Durant cette dernière strophe, Louise se lève, frémissante. L apprentie, juchée sur une chaise, fait la manivelle avec le coin de son tablier roulé imitant comiquement le jouer d orgue JULIEN Le temps passe et tu ne réponds pas… ÉLISE Ah! quel malheur! JULIEN Je ne sais plus que te dire!… GERTRUDE Pauvre petit! JULIEN Faut-il que tu m aies menti jadis!… SUZANNE Quel raseur! L APPRENTIE Oh! la! la! quell scie! ÉLISE Va chez l coiffeur! JULIEN Faut-il que tu m aies menti! LES JEUNES OUVRIEREScriant Menti! LES VIEILLES OUVRIERES A-t-il bientôt fini?L apprentie court ramasser des chiffons et les jette dans la cour JULIEN Sois maudite! Fille sans coeur! Ame sans foi! IRMA, CAMILLEriant Ah! ah! ah!… JULIEN Assez! assez!lui répondant par la fenêtre Fille sans coeur! Ame sans foi! GERTRUDEriant Ah! ah! ah!… J en pleure! c est tordant! Quell scie!criant Ferme ça BLANCHE, MARGUERITEriant Ah! ah! ah! ah! ah! C te tête! quel type! Voyez-le donc… il est fou! il est fou!criant Music! ÉLISEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Il est fou! il est saoûl!Élise ramasse des chiffons et les jette dans le cour A Charenton! quel cauch mar! oh! la, la! SUZANNEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Il est saoûl! il est fou! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl!criant Music! MADELEINEriant Ah! ah! ah! ah! ah! Assez! quell scie! Quel crampon! il est saoûl! il est saoûl!criant Music! L APPRENTIEcriant, les mains en porte-voix Ta bouche! Il est fou!faisant des gestes à la fenêtre Music! LES JEUNES OUVRIERESironiquement Bravo! bravo! bravo!imitant le chanteur Fille sans coeur! Ame sans foi! LES VIEILLES OUVRIEREScriant Assez! assez! assez!cri plaintif Ah! A-t-il bientôt fini!Élise et Camille se rasseyent IRMA, CAMILLE, ÉLISE, L APPRENTIE, JEUNES OUVRIEREScriant Music! TOUTEScriant Music! Music! Music!Les musiciens de la cour obéissent et jouent. Charivari. Les ouvrières dansent et chahutent. Louise se lève. Son visage exprime l angoisse; elle hésite un moment, puis elle va prendre son chapeau et se dispose à sortir IRMA, CAMILLE, ÉLISE, SUZANNE La la la la la la la la La la la la LES AUTRES OUVRIERES La la la la la la la La la la la TOUTESrires Ah! ah! ah! ah! ah!… GERTRUDEs apercevant du trouble de Louise; à Louise Louise, qu avez-vous? Êtes-vous souffrante?d autres ouvrières s approchent L APPRENTIEregardant par la fenêtre Il s en va! LOUISEavec embarras Oui… je ne suis pas bien… J étouffe… je suis tout étourdie…Elle se lève, fiévreuse Je ne puis rester! CAMILLE Tu veux partir?Louise, indécise, semble écouter au loin LOUISEdécidée Oui, je préfèr rentrer chez nous.à Gertrude Vous direz à Madame que j ai dû m en aller…Elle prend son chapeau et va vers la porte. Quelques ouvrières l entourent IRMAaffectueusement Louise, qu as-tu?Louise, embarrassée, ne sait que répondre CAMILLEde même Tu souffres? IRMA Veux-tu que je t accompagne? LOUISE Non, laissez-moi…elle ouvre la porte; bas avec effort Adieu!Elle disparaît. La fanfare s éloigne. Les ouvrières, étonnées, se regardent Scène Troisième ÉLISE Qu est-c qui lui prend? CAMILLE Qu est-c que ça veut dire? IRMAprenant la défense de Louise Elle était malade! SUZANNEironique Comm vous et moi! L APPRENTIEcriant C est la faute au chanteur! ÉLISE, SUZANNE, MADELEINE Voyons! IRMA, BLANCHE, MARGUERITE Voyons!Elles se précipitent aux fenêtres CAMILLE La voici! GERTRUDErestée assise; criant Eh bien! que fait-elle? ÉLISE, SUZANNE Parfait! IRMA, CAMILLE C est bien ça!Les ouvrières restées assises, se lèvent et courent aux fenêtres TOUTESavec stupéfaction Ah!…Gertrude et la première joignent les mains avec épouvante L APPRENTIEavec transport, criant Ils part nt en prom nade!Elle se roule à terre TOUTESriant aux éclats Ah! ah! ah!Rideau vivement Charpentier,Gustave/Louise/III
https://w.atwiki.jp/sdvx/pages/10831.html
Enter The Rave/ Tatsunoshin Lv CHAIN 譜面属性 BPM TIME Version Genre Illustrator Effect NOVICE 05 0608 160 EG79 SDVXオリジナル スティンガー MASTER TRICK ADVANCED 13 1227 EXHAUST 16 1407 MAXIMUM 18 2063 + 難易度投票 NOVICE 選択肢 投票数 投票 詐称 0 強 0 中 0 弱 0 逆詐称 0 ADVANCED 選択肢 投票数 投票 詐称 0 強 0 中 0 弱 0 逆詐称 0 EXHAUST 選択肢 投票数 投票 詐称 0 強 0 中 0 弱 0 逆詐称 0 MAXIMUM 選択肢 投票数 投票 詐称 0 強 0 中 0 弱 0 逆詐称 0 攻略・解説 譜面・楽曲の攻略についてはこちらへどうぞ 見辛さ解消の為に改行や文頭の編集、不適切なコメントを削除することがあります 名前 コメント ※文頭に[ bgcolor(#aaf){NOV}]、[ bgcolor(#ffa){ADV}]、[ bgcolor(#faa){EXH}]、[ bgcolor(#888){MXM}]をコピー ペーストすると見やすくなります コメント 楽曲やイラストなどのコメントについてはこちらへどうぞ 名前 コメント すべてのコメントを見る
https://w.atwiki.jp/savell143/
@wikiへようこそ ウィキはみんなで気軽にホームページ編集できるツールです。 このページは自由に編集することができます。 メールで送られてきたパスワードを用いてログインすることで、各種変更(サイト名、トップページ、メンバー管理、サイドページ、デザイン、ページ管理、等)することができます まずはこちらをご覧ください。 @wikiの基本操作 用途別のオススメ機能紹介 @wikiの設定/管理 分からないことは? @wiki ご利用ガイド よくある質問 無料で会員登録できるSNS内の@wiki助け合いコミュニティ @wiki更新情報 @wikiへのお問合せフォーム 等をご活用ください @wiki助け合いコミュニティの掲示板スレッド一覧 #atfb_bbs_list その他お勧めサービスについて 大容量1G、PHP/CGI、MySQL、FTPが使える無料ホームページは@PAGES 無料ブログ作成は@WORDをご利用ください 2ch型の無料掲示板は@chsをご利用ください フォーラム型の無料掲示板は@bbをご利用ください お絵かき掲示板は@paintをご利用ください その他の無料掲示板は@bbsをご利用ください 無料ソーシャルプロフィールサービス @flabo(アットフラボ) おすすめ機能 気になるニュースをチェック 関連するブログ一覧を表示 その他にもいろいろな機能満載!! @wikiプラグイン @wiki便利ツール @wiki構文 @wikiプラグイン一覧 まとめサイト作成支援ツール バグ・不具合を見つけたら? 要望がある場合は? お手数ですが、お問合せフォームからご連絡ください。
https://w.atwiki.jp/djmax3/pages/55.html
■DJMAX Fever 収録曲 01. A.I 02. 風にお願い 03. Luv Flow 04. Blythe 05. On 06. Brand New days 07. Bye Bye Love 08. Cherokee 09. Chain of Gravity 10. Divine Service 11. End of the Moonlight 12. Fallen Angel 13. For Seasons 14. Get on Top 15. Goodbye 16. Higher 17. Extreme Z4 18. Lady made Star 19. NB POWER 20. FTR 21. Mess it Up 22. Miles 23. Your Own miracle 24. Jupiter Driving 25. Rock or Die 26. ピアノ協奏曲1番 27. NB RANGER 28. NB RANGER Returns 29. Fear 30. OBLIVION 31. Out Law 32. Catch me 33. KUDA 34. Plastic method 35. Sunny Side 36. Brain Storm 37. Wonder Love (One the Love) 38. Seeker 39. Syriana 40. So Much in Luv 41. SQUEEZE 42. Sunset Rider 43. Long Vacation 44. Starfish 45. Stay with me 46. テコンブリ 47. Whiteblue 48. Save my Dream 49. Yo Creo Que Si 50. Ray of Illuminati 51. Enemy Storm 52. Naver Say 53. Every Morning 54. Let s Go baby 55. Elastic Star 56. Memory of beach 57. Hamsin 58. Sin 59. JBG 60. hip hop goo jo dae
https://w.atwiki.jp/uo00/pages/163.html
Mark of Travesty 概要 画像: 外見:Tribal Mask 俗称:Mark of Travesty(そのまんま) 入手:MLボス(Travesty) 性能 何らかの[[スキル]] +10/+10 自己修復 3 マナ +8 ヒットポイント回復 3 物理抵抗 8% 炎抵抗 5% 冷気抵抗 11% 毒抵抗 20% エネルギー抵抗 15% 装備STR 10 スキルの組み合わせ スキルの組み合わせ Swordsmanship Tactics Fencing Tactics Mace Fighting Tactics Archery Tactics Healing Anatomy Bushido Parrying Chivalry Resisting Spells Ninjitsu Stealth Magery Evaluating Intelligence Necromancy Spirit Speak Animal Lore Animal Taming Discordance Musicianship Provocation Musicianship Peacemaking Musicianship Stealing Stealth 解説・用途 各種スキルのブースト用装備。 値段はスキルによりさまざま。 コメント 名前 コメント
https://w.atwiki.jp/gardenkikaku/pages/651.html
装着時に「庇う」を使用したとき、1d5のダメージ減少が行える。 狼のトップがついた、シルバーのチェーンネックレス。 華奢なつくりになっており、男女問わずつけれるデザイン。 狼の部分には、「Brave Heart」(勇敢な心)と刻まれている。
https://w.atwiki.jp/tohomusicdb/pages/422.html
東方怪綺談版 幺樂団の歴史版 霊天 ~ Spiritual Heaven(東方怪綺談) 作品:東方怪綺談 〜 Mystic Square. シーン:2面ボス ルイズのテーマ データ BPM 拍子 再生時間 調性 使用楽器 コード進行 ZUN氏コメント 何のためにいるんだか分からんボスのテーマ曲ですね (^^;; これは渋過ぎ(笑) もっと、色々出来たかも・・・ (東方怪綺談 Music Room より) 解説 霊天 ~ Spiritual Heaven(幺樂団の歴史2) 作品:幺樂団の歴史2 ~ Akyu s Untouched Score vol.2 シーン データ BPM 拍子 再生時間 調性 使用楽器 コード進行 ZUN氏コメント なし 解説 コメント この曲の話題なら何でもOK! 名前 コメント すべてのコメントを見る
https://w.atwiki.jp/goldkai1/pages/156.html
Sealed Cave Treasures Encount and Enemies Map DataMap1 Map2 Map3Map3-1 Map4 Map5 Treasures Location No. Item Note Map3-1 a Knight Shield Treasure chest Map5 b Giant's Axe After obtaining divine power Map5 c Venus Rod 〃 Map5 d Elf Sword 〃 Map5 e Jenatos Sword 〃 Map5 f Poseidon Spear 〃 Encount and Enemies Max = Max Enemy Numbers Lv = Average Lv of enemies in the area 1st = First limit of steps 2nd = Second limit of steps Location Max Enemy1 Enemy2 Enemy3 Enemy4 1st 2nd Lv Note Map1 3 Werewolf Scourge Gohzda Gargoyle 45 103 15 Map2 3 Werewolf Scourge Gohzda 45 103 15 Map3 3 Werewolf Scourge Gohzda 42 100 15 └Map3-1 3 Werewolf Scourge Gohzda 39 96 15 Map4 3 Werewolf Scourge Gohzda 58 147 15 Map Data Map1 Picture No. Details Note 1 To Worldmap 2 To Map2 Map2 Picture No. Details Note 1 To Map1 2 To Map3 Map3 Picture No. Details Note 1 To Map2 2 To Map4 3 To Map3-1 Map3-1 Picture No. Details Note 1 To Map3 a Knight Shield Treasure chest Map4 Picture No. Details Note 1 To Map3 2 To Map5 Map5 Picture No. Details Note 1 To Map4 b Giant's Axe After obtaining divine power c Venus Rod 〃 d Elf Sword 〃 e Jenatos Sword 〃 f Poseidon Spear 〃
https://w.atwiki.jp/posaune/pages/12.html
BECQUET, Michel (b. 1954.02.04) ・Morceau Symphonique("Concertpiece") pour Trombone Ténor et Piano, Op.88 (1902) / F.A.Guilmant ・Romance, Op.21 / A.Jorgensen ・Prelude and Dance / J.G.Mortimer ・Deux Danses pour Trombone et Piano (1954) / J.M.Defaye ・Romance / C.M. von F.E.Weber ・The Swan from "Carnaval des animaux" / C.C.Saint-Saëns ・Cool Lys / M.Lys ・幻想 "五木の子守うた" (Fantasy "Lullaby of Itsuki") / 高嶋 圭子 (K.Takashima) ・Blue Bells of Scotland / A.W.Pryor (Trad.) ・Thoughts of Love (1887) / A.W.Pryor ・Michel Becquet (Trombone) ・長尾 洋史 (Hiroshi Nagao) (piano) ・ハラヤミュージックエンタープライズ (Bellwood) BW-1003D ・1988.11.14-16 録音,1989. 発売 ・aus "Serenade D-Dur" / J.G.L.Mozart ・Concertino für Posaune und Streicher / M.Landowski ・Michel Becquet (Trombone) ・RIAS-Sinfonietta (- Mozart) ・Ernö Sebestyen (Cond. - Mozart) ・Philharmonie de Lorraine (- Landowski) ・Jacques Houtmann (Cond. - Landowski) ・KOCH International Schwann 3-1334-2 ・1982.03.01-02(- Mozart),1990.07(- Landowski) 録音,1992(?) 発売 ・CAVATINE pour Trombone et Piano, 0p.144 (1915) / C.C.Saint-Saëns ・CHORAL, CADENCE ET FUGATO pour Trombone et Piano (1950) / H.Dutilleux ・Michel Becquet (Trombone) ・Yves Henry (Piano) ・Pierre Verany (ビクターエンタテインメント) PV.793041 (VICC-23005) ・1992.11.11 13 録音,1993.03.01 (国内盤1995.05.24) 発売 ・Liebesleid (1910) / F.Kreisler ・Aria "Cujus Animam" from "Stabat Mater" / G.A.Rossini ・Michel Becquet (Trombone) ・Bruno Fontaine (Piano) ・Pierre Verany PV.798041 ・1995.05.16 18 録音, 1998. (?) 発売 ・Concerto pour Trombone (1987) / S.Lancen ・Michel Becquet (Trombone) ・Harmonie Orkest Brabants Conservatorium ・Jan Cober (Cond.) ・MOLENAAR S MUZIEKCENTRALE MBCD 31.1016.72 ・1990.06.25-27 録音,1996.06. 発売 ・Ballade pour Trombone et Orchestre (1940) / F.Martin ・Michel Becquet (Trombone) ・Symphonieorchester des Bayerichen Rundfunks ・Martin Tunovsky (Cond.) ・ARD (Bayerischen Rundfunk) ・1981. 録音, 2001.(?) 発売 ・Sonatine / T.Kassatti ・Michel Becquet (Trombone) ・Spanish Brass Luur Metalls - Carlos Benetó Grau (Trumpet) - Juanjo Derna Salvador (Trumpet) - Indalecio Bonet Manrique (Trombone) - Manuel Pérez Ortega (Horn) - Vicent López Velasco (Tuba) ・CASCAVELLE VEL 3039 ・2000.02.-05. 録音, 2002(?) 発売 ・Concerto "Gli Elementi" pour Trombone, Orchestre àCordes et 2 Cors / M.Constant ・Michel Becquet (Trombone) ・Orchestre Symphonique de Nancy ・Jérôme Kaltenbach (Cond.) ・ERATO 4509-94815-2, 2292-45527-2 ・1990.04. 録音, 1994.(?) 発売 ・Pièce en mi bémol mineur (1907) / J.G.Ropartz ・Sonate / G.F.Händel ・Concertino Es-Dur, Op.4 (1837) / F.David ・Morceau Symphonique Es-Dur, Op.88 (1902) / F.A.Guilmant ・Concerto for Trombone and Military Band (1877) / N.A.Rimsky-Korsakov ・Michel Becquet (Trombone) ・Bruno Flahou (Trombone - Händel) ・Orchestre de la Musique de l air ・Claude Kesmaecker (Cond.) ・Musica Numeris MA002 ・2006.(?) 録音, 2007.(?) 発売 ・Musique pour trombone et orchestre (1986) / J.Meier ・Michel Becquet (Trombone) ・Orchestergesellschaft Biel ・Jost Meier (Ltg.) ・Communauté de travail (musique suisse) CTS-P 42-2 ・1991.11.06 録音, 1992.(?) 発売 ・Curitiba / J.M.Defaye ・Embraceable You / G.Gershwin ・Blue Rondo a la Turk / D.Brubeck ・Cinema Magic - Laura / D.Raksin - The Shadow of Your Smile / J.Mandel - Baby Elefant Walk / H.Mancini - Serenta and Conquest / A.Newman ・Michel Becquet (Trombone) ・Lloyd Ulyate (Trombone -Brubeck, Cinema Magic) ・100 Trombones ・自主制作盤(?) KRS-011119T ・2001.11.19 録音, 2002.08.01(?) 発売 ・Curitiba / J.M.Defaye ・Embraceable You / G.Gershwin ・Blue Rondo a la Turk / D.Brubeck ・Cinema Magic - Laura / D.Raksin - The Shadow of Your Smile / J.Mandel - Baby Elefant Walk / H.Mancini - Serenta and Conquest / A.Newman ・Michel Becquet (Trombone) ・Lloyd Ulyate (Trombone -Brubeck, Cinema Magic) ・100 Trombones ・自主制作盤(VHS) ・2001.11.19 録音, 2002.(?) 発売 ・Blue Rondo a la Turk / D.Brubeck ・Cinema Magic - Laura / D.Raksin - The Shadow of Your Smile / J.Mandel - Baby Elefant Walk / H.Mancini - Serenta and Conquest / A.Newman ・Michel Becquet (Trombone) ・Lloyd Ulyate (Trombone -Brubeck, Cinema Magic) ・100 Trombones ・Group 7 Music G7MCD-1775 ・2001.11.19 録音 ・Suite Balkanique / J.Nilovic ・Pavane pour une infante defunté / M.Ravel ・La fille aux cheveux de lin / C.Debussy ・Madrigal / G.Delerue ・West Side Story / L.Bernstein ・Emmanuel / M.Colombier ・Michel Becquet (Trombone) ・Octobone - Alexandre Faure (Trombone) - Cédric Vinatier (Trombone) - Christophe Sanchez (Trombone) - Frédéric Boulan (Trombone) - Arnaud Mandoche (Trombone) - Marc Merlin (Trombone) - Laurent Fouqueray (Bass Trombone) - Stéphane Labeyrie (Tuba) ・François Combémorel (Percussion) ・Philippe Limoge (Percussion) ・Octavia Records (Cryston) OVCC-00020 ・2005.08.08-10 録音, 2005.11.16 発売 ・Serenade D-Dur / J.G.L.Mozart ・Michel Becquet (Posaune) ・Guy Touvron (Trompete) ・RIAS-Sinfonietta ・Ernö Sebestyen (Ltg.) ・Schwann Musica Mundi CD 11005 ・1982.03.01-02 録音,1987.(?) 発売 ・Serenade D-Dur / J.G.L.Mozart ・Michel Becquet (Posaune) ・Guy Touvron (Trompete) ・RIAS-Sinfonietta ・Ernö Sebestyen (Ltg.) ・Schwann Musica Mundi VMS 2005 F ・1982.03.01-02 録音,1982.(?) 発売 ・これがオリジナルのレコードでしょうか? ・III. Concerto pour Trombone et Orchestre (1956) / H.Tomasi ・Michel Becquet (Trombone) ・東京シティ・フィルハーモニック管弦楽団 (Tokyo City Philharmonic Orchestra) ・荒谷 俊治 (Shunji Aratani) (Cond.) ・題名のない音楽会 ~トロンボーンはお好き?~(1997.01.12放送)より ・放送されたベッケのソロはトマジの終楽章のみで、他はパリトロの演奏です。 ・I. Concerto pour Trombone et Orchestre (1956) / H.Tomasi ・Ballade pour Trombone et Orchestre (1940) / F.Martin ・Michel Becquet (Trombone) ・新日本フィルハーモニー交響楽団 (New Japan Philharmonic) ・今村 能 (Chikara Imamura) (Cond.) ・トロンボーン・サミット(1995.12.04 録音)より ・トロンボーン・サミットのテレビ放送はクラシック・アワー版と日曜芸術劇場版があり、放送内容が異なります。 ・ベッケのソロはトマジの1楽章とマルタンの2曲のようです。
https://w.atwiki.jp/youtubeani/pages/247.html
To LOVEる -とらぶる- 7話 動画 【Veoh】 Online Videos by Veoh.com アニメランキング 見たらクリックお願いします。 Online Videos by Veoh.com リンク切れ報告 【動画ランキング】 動画を見たらクリックをお願いします。 このクリックでサイトが成り立っています。 【スポンサードリンク】 ここから下はwikiのレンタル料です。