約 3,519,054 件
https://w.atwiki.jp/oper/pages/2896.html
ACTE SECOND Scène Première (Mercure, Citheron) MERCURE Je viens soulager Junon dans sa colère, Par un aveu qu elle croyait sincère, Athènes deviendra l objet de son courroux Et déjà l espoir la console D y surprendre à la fois la Nymphe et son Epoux. (Un nuage conduit par des Aquilons traverse le théâtre.) Vous voyez qu elle y vole. En toute liberté, Jupiter va paraître. Il vient... CITHERON Retirons-nous dans ce bois écarté. MERCURE. Nous verrons tout sans nous faire connaître. (Ils se retirent tous les deux à l écart.) Scène Seconde (Jupiter, Momus, dans un Char à demi-descendu. Aquilons suspendus en l air) JUPITER (aux Aquilons.) Aquilons trop audacieux, Craignez ma colère; Fuyez de ces lieux. Pour voir de près la beauté qui m est chère, Pour lui rendre un hommage aussi vif que sincère, Je quitte le séjour des Cieux. Aquilons trop audacieux, Craignez ma colère; Fuyez de ces lieux. (Les Aquilons disparaissent, des nuages couvrent le char où sont Jupiter et Momus. Platée s avance du fond du théâtre.) Scène Troisième PLATEE (Elle s approche du nuage qui s est étendu 1jusqu à terre, et le considère) A l aspect de ce nuage; Je ne saurais m abuser! Jupiter sait tout oser Mais aurai-je le courage De recevoir son hommage, Ou de le refuser? (Les nuages font quelques mouvements.) Le nuage s entrouvre Je vois du mouvement Je crois qu il me découvre Mon adorable amant. (La partie d en-bas des nuages se sépare et remonte dans la partie d en-haut. Jupiter paraît sous la forme d un Quadrupède, un petit Amour l enchaîne de guirlandes de fleurs.) Quelle métamorphoses! Dois-je approcher? Je n ose. C est une épreuve assurément Que Jupiter prépare à ma flamme nouvelle. Venez, venez, j y suis fidèle, Quelque soit ce déguisement. (Elle s en approche à une certaine distance, et de temps en temps le regarde tendrement.) Apprenez-moi ce qu Amour vous inspire; Et ce que votre coeur prétend. Vous soupirez, et je soupire; Il suffit d un si doux accent. Vous dites tout sans rien me dire. Ah! Que l amour est éloquent! (Pendant que Platée dit ces paroles, Jupiter lui répond avec des sons naturels à la forme qu il a prise; et après quoi il change de forme et prend celle d un Oiseau battant des ailes à demie hauteur du théâtre.) Quoi! vous disparaissez!... Sous quel nouveau plumage Me représentez-vous Le plus beau des Hiboux? Oiseaux de ce bocage, Venez tous, Chantez* Mais quel ramage! (On entend le charivari des Oiseaux à l aspect du Hibou, qui après s être perché quelque temps, s envole sans que Platée s en aperçoive.) Oiseaux, voue en êtes jaloux, Changez de langage, Rendez hommage Au plus beau des Hiboux. (Elle s aperçoit que l Oiseau s est envolé.) Hélas! Il s envole! Je ne le vois plus. (Elle parcourt le théâtre.) Jupiter... Jupiter... mes cris sont superflus. Il faudra donc que mon coeur s en désole. Hélas! Il s envole! Je ne le vois plus. (Pendant qu elle s occupe à pleurer, on entend subitement un grand coup de tonnerre. Une pluie de feu tombe du ciel elle parcourt le Théâtre toute effrayée.) Ciel! Quelle terrible rosée! (Jupiter arrive sur le Théâtre sous sa véritable forme, suivi de Momus! Il est armé de son foudre est en feu et dont il effraie Platée.) JUPITER (à Platée, lorsque son foudre est éteint) Charmant objet de mes dignes amours; Ne soyez plus longtemps abusée. Comptez sur mon secours. (Il jette son foudre.) J éloigne de mes mains la foudre redoutable; Je ne viens point vous alarmer. Jupiter avec vous devenu plus traitable, Ne s occupera plus que du plaisir d aimer. (Elle reste toujours tremblante.) Seriez-vous infidèle à mes tendres voeux?... PLATEE ...Ouffe. JUPITER. Je vous offre des voeux constants Vous ne répondez rien... PLATEE Pardonnez-moi, j étouffe, Et je soupire en même temps. JUPITER (à Momus.) En attendant qu un doux hymen s apprête, Qu on réjouisse ici ma nouvelle conquête Momus, rassemblez tous vos jeux; Que l allégresse de la fête Egale l excès de mes feux. MOMUS Sujets divers que le délire Enchaîne à jamais dans ma cour, Venez, du Dieu qui vous inspire Soutenez la gloire en ce jour. Scène Quatrième (Jupiter, Momus, Platée, Choeur et troupe des suivants de Momus, Mercure et Citheron, travestis parmi cette troupe) LE CHOEUR (avec étonnement, autour de Platée.) Qu elle est comique! Qu elle est belle! A tant d appas qui ne se prendrait pas? Jupiter soupire pour elle. Le charmant objet que voilà! Ah! Qu elle est belle! Ah! La belle ! Hà! (Platée est tantôt fâchée et tantôt bien aise selon ce que dit ce choeur; après lequel on entend une symphonie extraordinaire.) MOMUS Mais une nouvelle harmonie Annonce apparemment Terpsichore, ou Thalie. Scène Cinquième (La folie, une lyre à la main; et les acteurs de la scène précédente) LA FOLIE Vous vous trompez, Momus, non, non. MOMUS Que vois-je? O ciel! LA FOLIE C est moi, c est La Folie Qui vient de dérober la Lire d Apollon. MOMUS, CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Qui tient la Lyre d Apollon. (Différents quadrilles des Suivantes de Momus et de la folie; les uns d un caractère gai, habillés en Pompons; les autres d un caractère sérieux, vêtus en Philosophes Grecs entrent en dansant, la folie, en touchant de sa Lyre, anime leurs danses qui sont de leurs différents caractères.) LA FOLIE Formons les plus brillants concerts; Quand Jupiter porte les fers De l incomparable Platée, Je veux que les transports de son âme enchantée, S expriment par mes chants divers. (Elle fait des accords sur sa Lyre, pour l effrayer.) Admirez tout mon art célèbre. Faisons d un image funèbre Une allégresse par mes chants. (Elle prélude de nouveau sur sa Lyre; ensuite elle s accompagne.) Aux langueurs d Apollon, Daphné se refusa L Amour sur son tombeau, éteignit son flambeau, La métamorphosa. C est ainsi que l Amour de tout temps s est vengé Que l Amour est cruel, quand il est outragé! Aux langueurs d Apollon, Daphné se refusa; L Amour sur son tombeau, éteignit son flambeau, La métamorphosa. LE CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Elle surpasse Polymnie; Honneur à ses divins accents. LA FOLIE Jugez par du beau simple et des sons plus touchants, Si je connais la mélodie. Ecoutez bien... surtout ma symphonie. (Elle prélude encore sur sa Lyre, et s accompagne.) Que les plaisirs les plus aimables S empressent à l envi de seconder l amour Jeux et ris qui formez sa Cour, En égayant ses feux, vous les rendrez durables. Sans cesse accompagnez nos pas, Plaisirs badins, c est dans vos bras Que notre ardeur se renouvelle. Si Zéphyr ne badinait pas, Flore lui serait moins fidèle. (Elle veut recommencer la reprise, elle s interrompt elle-même par exclamation.) Vous Vous admirez mon art suprême, J attriste l allégresse même, Par mes sons plaintifs et dolents. LE CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Elle surpasse Polymnie; Honneur à ses divins accents. LA FOLIE Je veux finir Par un coup de génie. (A Momus et à ses Suivants.) Secondez-moi, je sens que je puis parvenir Au chef-d oeuvre de l harmonie. (Seule d abord, puis avec Momus, Mercure, Citheron et tous les choeurs.) Hymen, hymen, l Amour t appelle Prépare à Jupiter une chaîne nouvelle, Viens couronner la nouvelle Junon. PLATEE (à ce mot de nouvelle Junon.) Hé, bon, bon, bon. LA FOLIE, MOMUS, MERCURE CITHERON, CHOEURS, PLATEE (à différentes reprises.) Que la flamme qui brûle son âme, Allume ton brandon. Hé, bon, bon, bon, Venez tôt, venez donc. Hé, bon, bon, bon. Venez donc. (On danse à différentes reprises de ce Choeur, et à la fin; tous se retirent en dansant avec Platée qu on fait danser aussi.) ACTE SECOND Scène Première (Mercure, Citheron) MERCURE Je viens soulager Junon dans sa colère, Par un aveu qu elle croyait sincère, Athènes deviendra l objet de son courroux Et déjà l espoir la console D y surprendre à la fois la Nymphe et son Epoux. (Un nuage conduit par des Aquilons traverse le théâtre.) Vous voyez qu elle y vole. En toute liberté, Jupiter va paraître. Il vient... CITHERON Retirons-nous dans ce bois écarté. MERCURE. Nous verrons tout sans nous faire connaître. (Ils se retirent tous les deux à l écart.) Scène Seconde (Jupiter, Momus, dans un Char à demi-descendu. Aquilons suspendus en l air) JUPITER (aux Aquilons.) Aquilons trop audacieux, Craignez ma colère; Fuyez de ces lieux. Pour voir de près la beauté qui m est chère, Pour lui rendre un hommage aussi vif que sincère, Je quitte le séjour des Cieux. Aquilons trop audacieux, Craignez ma colère; Fuyez de ces lieux. (Les Aquilons disparaissent, des nuages couvrent le char où sont Jupiter et Momus. Platée s avance du fond du théâtre.) Scène Troisième PLATEE (Elle s approche du nuage qui s est étendu 1jusqu à terre, et le considère) A l aspect de ce nuage; Je ne saurais m abuser! Jupiter sait tout oser Mais aurai-je le courage De recevoir son hommage, Ou de le refuser? (Les nuages font quelques mouvements.) Le nuage s entrouvre Je vois du mouvement Je crois qu il me découvre Mon adorable amant. (La partie d en-bas des nuages se sépare et remonte dans la partie d en-haut. Jupiter paraît sous la forme d un Quadrupède, un petit Amour l enchaîne de guirlandes de fleurs.) Quelle métamorphoses! Dois-je approcher? Je n ose. C est une épreuve assurément Que Jupiter prépare à ma flamme nouvelle. Venez, venez, j y suis fidèle, Quelque soit ce déguisement. (Elle s en approche à une certaine distance, et de temps en temps le regarde tendrement.) Apprenez-moi ce qu Amour vous inspire; Et ce que votre coeur prétend. Vous soupirez, et je soupire; Il suffit d un si doux accent. Vous dites tout sans rien me dire. Ah! Que l amour est éloquent! (Pendant que Platée dit ces paroles, Jupiter lui répond avec des sons naturels à la forme qu il a prise; et après quoi il change de forme et prend celle d un Oiseau battant des ailes à demie hauteur du théâtre.) Quoi! vous disparaissez!... Sous quel nouveau plumage Me représentez-vous Le plus beau des Hiboux? Oiseaux de ce bocage, Venez tous, Chantez* Mais quel ramage! (On entend le charivari des Oiseaux à l aspect du Hibou, qui après s être perché quelque temps, s envole sans que Platée s en aperçoive.) Oiseaux, voue en êtes jaloux, Changez de langage, Rendez hommage Au plus beau des Hiboux. (Elle s aperçoit que l Oiseau s est envolé.) Hélas! Il s envole! Je ne le vois plus. (Elle parcourt le théâtre.) Jupiter... Jupiter... mes cris sont superflus. Il faudra donc que mon coeur s en désole. Hélas! Il s envole! Je ne le vois plus. (Pendant qu elle s occupe à pleurer, on entend subitement un grand coup de tonnerre. Une pluie de feu tombe du ciel elle parcourt le Théâtre toute effrayée.) Ciel! Quelle terrible rosée! (Jupiter arrive sur le Théâtre sous sa véritable forme, suivi de Momus! Il est armé de son foudre est en feu et dont il effraie Platée.) JUPITER (à Platée, lorsque son foudre est éteint) Charmant objet de mes dignes amours; Ne soyez plus longtemps abusée. Comptez sur mon secours. (Il jette son foudre.) J éloigne de mes mains la foudre redoutable; Je ne viens point vous alarmer. Jupiter avec vous devenu plus traitable, Ne s occupera plus que du plaisir d aimer. (Elle reste toujours tremblante.) Seriez-vous infidèle à mes tendres voeux?... PLATEE ...Ouffe. JUPITER. Je vous offre des voeux constants Vous ne répondez rien... PLATEE Pardonnez-moi, j étouffe, Et je soupire en même temps. JUPITER (à Momus.) En attendant qu un doux hymen s apprête, Qu on réjouisse ici ma nouvelle conquête Momus, rassemblez tous vos jeux; Que l allégresse de la fête Egale l excès de mes feux. MOMUS Sujets divers que le délire Enchaîne à jamais dans ma cour, Venez, du Dieu qui vous inspire Soutenez la gloire en ce jour. Scène Quatrième (Jupiter, Momus, Platée, Choeur et troupe des suivants de Momus, Mercure et Citheron, travestis parmi cette troupe) LE CHOEUR (avec étonnement, autour de Platée.) Qu elle est comique! Qu elle est belle! A tant d appas qui ne se prendrait pas? Jupiter soupire pour elle. Le charmant objet que voilà! Ah! Qu elle est belle! Ah! La belle ! Hà! (Platée est tantôt fâchée et tantôt bien aise selon ce que dit ce choeur; après lequel on entend une symphonie extraordinaire.) MOMUS Mais une nouvelle harmonie Annonce apparemment Terpsichore, ou Thalie. Scène Cinquième (La folie, une lyre à la main; et les acteurs de la scène précédente) LA FOLIE Vous vous trompez, Momus, non, non. MOMUS Que vois-je? O ciel! LA FOLIE C est moi, c est La Folie Qui vient de dérober la Lire d Apollon. MOMUS, CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Qui tient la Lyre d Apollon. (Différents quadrilles des Suivantes de Momus et de la folie; les uns d un caractère gai, habillés en Pompons; les autres d un caractère sérieux, vêtus en Philosophes Grecs entrent en dansant, la folie, en touchant de sa Lyre, anime leurs danses qui sont de leurs différents caractères.) LA FOLIE Formons les plus brillants concerts; Quand Jupiter porte les fers De l incomparable Platée, Je veux que les transports de son âme enchantée, S expriment par mes chants divers. (Elle fait des accords sur sa Lyre, pour l effrayer.) Admirez tout mon art célèbre. Faisons d un image funèbre Une allégresse par mes chants. (Elle prélude de nouveau sur sa Lyre; ensuite elle s accompagne.) Aux langueurs d Apollon, Daphné se refusa L Amour sur son tombeau, éteignit son flambeau, La métamorphosa. C est ainsi que l Amour de tout temps s est vengé Que l Amour est cruel, quand il est outragé! Aux langueurs d Apollon, Daphné se refusa; L Amour sur son tombeau, éteignit son flambeau, La métamorphosa. LE CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Elle surpasse Polymnie; Honneur à ses divins accents. LA FOLIE Jugez par du beau simple et des sons plus touchants, Si je connais la mélodie. Ecoutez bien... surtout ma symphonie. (Elle prélude encore sur sa Lyre, et s accompagne.) Que les plaisirs les plus aimables S empressent à l envi de seconder l amour Jeux et ris qui formez sa Cour, En égayant ses feux, vous les rendrez durables. Sans cesse accompagnez nos pas, Plaisirs badins, c est dans vos bras Que notre ardeur se renouvelle. Si Zéphyr ne badinait pas, Flore lui serait moins fidèle. (Elle veut recommencer la reprise, elle s interrompt elle-même par exclamation.) Vous Vous admirez mon art suprême, J attriste l allégresse même, Par mes sons plaintifs et dolents. LE CHOEUR Honneur, honneur à la Folie, Elle surpasse Polymnie; Honneur à ses divins accents. LA FOLIE Je veux finir Par un coup de génie. (A Momus et à ses Suivants.) Secondez-moi, je sens que je puis parvenir Au chef-d oeuvre de l harmonie. (Seule d abord, puis avec Momus, Mercure, Citheron et tous les choeurs.) Hymen, hymen, l Amour t appelle Prépare à Jupiter une chaîne nouvelle, Viens couronner la nouvelle Junon. PLATEE (à ce mot de nouvelle Junon.) Hé, bon, bon, bon. LA FOLIE, MOMUS, MERCURE CITHERON, CHOEURS, PLATEE (à différentes reprises.) Que la flamme qui brûle son âme, Allume ton brandon. Hé, bon, bon, bon, Venez tôt, venez donc. Hé, bon, bon, bon. Venez donc. (On danse à différentes reprises de ce Choeur, et à la fin; tous se retirent en dansant avec Platée qu on fait danser aussi.) Rameau,Jean-Philippe/Platée/III
https://w.atwiki.jp/nicoratch/pages/951.html
概要 MP3 CD再生可能なオールインワンCDJ。 スペック表 Features All-in-one MP3/CD Player and 2-Channel Pro Mixer Balance XLR Outputs Relay Playback Seamless Loop Large bright LCD display shows track name, elapsed, remaining and total time, Auto BPM, folder number, Pitch, etc. Auxiliary Input on front (Mini input - great for MP3 Players or Satellite Radio) Plays MP3, CD CD-R discs Instant Start +10 track advance button Touch Sensitive Scratching Quick MP3/CD recognition Anti Shock (20 sec. per side) Power Consumption 14W Multi-voltage AC 115-230V, 50/60Hz Dimensions (LxWxH) 450x285x110mm Weight 5 kg. Specifications subject to change without notice. MP3/CD PLAYERS MAIN FEATURES Plays MP3, CD CD-R discs Quick MP3/CD recognition Instant Start Anti Shock (20 sec. per side) +10 track advance button Loop Reloop Q-Start Pitch range +/- 4%, +/- 8%, +/- 16% Selectable elapsed, remain total remaiming time display Single or continuous play MIXER MAIN FEATURES 2 Channel Pro mixer built-in Inputs 2 CD (built-in), 2 Line, 1 Aux, 1 Mic Bass, Mid, Treble Gain adjustment for each channel Master Level, Mic Level, Cue Pan Cue Level adjustment Stream Flow LED indicators for each channel Flip Flop On/Off button - Relay playback between two CD Players Auxilary input on face - Mini Jack great for Portable MP3 players or satellite radio receivers REAR PANEL FEATURES XLR Balanced XLR Outputs 2 additional line inputs Mic input (XLR or 1/4” input) Multi-voltage Switch 115V/60Hz or 230V/50Hz Power On/Off button Encore1000 http //www.americandj.eu/en/encore-1000.html
https://w.atwiki.jp/francoise/pages/5.html
Ⅰ名詞の性 フランス語の名詞はすべて男性名詞と女性名詞に分かれます。 1)次の名詞は意味からして男性名詞、女性名詞の区別ができます。 (男性名詞) (女性名詞) homme オム 男 femme ファム 女 garçon ガ(ル)ソン 少年 fille フィーユ 少女・娘 père ペール 父 mère メール 母 frère フレール 兄または弟 sœur スール 姉または妹 coq コック 雄鶏 poule プール 雌鳥 taurau トロ 雄牛 vache ヴァッシュ 牝牛 2)次の名詞は意味からは判別できませんが、語形から判別できます。 (男性名詞) ment モン で終わる名詞 gouvernement グヴェルヌモン 政府 paiement ペイモン 支払い enseignement オンセーニュモン 教育 renseignement ロンセーニュモン情報 age アージュ で終わる名詞 ouvrage ウヴラージュ 作品 mariage マリアージュ 結婚 paysage ペイザージュ 風景 âge アージュ 年齢 isme ィスム で終わる名詞 réalisme レアリスム 現実主義 tourisme トゥリスム 観光 bouddhisme ブディスム 仏教 marxisme マルクシスム マルクス主義 ice イス で終わる名詞 bénéfice べネフィス 利益 édifice エディフィス 建造物 (女性名詞) tion スィョン で終わる名詞 (-sionも含む) station スタスィョン 地下鉄の駅 natation ナタスィョン 水泳 passion パッション 情熱 nation ナスィョン 国 é エ で終わる名詞 qualité カリテ 質 cité シテ 都市 université ユニヴェ(ル)シテ 大学 liberté リベ(ル)テ 自由 ence アンス で終わる名詞 science シアンス 科学 efficience エフィシャンス 効率性 license リサンス 学士号・免状・許可書 ée エ で終わる名詞 épée エペ 剣 fée フェ 妖精 entrée アントレ 入り口 rentrée ラントレ 学年の始まり(新年度)(フランスは9月) 3)それ以外の名詞は意味や語形だけでは男性か女性か判別できません。覚えるか慣れるかしなければなりません。 辞書での男性名詞・女性名詞の見分け方 仏和辞書には通例、単語の項目の次に(男)あるいは(女)と書いていたり、n.m.(ノム・マスキュラン=男性名詞)またはn.f.(ノム・フェミナン)と書いていたりしてこの名詞が男性か女性かを分けています。 職業名は通常男性のみ掲載し、女性形は男性形から派生します。 pâtissier パティスィエ お菓子職人 →女性はpâtissière パティスィエール sommelier ソムリエ ワイン係 →女性はsommelière ソムリエール (テレビなどで女性のワイン係やお菓子職人を「ソムリエ」や「パティシェ」と紹介している番組がありますが、これはあきらかに間違いです) 問題1 次の単語の意味と性別を調べなさい。 ①maison ②arbre ③livre(この単語は男性、女性それぞれに異なる意味があります) ④montagne ⑤pont ⑥école ⑦herbe ⑧feu ⑨nez ⑩thé 問題2 次の単語を辞書を使用しないで男性・女性に分けなさい。 ①acteur(俳優) ②actrice(女優) ③responsabilité(責任) ④idée (アイディア・発想) ⑤tante(おば) ⑥oncle(おじ) ⑦harcèlement (いやがらせ・ハラスメント)⑧sabotage(怠業・さぼること)⑨socialisme(社会主義) ⑩patience(忍耐) Ⅱ 名詞の数(単数・複数) 英語と同様にフランス語の名詞も複数形があります。 1)基本形 英語と同様に単数形にsをつければ複数形になります。ただし発音は変わりません。 (単数形) (複数形) orange オランジュ(オレンジ) → oranges オランジュ pomme ポム(りんご) → pommes ポム acteur アクトゥール(俳優) → acteurs アクトゥール femme ファム(女性) → femmes ファム 2)単数形にxがつくもの。発音は変わらない。 (単数) (複数) cheveu シュヴー(髪) → cheveux シュヴー genou ジュヌー(ひざ) → genoux ジュヌー château シャトー(城) → châteaux シャトー oiseau ワゾー(鳥) → oiseaux ワゾー 3)単数・複数同形のもの 語尾が-x, -s, -zの単語は複数形になっても変わらない。 (単数) (複数) prix プリ(賞) → prix プリ cas カ(ケース、場合、事件)→ cas カ raz ラ(潮、津波) → raz ラ 4)語尾が特殊変化するもの alで終わる単数形名詞は、複数になると-auxとなり、発音も変わる (単数) (複数) journal ジュルナル(新聞) → journaux ジュルノ cheval シュヴァル(馬)→ chevaux シュヴォ 5)まったく形が変わるもの (単数) (複数) œil オイユ(目) → yeux ユー 6)その他(語尾変化は通例だが、発音が変わるもの) (単数) (複数) œuf ウフ(卵) → œufs ウー os オス(骨) → os オー 問題1 次の単語の意味・性を調べた上で複数形にしなさい。また複数形になると発音が変わるものを指摘しなさい。 ①chou ②gateau ③nez ④bateau ⑤maison ⑥montagne ⑦pas ⑧arbre ⑨fils ⑩bœuf 問題2 次の複数形の単語を単数形に変えなさい。 ①ponts ②portes ③eaux ④coux ⑤cardinaux ⑥yeux ⑦as ⑧bas ⑨œufs ⑩frères フランス語の挨拶 【日常の挨拶】 Bonjour. ボンジュール おはよう、こんにちは (英語とは違ってhello, good morning, good afternoonの区別はない) Bonsoir. ボンソワール こんばんは (大体 日が暮れかけたころから用いる) Bonne nuit. ボンニュィ おやすみ Au revoir. オ(ル)ヴォワー(ル) さようなら (日本人にはほとんど「オヴァー」と聞こえる) Bon appétit ボナペティ さあめしあがれ。たくさん食べてください Merci. メルスィ ありがとう Merci beaucoup メルスィボク とてもありがとう Excusez-moi ごめんなさい Pardon すみません 注 「いただきます」や「ただいま」「おかえり」などの挨拶はフランス語にはない。 人に何かしてもらったとき、日本語では「すみません」と謝罪の言葉になるが、フランス語の場合、決して謝罪の表現を使ってはならない。Merciを使う。 【親しい友人などとの会話】 Salut! サリュ やあ Ça va? サヴァ 元気? Oui, ça va bien. ウイ・サヴァビアン うん、元気 (Ça va)très bien. (サヴァ)トレビアン とても元気 Comme si comme ça コムスィコムサ まあまあだね Ça ne vas pas サヌヴァパ 元気じゃないよ。最近うまくいってないよ。 À bientôt. アビアントー じゃまた。(別れの時の挨拶)Ciao チャオ もある。 【特定の日などの挨拶】 Joyeux Noël! ジョワイユノエル メリークリスマス Bonne année! ボナネ あけましておめでとう Bon anniversaire! ボナニヴェルセル 誕生日おめでとう Félicitation! フェリシタスィヨン (結婚、合格など)おめでとう Bon week-end! ボンウィーケン よい週末をお過ごしください Bon voyage! ボンヴォワイヤージュ よい旅行を Bon retour! ボンルトゥール 気をつけてお帰りください Bonne fête! ボンヌフェット よい祝日を Bonne fin de l’année! ボンヌファンドラネ よい年末を フランス語の数字(2) quatre カトル 4 cinq サンク 5 six シス 6 un œuf アンヌフ 卵一個 deux arbres ドゥーザルブル 木が2本 trois écoles トロワゼコール 3つの学校 quatre hommes カトロム 4人の男 cinq universités サンキュニベルシテ 5つの大学 six oiseaux シゾワゾー 6羽の鳥 数字+名詞は必ずリエゾンもしくはアンシェヌマンを伴うので発音に注意 発音 1)ai、ayとailの発音 aは原則として「ア」と発音しますが、ai, ayならびにailとなった場合は特定の発音になります。 aiとayは「エ」と発音します。 maison メゾン 家 saison セゾン 季節 raisin レザン ぶどう crayon クレヨン 鉛筆 ailは「アイユ」と発音します rail ライユ レール Versailles ヴェルサイユ ail アイユ にんにく 注 aï は「エ」ではなく「アイ」と発音します。 haïku アイク 俳句 bonsaï ボンサイ 盆栽 2)auの発音 au は原則として「オ」と発音します。 café au lait カフェオレ restaurant レストラン aurore オロール オーロラ 3)鼻母音anおよびainの発音 鼻母音とはフランス語やポルトガル語などに顕著に見られる発音です。たとえば、日本語では「パン」は「パ」と「ン」に二つに分けられて発音しますが、フランス語のpainは「パン」という風に分けて発音せず、鼻から一気に息が抜けるように発音します。また日本語の場合は「ン」の発音のときに口を閉じますが、フランス語の場合は口を閉じません。anとainの二つがありますが、前は「アン」よりは「オン」のように聞こえます。 tante タント おばさん chanson シャンソン 小唄 étudiant エテュディアン 学生(男子学生) pain パン パン certain セルタン ある幾つかの saint サン 聖人
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3119.html
ACTE III Premier Tableau (Le camp des anabaptistes dans une forêt de Westphalie. En face du spectateur un étang glacé qui s'étend à l'horizon et qui se perd dans les brouillards et dans les nuages. A droite et à gauche une antique forêt dont les arbres bordent un côté d'étang. De l'autre côté de cet étang, les tendes des anabaptistes. Le jour et sur le déclin, on entend dans le lointain un bruit de combat qui augmente et rapproche. Des soldats anabaptistes se précipite au théâtre par la droite. Des femmes et des enfants, sortant du camp, accourent à leur rencontre au moment où un autre groupe de soldats entre par la gauche, traînant enchaînes plusieurs prisonniers, hommes et femmes richement vêtus, hauts barons et dames châtelaines, un moine, des enfants, etc.) ▼CHOEUR▲ Du sang! Du sang! Du sang que Judas succombe! Dansons, dansons sur leur tombe! Dansons, etc., Voilà l'hécatombe que Dieu, Dieu vous demande encore! Frappez l'épi quand il se lève, et frappez l'arbre dans sa sève! Tous tomberont sous notre glaive, car Dieu l'a dit; il veut leur mort, frappez, etc. Gloire, gloire au Dieu des fidèles! (Ils tombent à genoux acte de prière) Te Deum laudamus! (Ils se relèvent et menacent les prisonniers) Dansons, dansons sur leur tombe! etc. ▼MATHISEN▲ (se plaçant devant les prisonniers et s'adressant aux soldats) Arrêtez! ▼PREMIER ANABAPTISTE▲ Quoi, ton coeur connaîtrait la pitié? ▼MATHISEN▲ Non, non, mais ces nobles Seigneurs peuvent payer rançon. (On emmène les prisonniers vers le camp qui est à gauche. En ce moment Zacharie revient du combat à la tête de un groupe d'anabaptistes. Il brandit sa hache joyeusement en signe de victoire.) ▼ZACHARIE▲ Aussi nombreux que les étoiles, ou bien que les flots, que les flots, furieux de la mer, comme un chasseur que tend ses toiles contre les aigles du désert, contre les aigles du désert, vers nos phalanges immortelles les mécréants furent poussés. Où donc sont-ils ces guerriers si braves? Où donc? Où donc? Comme le sable du désert tous dispersés dispersés, dispersés, etc. ▼CHOEUR▲ Comme le sable du désert tous dispersés dispersés, etc. ▼ZACHARIE▲ Les mécréants aussi nombreux que les étoiles, qui vers nous comme les flots furent poussés où donc sont-ils? Eux qui venaient comme un chasseur qui tend ses toiles contre l'aigle du désert, ces mécréants, où donc sont-ils? Dispersés, dispersés ah! tous, dispersés. ▼CHOEUR▲ Où donc sont-ils? où donc sont-ils, etc. Dispersés, etc… Tous, oui, tous, etc. ▼ZACHARIE▲ Couvrant les monts, couvrant les plaines, leurs chars qu'on voyait, qu'on voyait défiler, défiler, pour nous lier traînait des chaînes, des roseaux pour flageller, des roseaux pour flageller! Pour nous punir, pauvres esclaves, venaient ces maîtres courroucés; où donc sont-ils? Ces vainqueurs si braves? Où donc? Où donc? Comme le sable du désert tous dispersés tout dispersés, etc. ▼CHOEUR▲ Comme le sable dispersés, etc. ▼ZACHARIE▲ Les mécréants aussi nombreux, etc. ▼CHOEUR▲ Où donc sont-ils? Etc… (a la fin ce couplet les soldats anabaptistes, accablés de fatigue, se sont assis ou étendus sur la neige pour reposer) ▼MATHISEN▲ (prenant Zacharie à part) Voici la fin du jour, nos fidèles soldats depuis l'aurore on tous combattu! ▼ZACHARIE▲ Pour la gloire! ▼MATHISEN▲ Aux estomacs du jeun elle ne suffit pas! ▼ZACHARIE▲ Voici venir pour eux les fruits de la victoire; sur cet étang glacé de tous les environs de nombreux pourvoyeurs, le front haut, le pied leste, accourt vers le camp! ▼MATHISEN▲ (se frappant joyeusement les mains) C'est la manne céleste! ▼ZACHARIE▲ (en rient) C'est la manne céleste! Qui viens conforter nos pieux bataillons, qui viens, etc. ▼MATHISEN▲ Qui viens conforter, etc. (Pendant se choeur on voit dans le fond du théâtre, défiler sur l'étang glacé, des traîneaux attelés de chevaux, des petites voitures a quatre roues, chargées de provisions. La fermière est assise sur la banquette de devant, et un homme, debout derrière elle, pousse le traîneau en patinant. Des hommes, des femmes et des enfants, portant sur leurs têtes des paniers ou de pots de lait, sillonnent l'étang glacé dans les sens en patinant et abordent auprès du camp.) ▼CHOEUR▲ Voici les fermières, lestes et légères, sur leurs têtes fières portant les fardeaux; leurs pieds sur la glace, courant avec grâce, sans laisser de trace, glissent sur les flots, sans laisser de trace, etc. ▼DEUX PAYSANS▲ Achetez, achetez, achetez, achetez, pour vous servir nous quittons las cabanes! Achetez, tous! Loin de nous les profanes; nous ne vendons qu'aux soldats de vrai Dieu, nous ne vendons, etc. Achetez, etc. ▼CHOEUR▲ Voici les fermières, etc. (Les anabaptistes courent recevoir les provisions qu'on leur apporte et offrent en échange aux pourvoyeurs et jeunes filles des étoffes précieuses, des vases, etc., entassés dans le camp. Les jeunes filles, qui ont défait les patins se mettent a danser pendant que les soldats anabaptistes, qui se sont assis, boivent et mangent, servis par leurs femmes et leurs enfants.) ▼ZACHARIE▲ (après la danse, aux anabaptistes) Livres-vous au repos, frères, voici, la nuit! (Les anabaptistes s'éloignent, on place des sentinelles; des patrouilles partent voler autour du champ.) Deuxième Tableau (Le théâtre change et représente le tente de Zacharie une table, des sièges, etc. Zacharie et Mathisen entrent ensemble par l'ouverture que les rideaux relevés formant au fond de la tente.) ▼ZACHARIE▲ Tu reviens de Munster? ▼MATHISEN▲ J'ai sommé de se rendre son gouverneur le vieil Oberthal! ▼ZACHARIE▲ Qu'a-t-il dit? ▼MATHISEN▲ Le château de son fils par nous réduit en cendres là rendu furieux; il ne veut rien entendre, l'impie! ▼ZACHARIE▲ Il a beau faire il cèdera bientôt! ▼MATHISEN▲ Oui, mais attendant, si Münster nous résiste, c'en fait dès demain du dogme anabaptistes, car l'empereur accourt! ▼ZACHARIE▲ Il faut donner l'assaut! Prend trois cent de nos gens! Saisissons L'avantage de la nuit… ▼MATHISEN▲ Mais pourtant… ▼ZACHARIE▲ Hâtons nous! Il le faut! C'est l'ordre du Prophète! Enflamme leur courage, promets leur en son nom la gloire et le pillage! J'ignore quel projet, quel remords, le tourmente, mais, Jean depuis hier retiré sous sa tente refuse de paraître! (Mathisen sort) ▼ZACHARIE▲ Qui marche là? Qui vive? (Jonas arrive, suive de quelques soldats qui entourent Oberthal) ▼JONAS▲ Un voyageur errant, que je viens de surprendre aux environs de camp! ▼OBERTHAL▲ (avec embarras) Egaré dans la nuit et dans ce bois immense… ▼JONAS▲ Il venait, m'a-t-il dit se joindre à nous. ▼ZACHARIE▲ (à Oberthal) Avance! (à Jonas) Tu dis qu'en nos rangs il venait à s'engager? ▼OBERTHAL▲ (à part) Laissons-lui son erreur, seul moyen, je pense, de pénétrer plus tard a Munster sans danger! (à Jonas et Zacharie) Sous votre bannière que faudra-t-il faire? Je veux le savoir, ▼JONAS▲ Tu veux le savoir? ▼ZACHARIE▲ Puis que tu persistes, des anabaptistes voici le devoir! ▼JONAS▲ Voici le devoir! (Jonas va à chercher au fond de la tente un broc et des verres, qu'il place sur la table.) ▼ZACHARIE▲ (Comme s'il récitait une prière) Le paysan et sa cabane en tout le temps tu respecteras! ▼OBERTHAL▲ Je le jure! Je le jure! ▼ZACHARIE▲ Abbaye où couvent profane par le feu tu purifieras! ▼OBERTHAL▲ Je le jure! Je le jure! ▼JONAS▲ Les barons, les marquis, les comtes au premier chêne tu pendras! ▼OBERTHAL▲ Je le jure! Je le jure! ▼ZACHARIE▲ Toujours et quel que soit leur comte, leurs beaux écus d'or tu prendras! ▼OBERTHAL▲ Je le jure! Je le jure! ▼JONAS▲ (d'un ton hypocrite) Du reste, en bon chrétien, mon frère, toujours saintement tu vivras, saintement, saintement, saintement! ▼LES TROIS▲ Verse, verse, frère, le doux choc, le doux choc de verres fait les coeurs, les coeurs sincères, et les vrais amis, les vrais, les vrais amis! Verse, verse, frère, le doux choc, etc. ▼ZACHARIE, JONAS▲ (à part) Ah! Prenons garde frère, vois, s'il est sincère! Si par un faux frère nous étions trahis, tous! ▼OBERTHAL▲ (à part) Infâme repaire! Race sanguinaire! Au ciel et sur la terre soyez tous maudits! Au ciel, etc. Tous! ▼LES TROIS▲ Verse, verse, etc. Le doux choc de verres fait les coeurs sincères et les vrais, les vrais amis! ▼OBERTHAL▲ (à part) Infâme repaire, etc. ▼ZACHARIE, JONAS▲ (à part) Prudence, mystère, prend garde, mon frère, etc. Si étions trahis, etc. ▼JONAS▲ (s'adressant à Oberthal) Pour pendre Munster l'invincible dès demain tu viendras! ▼OBERTHAL▲ Oui, j'irai! ▼JONAS▲ Son gouverneur si fier, ce traître d'Oberthal… ▼OBERTHAL▲ (à part) Quoi, mon père! ▼JONAS▲ …massacré! ▼OBERTHAL▲ (à part) Juste ciel! (à Jonas) Massacré? ▼ZACHARIE, JONAS▲ Massacré! ▼OBERTHAL▲ Massacré? ▼ZACHARIE, JONAS▲ Massacré! Quel plaisir! Tra, la, la… Quel plaisir! etc. Massacré! ▼OBERTHAL▲ (à part) O ciel! O ciel ¡Que faire? O ciel! ▼JONAS▲ Et son fils, si je prendre, aux créneaux des remparts sera pendu! ▼OBERTHAL▲ Vous croyez? ▼JONAS▲ Oui, pendu! ▼ZACHARIE▲ Aux créneaux. ▼OBERTHAL▲ Quoi! Pendu? ▼ZACHARIE, JONAS▲ Aux créneaux. ▼OBERTHAL▲ Quoi! Pendu? ▼ZACHARIE, JONAS▲ Des remparts! Quel plaisir! Tra, la, la… Quel plaisir quand il sera pendu! ▼OBERTHAL▲ (à part) O ciel, etc. ▼ZACHARIE▲ (à Oberthal) Tu le jures! ▼OBERTHAL▲ (hésitant) Quoi? Moi? ▼ZACHARIE▲ Par la Bible! Veux-tu jurer avec nous de le prendre? ▼OBERTHAL▲ Quoi? Moi? ▼ZACHARIE▲ (avec colère) Eh bien! ▼OBERTHAL▲ (avec résolution) Je le jure! ▼JONAS▲ (d'un ton hypocrite) Du reste, en bon chrétien, etc. ▼LES TROIS▲ Verse, verse, etc. ▼JONAS▲ Mais pourquoi dans l'ombre demeurer ainsi? Chassons la nuit sombre qui nous couvre ici! (Battant le briquet) La flamme scintille, scintille et grâce a se fer, de caillou pétille, pétille, pétille et jaillit l'éclair! O douce rencontre qui sans doute ici l'un à l'autre nous montre les traits d'un ami, d'un ami, etc. Ah! ▼OBERTHAL, ZACHARIE▲ O douce rencontre qui sans doute ici va montrer l'un à l'autre les traits d'un ami, d'un ami, etc. Ah! ▼ZACHARIE▲ (reconnaissant Oberthal) Ah! ▼JONAS▲ (reconnaissant Oberthal) O ciel! ▼ZACHARIE▲ C'est lui! ▼OBERTHAL▲ (reconnaissant Jonas) Brigand! ▼ZACHARIE▲ Oberthal! ▼JONAS▲ Cet infâme! ▼OBERTHAL▲ Mon sommelier! Fils du Satan! ▼JONAS▲ Mon ancien maître! Ah! Mon tyran! ▼OBERTHAL▲ Vous que tous les deux l'enfer réclame, l'enfer réclame tous deux! ▼ZACHARIE, JONAS▲ Toi, toi qui fis couler notre sang! ▼OBERTHAL▲ Grand Dieu, ta juste colère anéantira, j'espère, cette race sanguinaire, soyez tous maudit! Infâme repaire! O race perverse! Au ciel et sur la terre soyez tous, tous, tous, soyez tous maudit! O Dieu tutélaire, ta juste colère châtiera, j'espère, ces bandits maudits! ▼ZACHARIE, JONAS▲ Le ciel nous éclaire, frère a notre bannière sainte, tu seras pendu, j'espère, tu seras pendu! O destin prospère! A notre bannière tu seras pendu, j'espère, pendu par un frère, pendu par un ami! O destin prospère, etc. (les soldats qui étaient en sentinelles à la porte de la tente son accourus au bruit et entourent Oberthal) ▼ZACHARIE▲ (à Jonas lui montrant Oberthal) Qu'on le mène au supplice! (s'arrêtant et réfléchissant) Ah! Qu'un moine l'escorte! ▼JONAS▲ Sans consulter le Prophète? ▼ZACHARIE▲ Il n'importe…C'est lui…va-t'en! (Jonas sort par la gauche avec Oberthal et les soldats. Jean entre par la droite, l'air pensif et la tête baisse.) ▼ZACHARIE▲ (s'approchant de Jean) Quel air pensif et soucieux? Quand le guerrier prophète, inspiré par les cieux, apparaît dans sa gloire a l'Allemagne entière comme la France révère! ▼JEAN▲ Jeanne d'Arc, sur ses pas fit naître des héros, et je n'ai sur miens traînés que de bourreaux; je n'en irai pas plus loin! ▼ZACHARIE▲ Qu'oses tu dire? ▼JEAN▲ Que je veux voir ma mère ma mère chérie! ▼ZACHARIE▲ Ou plutôt son trépas! Car si tu la revis, Ne t'en souvient-il pas?- Dans l'intérêt du ciel, elle expire! ▼JEAN▲ (se levant et jetant son épée) Pour m'immoler d'abord reprenez donc ce fer, je vous le rends, adieu! L'Allemagne enchaînée Est libre par mon bras! Ma tâche est terminée, je n'irai pas plus loin. Non, non! ▼ZACHARIE▲ Par l'enfer! Par la mort! (Des soldats, un tambour à la tête, conduisent à Oberthal à la mort. Un moine est à ses côtés et l'exhorta) ▼JEAN▲ Où va se prisonnier? ▼ZACHARIE▲ Qu'à la mort il vous suive! ▼JEAN▲ Qui peut dire il mourra, quand je dis qu'il vive? Je lui fais grâce (Il reconnaît Oberthal) Que vois-je? Oberthal! ▼ZACHARIE▲ Ton courroux lui fait-il grâce encore? ▼JEAN▲ (à Zacharie) Laissez -nous, Laissez -nous, (avec émotion, à Oberthal) Le voilà, le voilà celui par qui mes jours son flétris pour toujours! Le ciel à moi te livre! ▼OBERTHAL▲ Il est juste, mon crime a mérité la mort! De haut de mes créneaux, Berthe, pure et chaste victime pour sauver son honneur s'élança dans les flots! ▼JEAN▲ Morte! Morte! ▼OBERTHAL▲ Non! Non! Et touché de remords qui me accable Dieu voulut épargnez ce forfait au coupable; des flots il l'a sauvée! ▼JEAN▲ Et comment? Parle! ▼OBERTHAL▲ Hier un avis sûr m'apprend qu'on l'a vu à Munster! ▼JEAN▲ A Munster! ▼OBERTHAL▲ J'allais implorer d'elle et du ciel mon pardon; en tes mains me voilà; j'ai tout dit! Frappe! ▼JEAN▲ (aux soldats qui avaient la hache levée) Epargnez le infidèle. Berthe sur lui prononcera! Remparts que ma pitié n'osait en réduire en cendres, Vous qui me cachez Berthe, il faudra me la rendre! Fidèles compagnons, vous me suivrez! ▼MATHISEN▲ (accourant effrayé) O terreur! Toi seul peux désarmer ces cohortes rebelles; des portes de Munster des guerriers sont sortis et le nôtres… Par eux mis en fuite!… ▼JEAN▲ (suivi de Mathisen) Courons! Courons! Troisième Tableau (Le théâtre change a vue et représente le camp des anabaptistes. Les soldats révoltés accourent de toutes les côtes en désordre.) ▼SOLDATS▲ (avec fureur) Par toi Munster nous fut promis, il dut par nous être conquis, par toi, etc. Tu le disais la palme est prête, tu nos promis cette conquête, tu le disais, etc. Nos soldats lâchement surpris, sont livrés à nos ennemis, nos soldats, etc. Mort à l'imposteur, à l'imposteur, au faux prophète! Mort, etc. Prophète imposteur! Oui, la mort au faux prophète, etc. ▼JEAN▲ (aux soldats d'un ton sévère) Qui vous a sans mon ordre entraînes aux combats? ▼PREMIER, DEUXIEME ANABAPTISTES▲ (montrant Mathisen) C'est lui! ▼MATHISEN▲ (effrayé montrant Zacharie) C'est lui! C'est lui! ▼JEAN▲ Perfides, que mon bras devrait punir! Et vous, insensés que vous êtes, depuis quand au trépas ai-je voué vos têtes sans y marcher devant vous? Du Dieu qui dans ses mains tenait la palme prête, votre rébellion, votre rébellion excita le courroux! ▼SOLDATS▲ A ses accents d'un saint effroi j'ai tressailli, car l'Eternel, car Dieu est encore avec lui! Encore avec lui! Ah! Quels accents! ▼JEAN▲ L'Eternel, dites vous, a l'ennemi vous livrez c'est que l'impiété règne encore dans vos coeurs! Ils n'avaient pas la foi, ces tièdes serviteurs que Dieu dans ses décrets juge indignes de vivre; craignez plutôt comme eux le céleste courroux et pour le calmer, et pour le calmer, peuple impie, peuple, à genoux! A genoux! À genoux! Et sous bras vengeur, coupables, courbez vous! Eternel, Dieu sauver qui voit notre faiblesse, Dieu ne te détourne pas de nous. ▼SOLDATS▲ Miserere, miserere nobis! ▼JEAN▲ Eternel, Dieu sauver, dans la cendre mon front s'abaisse, Dieu tu nous vois tous à genoux! ▼SOLDATS▲ Miserere, miserere nobis! ▼JEAN▲ Car ton appui… ▼SOLDATS▲ …m'est retiré! ▼JEAN▲ Pitié! Pitié! Seigneur, exauce ma prière! Seigneur apaise ta colère! Pardonne à ton peuple égaré, a ton peuple, etc. Dieu clément! Ah! Seigneur! Pitié! ▼SOLDATS▲ Dieu puissant, pitié! Dieu puissant, nous t'implorons! Pardonnez, Seigneur! Pardonne-nous, Seigneur! Pardonne à ton peuple égaré, Dieu puissant! (on entend du loin un bruit de clairons et des trompettes.) ▼JEAN▲ Ecoutez! Ecoutez! Les clairons de Munster réveillent nos clairons! Dieu m'inspire, ah venez! Et demain sur vos fronts la victoire sainte va descendre, et la grâce de Seigneur va s'étendre, la grâce va s'étendre sur vous! ▼SOLDATS▲ Seigneur! (Mathisen accourt suivi d'une foule de paysans armée.) ▼MATHISEN▲ Grand prophète, ton peuple se relève, et tu règnes, oui, tous les paysans, en agitant leurs fers, courent se ranger sous tes saintes enseignes! ▼DEUXIEME ANABAPTISTE▲ (accourant) Maître, un seul cri s'élève l'assaut à Munster! L'assaut à Munster! ▼PREMIER ANABAPTISTE▲ L'assaut à Munster! ▼JEAN▲ (sans écouter Mathisen et comme frappe d'une vision) Que vois-je? Le ciel est ouvert! (d'une voix mystérieuse) Chantent en choeur à Munster! A Munster! ▼TOUS▲ A Munster! (tout le peuple accourt armé) ▼JEAN▲ Roi du ciel et des anges. Je dirai tes louanges comme ton serviteur! ▼TOUS▲ Roi du ciel, etc. Comme ton serviteur! ▼JEAN▲ Comme David ton serviteur! Car Dieu m'a dit ceins ton écharpe et conduits les dans la salut! Réveille-toi, ma harpe, réveille-toi, mon luth, veille, éveille-toi, ma harpe! Roi du ciel, etc. ▼CHOEUR▲ Gloire a Dieu! Gloire! Gloire! ▼JEAN▲ Victoire, c'est Dieu qui l'envoie, que sa bannière se déploie! ▼CHOEUR▲ Victoire, etc. ▼JEAN▲ Que les monts tressaillent de joie, tressaillent de joie. ▼CHOEUR▲ Que les monts, etc. ▼JEAN▲ Et qu'ils disent la gloire de cieux! ▼CHOEUR▲ Et qu'ils disent, etc. ▼JEAN▲ L'Eternel est Roi sur terre, roi des cieux! Roi! Roi! Ah! Roi du ciel et des anges, etc. ▼CHOEUR▲ Roi des anges! Roi des anges! Chantons le Seigneur! (L'armée anabaptiste se range en bataille et commence à défiler.) En marche, En marche, En marche, En marche! ▼JEAN▲ En marche, etc. ▼CHOEUR▲ En marche, etc. ▼JEAN▲ En marche, etc. Car Dieu nous suis de ses regards, Car Dieu, car Dieu nous suis des ses regards! ▼CHOEUR▲ Car Dieu nous suis, etc. Vous, clairons répétez Notre chant triomphant; Vous, clairons, etc. A Munster, à Munster, à Munster! Dieu nous suit! ▼JEAN▲ Vous clairons, etc. Marchons! À Munster! Oui! Oui! En marche! Dieu nous suit! (Dans ce moment le brouillard qui couvrait l'étang et la forêt se dissipe. Le soleil brille et laisse apercevoir dans le lointain, au-delà de l'étang glacé, la ville et les remparts de Munster, que Jean montre de la main. L'armée pousse des cris de joie, et incline devant lui les bannières) ACTE III Premier Tableau Le camp des anabaptistes dans une forêt de Westphalie. En face du spectateur un étang glacé qui s'étend à l'horizon et qui se perd dans les brouillards et dans les nuages. A droite et à gauche une antique forêt dont les arbres bordent un côté d'étang. De l'autre côté de cet étang, les tendes des anabaptistes. Le jour et sur le déclin, on entend dans le lointain un bruit de combat qui augmente et rapproche. Des soldats anabaptistes se précipite au théâtre par la droite. Des femmes et des enfants, sortant du camp, accourent à leur rencontre au moment où un autre groupe de soldats entre par la gauche, traînant enchaînes plusieurs prisonniers, hommes et femmes richement vêtus, hauts barons et dames châtelaines, un moine, des enfants, etc. CHOEUR Du sang! Du sang! Du sang que Judas succombe! Dansons, dansons sur leur tombe! Dansons, etc., Voilà l'hécatombe que Dieu, Dieu vous demande encore! Frappez l'épi quand il se lève, et frappez l'arbre dans sa sève! Tous tomberont sous notre glaive, car Dieu l'a dit; il veut leur mort, frappez, etc. Gloire, gloire au Dieu des fidèles! Ils tombent à genoux acte de prière Te Deum laudamus! Ils se relèvent et menacent les prisonniers Dansons, dansons sur leur tombe! etc. MATHISEN se plaçant devant les prisonniers et s'adressant aux soldats Arrêtez! PREMIER ANABAPTISTE Quoi, ton coeur connaîtrait la pitié? MATHISEN Non, non, mais ces nobles Seigneurs peuvent payer rançon. On emmène les prisonniers vers le camp qui est à gauche. En ce moment Zacharie revient du combat à la tête de un groupe d'anabaptistes. Il brandit sa hache joyeusement en signe de victoire. ZACHARIE Aussi nombreux que les étoiles, ou bien que les flots, que les flots, furieux de la mer, comme un chasseur que tend ses toiles contre les aigles du désert, contre les aigles du désert, vers nos phalanges immortelles les mécréants furent poussés. Où donc sont-ils ces guerriers si braves? Où donc? Où donc? Comme le sable du désert tous dispersés dispersés, dispersés, etc. CHOEUR Comme le sable du désert tous dispersés dispersés, etc. ZACHARIE Les mécréants aussi nombreux que les étoiles, qui vers nous comme les flots furent poussés où donc sont-ils? Eux qui venaient comme un chasseur qui tend ses toiles contre l'aigle du désert, ces mécréants, où donc sont-ils? Dispersés, dispersés ah! tous, dispersés. CHOEUR Où donc sont-ils? où donc sont-ils, etc. Dispersés, etc… Tous, oui, tous, etc. ZACHARIE Couvrant les monts, couvrant les plaines, leurs chars qu'on voyait, qu'on voyait défiler, défiler, pour nous lier traînait des chaînes, des roseaux pour flageller, des roseaux pour flageller! Pour nous punir, pauvres esclaves, venaient ces maîtres courroucés; où donc sont-ils? Ces vainqueurs si braves? Où donc? Où donc? Comme le sable du désert tous dispersés tout dispersés, etc. CHOEUR Comme le sable dispersés, etc. ZACHARIE Les mécréants aussi nombreux, etc. CHOEUR Où donc sont-ils? Etc… a la fin ce couplet les soldats anabaptistes, accablés de fatigue, se sont assis ou étendus sur la neige pour reposer MATHISEN prenant Zacharie à part Voici la fin du jour, nos fidèles soldats depuis l'aurore on tous combattu! ZACHARIE Pour la gloire! MATHISEN Aux estomacs du jeun elle ne suffit pas! ZACHARIE Voici venir pour eux les fruits de la victoire; sur cet étang glacé de tous les environs de nombreux pourvoyeurs, le front haut, le pied leste, accourt vers le camp! MATHISEN se frappant joyeusement les mains C'est la manne céleste! ZACHARIE en rient C'est la manne céleste! Qui viens conforter nos pieux bataillons, qui viens, etc. MATHISEN Qui viens conforter, etc. Pendant se choeur on voit dans le fond du théâtre, défiler sur l'étang glacé, des traîneaux attelés de chevaux, des petites voitures a quatre roues, chargées de provisions. La fermière est assise sur la banquette de devant, et un homme, debout derrière elle, pousse le traîneau en patinant. Des hommes, des femmes et des enfants, portant sur leurs têtes des paniers ou de pots de lait, sillonnent l'étang glacé dans les sens en patinant et abordent auprès du camp. CHOEUR Voici les fermières, lestes et légères, sur leurs têtes fières portant les fardeaux; leurs pieds sur la glace, courant avec grâce, sans laisser de trace, glissent sur les flots, sans laisser de trace, etc. DEUX PAYSANS Achetez, achetez, achetez, achetez, pour vous servir nous quittons las cabanes! Achetez, tous! Loin de nous les profanes; nous ne vendons qu'aux soldats de vrai Dieu, nous ne vendons, etc. Achetez, etc. CHOEUR Voici les fermières, etc. Les anabaptistes courent recevoir les provisions qu'on leur apporte et offrent en échange aux pourvoyeurs et jeunes filles des étoffes précieuses, des vases, etc., entassés dans le camp. Les jeunes filles, qui ont défait les patins se mettent a danser pendant que les soldats anabaptistes, qui se sont assis, boivent et mangent, servis par leurs femmes et leurs enfants. ZACHARIE après la danse, aux anabaptistes Livres-vous au repos, frères, voici, la nuit! Les anabaptistes s'éloignent, on place des sentinelles; des patrouilles partent voler autour du champ. Deuxième Tableau Le théâtre change et représente le tente de Zacharie une table, des sièges, etc. Zacharie et Mathisen entrent ensemble par l'ouverture que les rideaux relevés formant au fond de la tente. ZACHARIE Tu reviens de Munster? MATHISEN J'ai sommé de se rendre son gouverneur le vieil Oberthal! ZACHARIE Qu'a-t-il dit? MATHISEN Le château de son fils par nous réduit en cendres là rendu furieux; il ne veut rien entendre, l'impie! ZACHARIE Il a beau faire il cèdera bientôt! MATHISEN Oui, mais attendant, si Münster nous résiste, c'en fait dès demain du dogme anabaptistes, car l'empereur accourt! ZACHARIE Il faut donner l'assaut! Prend trois cent de nos gens! Saisissons L'avantage de la nuit… MATHISEN Mais pourtant… ZACHARIE Hâtons nous! Il le faut! C'est l'ordre du Prophète! Enflamme leur courage, promets leur en son nom la gloire et le pillage! J'ignore quel projet, quel remords, le tourmente, mais, Jean depuis hier retiré sous sa tente refuse de paraître! Mathisen sort ZACHARIE Qui marche là? Qui vive? Jonas arrive, suive de quelques soldats qui entourent Oberthal JONAS Un voyageur errant, que je viens de surprendre aux environs de camp! OBERTHAL avec embarras Egaré dans la nuit et dans ce bois immense… JONAS Il venait, m'a-t-il dit se joindre à nous. ZACHARIE à Oberthal Avance! à Jonas Tu dis qu'en nos rangs il venait à s'engager? OBERTHAL à part Laissons-lui son erreur, seul moyen, je pense, de pénétrer plus tard a Munster sans danger! à Jonas et Zacharie Sous votre bannière que faudra-t-il faire? Je veux le savoir, JONAS Tu veux le savoir? ZACHARIE Puis que tu persistes, des anabaptistes voici le devoir! JONAS Voici le devoir! Jonas va à chercher au fond de la tente un broc et des verres, qu'il place sur la table. ZACHARIE Comme s'il récitait une prière Le paysan et sa cabane en tout le temps tu respecteras! OBERTHAL Je le jure! Je le jure! ZACHARIE Abbaye où couvent profane par le feu tu purifieras! OBERTHAL Je le jure! Je le jure! JONAS Les barons, les marquis, les comtes au premier chêne tu pendras! OBERTHAL Je le jure! Je le jure! ZACHARIE Toujours et quel que soit leur comte, leurs beaux écus d'or tu prendras! OBERTHAL Je le jure! Je le jure! JONAS d'un ton hypocrite Du reste, en bon chrétien, mon frère, toujours saintement tu vivras, saintement, saintement, saintement! LES TROIS Verse, verse, frère, le doux choc, le doux choc de verres fait les coeurs, les coeurs sincères, et les vrais amis, les vrais, les vrais amis! Verse, verse, frère, le doux choc, etc. ZACHARIE, JONAS à part Ah! Prenons garde frère, vois, s'il est sincère! Si par un faux frère nous étions trahis, tous! OBERTHAL à part Infâme repaire! Race sanguinaire! Au ciel et sur la terre soyez tous maudits! Au ciel, etc. Tous! LES TROIS Verse, verse, etc. Le doux choc de verres fait les coeurs sincères et les vrais, les vrais amis! OBERTHAL à part Infâme repaire, etc. ZACHARIE, JONAS à part Prudence, mystère, prend garde, mon frère, etc. Si étions trahis, etc. JONAS s'adressant à Oberthal Pour pendre Munster l'invincible dès demain tu viendras! OBERTHAL Oui, j'irai! JONAS Son gouverneur si fier, ce traître d'Oberthal… OBERTHAL à part Quoi, mon père! JONAS …massacré! OBERTHAL à part Juste ciel! à Jonas Massacré? ZACHARIE, JONAS Massacré! OBERTHAL Massacré? ZACHARIE, JONAS Massacré! Quel plaisir! Tra, la, la… Quel plaisir! etc. Massacré! OBERTHAL à part O ciel! O ciel ¡Que faire? O ciel! JONAS Et son fils, si je prendre, aux créneaux des remparts sera pendu! OBERTHAL Vous croyez? JONAS Oui, pendu! ZACHARIE Aux créneaux. OBERTHAL Quoi! Pendu? ZACHARIE, JONAS Aux créneaux. OBERTHAL Quoi! Pendu? ZACHARIE, JONAS Des remparts! Quel plaisir! Tra, la, la… Quel plaisir quand il sera pendu! OBERTHAL à part O ciel, etc. ZACHARIE à Oberthal Tu le jures! OBERTHAL hésitant Quoi? Moi? ZACHARIE Par la Bible! Veux-tu jurer avec nous de le prendre? OBERTHAL Quoi? Moi? ZACHARIE avec colère Eh bien! OBERTHAL avec résolution Je le jure! JONAS d'un ton hypocrite Du reste, en bon chrétien, etc. LES TROIS Verse, verse, etc. JONAS Mais pourquoi dans l'ombre demeurer ainsi? Chassons la nuit sombre qui nous couvre ici! Battant le briquet La flamme scintille, scintille et grâce a se fer, de caillou pétille, pétille, pétille et jaillit l'éclair! O douce rencontre qui sans doute ici l'un à l'autre nous montre les traits d'un ami, d'un ami, etc. Ah! OBERTHAL, ZACHARIE O douce rencontre qui sans doute ici va montrer l'un à l'autre les traits d'un ami, d'un ami, etc. Ah! ZACHARIE reconnaissant Oberthal Ah! JONAS reconnaissant Oberthal O ciel! ZACHARIE C'est lui! OBERTHAL reconnaissant Jonas Brigand! ZACHARIE Oberthal! JONAS Cet infâme! OBERTHAL Mon sommelier! Fils du Satan! JONAS Mon ancien maître! Ah! Mon tyran! OBERTHAL Vous que tous les deux l'enfer réclame, l'enfer réclame tous deux! ZACHARIE, JONAS Toi, toi qui fis couler notre sang! OBERTHAL Grand Dieu, ta juste colère anéantira, j'espère, cette race sanguinaire, soyez tous maudit! Infâme repaire! O race perverse! Au ciel et sur la terre soyez tous, tous, tous, soyez tous maudit! O Dieu tutélaire, ta juste colère châtiera, j'espère, ces bandits maudits! ZACHARIE, JONAS Le ciel nous éclaire, frère a notre bannière sainte, tu seras pendu, j'espère, tu seras pendu! O destin prospère! A notre bannière tu seras pendu, j'espère, pendu par un frère, pendu par un ami! O destin prospère, etc. les soldats qui étaient en sentinelles à la porte de la tente son accourus au bruit et entourent Oberthal ZACHARIE à Jonas lui montrant Oberthal Qu'on le mène au supplice! s'arrêtant et réfléchissant Ah! Qu'un moine l'escorte! JONAS Sans consulter le Prophète? ZACHARIE Il n'importe…C'est lui…va-t'en! Jonas sort par la gauche avec Oberthal et les soldats. Jean entre par la droite, l'air pensif et la tête baisse. ZACHARIE s'approchant de Jean Quel air pensif et soucieux? Quand le guerrier prophète, inspiré par les cieux, apparaît dans sa gloire a l'Allemagne entière comme la France révère! JEAN Jeanne d'Arc, sur ses pas fit naître des héros, et je n'ai sur miens traînés que de bourreaux; je n'en irai pas plus loin! ZACHARIE Qu'oses tu dire? JEAN Que je veux voir ma mère ma mère chérie! ZACHARIE Ou plutôt son trépas! Car si tu la revis, Ne t'en souvient-il pas?- Dans l'intérêt du ciel, elle expire! JEAN se levant et jetant son épée Pour m'immoler d'abord reprenez donc ce fer, je vous le rends, adieu! L'Allemagne enchaînée Est libre par mon bras! Ma tâche est terminée, je n'irai pas plus loin. Non, non! ZACHARIE Par l'enfer! Par la mort! Des soldats, un tambour à la tête, conduisent à Oberthal à la mort. Un moine est à ses côtés et l'exhorta JEAN Où va se prisonnier? ZACHARIE Qu'à la mort il vous suive! JEAN Qui peut dire il mourra, quand je dis qu'il vive? Je lui fais grâce Il reconnaît Oberthal Que vois-je? Oberthal! ZACHARIE Ton courroux lui fait-il grâce encore? JEAN à Zacharie Laissez -nous, Laissez -nous, avec émotion, à Oberthal Le voilà, le voilà celui par qui mes jours son flétris pour toujours! Le ciel à moi te livre! OBERTHAL Il est juste, mon crime a mérité la mort! De haut de mes créneaux, Berthe, pure et chaste victime pour sauver son honneur s'élança dans les flots! JEAN Morte! Morte! OBERTHAL Non! Non! Et touché de remords qui me accable Dieu voulut épargnez ce forfait au coupable; des flots il l'a sauvée! JEAN Et comment? Parle! OBERTHAL Hier un avis sûr m'apprend qu'on l'a vu à Munster! JEAN A Munster! OBERTHAL J'allais implorer d'elle et du ciel mon pardon; en tes mains me voilà; j'ai tout dit! Frappe! JEAN aux soldats qui avaient la hache levée Epargnez le infidèle. Berthe sur lui prononcera! Remparts que ma pitié n'osait en réduire en cendres, Vous qui me cachez Berthe, il faudra me la rendre! Fidèles compagnons, vous me suivrez! MATHISEN accourant effrayé O terreur! Toi seul peux désarmer ces cohortes rebelles; des portes de Munster des guerriers sont sortis et le nôtres… Par eux mis en fuite!… JEAN suivi de Mathisen Courons! Courons! Troisième Tableau Le théâtre change a vue et représente le camp des anabaptistes. Les soldats révoltés accourent de toutes les côtes en désordre. SOLDATS avec fureur Par toi Munster nous fut promis, il dut par nous être conquis, par toi, etc. Tu le disais la palme est prête, tu nos promis cette conquête, tu le disais, etc. Nos soldats lâchement surpris, sont livrés à nos ennemis, nos soldats, etc. Mort à l'imposteur, à l'imposteur, au faux prophète! Mort, etc. Prophète imposteur! Oui, la mort au faux prophète, etc. JEAN aux soldats d'un ton sévère Qui vous a sans mon ordre entraînes aux combats? PREMIER, DEUXIEME ANABAPTISTES montrant Mathisen C'est lui! MATHISEN effrayé montrant Zacharie C'est lui! C'est lui! JEAN Perfides, que mon bras devrait punir! Et vous, insensés que vous êtes, depuis quand au trépas ai-je voué vos têtes sans y marcher devant vous? Du Dieu qui dans ses mains tenait la palme prête, votre rébellion, votre rébellion excita le courroux! SOLDATS A ses accents d'un saint effroi j'ai tressailli, car l'Eternel, car Dieu est encore avec lui! Encore avec lui! Ah! Quels accents! JEAN L'Eternel, dites vous, a l'ennemi vous livrez c'est que l'impiété règne encore dans vos coeurs! Ils n'avaient pas la foi, ces tièdes serviteurs que Dieu dans ses décrets juge indignes de vivre; craignez plutôt comme eux le céleste courroux et pour le calmer, et pour le calmer, peuple impie, peuple, à genoux! A genoux! À genoux! Et sous bras vengeur, coupables, courbez vous! Eternel, Dieu sauver qui voit notre faiblesse, Dieu ne te détourne pas de nous. SOLDATS Miserere, miserere nobis! JEAN Eternel, Dieu sauver, dans la cendre mon front s'abaisse, Dieu tu nous vois tous à genoux! SOLDATS Miserere, miserere nobis! JEAN Car ton appui… SOLDATS …m'est retiré! JEAN Pitié! Pitié! Seigneur, exauce ma prière! Seigneur apaise ta colère! Pardonne à ton peuple égaré, a ton peuple, etc. Dieu clément! Ah! Seigneur! Pitié! SOLDATS Dieu puissant, pitié! Dieu puissant, nous t'implorons! Pardonnez, Seigneur! Pardonne-nous, Seigneur! Pardonne à ton peuple égaré, Dieu puissant! on entend du loin un bruit de clairons et des trompettes. JEAN Ecoutez! Ecoutez! Les clairons de Munster réveillent nos clairons! Dieu m'inspire, ah venez! Et demain sur vos fronts la victoire sainte va descendre, et la grâce de Seigneur va s'étendre, la grâce va s'étendre sur vous! SOLDATS Seigneur! Mathisen accourt suivi d'une foule de paysans armée. MATHISEN Grand prophète, ton peuple se relève, et tu règnes, oui, tous les paysans, en agitant leurs fers, courent se ranger sous tes saintes enseignes! DEUXIEME ANABAPTISTE accourant Maître, un seul cri s'élève l'assaut à Munster! L'assaut à Munster! PREMIER ANABAPTISTE L'assaut à Munster! JEAN sans écouter Mathisen et comme frappe d'une vision Que vois-je? Le ciel est ouvert! d'une voix mystérieuse Chantent en choeur à Munster! A Munster! TOUS A Munster! tout le peuple accourt armé JEAN Roi du ciel et des anges. Je dirai tes louanges comme ton serviteur! TOUS Roi du ciel, etc. Comme ton serviteur! JEAN Comme David ton serviteur! Car Dieu m'a dit ceins ton écharpe et conduits les dans la salut! Réveille-toi, ma harpe, réveille-toi, mon luth, veille, éveille-toi, ma harpe! Roi du ciel, etc. CHOEUR Gloire a Dieu! Gloire! Gloire! JEAN Victoire, c'est Dieu qui l'envoie, que sa bannière se déploie! CHOEUR Victoire, etc. JEAN Que les monts tressaillent de joie, tressaillent de joie. CHOEUR Que les monts, etc. JEAN Et qu'ils disent la gloire de cieux! CHOEUR Et qu'ils disent, etc. JEAN L'Eternel est Roi sur terre, roi des cieux! Roi! Roi! Ah! Roi du ciel et des anges, etc. CHOEUR Roi des anges! Roi des anges! Chantons le Seigneur! L'armée anabaptiste se range en bataille et commence à défiler. En marche, En marche, En marche, En marche! JEAN En marche, etc. CHOEUR En marche, etc. JEAN En marche, etc. Car Dieu nous suis de ses regards, Car Dieu, car Dieu nous suis des ses regards! CHOEUR Car Dieu nous suis, etc. Vous, clairons répétez Notre chant triomphant; Vous, clairons, etc. A Munster, à Munster, à Munster! Dieu nous suit! JEAN Vous clairons, etc. Marchons! À Munster! Oui! Oui! En marche! Dieu nous suit! Dans ce moment le brouillard qui couvrait l'étang et la forêt se dissipe. Le soleil brille et laisse apercevoir dans le lointain, au-delà de l'étang glacé, la ville et les remparts de Munster, que Jean montre de la main. L'armée pousse des cris de joie, et incline devant lui les bannières Meyerbeer,Giacomo/Le Prophète/IV
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3130.html
PROLOGUE (Une scène à deux étages réunis par un escalier assez raide. Sur la scène II un bûcher et au milieu du bûcher un poteau auquel Jeanne est attachée par des chaînes. Pendant la première scène obscurité complète) CHŒUR (sotto voce) Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres! Et la France était inane et vide, et les tenèbres couvraient la face du royaume. Et l Esprit de Dieu sans savoir où se poser planait sur le chaos des âmes et des coeurs, sur le chaos des âmes et des volontés sur le chaos des consciencies et des âmes. SOPRANO Du fond de l engloutissement j ai élevé mon âme vers toi, Seigneur! Ah Seigneur, si vous tardez encore, qui sera capable de vous soutenir? CHŒUR Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres! Et la France était inane et vide, et les tenèbres couvraient la face du royaume. Toi, de la gueule du lion et de la main des unicornes, sauve-nous, Eli, Fortis, Ischyros! RÉCITANT Il y eut une fille appelée Jeanne! CHŒUR Il y eut une fille appelée Jeanne! Il y eut une fille appelée Jeanne! Qui, qui, qui a jamais ouï dire une telle chose? Qui, qui, qui a jamais entendu rien de pareil? Il y eut une fille appelée Jeanne! Est-ce que la terre enfantera en un seul jour? Et tout un peuple sera-t-il engendré dans un même temps? Du fond de l engloutissement j ai élevé mon âme vers toi, Seigneur! RÉCITANT Il y eut une fille appelée Jeanne! CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! RÉCITANT Est-ce que la France va être déchirée en deux pour toujours? CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! RÉCITANT Ce que Dieu a uni, que l homme ne le sépare pas! CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! Cet amour qui nous unit à nos frères. Qui! Qui! Qui sera capable de nous en séparer? Pas la violence, ni le découragement, ni la fraude, et ni l altitude, ni la profondeur… RÉCITANT Il y eut une enfant appelée Jeanne! CHŒUR Et la France était inane et vide et les ténèbres couvraient la face du royaume. De profundis clamavi ad te, Domine, Domine, quis sustinebit? RÉCITANT Il y eut une vierge appelée Jeanne. Scène I Les voix du ciel (On entend un chien hurler dans la nuit. Une fois. Deux fois. A la seconde fois l’orchestre se mêle au hurlement en une espèce de sanglot ou de rire sinistre. A la troisième fois les choeurs. Puis silence. Puis les Voix de la nuit sur la forêt à quoi se mêle peut-être, très faiblement, la chanson de Trimazô et une impression limpide de rossignol. Puis silence et quelques mesures de méditation douloureuse. Puis de nouveau le choeur à bouches fermées. Crescendo. Diminuendo. Puis les Voix, distinctes) CHŒUR Jeanne! Jeanne! Jeanne! Scène II Le livre (Jeanne à demi assise et agenouillée au pied du poteau éclairée par un réflecteur. Entre au pied du bûcher Frère Dominique tenant un livre.) FRÈRE DOMINIQUE Jeanne! Jeanne! Jeanne! JEANNE Qui m appelle? Qui est-ce qui m appelle? Qui est-ce qui a dit Jeanne? (Les voix s estompent progressivement à l imperceptible. Le Réflecteurs sur Fray Domingo) FRERE DOMINIQUE Ne me reconnais-tu pas? JEANNE Je reconnais l habit de Dominique, la robe blanche et le manteau noir. FRERE DOMINIQUE Ma robe blanche que mes frères de Paris et de Rouen ont souillée d une telle souillure que ni la soude, ni l herbe à foulon ne suffiront à l effacer. JEANNE Frère Dominique, la bonté de Dieu y suffira, et le sang de cette fille innocente. FRERE DOMINIQUE Jeanne, ma soeur, ainsi tu m as reconnu? JEANNE Frère, frère Dominique, nous sommes des animaux de la même laine! Et moi, je suis quelqu un dans le troupeau qui reconnait la voix de son conducteur. FRERE DOMINIQUE Puisque mes frères et mes fils m ont trahi; puisque ceux qui devraient être la puissante voix du Vrai se sont faits à contre-Dieu tes accusateurs et tes bourreaux, Jeanne. Puisque la parole entre ces mauvais doigts entremêlés est devenue grimoire, c est moi-même, Dominique, moi, Dominique, qui du ciel suis descendu vers toi avec ce livre. JEANNE Dominique, frère Dominique, tous ces temps, tous ces temps que voici j ai vu beaucoup de plumes à l oeuve autour de moi. FRERE DOMINIQUE Tout cela a fait un livre. JEANNE Cette voix terrible qui me questionnait et toutes ces plumes sans relâche autour de moi. Tout cela a fait un livre et moi, je ne sais pas lire. FRERE DOMINIQUE Le livre que je t apporte pour le comprendre, il n y a pas besoin de savoir ni A ni B. Ce paquet de mots que ces Limousins sur la terre ont ficelé dans le latin de Fouarre; cette procédure qu ils ont pétrie dans le patois de Coutances, les Anges pour tous les temps l ont traduit dans le ciel. JEANNE Lis donc, Frère, au nom de Dieu, pour moi et moi, je regarde par dessus ton épaule. FRÈRE DOMINIQUE (faisant le signe de la croix) Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. CHŒUR Ainsi soit-il. (Fray Domingo se trouve sur le premier barreau de l échelle. Jeanne fait le signe de la croix avec ses mains enchaînées) Scène III Les voix de la terre FRERE DOMINIQUE (lisat) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Hérétique! Sorcière! Relapse! Ennemie de Dieu. Ennnemie du Roi. Ennemie du Peuple. Qu on l enlève, qu on la tue, qu on la brûle! JEANNE Hérétique! Sorcière! Relapse! Frére Dominique! Tout cela, c est Jeanne d Arc? Est-ce vrai? Est-ce moi qui suis tout cela? CHŒUR Hérétique! Sorcière! Relapse! Jeanne! Jeanne! Jeanne! JEANNE Eh quoi! Ces prêtres que je vénérais, ce pauvre peuple que j aimais. Leur Jeanne, leur pauvre enfant avec eux c est vrai qu ils veulent la brûler? C est vrai qu ils me brûler… CHŒUR Assez! Assez! Assez! Jeanne! Jeanne! Jeanne! Qu on l enlève, qu on la tue, qu on la brûle! Hérétique! Sorcière! Relapse! FRERE DOMINIQUE Tu as entendu les voix du ciel, et maintenant écoute en bas ce qu ils en ont fait; écoute ce qu ils en ont retenu. Écoute les voix de la terre! BASSE SOLO (à la Bach) Mulier spiritum pythonis habens, anima quaedeclinaverit ad magos et ariolos et fornicatafuerit cum eis… CHŒUR (violemment) Joanna! BASSE SOLO (de même) Ponam, ponam faciem meam contra eam et interficiam eam de medio populi mei! CHŒUR (violemment) lex est! TENOR SOLO (Impérieuse) Joanna! CHŒUR Hic, hic, hic, hic, hic est Joanna. Hic est Joanna peccatrix! TENOR SOLO Stryga! CHŒUR Pereat! TÉNOR SOLO Haeretica! CHŒUR Pereat! TÉNOR Relapsa! CHŒUR Pereat! TENOR Malis artibus addicta! Inimica Regis et Populi! CHŒUR Morte moriatur! TÉNOR Prostibulum inferni! Instrumentum Satanae! CHŒUR Comburatur igne! JEANNE C est vrai! C est vrai! Je me souviens! Le feu qui brûle! Cette fumée qui étouffe! Oh comme cela fait mal! Prêtres! Prêtres de Jésus Christ! C est vrai que je faisais tant de mal? C est vrai que vous la détestiez tellement, votre pauvre Jeanne? CHŒUR (Sourdement) Pereat! FRERE DOMINIQUE Non, Jeanne, ce ne sont pas des prêtres qui t ont jugée. Quand ces bêtes féroces se sont réunies autour de toi, la rage au coeur et l écume aux crocs, ces prêtres, ces politiques, l Ange du Jugement qui tient les hautes balances d un soufflet il a fait tomber de leurs têtes et de leurs épaules la mitre, le capuchon et le froc. (Entrent les Juges en bottes dans un coin.) Les voici dépouillés comme des forçats! Qu ils reçoivent la coiffure qui leur est appropiée! Ils faut que Jeanne comme jadis ses soeurs sur l arène de Rome soit livrée aux bêtes! L élue de Dieu, la Sainte de Dieu. Ce ne sont pas des prêtres, ce ne sont pas des hommes, ce sont des bêtes qui vont la juger. Scène IV Jeanne livrée aux bêtes. (Entre l’appariteur avec plusieurs serviteurs portant les défroques, les masques et les coiffures) LE HERAUT (coup de trompette) La Cour! Faites silence! L APPARITEUR Qui sera le Président? LE HERAUT Le Tigre! CHŒUR Le Tigre! L APPARITEUR Le Tigre se récuse. LE HERAUT Le Renard! CHŒUR Le Renard! L APPARITEUR Le Renard dit qu il est malade. LE HERAUT Le Serpent! CHŒUR Le Serpent! L APPARITEUR Le Serpent s est sifflé lui-même au fond d un trou. LE HERAUT Mais alors il n y a personne pour présider? CHŒUR Mais alors? Si! Si! Si! fait! Il y a quelqu un! L APPARITEUR Qui est-ce? Qui se propose pour juger Jeanne d Arc? PORCUS Moi! Moi! Moi! Moi! Je me propose pour juger Jeanne d Arc. L APPARITEUR Qui êtes-vous? Comment vous appelez-vous? PORCUS Ego nominor Porcus. Je m appelle Cochon. Moi! Moi! Je suis le Cochon. CHŒUR Porcus! Porcus! Roin! Roin! Sit Porcus praeses noster! Non habemus alium judicem nisi Porcum. Vivat et semper vivat Porcus porcorum! Dignus, dignus est praesidere in nostro praeclaro corpore! Roin! Roin! Sicut lilium inter spinas, ita formosus iste inter cucullos! Quis enim dedit nobis patatas? Ceciderunt stellae de coelo et factae sunt pro nobis patatae? Ecce quam bonum et jucundum est habitare fratres in unum, omnes comedentes patatas. Quis judex sicut Porcus Dominus noster? Hic est Nasus inter nasos dijudicans truphas et patatas. Sternutatio ejus splendor ignis. PORCUS Moi! Moi! Je suis le Cochon! CHŒUR Porcus porcorum! Roin! Roin! Vivat et semper vivat Porcus praeses noster! (L’ Appariterr coiffe Porcus d’une tête de cochon- Le président ouvre la séance) L APPARITEUR Qui sont les assesseurs? CHŒUR Bée! bée! bée! (Tout avance à la fois) L APPARITEUR Qui êtes-vous? CHŒUR Ego nominor Péééééécus. L APPARITEUR Pecus de pecore, prenez-place à droite et à gauche et recevez vos insignes. (On les coiffe de têtes de mouton.) Et maintenant, où est le greffier? L ANE C est moi, l Âne! Asinus adest. (Vient le âne. Immense éclat de rire dans le choeur se terminant par des sanglots.) CHŒUR Ha! ha! ha! ha! ÂNE CHŒUR (comme aux fêtes de l’Âne au Moyen Age) BASSES, ENSUITE SOPRANOS Ecce magnis auribus Adventavit Asinus, Pulcher et fortissimus Sarcinis aptissimus. LES AUTRES Hé Sire Âne, ça chantez, Belle bouche rechignez, Vous aurez du foin assez, Et de l avoine à planté, Hi ha!, hi ha!, hi ha! PORCUS Faites entrer l accusée! (Entre Jeanne enchaînée.) Jeanne, successit illi praeclaro tribunali, je veux dire qu après de longs efforts ce sage et illustre tribunal a enfin réussi par des moyens tour à tour sauves et sévères, et par de patientes et ingénieuses interrogations tant physisques que morales, à éliciter la vérité du fond d une volonté égarée et d un coeur pervers. (Le Chœur d âne éclate soudain de rire) CHŒUR Ecce magnis auribus! LE HERAUT Silence! PORCUS Et maintenant il a plu au Roi de France et d Angleterre, notre légitime souverain… (Tous les lieu, renforcer leurs fausses têtes et retourner se pour asseoir) … De te convoquer ici pour entendre ta juste sentence. Tu vas ouir par quelles industries, dans sa grande miséricorde cette Cour sage et illustre que moi, Cochon, je préside… (Tous les lieu, saluent et revenir s asseoir) … A décidé de te débarrasser grâce à la flamme claire du feu de ce noir démon à laquelle tu t es criminellement enchevêtrée. Mais auparavant nous voulons encore une fois de ta bouche cet aveu solennel qui est nécessaire à la sécurité de nos consciences. À genoux! (Jeanne s agenouille) Joanna, filia Romae, faterisne et confiteris te tenerrimam puellam non naturali auxilio victoriam de manibus Regis Nostri… (Tous les lieu, saluent ) … Evulsisse et fortes exercitus ejus sicut paleam in probrosissimam fugam versisse? Traduisez! L ANE Jeanne, reconnais-tu que ce n est pas par tes propres forces et des moyens naturels que tu es venue à bout des Anglais? JEANNE Je l avoue! CHŒUR Elle avoue! PORCUS Écrivez! (Le notaire écrit) Joanna, filia Romae, faterisne et confiteris te auxilio Diaboli potentissimi alapum dedisse Regi Nostro et fortes exerci tus ejus in probrosissimam fugam versisse? Traduisez! L ANE Jeanne, reconnais-tu que c est par l aide du Diable, très puissant Notre Seigneur… (Tous font le geste de se lever.) PORCUS Assis! Assis! Quels idiots! Assis au nom du Diable! (Il arrache le papier des mains de l’Âne.) Jeanne, reconnais-tu que c est par l aide du Diable que tu as tout fait? JEANNE Je dis Non! PORCUS Qu est-ce qu elle dit? L ANE Elle dit qu elle dit oui! PORCUS Écrivez qu elle a dit oui. Et maintenant je vais consulter le tribunal. (S’adressant à droite au premier assis) Pecus, quid dicis? PECUS Bée, bée, bée, bée! PORCUS (s’adressant à gauche de même) Pecus, quid dicis? CHŒUR (a cappella) Bée, bée, bée! L ANE Habemus confitentem reum. PORCUS Docti et sancti fratres, sic vobis justum et aequum videtur ut Joanna, filia Romae, Stryga, morti condemnetur? CHŒUR (violemment) Moriatur stryga! PORCUS Fiat voluntas Regis Nostri! (Toutes salut) Audivistis sententiam. (Comme au début, montant) Stryga! CHŒUR Pereat! PORCUS Haeretica! CHŒUR Pereat! PORCUS Relapsa! CHŒUR Pereat! PORCUS Inimica Regis et totius generis humani! CHŒUR Morte moriatur! PORCUS Joanna Stryga, filia Romae! CHŒUR Comburatur igne! Scène V Jeanne au poteau (Hurlement du chien) JEANNE Quel est ce chien qui hurle dans la nuit? FRERE DOMINIQUE Ce n est pas un chien, c est Yblis le désepéré qui hurle tout seul au fond de l enfer! BASSES Hérétique! JEANNE Hérétique! BASSES Sorciére! JEANNE Sorcière! BASSES Relapse! JEANNE Relapse! BASSES Cruelle! JEANNE Cruelle! C est moi, Jeanne, qui suis tout cela? L Église, les prêtres, tout ce qu il y a au monde de respectable et de capable et de savant; c est cela, d une voix qui me condamne. Explique-moi, frère Dominique, qu est-ce que j ai fait? Lis-moi ce qui est dans le livre. FRERE DOMINIQUE Tous ces grands hommes qui t ont condamnée, ces docteurs et ces savants, Malvenu, Jean Midi, Coupequesne et Toutmouillé, ils croient dur au Diable, mais ils ne veulent pas croire à Dieu. Le Diable, c est une réalité les Anges, c est une bêtise. Le Diable que tu détestais, il t a aidée les Anges que tu invoquais, ils n ont rien fait. Et criminelle des deux côtés ils te condamnent de l une et l autre main. Telle est la sagesse de la Sorbonne. Tels sont ces illustres docteurs qui donnent des nazardes au Pape. JEANNE Mais moi, la pauvre pastoure de Domrémy, comment est-ce que je suis venue jusqu ici? FRERE DOMINIQUE Tu y es venue par l opération du jeu de cartes qu un roi fou a inventé. JEANNE Qu est-ce que c est que le jeu de cartes? FRERE DOMINIQUE On va te l expliquer. Scène VI Les rois ou l’invention du jeu de cartes HERAUT I (expliquant) Le jeu de cartes comprend quatre Rois, quatre Dames et quatre Valets. HERAUT II Sans compter les Chiffres qui sont sept. HERAUT I Le résultat de la partie est que les Rois chan gent de place. HERAUT II Ce qui était au midi va au nord. HERAUT I Ce qui était au levant va au couchant. Ça tourne. HÉRAUT II Quant aux Reines, elles ne changent pas de place, elles sont toujours là. HERAUT I Faites entrer Leurs Majestés! HERAUT III (Annonçant) Le Roi de France! (Entre le Roi de France qui va s’asseoir sur un trône.) Sa Majesté la Bêtise! (Entre la Bêtise.) Le Roi d Angleterre! (Entre le Roi d’Angleterre, un enfant.) Sa Majesté l Orgueil! (Entre l’Orgueil) Le Duc de Bourgogne! (Entre le Duc de Bourgogne.) Sa Majesté l Avarice! (Entre l’Avarice.) HERAUT II Et quel est le quatrième Roi? HERAUT I Dans toutes les parties de cartes il y a un mort. HERAUT III (Annonce à la porte) La Mort! (Entre la Mort.) HERAUT I Et voici maintenant sa compagne et très fidèle épouse, celle qui partage son lit. HERAUT III Sa Majesté la Luxure! (Entre la Luxure) HERAUT I Les Rois changent de place, mais les Reines, Sa Majesté l Orgueil, Sa Majesté la Bêtise, Sa Majesté l Avarice, Sa Majesté la Luxure, ces Majestés ne changent pas de place, elles restent toujours avec nous. HERAUT II Mais ceux qui jouent réellement la partie. ce ne sont pas les Rois, ni les Reines. ce sont les Valets. HERAUT I Faites entrer les Valets! HERAUT III Sa grâce le Duc de Bedford! Son Altesse Jean de Luxembourg! Sa Grandeur Regnault de Chartres! Guillaume de Flavy! (Ils entrent) JEANNE C est lui qui a baissé la herse derrière moi à Compiègne. HERAUT I Le jeu commence, il comprend trois parties. (Sonnerie de trompettes – Musique de vielle Il commence le jeu. Chaque de côté boîte de prises, deux autres carrés un de décoratifs chevaliers et autres de paysans ; c est-à-dire trois donnant Cannée et celui qui les reçoit) Première Partie REGNAULT DE CHARTRES J ai perdu, je veux dire que j ai gagné. BEDFORD J ai gagné, je veux dire que j ai perdu. Deuxième Partie GUILLAUME DE FLAVY La carte maîtresse. JEAN DE LUXEMBOURG Je coupe! Troisième Partie REGNAULT DE CHARTRES J ai gagné! DUE DE BEDFORD J ai perdu! GUILLAUME DE FLAVY J ai perdu, j ai de l argent plein les poches. JEAN DE LUXEMBOURG J ai gagné et j ai de l argent plein les poches. GUILLAUME DE FLAVY Messieurs, je vous livre Jeanne d Arc la Pucelle. BEDFORD La Sorcière! REGNAULT DE CHARTRES Bien le bonjour, Messieurs, et à l avantage de vous revoir! BASSES (sordide) Comburatur igne! Scène VII Cathérine et Marguerite (Cloches dans la nuit – des Voix) JEANNE Quelles sont ces cloches dans la nuit? FRERE DOMINIQUE Les cloches qui sonnent le glas. JEANNE Et qui invitent les bonnes âmes à prier pour Jeanne d Arc. FRERE DOMINIQUE Hérétique! Sorcière! Cruelle! Relapse! BASSES (sordide) Comburatur igne! JEANNE Merci, bonnes cloches! Mes soeurs! Mes amies! Mes voix qui s étaient tues, les voilà de nouveau qui parlent! FRERE DOMINIQUE La cloche noire et la cloche blanche! BASSES Comburatur igne! (Les deux cloches sonnent à la fois) CATHERINE De profondis clamavi ad te, Domine. MARGUERITE Spera, spira! spera, spira! Jésus! Marie! CATHERINE Libera me, Domine, de ore leonis dum veneris judicare saeculum per ignem. MARGUERITE Spera, spira! spera, spira! Jésus! Marie! BASSES Comburatur igne! JEANNE Catherine et Marguerite. Je les reconnais! La Catherine qui dit "De Profundis" et la Marguerite bleue et blanche dans le ciel qui dit "Papa! Maman!" Comme je les écoutais jadis à Domrémy, la Catherine et la Marguerite! Jésus! Marie! J ai écrit ces deux noms sur ma jolie bannière bleue et blanche. Jésus! Marie! Catherine! Marguerite! Et moi; ce petit bout de femme dans les orties et les boutons d or, si ébahie qu elle oubliait de manger sa tartine. CATHERINE, MARGUERITE (Soudain violent) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE J irai! J irai! Je vais! Je suis allée! Où est ma bonne épée! CATHERINE, MARGUERITE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Prends le Roi! Ramène le Roi de France! JEANNE C est fait! Je le tiens! J ai pris son cheval par labride! Je ramène mon gentil Roi! Je le ramène à travers la forêt! Je le ramène à travers la France! Scène VIII Le roi qui va-t-a rheims. (Cloches dans le lointain) CHŒUR (dans la lointain) VOIX D’ENFANTS (plus proches) Voulez-vous manger des cesses? Voulez-vous manger du flan? Quand irons-nous à Liesse? Quand irons-nous à Laon? BASSES La! la! la! la! LES AUTRES (Dans le tumulte) Heurtebise! Heurtebise! (Entre un cortège rustique escortant le Géant Heurtebise, qui n’est pas autre chose qu’un moulin à vent avec un grand chapeau de paille effilochée et une meule sous le bras comme une miche) Chanson D’Heurtebise CHŒUR Blanche ou grise Heurtebise Trouve que la farine altère, Heurtebise, mon compère, Qu as-tu fait de ta ménagère? Tout habillé de toile écrue Lustucru! Au prix de son beau blé jaune Réclame du vin de Beaune. Heurtebise, mon compère, Qu as-tu fait de ta ménagère? Tonneaux! tonneaux! tonneaux! la v là qu arrive par la Saône La Mère aux Tonneaux de Beaune, Tonneaux! tonneaux! tonneaux! CHANSON DE LA MERE AUX TONNEAUX Le vin de Beaune et de Troyes Le v là qu arrive tout droit. Heurtebise, mon compère, T as retrouvé ta commère. Nous avons bu trop de bière! Il nous faut du vin joli! Heurtebise, mon ami, Tu n auras plus la pépie! Heurtebise, c est fini De ce bouton sur la langue, Heurtebise, c est fini De rage et d esquinancie! (Heurtebise et la Mère aux Tonneaux se saluent solennellement.) HEURTEBISE (avec l’accent picard) Mère aux Tonneaux, il y a longtemps que je vous ai vue. LA MERE AUX TONNEAUX (avec l’accent de Bourgogne) Heurtebise, mon époux, vous avez bien mauvaise mine, mon pauvre, depuis l temps autrefois jadis que je vous ai pas vu. HEURTEBISE Madame Tonneaux, mon épouse, je vous apporte de la bonne galette au lard de Picardie. LA MERE AUX TONNEAUX Heurtebise, mon époux, qui virez à tous les vents, je vous apporte quelque chose qui vous fera t nir tranquille. HEURTEBISE Tonneaux, Tonneaux, ma femme! Tonneaux, Tonneaux, ma femme! Le bon pain de France et le bon vin de France, désormais, i ne faut plus qui soient séparés. LA MERE AUX TONNEAUX Heurtebise, mon ami, vous dites une bonne chose, et alors je vais vous embrasser. (Ils dansent grotesquement) CHŒUR ET VOIX D ENFANTS Vive Heurtebise! Vive la Mère aux Tonneaux! (Danse) Voulez-vous manger des cesses? etc. LE CLERC (se dressant tout droit au milieu d’eux comme une chandelle noire) Paysans! Croquants! Rustres agrestes et grossiers! N avez-vous point vergogne de vous réjouir ainsi comme des païens en cette santie veille de Noël pendant que le Roi Notre Seigneur se rend à Rheims pour y être consacré de la Main des Anges? UN PAYSAN Et c’est-i pas le moment de boire un petit coup parce qu’Heurtebise a retrouvé Jean Raisin, et que la moitié de la France sur son coeur a retrouvé l’autre moitié? UN AUTRE Surtout qu’i fait rudement frisquet, on peut le dire, à rester tout gelés comme ça à attendre. Un petit coup de vin, un petit air de danse, ça ne fait de mal à personne. LE CLERC La forêt elle-même pour se préparer aux mystères de cette sainte nuit s’est couvert la tête d’un voile blanc. Et vous autres, préparez vos coeurs au mystère qui va s’accomplir. UN PAYSAN Oh! Perrot, là-haut! oh! Perrot, là-haut! est-ce que tu vois quèqu’chose? PERROT, DU HAUT DE L’ARBRE Je vois une petite lumière CHŒUR Le Roi! Le Roi de France! LE CLERC Allons, mes enfants! Venez tous autour de moi et répétons tous ensemble cette belle antienne de latin tout blanc que je vous ai apprise. La terre a étendu un grand tapis de neige sous les pieds du Roi Notre Sire. Et nous de la Loire jusqu’à Rheims il faut que nous étendions un grand tapis de prières. (La flûte exécute l air “Aspiciens a longe”) Aspiciens a longe. Vous comprenez c’est le peuble Juif qui attend Le Messie comme nous le Roi notre Sire. Aspiciens a longe. Regardant de loin là-bas dans la distance la main au dessus des yeux et tout est plein d’obscurité et de confusion. CHŒUR Aspiciens a longe, ecce video Dei potentiam venientem et nebulam totam terram tegentem. VOIX D ENFANTS Ite obviam ei et dicite BASSE SOLO Nuntia nobis si tu es ipse… CHŒUR …qui regnaturus es in populo Israël. Rhythme de la marche royale (Loin) VOIX DE PERROT La v la qu arrive! Le Roi! Le Roi de France! (Trompettes et cris à distance) TOUTS Le Roi qui va-t-à Rheims! (Une partie de l auditoire se précipite vers le bas, où une procession à l emblème de cheval éclairé par des torches. La flûte prend plus doucement El tema « Aspiciens a longe »…) LE CLERC Qui regis Israël. CHŒUR Nuntia nobis si tu es ipse. (Le cortège à cheval s’éloigne et s’éteint.) CHŒUR Voulez-vous manger des cesses? Voulez-vous manger du flan? Quand irons-nous à Liesse? Quand irons-nous à Laon? LE CLERC (achevant l’antienne) Qui regnaturus es in populo Israël. JEANNE C est moi qui ai fait cela! FRERE DOMINIQUE C est! Dieu! C est Dieu qui a fait cela! JEANNE C est Dieu! C est Dieu avec Jeanne! Les voix ne m avaient pas trompée! Catherine et Marguerite, elles ne m ont pas trompée! CHŒUR Coupequesne, Jean Midi, Toutmouillé, Malvenu. Ils déclarent que tu t es trompée. JEANNE Le Roi ne voulait pas venir et c est moi qu ai pris son cheval par la bride. CHŒUR Sorcière! Cruelle! Hérétique! Schismatique! Homicide! Relapse! Imposture! Hystérique! Prostituée! JEANNE C est moi que l ai amené à travers toute la France! CHŒUR Pereat Stryga! (Crescendo) JEANNE C est moi qui l ai amené à Rheims! CHŒUR Morte moriatur! JEANNE C est moi qui ai sauvé la France! C est moi qui ai réuni la France! Toutes les mains de la France en une seule main! Un telle main qu elle ne sera plus divisée! CHŒUR Comburatur igne! FRERE DOMINIQUE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Est-ce pour un Roi de chair que tu as donné ton sang virginal? Scène IX L’épée de Jeanne (Le jour se lève) MARGUERITE (dans la ciel) Spera! Spira! Spera! Spira! Spera! Spira! JEANNE J entends Marguerite dans le ciel mélangée à l exalation des rossignols et les douces petites étoiles à la voix de cette active soeur sacristine s éteignent l une après l autre. CHŒUR (a bocca chiusa pendant le dialogue suivant) FRERE DOMINIQUE Les pages de nuit, de sang, d outre-mer et de pourpre se sont effeuillées sous mes doigts et il ne reste plus sur le parchemin virginal qu une initiale dorée. JEANNE Que c est beau cette Normandie toute rouge et rose, toute rouge de bonheur, toute rose d innocence qui se prépare à faire avec moi la sainte communion dans l étincelante rosée! Que c est beau pour Jeanne la Pucelle de monter au ciel au mois de mai! Que tu es belle, ô ma belle Normandie, mais que dirais-tu, Frère Dominique, si, Marguerite et moi, nous pouvions t expliquer notre Lorraine? FRERE DOMINIQUE Parle, Jeanne, car je sais qu il ya des choses qu une petite fille peut m expliquer, moi, qui, ceint de fer et de cuir et les yeux fermés ai marché de bonne heure dans les sentiers de la pénitence. JEANNE Et que puis-je t expliquer, quand il y a encore au ciel une douzaine d étoiles au moins qui en savent plus que moi? FRERE DOMINIQUE Explique-moi ton épée! Est-ce vrai que tu as trouvé ton épée, cette terrible épée devant laquelle se sauvaient Anglais et Bourguignons, dans une chapelle en ruines? JEANNE Non, ce n est pas une chapelle en ruines! C est a Domrémy qu on me l a donnée. Ma bannière dans la main gauche, mon épée dans la main droite, ah! qui m aurait résisté? Jhésus Marie! Jhésus Marie! MARGUERITE (dans la ciel) Jhésus Marie! Jhésus Marie! (La musique, il se lève lentement) CATHERINE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE Je vais! Je vais! J irai! Je suis allée! FRERE DOMINIQUE A qui est-ce que tu parles ainsi? JEANNE Es-tu sourd? N entends-tu pas les voix qui disent Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va, va! Ah, ce n est plus sorcière maintenant qu elles disent, c est mon petit nom de chrétienne, celui que j ai reçu au baptême, Jeanne! Ce n est plus hérétique et relapse et je ne sais quoi, et tous ces vilains noms. C est fille de Dieu! C est beau d être la fille de Dieu! Et ce n est pas seulement Catherine et Margherite, c est tout le peuple ensemble des vivants et des mort qui dit fille de Dieu! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! Bien sûr que j’irai! CATHERINE, MARGUERITE, CHŒUR (Doucement et affaiblissement) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va, va, va! FRERE DOMINIQUE Mais tu ne m as pas expliqué l épée. JEANNE Mais pour que tu comprennes l épée, frère tondu, il faudrait que tu sois une petite fille Lorraine! Je peux pas faire de toi une petite fille Lorraine! Je peux pas te prendre la main et t amener avec nous pour chanter Trimazo avec Aubin et Rufin! VOIX D ENFANTS Trimazo! JEANNE Écoute ce qu ils disent! UNE VOIX D ENFANT En revenant de ces verts champs, j avons trouvé les blés si grands les aubépines fleurissant devant Dieu. JEANNE Écoute! Écoute! VOIX D ENFANTS Quand vous couchez vot bel enfant que Dieu le garde à son coucher et à tout heure de la journée devant Dieu. C est le Mai, mois de Mai, c est le joli mois de Mai! Un petit brin de vot farine, un petit oeuf de vot géline, c est pas pour boire ni pour manger, c est pour avoir un joli cierge, pour y lumer la Sainte Vierge, devant Dieu. CORO (bocca chiusa) JEANNE As-tu compris, frère Dominique? Ah, moi! Il n y a pas eu besoin de Coupequesne et Toutmouillé pour me l expliquer! C est le tilleul devant la maison de mon père, comme un grand prédicateur en surplis blanc dans le clair de lune, qui m a tout expliqué! VOIX D’ENFANTS C’est le Mai, mois de Mai, C’est le joli de Mai! FRERE DOMINIQUE Explique, et moi j écoute. JEANNE Quand il fait bien froid en hiver et que le froid et la gelée resserrent tout et on dirait que tout est mort, et les gens sont morts de froid et il y a de la neige et la glace sur tout comme un drap, et comme une cuirasse… et on croit que tout est mort et que tout est fini. BASSE SOLO (Au loin) Mais il y a l espérance qui est la plus forte. JEANNE On croit que tout est fini, mais alors il y a un rouge-gorge qui se met à chanter. MARGUERITE ET CATHERINE Fille de Dieu, va, va, va! JEANNE Il y a un mauvais petit vent venu d on ne sait où qui se met à souffler! Il y a une certaine petite pluie chaude qui se met à tomber sur vous. CHŒUR Il y a toute la forêt là-bas qui se met en mouvement! Il y a l espérance qui est la plus forte! JEANNE Et alors le temps de fermer les yeux et de compter jusqu à trois et tout est changé! Le temps de compter jusqu’à quatre, et tout est changé! MARGHERITE, CATHERINE, SOPRANOS Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE Tout est blanc! tout est rose! tout est vert! CHŒUR Il y a toute la forêt là-bas qui se met en mouvement! JEANNE Celui qui voudrait empêcher les mirabelliers de fleur il faudrait qu il soit bien malin! Celui qui voudrait empêcher les cerisiers de ceriser, tellement que tout est plein de belles cerises… Mon père dit qu il faudrait qu il se lève matin de bonne heure! C est alors que Catherine et Marguerite se mettent à parler. BASSES Coupequesne-Jean Midi-Malvenu -Toutmouillé. Ils disent que tu t est trompée! JEANNE Et quand Jeanne au mois de Mai monte sur son cheval de bataille, il faudrait qu il soit bien malin celui qui empêcherait toute la France de partir! Les entends-tu ces chaînes de tous les côtés, qui éclatent et qui cassent? Ah! ces chaînes que j ai aux mains, elles me font rire! Je ne les aurai mie toujours! On a vu ce que Jeanne peut faire avec une épée. La comprends-tu maintenant, cette épée que Saint Michel ma donnée? Cette épée! Cette claire épée! Elle ne s appelle pas la haine, elle s appelle l amour! VOIX D ENFANTS Madame, nous vous remercions De vos bonnes intentions, Nous prions Dieu dans vot maison Aussi quand nous en sortirons. Devant Dieu. CATHERINE Rouen! Rouen! Rouen! JEANNE Rouen! Rouen! Tu as brûlé Jeanne d Arc, mais je suis plus forte que toi et tu ne m auras mie toujours! BASSES Jean Midi, Coupequesne, Toutmouillé, Malvenu. SOPRANOS, ALTOS Fille de Dieu, va!va!va! JEANNE Il y a l espérance qui est la plus forte! MARGUERITE Ah! JEANNE Il y a la foi qui est la plus forte! CHŒUR Il y a l’espérance qui est la plus forte! Il y a la joie qui est la plus forte! Fille de Dieu, va, va, va! MARGUERITE ET CATHERINE Fille de Dieu, va, va, va! MARGUERITE Spira! Spera! JEANNE Il y a Dieu! Il y a Dieu qui est le plus fort! VOIX D ENFANT C est le Mai, le mois de Mai, C est le joli mois de Mai! Scène X Trimazo JEANNE Un petit brin de vot farine, Un petit oeuf de vot géline, une petite larme pour Jeanne! une petite prière pour Jeanne! une petite pensée pour Jeanne! C est pas pour boire ni pour manger, C est pour aider avoir un cierge, Pour y lumer la Sainte Vierge. C est moi qui vais faire le joli cierge. Scène XI Jeanne d’arc en flammes LA VIERGE (au-dessus, sur le pilier de Jeanne) J accepte cette flamme pure. (Cependant dès les scènes précédentes la foule lentement s’est rassemblée devant l’échafaud hommes, femmes et enfants, formant transition avec le Choeur et le Public. Chœur divisé en différents Demi choeurs. Lecture) DEMI CHŒUR I C est écrit Jeanne - c est écrit sorcière - c est écrit hérétique – ennemie de tout le monde – c’est écrit - c’est écrit! DEMI CHŒUR I Jeanne la Sainte! Jeanne la Vierge! Jeanne la Pucelle! CHŒUR C est bien fait! C est elle qui a fait tout le mal! C est bien fait! De quoi c est qu elle s est mêlée? C est bien fait! Sans elle on serait tranquille! C est bien fait! C est elle qui a battu les Anglais! C est elle qui a ramené notre Roi à Rheims! Avec le secours du Diable! Avec le secours de Dieu! Qui est cette Jeanne au juste? Et si elle est de Dieu ou du Diable… Le feu va en décider. (à voix basse) Loué soit notre frère le feu qui est sage, fort, vivant, ardent, acéré, incorruptible. Loué soit notre frère le feu qui est savant à séparer l âme de la chair et de l esprit la cendre! JEANNE Eh quoi! Mon peuple, peuple de France! Il est vrai, Il est vrai que tu veux me brûler vive? LE PEUPLE Elle se réveille comme d’un rêve! JEANNE Et ce prêtre qui était là tout à l heure et qui me tenait à lire ce livre où je lisais? Il n est plus là, il me quitte, il est descendu. il n est plus là et je suis seule. LA VIERGE (au-dessus d’elle) Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule! JEANNE J entends une voix au-dessus de moi qui dit “Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule!”. LE PEUPLE Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule! Il y a ce peuple en bas qui te regarde! JEANNE Je ne veux pas mourir! LE PEUPLE Elle dit qu’elle ne veut pas mourir! JEANNE J ai peur! LE PEUPLE Elle dit qu elle a peur. Ce n est qu une enfant après tout. Ce n était qu une pauvre enfant. Elle dit qu elle a peur UN PRETRE Signe donc! Signe ce papier! Avoue, avoue que tu as menti! JEANNE Et comment signerais-je lorsque mes mains sont liées? UN PRETRE On va t enlever tes chaînes. JEANNE Il y a d autres chaînes plus fortes, qui me retiennent. UN PRETRE Et quelles chaînes plus fortes? JEANNE Plus fortes que les chaînes de fer, les chaînes de l amour! C est l amour qui me lie les mains et qui m empêche de signer. C est la vérité qui me lie les mains et qui m empêche de signer. Je ne peux pas! Je ne peux pas mentir! LA VIERGE Jeanne, Jeanne, confie-toi donc au feu qui te délivrera! CHŒUR Loué soit notre frère le feu qui est pur, ardent, vivant, pénétrant, acéré, invincible, irrésistible, incorruptible. Loué soit notre frère le feu qui est puissant à rendre l esprit à l esprit et cendre cendre, ce qui est cendre à la terre. JEANNE Mère! Mère au-dessus de moi! Ah! J ai peur du feu qui fait mal! CHŒUR Loué soit notre frère le feu qui est sage, fort! Loué soit notre frère le feu qui est savant à séparer l’âme de la chair. Jeanne au-dessus de Jeanne! Flamme au-dessus de la flamme! LA VIERGE Tu dis que tu as peur de feu et déjà tu l as foulé aux pieds. JEANNE Cette grande flamme, cette grande flamme horrible, c est cela qui va être mon vêtement de noces? LA VIERGE Mais est-ce que Jeanne n est pas une grande flamme elle même? Ce corps de mort est-ce qu il sera toujours puissant à retenir ma fille Jeanne? CHŒUR Louée soit notre soeur la flamme qui est pure, forte, vivante, acérée, éloquente, invincible, irrésistible! Louée soit notre soeur la flamme qui est vivante! Louée soit notre soeur Jeanne qui est Sainte, droite, vivante, ardente, éloquente, dévorante, invincible, éblouissante! LA VIERGE Le Feu, est-ce qu il ne faut pas qu il brûle? Cette grande flamme au milieu de la France, est-ce qu il ne faut pas, qu elle brûle? CHŒUR Louée soit nottre soeur Jeanne qui est debout toujours comme une flamme au milieu de la France! LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE (du ciel, avec une tendresse) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu! Viens! Viens! Viens! JEANNE Ce sont ces chaînes encore qui me retiennent! CHŒUR Il y a la joie qui est la plus forte! Il y a l amour qui est le plus fort! Il y a Dieu qui est le plus fort! JEANNE Je viens! Je viens! J ai cassé! J ai rompu! (Elle rompt ses chaînes.) CHŒUR La chaîne qui reliait Jeanne à Jeanne! La chaîne qui reliait l âme au corps! JEANNE Il y a la joie qui est la plus forte! Il y a l amour qui est le plus fort! MARGUERITE (dans le ciel) Hi…! Ah…! JEANNE Il y a Dieu qui est le plus fort! CATHERINE, ENFANTS (dans le ciel) Personne n a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu il aime. LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE APRES CHŒUR (sur la terre) (comme si elles épelaient une inscription) Personne n a un plus grand amour – que de donner sa vie pour ceux qu il aime. (Plus faible et plus solennelle, comme s ils meditasen le sens) Personne n a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu il aime. PROLOGUE (Une scène à deux étages réunis par un escalier assez raide. Sur la scène II un bûcher et au milieu du bûcher un poteau auquel Jeanne est attachée par des chaînes. Pendant la première scène obscurité complète) CHŒUR (sotto voce) Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres! Et la France était inane et vide, et les tenèbres couvraient la face du royaume. Et l Esprit de Dieu sans savoir où se poser planait sur le chaos des âmes et des coeurs, sur le chaos des âmes et des volontés sur le chaos des consciencies et des âmes. SOPRANO Du fond de l engloutissement j ai élevé mon âme vers toi, Seigneur! Ah Seigneur, si vous tardez encore, qui sera capable de vous soutenir? CHŒUR Ténèbres! Ténèbres! Ténèbres! Et la France était inane et vide, et les tenèbres couvraient la face du royaume. Toi, de la gueule du lion et de la main des unicornes, sauve-nous, Eli, Fortis, Ischyros! RÉCITANT Il y eut une fille appelée Jeanne! CHŒUR Il y eut une fille appelée Jeanne! Il y eut une fille appelée Jeanne! Qui, qui, qui a jamais ouï dire une telle chose? Qui, qui, qui a jamais entendu rien de pareil? Il y eut une fille appelée Jeanne! Est-ce que la terre enfantera en un seul jour? Et tout un peuple sera-t-il engendré dans un même temps? Du fond de l engloutissement j ai élevé mon âme vers toi, Seigneur! RÉCITANT Il y eut une fille appelée Jeanne! CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! RÉCITANT Est-ce que la France va être déchirée en deux pour toujours? CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! RÉCITANT Ce que Dieu a uni, que l homme ne le sépare pas! CHŒUR Fille de Dieu, va! va! va! Cet amour qui nous unit à nos frères. Qui! Qui! Qui sera capable de nous en séparer? Pas la violence, ni le découragement, ni la fraude, et ni l altitude, ni la profondeur… RÉCITANT Il y eut une enfant appelée Jeanne! CHŒUR Et la France était inane et vide et les ténèbres couvraient la face du royaume. De profundis clamavi ad te, Domine, Domine, quis sustinebit? RÉCITANT Il y eut une vierge appelée Jeanne. Scène I Les voix du ciel (On entend un chien hurler dans la nuit. Une fois. Deux fois. A la seconde fois l’orchestre se mêle au hurlement en une espèce de sanglot ou de rire sinistre. A la troisième fois les choeurs. Puis silence. Puis les Voix de la nuit sur la forêt à quoi se mêle peut-être, très faiblement, la chanson de Trimazô et une impression limpide de rossignol. Puis silence et quelques mesures de méditation douloureuse. Puis de nouveau le choeur à bouches fermées. Crescendo. Diminuendo. Puis les Voix, distinctes) CHŒUR Jeanne! Jeanne! Jeanne! Scène II Le livre (Jeanne à demi assise et agenouillée au pied du poteau éclairée par un réflecteur. Entre au pied du bûcher Frère Dominique tenant un livre.) FRÈRE DOMINIQUE Jeanne! Jeanne! Jeanne! JEANNE Qui m appelle? Qui est-ce qui m appelle? Qui est-ce qui a dit Jeanne? (Les voix s estompent progressivement à l imperceptible. Le Réflecteurs sur Fray Domingo) FRERE DOMINIQUE Ne me reconnais-tu pas? JEANNE Je reconnais l habit de Dominique, la robe blanche et le manteau noir. FRERE DOMINIQUE Ma robe blanche que mes frères de Paris et de Rouen ont souillée d une telle souillure que ni la soude, ni l herbe à foulon ne suffiront à l effacer. JEANNE Frère Dominique, la bonté de Dieu y suffira, et le sang de cette fille innocente. FRERE DOMINIQUE Jeanne, ma soeur, ainsi tu m as reconnu? JEANNE Frère, frère Dominique, nous sommes des animaux de la même laine! Et moi, je suis quelqu un dans le troupeau qui reconnait la voix de son conducteur. FRERE DOMINIQUE Puisque mes frères et mes fils m ont trahi; puisque ceux qui devraient être la puissante voix du Vrai se sont faits à contre-Dieu tes accusateurs et tes bourreaux, Jeanne. Puisque la parole entre ces mauvais doigts entremêlés est devenue grimoire, c est moi-même, Dominique, moi, Dominique, qui du ciel suis descendu vers toi avec ce livre. JEANNE Dominique, frère Dominique, tous ces temps, tous ces temps que voici j ai vu beaucoup de plumes à l oeuve autour de moi. FRERE DOMINIQUE Tout cela a fait un livre. JEANNE Cette voix terrible qui me questionnait et toutes ces plumes sans relâche autour de moi. Tout cela a fait un livre et moi, je ne sais pas lire. FRERE DOMINIQUE Le livre que je t apporte pour le comprendre, il n y a pas besoin de savoir ni A ni B. Ce paquet de mots que ces Limousins sur la terre ont ficelé dans le latin de Fouarre; cette procédure qu ils ont pétrie dans le patois de Coutances, les Anges pour tous les temps l ont traduit dans le ciel. JEANNE Lis donc, Frère, au nom de Dieu, pour moi et moi, je regarde par dessus ton épaule. FRÈRE DOMINIQUE (faisant le signe de la croix) Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il. CHŒUR Ainsi soit-il. (Fray Domingo se trouve sur le premier barreau de l échelle. Jeanne fait le signe de la croix avec ses mains enchaînées) Scène III Les voix de la terre FRERE DOMINIQUE (lisat) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Hérétique! Sorcière! Relapse! Ennemie de Dieu. Ennnemie du Roi. Ennemie du Peuple. Qu on l enlève, qu on la tue, qu on la brûle! JEANNE Hérétique! Sorcière! Relapse! Frére Dominique! Tout cela, c est Jeanne d Arc? Est-ce vrai? Est-ce moi qui suis tout cela? CHŒUR Hérétique! Sorcière! Relapse! Jeanne! Jeanne! Jeanne! JEANNE Eh quoi! Ces prêtres que je vénérais, ce pauvre peuple que j aimais. Leur Jeanne, leur pauvre enfant avec eux c est vrai qu ils veulent la brûler? C est vrai qu ils me brûler… CHŒUR Assez! Assez! Assez! Jeanne! Jeanne! Jeanne! Qu on l enlève, qu on la tue, qu on la brûle! Hérétique! Sorcière! Relapse! FRERE DOMINIQUE Tu as entendu les voix du ciel, et maintenant écoute en bas ce qu ils en ont fait; écoute ce qu ils en ont retenu. Écoute les voix de la terre! BASSE SOLO (à la Bach) Mulier spiritum pythonis habens, anima quaedeclinaverit ad magos et ariolos et fornicatafuerit cum eis… CHŒUR (violemment) Joanna! BASSE SOLO (de même) Ponam, ponam faciem meam contra eam et interficiam eam de medio populi mei! CHŒUR (violemment) lex est! TENOR SOLO (Impérieuse) Joanna! CHŒUR Hic, hic, hic, hic, hic est Joanna. Hic est Joanna peccatrix! TENOR SOLO Stryga! CHŒUR Pereat! TÉNOR SOLO Haeretica! CHŒUR Pereat! TÉNOR Relapsa! CHŒUR Pereat! TENOR Malis artibus addicta! Inimica Regis et Populi! CHŒUR Morte moriatur! TÉNOR Prostibulum inferni! Instrumentum Satanae! CHŒUR Comburatur igne! JEANNE C est vrai! C est vrai! Je me souviens! Le feu qui brûle! Cette fumée qui étouffe! Oh comme cela fait mal! Prêtres! Prêtres de Jésus Christ! C est vrai que je faisais tant de mal? C est vrai que vous la détestiez tellement, votre pauvre Jeanne? CHŒUR (Sourdement) Pereat! FRERE DOMINIQUE Non, Jeanne, ce ne sont pas des prêtres qui t ont jugée. Quand ces bêtes féroces se sont réunies autour de toi, la rage au coeur et l écume aux crocs, ces prêtres, ces politiques, l Ange du Jugement qui tient les hautes balances d un soufflet il a fait tomber de leurs têtes et de leurs épaules la mitre, le capuchon et le froc. (Entrent les Juges en bottes dans un coin.) Les voici dépouillés comme des forçats! Qu ils reçoivent la coiffure qui leur est appropiée! Ils faut que Jeanne comme jadis ses soeurs sur l arène de Rome soit livrée aux bêtes! L élue de Dieu, la Sainte de Dieu. Ce ne sont pas des prêtres, ce ne sont pas des hommes, ce sont des bêtes qui vont la juger. Scène IV Jeanne livrée aux bêtes. (Entre l’appariteur avec plusieurs serviteurs portant les défroques, les masques et les coiffures) LE HERAUT (coup de trompette) La Cour! Faites silence! L APPARITEUR Qui sera le Président? LE HERAUT Le Tigre! CHŒUR Le Tigre! L APPARITEUR Le Tigre se récuse. LE HERAUT Le Renard! CHŒUR Le Renard! L APPARITEUR Le Renard dit qu il est malade. LE HERAUT Le Serpent! CHŒUR Le Serpent! L APPARITEUR Le Serpent s est sifflé lui-même au fond d un trou. LE HERAUT Mais alors il n y a personne pour présider? CHŒUR Mais alors? Si! Si! Si! fait! Il y a quelqu un! L APPARITEUR Qui est-ce? Qui se propose pour juger Jeanne d Arc? PORCUS Moi! Moi! Moi! Moi! Je me propose pour juger Jeanne d Arc. L APPARITEUR Qui êtes-vous? Comment vous appelez-vous? PORCUS Ego nominor Porcus. Je m appelle Cochon. Moi! Moi! Je suis le Cochon. CHŒUR Porcus! Porcus! Roin! Roin! Sit Porcus praeses noster! Non habemus alium judicem nisi Porcum. Vivat et semper vivat Porcus porcorum! Dignus, dignus est praesidere in nostro praeclaro corpore! Roin! Roin! Sicut lilium inter spinas, ita formosus iste inter cucullos! Quis enim dedit nobis patatas? Ceciderunt stellae de coelo et factae sunt pro nobis patatae? Ecce quam bonum et jucundum est habitare fratres in unum, omnes comedentes patatas. Quis judex sicut Porcus Dominus noster? Hic est Nasus inter nasos dijudicans truphas et patatas. Sternutatio ejus splendor ignis. PORCUS Moi! Moi! Je suis le Cochon! CHŒUR Porcus porcorum! Roin! Roin! Vivat et semper vivat Porcus praeses noster! (L’ Appariterr coiffe Porcus d’une tête de cochon- Le président ouvre la séance) L APPARITEUR Qui sont les assesseurs? CHŒUR Bée! bée! bée! (Tout avance à la fois) L APPARITEUR Qui êtes-vous? CHŒUR Ego nominor Péééééécus. L APPARITEUR Pecus de pecore, prenez-place à droite et à gauche et recevez vos insignes. (On les coiffe de têtes de mouton.) Et maintenant, où est le greffier? L ANE C est moi, l Âne! Asinus adest. (Vient le âne. Immense éclat de rire dans le choeur se terminant par des sanglots.) CHŒUR Ha! ha! ha! ha! ÂNE CHŒUR (comme aux fêtes de l’Âne au Moyen Age) BASSES, ENSUITE SOPRANOS Ecce magnis auribus Adventavit Asinus, Pulcher et fortissimus Sarcinis aptissimus. LES AUTRES Hé Sire Âne, ça chantez, Belle bouche rechignez, Vous aurez du foin assez, Et de l avoine à planté, Hi ha!, hi ha!, hi ha! PORCUS Faites entrer l accusée! (Entre Jeanne enchaînée.) Jeanne, successit illi praeclaro tribunali, je veux dire qu après de longs efforts ce sage et illustre tribunal a enfin réussi par des moyens tour à tour sauves et sévères, et par de patientes et ingénieuses interrogations tant physisques que morales, à éliciter la vérité du fond d une volonté égarée et d un coeur pervers. (Le Chœur d âne éclate soudain de rire) CHŒUR Ecce magnis auribus! LE HERAUT Silence! PORCUS Et maintenant il a plu au Roi de France et d Angleterre, notre légitime souverain… (Tous les lieu, renforcer leurs fausses têtes et retourner se pour asseoir) … De te convoquer ici pour entendre ta juste sentence. Tu vas ouir par quelles industries, dans sa grande miséricorde cette Cour sage et illustre que moi, Cochon, je préside… (Tous les lieu, saluent et revenir s asseoir) … A décidé de te débarrasser grâce à la flamme claire du feu de ce noir démon à laquelle tu t es criminellement enchevêtrée. Mais auparavant nous voulons encore une fois de ta bouche cet aveu solennel qui est nécessaire à la sécurité de nos consciences. À genoux! (Jeanne s agenouille) Joanna, filia Romae, faterisne et confiteris te tenerrimam puellam non naturali auxilio victoriam de manibus Regis Nostri… (Tous les lieu, saluent ) … Evulsisse et fortes exercitus ejus sicut paleam in probrosissimam fugam versisse? Traduisez! L ANE Jeanne, reconnais-tu que ce n est pas par tes propres forces et des moyens naturels que tu es venue à bout des Anglais? JEANNE Je l avoue! CHŒUR Elle avoue! PORCUS Écrivez! (Le notaire écrit) Joanna, filia Romae, faterisne et confiteris te auxilio Diaboli potentissimi alapum dedisse Regi Nostro et fortes exerci tus ejus in probrosissimam fugam versisse? Traduisez! L ANE Jeanne, reconnais-tu que c est par l aide du Diable, très puissant Notre Seigneur… (Tous font le geste de se lever.) PORCUS Assis! Assis! Quels idiots! Assis au nom du Diable! (Il arrache le papier des mains de l’Âne.) Jeanne, reconnais-tu que c est par l aide du Diable que tu as tout fait? JEANNE Je dis Non! PORCUS Qu est-ce qu elle dit? L ANE Elle dit qu elle dit oui! PORCUS Écrivez qu elle a dit oui. Et maintenant je vais consulter le tribunal. (S’adressant à droite au premier assis) Pecus, quid dicis? PECUS Bée, bée, bée, bée! PORCUS (s’adressant à gauche de même) Pecus, quid dicis? CHŒUR (a cappella) Bée, bée, bée! L ANE Habemus confitentem reum. PORCUS Docti et sancti fratres, sic vobis justum et aequum videtur ut Joanna, filia Romae, Stryga, morti condemnetur? CHŒUR (violemment) Moriatur stryga! PORCUS Fiat voluntas Regis Nostri! (Toutes salut) Audivistis sententiam. (Comme au début, montant) Stryga! CHŒUR Pereat! PORCUS Haeretica! CHŒUR Pereat! PORCUS Relapsa! CHŒUR Pereat! PORCUS Inimica Regis et totius generis humani! CHŒUR Morte moriatur! PORCUS Joanna Stryga, filia Romae! CHŒUR Comburatur igne! Scène V Jeanne au poteau (Hurlement du chien) JEANNE Quel est ce chien qui hurle dans la nuit? FRERE DOMINIQUE Ce n est pas un chien, c est Yblis le désepéré qui hurle tout seul au fond de l enfer! BASSES Hérétique! JEANNE Hérétique! BASSES Sorciére! JEANNE Sorcière! BASSES Relapse! JEANNE Relapse! BASSES Cruelle! JEANNE Cruelle! C est moi, Jeanne, qui suis tout cela? L Église, les prêtres, tout ce qu il y a au monde de respectable et de capable et de savant; c est cela, d une voix qui me condamne. Explique-moi, frère Dominique, qu est-ce que j ai fait? Lis-moi ce qui est dans le livre. FRERE DOMINIQUE Tous ces grands hommes qui t ont condamnée, ces docteurs et ces savants, Malvenu, Jean Midi, Coupequesne et Toutmouillé, ils croient dur au Diable, mais ils ne veulent pas croire à Dieu. Le Diable, c est une réalité les Anges, c est une bêtise. Le Diable que tu détestais, il t a aidée les Anges que tu invoquais, ils n ont rien fait. Et criminelle des deux côtés ils te condamnent de l une et l autre main. Telle est la sagesse de la Sorbonne. Tels sont ces illustres docteurs qui donnent des nazardes au Pape. JEANNE Mais moi, la pauvre pastoure de Domrémy, comment est-ce que je suis venue jusqu ici? FRERE DOMINIQUE Tu y es venue par l opération du jeu de cartes qu un roi fou a inventé. JEANNE Qu est-ce que c est que le jeu de cartes? FRERE DOMINIQUE On va te l expliquer. Scène VI Les rois ou l’invention du jeu de cartes HERAUT I (expliquant) Le jeu de cartes comprend quatre Rois, quatre Dames et quatre Valets. HERAUT II Sans compter les Chiffres qui sont sept. HERAUT I Le résultat de la partie est que les Rois chan gent de place. HERAUT II Ce qui était au midi va au nord. HERAUT I Ce qui était au levant va au couchant. Ça tourne. HÉRAUT II Quant aux Reines, elles ne changent pas de place, elles sont toujours là. HERAUT I Faites entrer Leurs Majestés! HERAUT III (Annonçant) Le Roi de France! (Entre le Roi de France qui va s’asseoir sur un trône.) Sa Majesté la Bêtise! (Entre la Bêtise.) Le Roi d Angleterre! (Entre le Roi d’Angleterre, un enfant.) Sa Majesté l Orgueil! (Entre l’Orgueil) Le Duc de Bourgogne! (Entre le Duc de Bourgogne.) Sa Majesté l Avarice! (Entre l’Avarice.) HERAUT II Et quel est le quatrième Roi? HERAUT I Dans toutes les parties de cartes il y a un mort. HERAUT III (Annonce à la porte) La Mort! (Entre la Mort.) HERAUT I Et voici maintenant sa compagne et très fidèle épouse, celle qui partage son lit. HERAUT III Sa Majesté la Luxure! (Entre la Luxure) HERAUT I Les Rois changent de place, mais les Reines, Sa Majesté l Orgueil, Sa Majesté la Bêtise, Sa Majesté l Avarice, Sa Majesté la Luxure, ces Majestés ne changent pas de place, elles restent toujours avec nous. HERAUT II Mais ceux qui jouent réellement la partie. ce ne sont pas les Rois, ni les Reines. ce sont les Valets. HERAUT I Faites entrer les Valets! HERAUT III Sa grâce le Duc de Bedford! Son Altesse Jean de Luxembourg! Sa Grandeur Regnault de Chartres! Guillaume de Flavy! (Ils entrent) JEANNE C est lui qui a baissé la herse derrière moi à Compiègne. HERAUT I Le jeu commence, il comprend trois parties. (Sonnerie de trompettes – Musique de vielle Il commence le jeu. Chaque de côté boîte de prises, deux autres carrés un de décoratifs chevaliers et autres de paysans ; c est-à-dire trois donnant Cannée et celui qui les reçoit) Première Partie REGNAULT DE CHARTRES J ai perdu, je veux dire que j ai gagné. BEDFORD J ai gagné, je veux dire que j ai perdu. Deuxième Partie GUILLAUME DE FLAVY La carte maîtresse. JEAN DE LUXEMBOURG Je coupe! Troisième Partie REGNAULT DE CHARTRES J ai gagné! DUE DE BEDFORD J ai perdu! GUILLAUME DE FLAVY J ai perdu, j ai de l argent plein les poches. JEAN DE LUXEMBOURG J ai gagné et j ai de l argent plein les poches. GUILLAUME DE FLAVY Messieurs, je vous livre Jeanne d Arc la Pucelle. BEDFORD La Sorcière! REGNAULT DE CHARTRES Bien le bonjour, Messieurs, et à l avantage de vous revoir! BASSES (sordide) Comburatur igne! Scène VII Cathérine et Marguerite (Cloches dans la nuit – des Voix) JEANNE Quelles sont ces cloches dans la nuit? FRERE DOMINIQUE Les cloches qui sonnent le glas. JEANNE Et qui invitent les bonnes âmes à prier pour Jeanne d Arc. FRERE DOMINIQUE Hérétique! Sorcière! Cruelle! Relapse! BASSES (sordide) Comburatur igne! JEANNE Merci, bonnes cloches! Mes soeurs! Mes amies! Mes voix qui s étaient tues, les voilà de nouveau qui parlent! FRERE DOMINIQUE La cloche noire et la cloche blanche! BASSES Comburatur igne! (Les deux cloches sonnent à la fois) CATHERINE De profondis clamavi ad te, Domine. MARGUERITE Spera, spira! spera, spira! Jésus! Marie! CATHERINE Libera me, Domine, de ore leonis dum veneris judicare saeculum per ignem. MARGUERITE Spera, spira! spera, spira! Jésus! Marie! BASSES Comburatur igne! JEANNE Catherine et Marguerite. Je les reconnais! La Catherine qui dit "De Profundis" et la Marguerite bleue et blanche dans le ciel qui dit "Papa! Maman!" Comme je les écoutais jadis à Domrémy, la Catherine et la Marguerite! Jésus! Marie! J ai écrit ces deux noms sur ma jolie bannière bleue et blanche. Jésus! Marie! Catherine! Marguerite! Et moi; ce petit bout de femme dans les orties et les boutons d or, si ébahie qu elle oubliait de manger sa tartine. CATHERINE, MARGUERITE (Soudain violent) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE J irai! J irai! Je vais! Je suis allée! Où est ma bonne épée! CATHERINE, MARGUERITE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Prends le Roi! Ramène le Roi de France! JEANNE C est fait! Je le tiens! J ai pris son cheval par labride! Je ramène mon gentil Roi! Je le ramène à travers la forêt! Je le ramène à travers la France! Scène VIII Le roi qui va-t-a rheims. (Cloches dans le lointain) CHŒUR (dans la lointain) VOIX D’ENFANTS (plus proches) Voulez-vous manger des cesses? Voulez-vous manger du flan? Quand irons-nous à Liesse? Quand irons-nous à Laon? BASSES La! la! la! la! LES AUTRES (Dans le tumulte) Heurtebise! Heurtebise! (Entre un cortège rustique escortant le Géant Heurtebise, qui n’est pas autre chose qu’un moulin à vent avec un grand chapeau de paille effilochée et une meule sous le bras comme une miche) Chanson D’Heurtebise CHŒUR Blanche ou grise Heurtebise Trouve que la farine altère, Heurtebise, mon compère, Qu as-tu fait de ta ménagère? Tout habillé de toile écrue Lustucru! Au prix de son beau blé jaune Réclame du vin de Beaune. Heurtebise, mon compère, Qu as-tu fait de ta ménagère? Tonneaux! tonneaux! tonneaux! la v là qu arrive par la Saône La Mère aux Tonneaux de Beaune, Tonneaux! tonneaux! tonneaux! CHANSON DE LA MERE AUX TONNEAUX Le vin de Beaune et de Troyes Le v là qu arrive tout droit. Heurtebise, mon compère, T as retrouvé ta commère. Nous avons bu trop de bière! Il nous faut du vin joli! Heurtebise, mon ami, Tu n auras plus la pépie! Heurtebise, c est fini De ce bouton sur la langue, Heurtebise, c est fini De rage et d esquinancie! (Heurtebise et la Mère aux Tonneaux se saluent solennellement.) HEURTEBISE (avec l’accent picard) Mère aux Tonneaux, il y a longtemps que je vous ai vue. LA MERE AUX TONNEAUX (avec l’accent de Bourgogne) Heurtebise, mon époux, vous avez bien mauvaise mine, mon pauvre, depuis l temps autrefois jadis que je vous ai pas vu. HEURTEBISE Madame Tonneaux, mon épouse, je vous apporte de la bonne galette au lard de Picardie. LA MERE AUX TONNEAUX Heurtebise, mon époux, qui virez à tous les vents, je vous apporte quelque chose qui vous fera t nir tranquille. HEURTEBISE Tonneaux, Tonneaux, ma femme! Tonneaux, Tonneaux, ma femme! Le bon pain de France et le bon vin de France, désormais, i ne faut plus qui soient séparés. LA MERE AUX TONNEAUX Heurtebise, mon ami, vous dites une bonne chose, et alors je vais vous embrasser. (Ils dansent grotesquement) CHŒUR ET VOIX D ENFANTS Vive Heurtebise! Vive la Mère aux Tonneaux! (Danse) Voulez-vous manger des cesses? etc. LE CLERC (se dressant tout droit au milieu d’eux comme une chandelle noire) Paysans! Croquants! Rustres agrestes et grossiers! N avez-vous point vergogne de vous réjouir ainsi comme des païens en cette santie veille de Noël pendant que le Roi Notre Seigneur se rend à Rheims pour y être consacré de la Main des Anges? UN PAYSAN Et c’est-i pas le moment de boire un petit coup parce qu’Heurtebise a retrouvé Jean Raisin, et que la moitié de la France sur son coeur a retrouvé l’autre moitié? UN AUTRE Surtout qu’i fait rudement frisquet, on peut le dire, à rester tout gelés comme ça à attendre. Un petit coup de vin, un petit air de danse, ça ne fait de mal à personne. LE CLERC La forêt elle-même pour se préparer aux mystères de cette sainte nuit s’est couvert la tête d’un voile blanc. Et vous autres, préparez vos coeurs au mystère qui va s’accomplir. UN PAYSAN Oh! Perrot, là-haut! oh! Perrot, là-haut! est-ce que tu vois quèqu’chose? PERROT, DU HAUT DE L’ARBRE Je vois une petite lumière CHŒUR Le Roi! Le Roi de France! LE CLERC Allons, mes enfants! Venez tous autour de moi et répétons tous ensemble cette belle antienne de latin tout blanc que je vous ai apprise. La terre a étendu un grand tapis de neige sous les pieds du Roi Notre Sire. Et nous de la Loire jusqu’à Rheims il faut que nous étendions un grand tapis de prières. (La flûte exécute l air “Aspiciens a longe”) Aspiciens a longe. Vous comprenez c’est le peuble Juif qui attend Le Messie comme nous le Roi notre Sire. Aspiciens a longe. Regardant de loin là-bas dans la distance la main au dessus des yeux et tout est plein d’obscurité et de confusion. CHŒUR Aspiciens a longe, ecce video Dei potentiam venientem et nebulam totam terram tegentem. VOIX D ENFANTS Ite obviam ei et dicite BASSE SOLO Nuntia nobis si tu es ipse… CHŒUR …qui regnaturus es in populo Israël. Rhythme de la marche royale (Loin) VOIX DE PERROT La v la qu arrive! Le Roi! Le Roi de France! (Trompettes et cris à distance) TOUTS Le Roi qui va-t-à Rheims! (Une partie de l auditoire se précipite vers le bas, où une procession à l emblème de cheval éclairé par des torches. La flûte prend plus doucement El tema « Aspiciens a longe »…) LE CLERC Qui regis Israël. CHŒUR Nuntia nobis si tu es ipse. (Le cortège à cheval s’éloigne et s’éteint.) CHŒUR Voulez-vous manger des cesses? Voulez-vous manger du flan? Quand irons-nous à Liesse? Quand irons-nous à Laon? LE CLERC (achevant l’antienne) Qui regnaturus es in populo Israël. JEANNE C est moi qui ai fait cela! FRERE DOMINIQUE C est! Dieu! C est Dieu qui a fait cela! JEANNE C est Dieu! C est Dieu avec Jeanne! Les voix ne m avaient pas trompée! Catherine et Marguerite, elles ne m ont pas trompée! CHŒUR Coupequesne, Jean Midi, Toutmouillé, Malvenu. Ils déclarent que tu t es trompée. JEANNE Le Roi ne voulait pas venir et c est moi qu ai pris son cheval par la bride. CHŒUR Sorcière! Cruelle! Hérétique! Schismatique! Homicide! Relapse! Imposture! Hystérique! Prostituée! JEANNE C est moi que l ai amené à travers toute la France! CHŒUR Pereat Stryga! (Crescendo) JEANNE C est moi qui l ai amené à Rheims! CHŒUR Morte moriatur! JEANNE C est moi qui ai sauvé la France! C est moi qui ai réuni la France! Toutes les mains de la France en une seule main! Un telle main qu elle ne sera plus divisée! CHŒUR Comburatur igne! FRERE DOMINIQUE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Est-ce pour un Roi de chair que tu as donné ton sang virginal? Scène IX L’épée de Jeanne (Le jour se lève) MARGUERITE (dans la ciel) Spera! Spira! Spera! Spira! Spera! Spira! JEANNE J entends Marguerite dans le ciel mélangée à l exalation des rossignols et les douces petites étoiles à la voix de cette active soeur sacristine s éteignent l une après l autre. CHŒUR (a bocca chiusa pendant le dialogue suivant) FRERE DOMINIQUE Les pages de nuit, de sang, d outre-mer et de pourpre se sont effeuillées sous mes doigts et il ne reste plus sur le parchemin virginal qu une initiale dorée. JEANNE Que c est beau cette Normandie toute rouge et rose, toute rouge de bonheur, toute rose d innocence qui se prépare à faire avec moi la sainte communion dans l étincelante rosée! Que c est beau pour Jeanne la Pucelle de monter au ciel au mois de mai! Que tu es belle, ô ma belle Normandie, mais que dirais-tu, Frère Dominique, si, Marguerite et moi, nous pouvions t expliquer notre Lorraine? FRERE DOMINIQUE Parle, Jeanne, car je sais qu il ya des choses qu une petite fille peut m expliquer, moi, qui, ceint de fer et de cuir et les yeux fermés ai marché de bonne heure dans les sentiers de la pénitence. JEANNE Et que puis-je t expliquer, quand il y a encore au ciel une douzaine d étoiles au moins qui en savent plus que moi? FRERE DOMINIQUE Explique-moi ton épée! Est-ce vrai que tu as trouvé ton épée, cette terrible épée devant laquelle se sauvaient Anglais et Bourguignons, dans une chapelle en ruines? JEANNE Non, ce n est pas une chapelle en ruines! C est a Domrémy qu on me l a donnée. Ma bannière dans la main gauche, mon épée dans la main droite, ah! qui m aurait résisté? Jhésus Marie! Jhésus Marie! MARGUERITE (dans la ciel) Jhésus Marie! Jhésus Marie! (La musique, il se lève lentement) CATHERINE Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE Je vais! Je vais! J irai! Je suis allée! FRERE DOMINIQUE A qui est-ce que tu parles ainsi? JEANNE Es-tu sourd? N entends-tu pas les voix qui disent Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va, va! Ah, ce n est plus sorcière maintenant qu elles disent, c est mon petit nom de chrétienne, celui que j ai reçu au baptême, Jeanne! Ce n est plus hérétique et relapse et je ne sais quoi, et tous ces vilains noms. C est fille de Dieu! C est beau d être la fille de Dieu! Et ce n est pas seulement Catherine et Margherite, c est tout le peuple ensemble des vivants et des mort qui dit fille de Dieu! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va! va! va! Bien sûr que j’irai! CATHERINE, MARGUERITE, CHŒUR (Doucement et affaiblissement) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu, va, va, va! FRERE DOMINIQUE Mais tu ne m as pas expliqué l épée. JEANNE Mais pour que tu comprennes l épée, frère tondu, il faudrait que tu sois une petite fille Lorraine! Je peux pas faire de toi une petite fille Lorraine! Je peux pas te prendre la main et t amener avec nous pour chanter Trimazo avec Aubin et Rufin! VOIX D ENFANTS Trimazo! JEANNE Écoute ce qu ils disent! UNE VOIX D ENFANT En revenant de ces verts champs, j avons trouvé les blés si grands les aubépines fleurissant devant Dieu. JEANNE Écoute! Écoute! VOIX D ENFANTS Quand vous couchez vot bel enfant que Dieu le garde à son coucher et à tout heure de la journée devant Dieu. C est le Mai, mois de Mai, c est le joli mois de Mai! Un petit brin de vot farine, un petit oeuf de vot géline, c est pas pour boire ni pour manger, c est pour avoir un joli cierge, pour y lumer la Sainte Vierge, devant Dieu. CORO (bocca chiusa) JEANNE As-tu compris, frère Dominique? Ah, moi! Il n y a pas eu besoin de Coupequesne et Toutmouillé pour me l expliquer! C est le tilleul devant la maison de mon père, comme un grand prédicateur en surplis blanc dans le clair de lune, qui m a tout expliqué! VOIX D’ENFANTS C’est le Mai, mois de Mai, C’est le joli de Mai! FRERE DOMINIQUE Explique, et moi j écoute. JEANNE Quand il fait bien froid en hiver et que le froid et la gelée resserrent tout et on dirait que tout est mort, et les gens sont morts de froid et il y a de la neige et la glace sur tout comme un drap, et comme une cuirasse… et on croit que tout est mort et que tout est fini. BASSE SOLO (Au loin) Mais il y a l espérance qui est la plus forte. JEANNE On croit que tout est fini, mais alors il y a un rouge-gorge qui se met à chanter. MARGUERITE ET CATHERINE Fille de Dieu, va, va, va! JEANNE Il y a un mauvais petit vent venu d on ne sait où qui se met à souffler! Il y a une certaine petite pluie chaude qui se met à tomber sur vous. CHŒUR Il y a toute la forêt là-bas qui se met en mouvement! Il y a l espérance qui est la plus forte! JEANNE Et alors le temps de fermer les yeux et de compter jusqu à trois et tout est changé! Le temps de compter jusqu’à quatre, et tout est changé! MARGHERITE, CATHERINE, SOPRANOS Fille de Dieu, va! va! va! JEANNE Tout est blanc! tout est rose! tout est vert! CHŒUR Il y a toute la forêt là-bas qui se met en mouvement! JEANNE Celui qui voudrait empêcher les mirabelliers de fleur il faudrait qu il soit bien malin! Celui qui voudrait empêcher les cerisiers de ceriser, tellement que tout est plein de belles cerises… Mon père dit qu il faudrait qu il se lève matin de bonne heure! C est alors que Catherine et Marguerite se mettent à parler. BASSES Coupequesne-Jean Midi-Malvenu -Toutmouillé. Ils disent que tu t est trompée! JEANNE Et quand Jeanne au mois de Mai monte sur son cheval de bataille, il faudrait qu il soit bien malin celui qui empêcherait toute la France de partir! Les entends-tu ces chaînes de tous les côtés, qui éclatent et qui cassent? Ah! ces chaînes que j ai aux mains, elles me font rire! Je ne les aurai mie toujours! On a vu ce que Jeanne peut faire avec une épée. La comprends-tu maintenant, cette épée que Saint Michel ma donnée? Cette épée! Cette claire épée! Elle ne s appelle pas la haine, elle s appelle l amour! VOIX D ENFANTS Madame, nous vous remercions De vos bonnes intentions, Nous prions Dieu dans vot maison Aussi quand nous en sortirons. Devant Dieu. CATHERINE Rouen! Rouen! Rouen! JEANNE Rouen! Rouen! Tu as brûlé Jeanne d Arc, mais je suis plus forte que toi et tu ne m auras mie toujours! BASSES Jean Midi, Coupequesne, Toutmouillé, Malvenu. SOPRANOS, ALTOS Fille de Dieu, va!va!va! JEANNE Il y a l espérance qui est la plus forte! MARGUERITE Ah! JEANNE Il y a la foi qui est la plus forte! CHŒUR Il y a l’espérance qui est la plus forte! Il y a la joie qui est la plus forte! Fille de Dieu, va, va, va! MARGUERITE ET CATHERINE Fille de Dieu, va, va, va! MARGUERITE Spira! Spera! JEANNE Il y a Dieu! Il y a Dieu qui est le plus fort! VOIX D ENFANT C est le Mai, le mois de Mai, C est le joli mois de Mai! Scène X Trimazo JEANNE Un petit brin de vot farine, Un petit oeuf de vot géline, une petite larme pour Jeanne! une petite prière pour Jeanne! une petite pensée pour Jeanne! C est pas pour boire ni pour manger, C est pour aider avoir un cierge, Pour y lumer la Sainte Vierge. C est moi qui vais faire le joli cierge. Scène XI Jeanne d’arc en flammes LA VIERGE (au-dessus, sur le pilier de Jeanne) J accepte cette flamme pure. (Cependant dès les scènes précédentes la foule lentement s’est rassemblée devant l’échafaud hommes, femmes et enfants, formant transition avec le Choeur et le Public. Chœur divisé en différents Demi choeurs. Lecture) DEMI CHŒUR I C est écrit Jeanne - c est écrit sorcière - c est écrit hérétique – ennemie de tout le monde – c’est écrit - c’est écrit! DEMI CHŒUR I Jeanne la Sainte! Jeanne la Vierge! Jeanne la Pucelle! CHŒUR C est bien fait! C est elle qui a fait tout le mal! C est bien fait! De quoi c est qu elle s est mêlée? C est bien fait! Sans elle on serait tranquille! C est bien fait! C est elle qui a battu les Anglais! C est elle qui a ramené notre Roi à Rheims! Avec le secours du Diable! Avec le secours de Dieu! Qui est cette Jeanne au juste? Et si elle est de Dieu ou du Diable… Le feu va en décider. (à voix basse) Loué soit notre frère le feu qui est sage, fort, vivant, ardent, acéré, incorruptible. Loué soit notre frère le feu qui est savant à séparer l âme de la chair et de l esprit la cendre! JEANNE Eh quoi! Mon peuple, peuple de France! Il est vrai, Il est vrai que tu veux me brûler vive? LE PEUPLE Elle se réveille comme d’un rêve! JEANNE Et ce prêtre qui était là tout à l heure et qui me tenait à lire ce livre où je lisais? Il n est plus là, il me quitte, il est descendu. il n est plus là et je suis seule. LA VIERGE (au-dessus d’elle) Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule! JEANNE J entends une voix au-dessus de moi qui dit “Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule!”. LE PEUPLE Jeanne, Jeanne, tu n es pas seule! Il y a ce peuple en bas qui te regarde! JEANNE Je ne veux pas mourir! LE PEUPLE Elle dit qu’elle ne veut pas mourir! JEANNE J ai peur! LE PEUPLE Elle dit qu elle a peur. Ce n est qu une enfant après tout. Ce n était qu une pauvre enfant. Elle dit qu elle a peur UN PRETRE Signe donc! Signe ce papier! Avoue, avoue que tu as menti! JEANNE Et comment signerais-je lorsque mes mains sont liées? UN PRETRE On va t enlever tes chaînes. JEANNE Il y a d autres chaînes plus fortes, qui me retiennent. UN PRETRE Et quelles chaînes plus fortes? JEANNE Plus fortes que les chaînes de fer, les chaînes de l amour! C est l amour qui me lie les mains et qui m empêche de signer. C est la vérité qui me lie les mains et qui m empêche de signer. Je ne peux pas! Je ne peux pas mentir! LA VIERGE Jeanne, Jeanne, confie-toi donc au feu qui te délivrera! CHŒUR Loué soit notre frère le feu qui est pur, ardent, vivant, pénétrant, acéré, invincible, irrésistible, incorruptible. Loué soit notre frère le feu qui est puissant à rendre l esprit à l esprit et cendre cendre, ce qui est cendre à la terre. JEANNE Mère! Mère au-dessus de moi! Ah! J ai peur du feu qui fait mal! CHŒUR Loué soit notre frère le feu qui est sage, fort! Loué soit notre frère le feu qui est savant à séparer l’âme de la chair. Jeanne au-dessus de Jeanne! Flamme au-dessus de la flamme! LA VIERGE Tu dis que tu as peur de feu et déjà tu l as foulé aux pieds. JEANNE Cette grande flamme, cette grande flamme horrible, c est cela qui va être mon vêtement de noces? LA VIERGE Mais est-ce que Jeanne n est pas une grande flamme elle même? Ce corps de mort est-ce qu il sera toujours puissant à retenir ma fille Jeanne? CHŒUR Louée soit notre soeur la flamme qui est pure, forte, vivante, acérée, éloquente, invincible, irrésistible! Louée soit notre soeur la flamme qui est vivante! Louée soit notre soeur Jeanne qui est Sainte, droite, vivante, ardente, éloquente, dévorante, invincible, éblouissante! LA VIERGE Le Feu, est-ce qu il ne faut pas qu il brûle? Cette grande flamme au milieu de la France, est-ce qu il ne faut pas, qu elle brûle? CHŒUR Louée soit nottre soeur Jeanne qui est debout toujours comme une flamme au milieu de la France! LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE (du ciel, avec une tendresse) Jeanne! Jeanne! Jeanne! Fille de Dieu! Viens! Viens! Viens! JEANNE Ce sont ces chaînes encore qui me retiennent! CHŒUR Il y a la joie qui est la plus forte! Il y a l amour qui est le plus fort! Il y a Dieu qui est le plus fort! JEANNE Je viens! Je viens! J ai cassé! J ai rompu! (Elle rompt ses chaînes.) CHŒUR La chaîne qui reliait Jeanne à Jeanne! La chaîne qui reliait l âme au corps! JEANNE Il y a la joie qui est la plus forte! Il y a l amour qui est le plus fort! MARGUERITE (dans le ciel) Hi…! Ah…! JEANNE Il y a Dieu qui est le plus fort! CATHERINE, ENFANTS (dans le ciel) Personne n a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu il aime. LA VIERGE, MARGUERITE, CATHERINE APRES CHŒUR (sur la terre) (comme si elles épelaient une inscription) Personne n a un plus grand amour – que de donner sa vie pour ceux qu il aime. (Plus faible et plus solennelle, comme s ils meditasen le sens) Personne n a un plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu il aime. Honegger,Arthur/Jeanne d Arc au bûcher
https://w.atwiki.jp/aesthetica/pages/55.html
tout-ensemble Jp. 全体性(島本浣 [1988]), 総体(安西信一) Étymologie et Histoire TLFi, art. ENSEMBLE, subst. masc. Étymol. et Hist. 1669 un Tout-ensemble (MOLIÈRE, Val-de-grâce, éd. M. AD. Régnier, IX, 80); 1694 subst. (CORNEILLE, p. 373). Substantivation de ensemble. Petit Robert, art. ENSEMBLE n. m. 1694; tout-ensemble 1668; subst. de 1 ensemble. André Félibien, Les Conférences de l Académie royale de peinture et sculpture pendant l année 1667, 1668, 7ème conférence, Sébastien Bourdon, Sur Les Aveugles de Jéricho de Poussin, (3 décembre 1667). [éd. par Mérot, 2003, 115]. M. Bourdon voyant la compagnie dans l attente des remarques qu il devait faire sur cet ouvrage, commença son discours par un éloge qu il fit du mérite de M. Poussin et de ses tableaux; et, après avoir montré combien il lui était difficile d expliquer assez dignement six parties principales qu il a remarquées dans celui-ci, qui sont la lumière, la composition, la proportion, l expression, les couleurs et l harmonie du tout ensemble, il dit qu il tâcherait d imiter les abeilles qui, trouvant un parterre émaillé d une infinité de fleurs, en choisissent quelques-unes sur lesquelles elles prennent plaisir d amasser le miel. TLFiの挙げるモリエールより1年早い用例。この講演録にあるtout-ensembleの語が、もととなった67年12月のBourdonの講演に正しく準拠しているとすれば、67年には既に画家の間で用いられていた、ということになる。 André Félibien, IX. Entretien, 1688, 447- 448. [éd. 1725, tome 4, 168- 169]. Combien de fois avons-nous consideré dans Rome le Salon du Palais Barberin, où nous trouvions tant de graces de noblesse dans la disposition des figures, tant d agrément dans leurs attitudes dans leurs airs de têtes; une si belle union dans leurs couleurs, ce que les Italiens nomment Vaguezza? Quoi-que cet ouvrage soit [peint] à fraisque, il n y a pas moins de force de tendresse que s il étoit peint à l huile. Et bien que le dessein n en soit pas d un goût exquis, ni les draperies des figures tout-à-fait bien entenduës naturelles; cependant il se trouve que le tout ensemble a quelque chose de si gracieux de si doux à la vuë, qu il n y a personne qui ne sente beaucoup de plaisir en le regardant. フェリビアンの『対話』の中で、名詞形としてtout-ensembleの語が用いられている(おそらく唯一の)箇所。Pietro da Cortonaの『神の摂理の勝利』の「tout-ensemble」を称賛する。 André Félibien, IX. Entretien, 1688, II, 472- 473. Il [Poussin] disposoit sur une table de petits modelles qu il couvroit de vestemens pour juger de l effet de la disposition de tous les corps ensemble [...]. tout-ensembleの語はないが、同様の事柄を指してl effet de tous les corps ensembleとある。 Roger de Piles Abregé de la vie des peintres avec des réflexions sur leurs ouvrages, 1699, [éd. 1767, 191]. II [Le Giorgion] entendoit très-bien le clair-obscur, l harmonie du tout-ensemble ; il ne se servoit pour ses carnations que de quatre couleurs capitales, dont le judicieux mélange faisoit toute la différence des âges des sexes. Mais dans ces quatre couleurs, on ne doit vraisemblablement y comprendre ni le blanc qui tient lieu de la lumiere, ni le noir qui en est la privation. Abregé de la vie des peintres avec des réflexions sur leurs ouvrages, [éd. 1767, 197f]. Le soin qu il [Titien] prenoit de concerter judicieusement, le tout ensemble de ses ouvrages lui a fait répéter plusieurs fois les mêmes compositions pour éviter de nouvelles peines l on voit de sa main plusieurs tableaux de Magdelaine, de Vénus d Adonis, où il a seulement changé le fond, afin qu on ne put douter qu ils ne fussent tous originaux. Ce n est pas qu il ne soit à présumer qu il se prévaloir du secours de ses éleves, fur tout de trois flamans, qui étoient d excellens Peintres, entre lesquels Diteric Barent étoit le disciple favori du Titien. Après que de tels éleves ont épuisé leurs industries à rendre leurs copies équivoques, que leur maître avec des yeux frais les a rétouchées, y a répandu son esprit? qui doute qu elles ne doivent être estimées de sa propre main, aussi-bien que le premier original? Abregé de la vie des peintres avec des réflexions sur leurs ouvrages, 1699, [éd. 1767, 229]. Si son [Le Bassan] talent n étoit pas pour le genre héroïque ci pour les histoires, qui demandent de la dignité, il a bien traitté les sujets champêtres, ceux qui étoient proportionnés à la mesure de son génie. Car de quelque maniere que fussent ses objets, il les savoit disposer avantageusement; pour l effet du tout ensemble, s il a mal ajusté mal tourné certaines choses particulieres, il les a du moins rendues vraies palpables. Abregé de la vie des peintres avec des réflexions sur leurs ouvrages, 1699, [éd. 1767, 347]. Si ce Peintre [Rubens] a su ingénieusement inventer les objets qu il faisoit entrer dans ses compositions, il avoit encore l art de les disposer si avantageusement, que non seulement chaque objet en particulier fait plaisir à voir mais qu il contribue encore à l effet du tout-ensemble. Cours de peinture par principes, 1708, [éd. 1766, 99- 105]. Du tout-ensemble. La derniere chose qui dépend de la disposition est le tout-ensemble. Le tout-ensemble est un résultat des parties qui composent le tableau, en-sorte néanmoins que ce tout, qui est une liaison de plufleurs objets, ne soit point comme un nombre composé de plusieurs unités indépendantes égales entr elles, mais qu il ressemble à un tout politique ; où les grands ont besoin des petits, comme les petits ont besoin des grands. Tous les objets qui entrent dans le tableau, toutes les lignes toutes les couleurs, toutes les lumieres toutes les ombres ne sont grandes ou petites, fortes ou foibles que par comparaison. Mais quelle que soit la qualité de toutes ces choses, quelque soit l état où elles se trouvent , elles ont une relation dans leur assemblage, dont aucune en particulier ne peut se prévaloir. Car l effet qui en résulte consiste dans une subordination générale où les bruns font valoir les clairs, comme les clairs font valoir les bruns, où le mérite de chaque chose n est fondé que sur une mutuelle dépendance. Ainsi pour définir le tout-ensemble, on peut dire que c est une subordination générale des objets les uns aux autres, qui les fait concourir tous ensemble à n en faire qu un. Or cette subordination qui fait concourir les objets à n en faire qu un, est fondée sur deux choses , sur la satisfaction des yeux, sur l effet que produit la vision. C est ce que je vais expliquer. Les yeux ont cela de commun avec les autres organes des sens, qu ils ne veulent point être interrompus dans leurs fonctions, il faut convenir que plusieurs personnes qui parleroient dans un même lieu, en même tems de même ton, feroient de la peine aux auditeurs qui ne sauroient auquel entendre. Semblable chose arrive dans un tableau, où plusieurs objets séparés, peints de même force, éclairés de pareille lumiere, partageraient inquiéteroient la vue, laquelle , étant attirée de différens côtés seroit en peine sur lequel se porter, ou qui voulant les embrasser tous d un même coup d œil, ne pourroit les voir qu imparfaitement. Pour éviter donc la dissipation des yeux, il faut les fixer agréablement par des liaisons de lumieres d ombre, par des unions de couleurs , par des oppositions d une étendue suffisante, pour soutenir les grouppes, leur servir de repos. Mais si le tableau contient plusieurs grouppes, il faut qu il y en ait un qui domine sur les autres en force en couleur que d ailleurs les objets séparés s unissent à leur fond pour ne faire qu une masse, laquelle serve de repos aux principaux objets. La satisfaction des yeux est donc l un des fondemens de l unité dans les tableaux. L autre fondement de cette même unité, c est l effet que produit la vision la maniere dont elle se fait. L œil a la liberté de voir parfaitement tous les objets quf l environnent, en se fixant succesfivement sur chacun d eux ; mais quand il est une fois fixé, de tous les objets il n y a que celui qui se trouve au centre de la vision, lequel soit va clairement distinctement les autres n étant vus que par des rayons obliques, s obscurcissent se confondent à mesure qu ils s éloignent du rayon direct. C est un fait que nous vérifions à tous les instans que nous portons nos yeux sur quelque objet. Je suppose, par exemple, que mon œií A se porte sur l objet B par la ligne directe A B. II est certain que si je ne remue pas mon œil, qu en même tems je veuille observer les autres objets qui ne font vus que par les lignes obliques à droite à gauche, je trouverai que bien qu ils soient tous sur une même ligne circulaire à la même distance de mon œil, ils s effacent diminuent de force de couleur à mesure qu ils s écartent de la ligne directe, qui est le centre de la vision. D où il s ensuit que la vision est une preuve de l unité d objet dans la nature. Or si la nature, qui est sage, qui en pourvoyant à nos besoins les accompagne de plaisirs, réduit ainsi sous un même coup d œil plusieurs objets pour n en faire qu un, elle donne en cela un avis au Peintre, afin qu il en profite selon que son art la qualité de son sujet le pourront permettre. II me paroît que cette observation n est pas indigne de la réflexion du Peintre, s il veut travailler pour la satisfaction des yeux à l exemple de la nature dont il est imitateur. Je rapporterai encore ici l expérience du miroir convexe, lequel encherit sur la nature pour l unité d objet dans la vision. Tous les objets qui s y voient font un coup d œil de un tout-ensemble plus agréable que ne feroient les mêmes objets dans un miroir ordinaire, j ose dire dans la nature méme. ( Je suppose le miroir convexe d une mesure raisonnable, non pas de ceux qui pour être partie d une petite circonference corrompent trop la forme des objets. ) Je dirai en passant que ces sortes de miroirs qui sont devenus assez rares pourroient être utilement consultés pour les objets particuliers, comme pour le général du tout-ensemble. Après tout, c est au Peintre à se consulter soi-même sur le travail qu il entreprend. Car si son ouvrage est grand, il peut le composer de plusieurs grouppes qui après le premier coup d œil feroient capables de fixer les yeux du spectateur, par le moïen des répos bien menagés, de devenir à leur tour un centre de vision. Ainsi le Peintre judicieux doit faire en sorte qu après le premier coup d œil, de quelque étendue que soit son ouvrage, les yeux en puissent jouir successivement. II reste encore à parler d un effet merveilleux du tout-ensemble , c est de mettre tous les objets en harmonie. Car l harmonie quelque part qu elle se rencontre, vient de l arangement du bon ordre. II y à de l harmonie dans la morale comme dans la physique ; dans la conduite de la vie des hommes, comme dans le corps des hommes mêmes. Il y en a enfin dans tout ce qui est composé de parties, qui bien que différentes entr elles s accordent néanmoins à faire un seul tout, ou particulier, ou général. Or comme on doit supposer que cet ordre se trouve dans toutes les parties de la Peinture separément, on doit conclure qu elles ont leur harmonie particuliere. Mais ce n est point assez que ces parties ayent leur arangement leur justesse en particulier, il faut encore que dans un tableau elles s accordent toutes ensemble, qu elles ne fassent qu un tout harmonieux ; de même qu il ne suffit pas pour un concert de musique que chaque partie se fasse entendre avec justesse, demeure dans l arangement particulier de ses notes, il faut encore qu elles conviennent d une harmonie qui les rassemble, qui de plusieurs tons particuliers n en fasse qu un général. C est ce que fait la Peinture par la subordination des objets, des grouppes, des couleurs, des lumieres dans le général du tableau. II y a dans la Peinture différens genres d harmonie. II y en a de douce de moderée, comme l ont ordinairement pratiqué le Correge le Guide. II y en a de forte d élevée, comme celle du Giorgion, du Titien du Caravage il y en peut avoir en différens degrés, selon la supposition des lieux, des tems, de la lumiere des heures du jour. La lumiere haute dans un lieu enfermé produit des ombres fortes, celle qui est en pleine campagne demande des couleurs vagues des ombres douces. Enfin l excellent Peintre sait l usage qu il doit faire non seulement des saisons , mais des tems, des accidens qui se rencontrent dans le ciel sur la terre, pour en faire, comme nous avons dit, un tout harmonieux. Voilà l idée que je me suis formée de ce qu on appelle en Peinture tout-ensemble. J ai tâché de la faire concevoir comme une machine dont les roues se prêtent un mutuel secours, comme un corps dont les membres dépendent l un de l autre, enfin comme une œconomie harmonieuse qui arrête le spectateur, qui l entretient, qui le convie à jouir des beautés particulieres qui se trouvent dans le tableau. Si l on veut faire un peu de réflexion sur tout ce que je viens de dire touchant la disposition, on trouvera que cette partie, qui en contient beaucoup d autres, est d une extrême conséquence ; puisqu elle fait valoir tout ce que l invention lui a fourni, tout ce qui est de plus propre à faire impression sur les yeux sur l esprit du spectateur. Les habiles Peintres peuvent connoître par leur propre expérience, que pour bien réussir dans cette partie si spirituelle, il faut s élever au dessus du commun, se transporter, pour ainsi dire , hors de foi même ce qui m a donné occasion de dire ici quelque chose de l enthousiasme, du sublime. author unknown, Encyclopédie, XVI, 1765, 487, art. TOUT-ENSEMBLE. TOUT-ENSEMBLE, (Peinture.) le tout-ensemble d un tableau, est la correspondance convenable, l union générale de toutes les parties d un tableau. M. Watelet vous en instruira au mot Ensemble. *********************
https://w.atwiki.jp/oper/pages/3611.html
Acte II Entr'acte (La salle à manger de Juliano. Au milieu, un brasero allumé. Au fond, une porte, et dans un pan coupé une croisêe donnant sur la rue. Deux portes à droite, une à gauche. Entre les portes, des armoires, des buffets; au fond une table sur laquelle le couvert est mis.) ▼JACINTHE▲ Une heure du matin et Don Juliano, mon maître, n'est pas encore rentré. C'est son habitude il ne dort jamais que le jour… et je l'aime autant… le service est bien plus agréable et plus facile avec un maître qui ferme toujours les yeux! Mais les maîtres ne s'inquiètent de rien, et n'ont aucun égard, le mien surtout… et qu'une gouvernante est à plaindre chez un garçon, quand il est jeune! Quand il est vieux, c'est autre chose! S'il est sur terre un emploi, selon moi, qui doive plaire, c'est de servir et tenir la maison d'un vieux garçon… Oui, c'est là le paradis. Là nos avis à l'instant sont suivis. Par nous bercé dorloté, il nous doit la santé. Notre force est sa faiblesse et l'on est dame et maitresse. Ou vieille duègne ou tendrons, qui voulons régner sans cesse, pour cent raisons choisissons la maison d'un vieux garçon. Sa gouvernante est son bien, son soutien, et le règne. Pour elle il est indulgent très galant et complaisant. Elle aura chez monseigneur les clefs de tout et même de son cœur. Fidèle de son vivant, il l'est par testament, où brille, c'est la coutume une tendresse posthume Ou vieille duègne ou tendrons, etc. Et demain quand ma nièce Inésille arrivera j'aurai grand soin de la surveiller… Et Gil Perez ne vient pas… (allant à la fenêtre du fond) Que voisje! Une figure noire, noire! Je meurs d'effroi Dans la nuit de Noêl souper avec !'économe d'un couvent c'est grand péché. (On frappe à la porte.) Dieu juste! quelqu'un frappe! (On frappe encore. Elle ouvre la porte.) Ah! Miséricorde, le diable! ▼ANGÈLE▲ (en domino et en masque) Silence! (ôtant son masque) C'est une pauvre femme qui a plus peur que vous. Je sors du bai, et ne puis pas rentrer chez moi. Dehors il neige… une lumière!… J'ai frappé. Voici de l'or! Cachez-moi vite! ▼JACINTHE▲ Mais que diraije à mon maître? ▼ANGÈLE▲ Quel âge a-t-il? ▼JACINTHE▲ Vingt-cinq ans; et avec des amis il vient pour souper. ▼ANGÈLE▲ S'ils me voyaient ainsi!… (On entend de la rue une marche militaire.) Qu'est-ce donc? ▼JACINTHE▲ Une patrouille qui passe sous nos fenêtres; c'est pour la sûreté de la ville. Ils arrêtent toules les personnes suspectes qu'ils rencontrent… ▼ANGÈLE▲ (à part) C'en est fait de moi! (haut à Jacinthe) Je reste… je reste… mais ce domino, va m'exposer à leurs questions. ▼JACINTHE▲ Il m'est bien facile de vous y soustraire. Ma nièce inésille, une Aragonaise, vient du pays pour être servante. J'ai déjà reçu sa malle si Ça peut vous convenir. Habillée ainsi, mon maître et ses amis vous apercevront sans seulement faire attention à vous… enfin, si toutefois c'est possible… (On frappe à la porte.) ▼ANGÈLE▲ On vient… silence. ▼JACINTHE▲ Entrez vite et que Notre Dame de Lorette vous protège. (Angéle entre dans la chambre à droite.) G'l Perez enfin arrive! ▼GIL PEREZ▲ Plus tôt c'était impossible. ▼JACINTHE▲ Revenez plus tard, de grâce! ▼GIL PEREZ▲ Que voulez-vous que je fasse? ▼JACINTHE▲ C'est que le comte Juliano vient souper ici ce soir. ▼GIL PEREZ▲ Je peux rester là en somme; sachez que je suis votre homme, je cuisine! ▼JACINTHE▲ Quelle surprise! ▼GIL PEREZ▲ Employé dans une église, j'étais chef par excellence. Hâcher, couper… ▼JACINTHE▲ On commence! ▼GIL PEREZ▲ Courons vite dans la cuisine! Le temps presse, j'imagine. (Il entre dans la cuisine pendant que Jacinthe va ouvrir la porte du fond. Juliano et plusieurs de ses amis entrent.) JULIANO et SES AMIS Réveillons, réveillons l'amour et les belles, réveillons les maris prompts à s'endormir, réveillons tout jusqu'au désir, réveillons !'amour et les belles, réveillons les maris prompts à s'endormir, réveillons les amants fidèles, réveillons tout jusqu'au désir! La nuit est !'instant du plaisir! Vive !a nuit et le plaisir! ▼JULIANO▲ Qu'en son lit la raison sommeille verre en main à table je veille et me console des amours! Les belles nuits font les beaux jours! JULIANO et SES AMIS Révei!!ons, révei!!ons !'amour et les beiles! etc. ▼JULIANO▲ (à part) Tout s'arrange au mieux, sur mon âme! Et Lord Elfort en son logis, en rentrant, a trouvé sa femme… Il est un dieu pour ies maris!… Du reste il va venir. (haut) Et toi, belle Jacinthe, soigne les apprêts du festin! Qui manque encore? ▼LES AMIS▲ Horace! ▼JULIANO▲ Oui… mes amis, soyez sans crainte Les amoureux n'ont jamais faim! JULIANO et SES AMIS Réveillons, réveillons !'amour et les belles! etc. (Angèle entre, poussée par Jacinthe. Elle est habillée en paysanne aragonaise.) ▼JULIANO▲ Oue voisje? quel minais charmant! ▼LES AMIS▲ Quelle est donc cette belle enfant? ▼JACINTHE▲ (aux autres) C'est ma nièce! Oui, je suis sa tante! (à Juhano) Vous savez que nous l'attendions! JULIANO et SES AMIS C'est une admirable servante pour un ménage de garçons! ▼ANGÈLE▲ (faisant la révérence) Ah! mes seigneurs, c'est trop d'honneur. (bas à Jacinthe) Ah! J'ai bien peur! ah! j'ai grand peur! ▼JACINTHE▲ (bas à Angèle) Allons! courage, courage! ▼JULIANO▲ Son nom? Son nom? ▼JACINTHE▲ Inésille! JULIANO et SES AMIS La belle fille, qu'e!!e est gentille, et qu'inésille offre d'attraits! Quoiqu'ignorante, elle m'enchante, et pour servante je la prendrais! ▼JULIANO▲ D'où venez-vous, ma chère? ▼ANGÈLE▲ J'arrivons du pays! ▼JULIANO▲ Et que savez-vous faire? ▼ANGÈLE▲ J'n'ons jamais rien appris! ▼JULIANO▲ D'une âme généreuse nous vous formerons tous! ▼ANGÈLE▲ (regardant Jacinthe) Ah! le fus bien heureuse dipouvoir entrer chez vous! Dans cette maison que j'honore… (faisant la révérence) j.étre admise est un grand plaisir. (à part) Mais j'en aurai bien plus encore sitôt que j'en pourrai sortir! ▼JACINTHE, JULIANO▲ Pour servante on la prendrait! ▼LES AMIS▲ Que de grâce! que d'attraits! ▼JULIANO▲ Vous-êtes douce et sage? ▼ANGÈLE▲ Chacun vous le dira! ▼JULIANO▲ (lui prenant la main) Vous n'êtes point sauvage? ▼ANGÈLE▲ Sauvag' qu'est qu'c'est qu'ça? ▼JULIANO▲ En fidèle servante, ici vous resterez. ▼ANGÈLE▲ Si je vous mécontente… dam! vous me renverrez! Car dans cette maison que j'honore, (faisant la révérence) demeurer est un grand plaisir! (à part) Mais j'en aurai bien plus encore, sitôt que j'en pourrai sortir! ▼JACINTHE▲ Pour servante on la prendrait! ▼JULIANO, LES AMIS▲ Offre-t-elle assez d'attraits! ▼JACINTHE▲ (se mettant entre eux et s'adressant à Angèle) Allons! c'est trop jaser! Oui… finissons, de grâce! Il faut qu'ici !e service se fasse! ▼JULIANO▲ C'est juste! Apporte-nous Xérès et Malaga! ▼JACINTHE▲ (à Angèle, qu 'elle prend par le bras) A!lons! descendons à !a cave! ▼ANGÈLE▲ (effrayée) A la cave!… ▼JACINTHE▲ Je vois qu'e!!e n'est pas trop brave! ▼LES AMIS▲ Chacun de nous !'escortera! ▼JACINTHE▲ Non, non, messieurs; je suis plus brave, sa tante !'accompagnera! Allons!… venez chercher… Xérès et Malaga! JULIANO et SES AMIS La belle fille, qu'elle est gentille, et qu'!nési!!e offre d'attraits! Quoiqu'ignorante, elle m'enchante, et pour servante je la prendrais! ▼ANGÈLE▲ Inésille, la pauvre fille, Inésille les séduirait! Quoiqu'ignorante, je les enchante; et pour servante on me prendrait! ▼JACINTHE▲ Elle est charmante, et ravissante, et pour sa tante on me prendrait. La belle fille, qu'elle est gentille! Oui, Inésille es séduirait! (Jacinthe sort en emmenant Angèle par la porte qui mène dans l'intérieur de la maison. Au même instant Horace entre et aperçoit Angèle, il pousse un cri et reste immobile de surprise.) ▼HORACE▲ Ah! La voilà! ▼ANGÈLE▲ (apercevant Horace) C'est lui! ▼JULIANO▲ (à Horace) Eh bien! qu'as-tu donc? comme tu regardes notre jeune servante… ▼HORACE▲ Ah! c'est une servante? ▼JULIANO▲ Une AragonaiseIa nièce de Jacinthe. ▼HORACE▲ Et… tu la connais? ▼JULIANO▲ Certainement, et ces messieurs aussi. ▼HORACE▲ Allons, je deviens fou… je perds la tête! (Une cloche sonne.) ▼JULIANO▲ À table, messieurs, à table (Tous s'asseyent.) ▼JULIANO▲ Tu pense à la demoiselle? ▼HORACE▲ Oui, je brûte pour e!!e, devant mes yeux et dans mon cœur, partout elle est présénte. (Angèle, qui l'écoute avec émotion, laisse tomber une asslette qul se casse.) ▼ANGÈLE▲ O ciel! ▼JACINTHE▲ Comme elle est maladroite! ▼JULIANO▲ Ça n'a pas d'importance, mais la pénitence demande une chanson qui provient de !'Aragon. ▼ANGÈLE▲ Eh bien, je chanterai, je chanterai… La belle Inès fait florès; elle a des attraits, des vertus; et, bien plus, elle a des écus. Tous ies garçons, bruns ou blonds, lui font les yeux doux qui de nous voulez-vous prendre pour époux? Est-ce un riche fermier? Est-ce un galant muletie,, ou bien un alguazil? Celui-là vous convient-il? Tra, la, tra, la… Non, mon cœur incivil, Tra, la, tra, la… refuse l'alguazil, Tra, la, tra, la… L'alcade vous plaît-il? Tra, la, tra, la… Fût-ce un corrégidor, je le refuse encor. Qui voulez-vous, belle aux yeux doux? Répondez, nous vous aimons tous. Pour époux, dites-nous, qui prendrez-vous? L'amoureux que je veux c'est celui qui danse le mieux. ▼JACINTHE▲ Ah! quel son de voix enchanteur! Ma nièce me fait de l'honneur! Et déjà leur cœur amoureux s'enflamme au feu de ses beaux yeux! ▼HORACE▲ C'est bien son regard enchanteur Mais ce costume!… est-ce une erreur? Et que doisje croire en ces lieux, ou de mon cœur, ou de mes yeux? JULIANO et SES AMIS Que de grâce! que de candeur! C'est un morceau de grand seigneur, et déjà mon cœur amoureux s'enflamme au feu de ses beaux yeux! ▼ANGÈLE▲ Dès ce moment, chaque amant se m it prom ptement à danser, balancer, passer, repasser, et, castagnettes en avant, chaque prétendant s'exerçait et donnait le signal du bal. Le muletier Pedro possédait le boléro, et l'alcade déjà, brillait dans la cachucha; Tra, la, tra, la… Messieurs, ce n'est pas ça; Tra, la, tra, la… Et, pendant ce temps-là, Tra, la, tra, la… le jeune et beau Joset, Tra, la, tra, la… de loin la regardait; et, de travers dansait, car il l'aimait… Belle aux yeux doux, ce beau bal nous réunit tous; qui de nous voulez-vous prendre pour époux? Le danseur que je veux c'est celui qui m'aime le mieux. Oui, Joset, je te veux, car c'est toi qui m'aime le mieux. ▼JACINTHE▲ Ah! quel son de voix enchanteur, etc. ▼HORACE▲ C'est bien son regard enchanteur, etc. JULIANO et SES AMIS Que de grâce! que de candeur, etc. (Jacinthe sort un instant.) JULIANO et SES AMIS (voyant sontir Jacinthe, et entourant Angèle) Je n'y tiens plus! I Non. non vraiment, mon cœur amoureux s'enflamme au feu de tes beaux yeux. ▼ANGÈLE▲ (se défendant) Ah! finissez, de grâce! Ah! je frémis de leur audace! ▼HORACE▲ (seul, et regardant Angèle) Comment, serait-ce elle en ces lieux? Non, ce n'est pas!… c'est impossible! JULIANO et SES AMIS (entourant Angèle) Non, non vraiment, allons, ne sois pas inflexible! De l'un de nous daigne accepter la foi! Rien qu'un baiser, un seul… ▼ANGÈLE▲ (se défendant) Laissez-moi! Ah, laissez-moi! Oh de grâce, O mon dieu! (poussant un cri, s'échappe de leurs mains et se précipite dans les bras d'Horace) Ah!… défendez-moi! ▼HORACE▲ (à part, avec joie) C'est elle! ▼JACINTHE▲ (rentrant; d'un air sévère) Eh bien! que voisje? JULIANO et SES AMIS (s'arrêtant) C'est la tante! De la duègne craignons la colère imposante. ▼JACINTHE▲ Dans le salon le punch est là qui vous attend. ▼JULIANO▲ Et les tables de jeu? ▼JACINTHE▲ Tout est prêt. ▼JULIANO▲ (faisant signe de passer dans le salon) C'est charmant! Messieurs, le punch est là qui vous attend. ▼HORACE▲ Oui, oui c'est elle que dans ces lieux l'amour offre encore à mes yeux! ▼ANGÈLE▲ Mon dieu, je te rends grâce! JULIANO et SES AMIS De cet argus fuyons !es yeux, pour toucher son cœur plus tard nous serons plus heureux! ▼JACINTHE▲ (à Angèle) Non, ne craignez rien tant que vous serez sous mes yeux! Mais voyez donc ces grands seigneurs quelle indécence! quelles mœurs! (lls entrent dans le salon. Horace et Angèle restent.) ▼HORACE▲ (s'approchant d'elle timidement) Madame… ▼ANGÈLE▲ Qu'est-ce que c'est, Monsieur? Voulez-vous du Xérès ou du Malaga? (Elle lui offre un verre.) ▼HORACE▲ (étonné) Non, non, ce n'est pas possible! Je vous ai reconnue. ▼ANGÈLE▲ Qu'est-ce que vous dites? ▼HORACE▲ Nul besoin de prétendre, Madame, je vous aime. (On frappe. Il va voir.) C'est Lord Elfort! ▼ANGÈLE▲ Ciel! Que vaisje faire? ▼HORACE▲ O mon dieu, quelle déveine. ▼ANGÈLE▲ Il va me reconnaître, Je vous en supplie! ▼HORACE▲ Entrez, je vous en prie. (Angéle entre dans la chambre de Jacinthe, à droite. Juliano sort du salon.) ▼JULIANO▲ Quel vacarme, qui fait ce bruit? ▼ELFORT▲ Horace, encore Horace! ▼HORACE▲ Qu'y a-t-il? ▼ELFORT▲ Une gentille ballerine que je cherche, qui me fuit maintenant, paurtant de souper avec moi elle m'avait promis. ▼HORACE▲ (a part) Si c'était elle, auelle horreur! Je la tuerai! ▼JULIANO▲ Milord Horace, trop vite le temps passe. Frivoles et joyeux nous nous verronns aux jeux. On attend ta présence. (lls entrent dans le salon.) ▼GIL PEREZ▲ (sortant de la cuisine et portant un panier de provisions et un bougeoir, qu'il pose sur une petite table près de la porte à droite) Nous allons avoir, grâce à Dieu, bon souper ainsi que bon feu! Prudemment j'ai mis en réserve les meilleurs vins, les meilleurs plats. Pour ses élus le ciel conserve les morceaux les plus délicats! Deo gratias! Nos maîtres ont soupé très bien, chacun son tour, voici le mien! Et puis de ma future femme contemplant !es chastes appas, le pieux amour qui m'enflamme en tiers sera dans le repas! Deo gratias! (s'approchant de la chambre de Jacinthe) Voici sa chambre!… Ah! ia porte en est close… comme je l'avais dit! Mais sur moi prudemment j'ai l'autre clef… (tirant de sa poche un trousseau de clefs qu'il examine) C'est elle, je suppose! Car, avec celles du couvent n'allons pas la confondre!… (s 'approchant) O quel heureux instant! Amour! amour! amour! Que ton flambeau m'éclaire! (Au moment d'entrer dans la chambre de Jacinthe, dont il vient d'ouvrir la porte, Angèle parait devant lui, couverte de son domino et de son masque noir.) ▼ANGÈLE▲ (étendant la main vers lui et grossissant sa voix) Téméraire! Impie!!… où vas-tu? ▼GIL PEREZ▲ (tremblant et laissant tomber son bougeoir) Mon Dieu!… mon bon Dieu! Qu'aije vu? Qu'aije vu? Noir fantôme, que me veux-tu? que me veux-tu? ▼ANGÈLE▲ (à part, gaiement) L'espoir en moi se glasse en voyant son effroi; Il tremble!… Dieu propice, ici protège-moi! ▼GIL PEREZ▲ (tombant à genoux) Tous mes membres frémissent de surprise et d'effroi; et mes genoux fléchissent, mon Dieu, protège-moi! ▼ANGÈLE▲ (s'approchant de Perez qui est à genoux et n'ose lever la tête) Toi!… Gi! Perez! ▼GIL PEREZ▲ (à part) Il sait mon nom! ▼ANGÈLE▲ Portier du couvent! ▼GIL PEREZ▲ C'est moi-même. ▼ANGÈLE▲ Intendant, voleur et fripon. ▼GIL PEREZ▲ C'est moi! ▼ANGÈLE▲ Dépose à l'instant même les saintes clefs que tu ne peux porter, ou je lance sur toi l'éternel anathème! ▼GIL PEREZ▲ (lui présentant le trousseau) Les voici, les voici… que Satan n'aille pas m'emporter! ▼ANGÈLE▲ L'espoir en moi se glisse en voyant son effroi; etc. ▼GIL PEREZ▲ Tous mes membres frémissent de surprise et d'effroi; etc (Angèle lui ordonne sur un premier signe de se lever; sur un second, de si diriger vers la chambre de Jacinthe; sur un troisiême d'y entrer; Perez obéit en tremblant.) ▼ANGÈLE▲ (entendant du bruit ) Ah! mon Dieu! qui vient là? (Elle se précipite vivement derrière la porte qui ouvre en dehors et dont le battant la cache aux yeux du spectateur.) ▼JACINTHE▲ (sortant de la porte du fond, tenant sous le bras un panier de vin et voyant la porte de sa chambre qui est restée ouverte) Eh, quoi! Perez m'attend déjà! (Elle entre dans la chambre, et Angèle, qui était derrière la porte, la referme et retire la clef ) ▼ANGÈLE▲ L'heure, la nuit, tout m'est propice! Du courage… ne tremblons pas! Vierge sainte, ma protectrice, inspire-moi, guide mes pas! (Elle sont de la maison par la porte du fond.) (Horace sort doucement du salon, il marche sur la pointe des pieds, et dans I'obscurité se dirige à tôtons vers la chambre de Jacinthe.) ▼HORACE▲ Amour, viens finir mon supplice et près d'elle guider mes pas. L'heure, la nuit, tout m'est propice, je vais la voir, ne tremblons pas, etc. Amour, viens finir mon supplice, etc. (Juliano, Lord Elfort et tous les jeunes gens sortent de la porte du salon.) JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS (gai et à demi-voix) La bonne affaire! Silence, ami'! Avec mystère il est sorti. Rendez-vous tendre ici l'attend, il faut surprendre le conquérant! (Horace, avec la clef qu'il a dans sa poche, a ouvert la ponte à droite, est entré un instant dans la chambre et en ressort dans l'obscuaté, tenant Jacinthe par la main.) ▼HORACE▲ Venez, venez, madame venez, n'ayez plus de ciainte! ▼JACINTHE▲ (se laissant entrainer) Qu'est-ce que ça veut dire? ▼HORACE▲ À votre chevalier, à votre défenseur, il faut vous confier, et vous faire connaître! (Juliano est entré dans le salon, et en ressont tenant un flambeau à plusieurs branches. Lé théâtre redevient éclairé.) Ah! grand Dieu! JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS C'est Jacinthe! La bonne affaire! Vive à jamais et la douairière et ses attraits! Qui pourrait croire tel dévoûment? Honneur et gloire au conquérant! ▼HORACE▲ L'étrange affaire! Que voisje, hélas! Et que! mystère suit donc mes pas? Dans ma mémoire tout se confond. Je n'ose croire sa trahison! ▼JACINTHE▲ L'étrange affaire! Qu'ont-ils donc tous? La chose est claire, on rit de nous! Faire à ma gloire pareil affront! Je n'ose croire à leur soupçon! ▼HORACE▲ (montrant la chambre) Elle était là pourtant… elle y doit encore être! JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS La bonne affaire… etc. ▼JACINTHE▲ L'étrange affaire… etc. (Horace entre la chambre et ressort en tenant Gil Perez par la main) JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS Un homme! ▼JACINTHE▲ (à Juliano) Gil Perez, que vous devez connaître, un cuisinier de grand talent, qui venait pour m'aider pour le souper! ▼JULIANO▲ (souriant) Vraiment! Ici, dans ton appartement! ▼HORACE▲ (à part) O foneste disprâce! ▼JULIANO▲ Et quel destin fetal poursuit ce pauvre Horace Même auprès de Jacinthe, il rencontre un rival! ▼JULIANO, LORD ELFORT▲ La bonne affaire! Vive à jamais et la douairière et ses attraits! Qui pourrait croire tel dévoûment? Honneur et gloire au conquérant! ▼LES AMIS▲ L'étrange affaire… etc. ▼JACINTHE▲ L'étrange affaire… etc. ▼GIL PEREZ▲ L'étrange affaire! Je tremble, hélas! La chose est claire, c'est Satanas! Figure noire au front cornu, je n'ose croire ce que j'ai vu! ▼HORACE▲ (qui, pendant la hn de cet ensemble, est entré dans la chambre de Jacinthe, en ressort en ce moment) Partie!… hélas! partie!… elle n'est plus ici… Et cette fois encor loin de nous elle a fui! ▼JULIANO▲ Eh! qui donc? ▼HORACE▲ Faut-il vous le dire? L'esprit follet, le sylphe… Ou plutôt le démon qui me trompe, m'abuse et rit de mon martyre! ▼JULIANO▲ Ton inconnue… ▼HORACE▲ Eh! oui! je l'ai vue… ▼JULIANO▲ Allons donc! ▼HORACE▲ Ici même… à l'instant… c'est cette jeune fille qui nous servait à table. ▼JULIANO▲ Inésille! La nièce de Jacinthe… (à Jacinthe) Entends-tu! ▼JACINTHE▲ (secouant la tête) J'entends bien. ▼JULIANO▲ Et que dis-tu? ▼JACINTHE▲ Je dis que le seigneur Horace pourrait avoir raison! ▼HORACE▲ Parle! achève de grâce! Quel!e est-elle? ▼JACINTHE▲ Je n'en sais rien. ▼JULIANO▲ Elle n'est pas ta nièce? ▼JACINTHE▲ Mon Dieu, non! ▼JULIANO▲ Et ne vient pas du pays? ▼JACINTHE▲ Mon Dieu, non! ▼JULIANO▲ Tu ne l'as pas vue avant? ▼JACINTHE▲ Mon Dieu, non! Non, cent fois, non! Je ne connais ni son rang ni son nom! ▼HORACE▲ (à Juliano) Tu le vois bien, mon cher, c'est un démon! ▼JULIANO, LORD ELFORT, GIL PEREZ▲ Un démon! JULIANO, LORD Elfort, LES AMIS Grand Dieu! quelle aventure! C'est charmant, je le jure! Quoi! sous cette figure se cachait un démon! Mais lutine ou sylphide, que le dépit nous guide, pour trouver !a perfide, parcourons ta maison! JACINTHE, HORACE et GIL PEREZ Ah! pareille aventure me confond, je le jure! Son âme et sa figure sont celles d'un démon! Mais, lutine ou sylphide, que le dépit nous guide, pour trouver la perfide, parcourons la maison! ▼JACINTHE▲ Sous l'aspect d'une riche dame l'esprit malin m'est apparu! ▼JULIANO▲ Puis, sous les traits d'une gentille femme, a table, ici, nous l'avons vu! ▼GIL PEREZ▲ Et moi, j'en jure sur mon âme sous les traits d'un fantôme au front noir et cornu, je l'ai vue, de mes deux yeux vue! ▼HORACE▲ (à Juliano) Eh bien, mon cher, qu'en dis-tu? ▼JULIANO▲ (riant) Je dis… je dis… JULIANO, LORD Elfort LES AMIS L'étonnante aventuré! C'est charmant, je le jure! Quoi! sous cette figure se cachait un démon! Mais lutine ou sy!phide que le dépit nous guide, pour trouver la penfide, parcourons ta maison! éveillons! réveillons! Parcourons la maison! JACINTHE, HORACE et GIL PEREZ Ah! pareille aventure me confond, je le jure! Son âme et sa figure sont celles d'un dèmon! Mais, lutine ou sylphide, que le dèpit nous guide, pour trouver la perfide, parcourons la maison, Réveillons! réveillons! Parcourons la maison! (Jacinthe et les valets des jeunes seigneurs ont apporté plusieurs flambeaux, chacun en prend un, et tous sortent en désordre et avec grand bruit parles différentes portes de l'appartement.) Acte II Entr'acte La salle à manger de Juliano. Au milieu, un brasero allumé. Au fond, une porte, et dans un pan coupé une croisêe donnant sur la rue. Deux portes à droite, une à gauche. Entre les portes, des armoires, des buffets; au fond une table sur laquelle le couvert est mis. JACINTHE Une heure du matin et Don Juliano, mon maître, n'est pas encore rentré. C'est son habitude il ne dort jamais que le jour… et je l'aime autant… le service est bien plus agréable et plus facile avec un maître qui ferme toujours les yeux! Mais les maîtres ne s'inquiètent de rien, et n'ont aucun égard, le mien surtout… et qu'une gouvernante est à plaindre chez un garçon, quand il est jeune! Quand il est vieux, c'est autre chose! S'il est sur terre un emploi, selon moi, qui doive plaire, c'est de servir et tenir la maison d'un vieux garçon… Oui, c'est là le paradis. Là nos avis à l'instant sont suivis. Par nous bercé dorloté, il nous doit la santé. Notre force est sa faiblesse et l'on est dame et maitresse. Ou vieille duègne ou tendrons, qui voulons régner sans cesse, pour cent raisons choisissons la maison d'un vieux garçon. Sa gouvernante est son bien, son soutien, et le règne. Pour elle il est indulgent très galant et complaisant. Elle aura chez monseigneur les clefs de tout et même de son cœur. Fidèle de son vivant, il l'est par testament, où brille, c'est la coutume une tendresse posthume Ou vieille duègne ou tendrons, etc. Et demain quand ma nièce Inésille arrivera j'aurai grand soin de la surveiller… Et Gil Perez ne vient pas… allant à la fenêtre du fond Que voisje! Une figure noire, noire! Je meurs d'effroi Dans la nuit de Noêl souper avec !'économe d'un couvent c'est grand péché. On frappe à la porte. Dieu juste! quelqu'un frappe! On frappe encore. Elle ouvre la porte. Ah! Miséricorde, le diable! ANGÈLE en domino et en masque Silence! ôtant son masque C'est une pauvre femme qui a plus peur que vous. Je sors du bai, et ne puis pas rentrer chez moi. Dehors il neige… une lumière!… J'ai frappé. Voici de l'or! Cachez-moi vite! JACINTHE Mais que diraije à mon maître? ANGÈLE Quel âge a-t-il? JACINTHE Vingt-cinq ans; et avec des amis il vient pour souper. ANGÈLE S'ils me voyaient ainsi!… On entend de la rue une marche militaire. Qu'est-ce donc? JACINTHE Une patrouille qui passe sous nos fenêtres; c'est pour la sûreté de la ville. Ils arrêtent toules les personnes suspectes qu'ils rencontrent… ANGÈLE à part C'en est fait de moi! haut à Jacinthe Je reste… je reste… mais ce domino, va m'exposer à leurs questions. JACINTHE Il m'est bien facile de vous y soustraire. Ma nièce inésille, une Aragonaise, vient du pays pour être servante. J'ai déjà reçu sa malle si Ça peut vous convenir. Habillée ainsi, mon maître et ses amis vous apercevront sans seulement faire attention à vous… enfin, si toutefois c'est possible… On frappe à la porte. ANGÈLE On vient… silence. JACINTHE Entrez vite et que Notre Dame de Lorette vous protège. Angéle entre dans la chambre à droite. G'l Perez enfin arrive! GIL PEREZ Plus tôt c'était impossible. JACINTHE Revenez plus tard, de grâce! GIL PEREZ Que voulez-vous que je fasse? JACINTHE C'est que le comte Juliano vient souper ici ce soir. GIL PEREZ Je peux rester là en somme; sachez que je suis votre homme, je cuisine! JACINTHE Quelle surprise! GIL PEREZ Employé dans une église, j'étais chef par excellence. Hâcher, couper… JACINTHE On commence! GIL PEREZ Courons vite dans la cuisine! Le temps presse, j'imagine. Il entre dans la cuisine pendant que Jacinthe va ouvrir la porte du fond. Juliano et plusieurs de ses amis entrent. JULIANO et SES AMIS Réveillons, réveillons l'amour et les belles, réveillons les maris prompts à s'endormir, réveillons tout jusqu'au désir, réveillons !'amour et les belles, réveillons les maris prompts à s'endormir, réveillons les amants fidèles, réveillons tout jusqu'au désir! La nuit est !'instant du plaisir! Vive !a nuit et le plaisir! JULIANO Qu'en son lit la raison sommeille verre en main à table je veille et me console des amours! Les belles nuits font les beaux jours! JULIANO et SES AMIS Révei!!ons, révei!!ons !'amour et les beiles! etc. JULIANO à part Tout s'arrange au mieux, sur mon âme! Et Lord Elfort en son logis, en rentrant, a trouvé sa femme… Il est un dieu pour ies maris!… Du reste il va venir. haut Et toi, belle Jacinthe, soigne les apprêts du festin! Qui manque encore? LES AMIS Horace! JULIANO Oui… mes amis, soyez sans crainte Les amoureux n'ont jamais faim! JULIANO et SES AMIS Réveillons, réveillons !'amour et les belles! etc. {Angèle entre, poussée par Jacinthe. Elle est habillée en paysanne aragonaise.} JULIANO Oue voisje? quel minais charmant! LES AMIS Quelle est donc cette belle enfant? JACINTHE aux autres C'est ma nièce! Oui, je suis sa tante! à Juhano Vous savez que nous l'attendions! JULIANO et SES AMIS C'est une admirable servante pour un ménage de garçons! ANGÈLE faisant la révérence Ah! mes seigneurs, c'est trop d'honneur. bas à Jacinthe Ah! J'ai bien peur! ah! j'ai grand peur! JACINTHE bas à Angèle Allons! courage, courage! JULIANO Son nom? Son nom? JACINTHE Inésille! JULIANO et SES AMIS La belle fille, qu'e!!e est gentille, et qu'inésille offre d'attraits! Quoiqu'ignorante, elle m'enchante, et pour servante je la prendrais! JULIANO D'où venez-vous, ma chère? ANGÈLE J'arrivons du pays! JULIANO Et que savez-vous faire? ANGÈLE J'n'ons jamais rien appris! JULIANO D'une âme généreuse nous vous formerons tous! ANGÈLE regardant Jacinthe Ah! le fus bien heureuse dipouvoir entrer chez vous! Dans cette maison que j'honore… faisant la révérence j.étre admise est un grand plaisir. à part Mais j'en aurai bien plus encore sitôt que j'en pourrai sortir! JACINTHE, JULIANO Pour servante on la prendrait! LES AMIS Que de grâce! que d'attraits! JULIANO Vous-êtes douce et sage? ANGÈLE Chacun vous le dira! JULIANO lui prenant la main Vous n'êtes point sauvage? ANGÈLE Sauvag' qu'est qu'c'est qu'ça? JULIANO En fidèle servante, ici vous resterez. ANGÈLE Si je vous mécontente… dam! vous me renverrez! Car dans cette maison que j'honore, faisant la révérence demeurer est un grand plaisir! à part Mais j'en aurai bien plus encore, sitôt que j'en pourrai sortir! JACINTHE Pour servante on la prendrait! JULIANO, LES AMIS Offre-t-elle assez d'attraits! JACINTHE se mettant entre eux et s'adressant à Angèle Allons! c'est trop jaser! Oui… finissons, de grâce! Il faut qu'ici !e service se fasse! JULIANO C'est juste! Apporte-nous Xérès et Malaga! JACINTHE à Angèle, qu 'elle prend par le bras A!lons! descendons à !a cave! ANGÈLE effrayée A la cave!… JACINTHE Je vois qu'e!!e n'est pas trop brave! LES AMIS Chacun de nous !'escortera! JACINTHE Non, non, messieurs; je suis plus brave, sa tante !'accompagnera! Allons!… venez chercher… Xérès et Malaga! JULIANO et SES AMIS La belle fille, qu'elle est gentille, et qu'!nési!!e offre d'attraits! Quoiqu'ignorante, elle m'enchante, et pour servante je la prendrais! ANGÈLE Inésille, la pauvre fille, Inésille les séduirait! Quoiqu'ignorante, je les enchante; et pour servante on me prendrait! JACINTHE Elle est charmante, et ravissante, et pour sa tante on me prendrait. La belle fille, qu'elle est gentille! Oui, Inésille es séduirait! Jacinthe sort en emmenant Angèle par la porte qui mène dans l'intérieur de la maison. Au même instant Horace entre et aperçoit Angèle, il pousse un cri et reste immobile de surprise. HORACE Ah! La voilà! ANGÈLE apercevant Horace C'est lui! JULIANO à Horace Eh bien! qu'as-tu donc? comme tu regardes notre jeune servante… HORACE Ah! c'est une servante? JULIANO Une AragonaiseIa nièce de Jacinthe. HORACE Et… tu la connais? JULIANO Certainement, et ces messieurs aussi. HORACE Allons, je deviens fou… je perds la tête! Une cloche sonne. JULIANO À table, messieurs, à table Tous s'asseyent. JULIANO Tu pense à la demoiselle? HORACE Oui, je brûte pour e!!e, devant mes yeux et dans mon cœur, partout elle est présénte. Angèle, qui l'écoute avec émotion, laisse tomber une asslette qul se casse. ANGÈLE O ciel! JACINTHE Comme elle est maladroite! JULIANO Ça n'a pas d'importance, mais la pénitence demande une chanson qui provient de !'Aragon. ANGÈLE Eh bien, je chanterai, je chanterai… La belle Inès fait florès; elle a des attraits, des vertus; et, bien plus, elle a des écus. Tous ies garçons, bruns ou blonds, lui font les yeux doux qui de nous voulez-vous prendre pour époux? Est-ce un riche fermier? Est-ce un galant muletie,, ou bien un alguazil? Celui-là vous convient-il? Tra, la, tra, la… Non, mon cœur incivil, Tra, la, tra, la… refuse l'alguazil, Tra, la, tra, la… L'alcade vous plaît-il? Tra, la, tra, la… Fût-ce un corrégidor, je le refuse encor. Qui voulez-vous, belle aux yeux doux? Répondez, nous vous aimons tous. Pour époux, dites-nous, qui prendrez-vous? L'amoureux que je veux c'est celui qui danse le mieux. JACINTHE Ah! quel son de voix enchanteur! Ma nièce me fait de l'honneur! Et déjà leur cœur amoureux s'enflamme au feu de ses beaux yeux! HORACE C'est bien son regard enchanteur Mais ce costume!… est-ce une erreur? Et que doisje croire en ces lieux, ou de mon cœur, ou de mes yeux? JULIANO et SES AMIS Que de grâce! que de candeur! C'est un morceau de grand seigneur, et déjà mon cœur amoureux s'enflamme au feu de ses beaux yeux! ANGÈLE Dès ce moment, chaque amant se m it prom ptement à danser, balancer, passer, repasser, et, castagnettes en avant, chaque prétendant s'exerçait et donnait le signal du bal. Le muletier Pedro possédait le boléro, et l'alcade déjà, brillait dans la cachucha; Tra, la, tra, la… Messieurs, ce n'est pas ça; Tra, la, tra, la… Et, pendant ce temps-là, Tra, la, tra, la… le jeune et beau Joset, Tra, la, tra, la… de loin la regardait; et, de travers dansait, car il l'aimait… Belle aux yeux doux, ce beau bal nous réunit tous; qui de nous voulez-vous prendre pour époux? Le danseur que je veux c'est celui qui m'aime le mieux. Oui, Joset, je te veux, car c'est toi qui m'aime le mieux. JACINTHE Ah! quel son de voix enchanteur, etc. HORACE C'est bien son regard enchanteur, etc. JULIANO et SES AMIS Que de grâce! que de candeur, etc. Jacinthe sort un instant. JULIANO et SES AMIS voyant sontir Jacinthe, et entourant Angèle Je n'y tiens plus! I Non. non vraiment, mon cœur amoureux s'enflamme au feu de tes beaux yeux. ANGÈLE se défendant Ah! finissez, de grâce! Ah! je frémis de leur audace! HORACE seul, et regardant Angèle Comment, serait-ce elle en ces lieux? Non, ce n'est pas!… c'est impossible! JULIANO et SES AMIS entourant Angèle Non, non vraiment, allons, ne sois pas inflexible! De l'un de nous daigne accepter la foi! Rien qu'un baiser, un seul… ANGÈLE se défendant Laissez-moi! Ah, laissez-moi! Oh de grâce, O mon dieu! poussant un cri, s'échappe de leurs mains et se précipite dans les bras d'Horace Ah!… défendez-moi! HORACE à part, avec joie C'est elle! JACINTHE rentrant; d'un air sévère Eh bien! que voisje? JULIANO et SES AMIS s'arrêtant C'est la tante! De la duègne craignons la colère imposante. JACINTHE Dans le salon le punch est là qui vous attend. JULIANO Et les tables de jeu? JACINTHE Tout est prêt. JULIANO faisant signe de passer dans le salon C'est charmant! Messieurs, le punch est là qui vous attend. HORACE Oui, oui c'est elle que dans ces lieux l'amour offre encore à mes yeux! ANGÈLE Mon dieu, je te rends grâce! JULIANO et SES AMIS De cet argus fuyons !es yeux, pour toucher son cœur plus tard nous serons plus heureux! JACINTHE à Angèle Non, ne craignez rien tant que vous serez sous mes yeux! Mais voyez donc ces grands seigneurs quelle indécence! quelles mœurs! lls entrent dans le salon. Horace et Angèle restent. HORACE s'approchant d'elle timidement Madame… ANGÈLE Qu'est-ce que c'est, Monsieur? Voulez-vous du Xérès ou du Malaga? Elle lui offre un verre. HORACE étonné Non, non, ce n'est pas possible! Je vous ai reconnue. ANGÈLE Qu'est-ce que vous dites? HORACE Nul besoin de prétendre, Madame, je vous aime. On frappe. Il va voir. C'est Lord Elfort! ANGÈLE Ciel! Que vaisje faire? HORACE O mon dieu, quelle déveine. ANGÈLE Il va me reconnaître, Je vous en supplie! HORACE Entrez, je vous en prie. Angéle entre dans la chambre de Jacinthe, à droite. Juliano sort du salon. JULIANO Quel vacarme, qui fait ce bruit? ELFORT Horace, encore Horace! HORACE Qu'y a-t-il? ELFORT Une gentille ballerine que je cherche, qui me fuit maintenant, paurtant de souper avec moi elle m'avait promis. HORACE a part Si c'était elle, auelle horreur! Je la tuerai! JULIANO Milord Horace, trop vite le temps passe. Frivoles et joyeux nous nous verronns aux jeux. On attend ta présence. lls entrent dans le salon. GIL PEREZ sortant de la cuisine et portant un panier de provisions et un bougeoir, qu'il pose sur une petite table près de la porte à droite Nous allons avoir, grâce à Dieu, bon souper ainsi que bon feu! Prudemment j'ai mis en réserve les meilleurs vins, les meilleurs plats. Pour ses élus le ciel conserve les morceaux les plus délicats! Deo gratias! Nos maîtres ont soupé très bien, chacun son tour, voici le mien! Et puis de ma future femme contemplant !es chastes appas, le pieux amour qui m'enflamme en tiers sera dans le repas! Deo gratias! s'approchant de la chambre de Jacinthe Voici sa chambre!… Ah! ia porte en est close… comme je l'avais dit! Mais sur moi prudemment j'ai l'autre clef… tirant de sa poche un trousseau de clefs qu'il examine C'est elle, je suppose! Car, avec celles du couvent n'allons pas la confondre!… s 'approchant O quel heureux instant! Amour! amour! amour! Que ton flambeau m'éclaire! Au moment d'entrer dans la chambre de Jacinthe, dont il vient d'ouvrir la porte, Angèle parait devant lui, couverte de son domino et de son masque noir. ANGÈLE étendant la main vers lui et grossissant sa voix Téméraire! Impie!!… où vas-tu? GIL PEREZ tremblant et laissant tomber son bougeoir Mon Dieu!… mon bon Dieu! Qu'aije vu? Qu'aije vu? Noir fantôme, que me veux-tu? que me veux-tu? ANGÈLE à part, gaiement L'espoir en moi se glasse en voyant son effroi; Il tremble!… Dieu propice, ici protège-moi! GIL PEREZ tombant à genoux Tous mes membres frémissent de surprise et d'effroi; et mes genoux fléchissent, mon Dieu, protège-moi! ANGÈLE s'approchant de Perez qui est à genoux et n'ose lever la tête Toi!… Gi! Perez! GIL PEREZ à part Il sait mon nom! ANGÈLE Portier du couvent! GIL PEREZ C'est moi-même. ANGÈLE Intendant, voleur et fripon. GIL PEREZ C'est moi! ANGÈLE Dépose à l'instant même les saintes clefs que tu ne peux porter, ou je lance sur toi l'éternel anathème! GIL PEREZ lui présentant le trousseau Les voici, les voici… que Satan n'aille pas m'emporter! ANGÈLE L'espoir en moi se glisse en voyant son effroi; etc. GIL PEREZ Tous mes membres frémissent de surprise et d'effroi; etc Angèle lui ordonne sur un premier signe de se lever; sur un second, de si diriger vers la chambre de Jacinthe; sur un troisiême d'y entrer; Perez obéit en tremblant. ANGÈLE entendant du bruit Ah! mon Dieu! qui vient là? Elle se précipite vivement derrière la porte qui ouvre en dehors et dont le battant la cache aux yeux du spectateur. JACINTHE sortant de la porte du fond, tenant sous le bras un panier de vin et voyant la porte de sa chambre qui est restée ouverte Eh, quoi! Perez m'attend déjà! {Elle entre dans la chambre, et Angèle, qui était derrière la porte, la referme et retire la clef } ANGÈLE L'heure, la nuit, tout m'est propice! Du courage… ne tremblons pas! Vierge sainte, ma protectrice, inspire-moi, guide mes pas! Elle sont de la maison par la porte du fond. Horace sort doucement du salon, il marche sur la pointe des pieds, et dans I'obscurité se dirige à tôtons vers la chambre de Jacinthe. HORACE Amour, viens finir mon supplice et près d'elle guider mes pas. L'heure, la nuit, tout m'est propice, je vais la voir, ne tremblons pas, etc. Amour, viens finir mon supplice, etc. Juliano, Lord Elfort et tous les jeunes gens sortent de la porte du salon. JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS gai et à demi-voix La bonne affaire! Silence, ami'! Avec mystère il est sorti. Rendez-vous tendre ici l'attend, il faut surprendre le conquérant! Horace, avec la clef qu'il a dans sa poche, a ouvert la ponte à droite, est entré un instant dans la chambre et en ressort dans l'obscuaté, tenant Jacinthe par la main. HORACE Venez, venez, madame venez, n'ayez plus de ciainte! JACINTHE se laissant entrainer Qu'est-ce que ça veut dire? HORACE À votre chevalier, à votre défenseur, il faut vous confier, et vous faire connaître! Juliano est entré dans le salon, et en ressont tenant un flambeau à plusieurs branches. Lé théâtre redevient éclairé. Ah! grand Dieu! JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS C'est Jacinthe! La bonne affaire! Vive à jamais et la douairière et ses attraits! Qui pourrait croire tel dévoûment? Honneur et gloire au conquérant! HORACE L'étrange affaire! Que voisje, hélas! Et que! mystère suit donc mes pas? Dans ma mémoire tout se confond. Je n'ose croire sa trahison! JACINTHE L'étrange affaire! Qu'ont-ils donc tous? La chose est claire, on rit de nous! Faire à ma gloire pareil affront! Je n'ose croire à leur soupçon! HORACE montrant la chambre Elle était là pourtant… elle y doit encore être! JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS La bonne affaire… etc. JACINTHE L'étrange affaire… etc. {Horace entre la chambre et ressort en tenant Gil Perez par la main} JULIANO, LORD ELFORT et LES AMIS Un homme! JACINTHE à Juliano Gil Perez, que vous devez connaître, un cuisinier de grand talent, qui venait pour m'aider pour le souper! JULIANO souriant Vraiment! Ici, dans ton appartement! HORACE à part O foneste disprâce! JULIANO Et quel destin fetal poursuit ce pauvre Horace Même auprès de Jacinthe, il rencontre un rival! JULIANO, LORD ELFORT La bonne affaire! Vive à jamais et la douairière et ses attraits! Qui pourrait croire tel dévoûment? Honneur et gloire au conquérant! LES AMIS L'étrange affaire… etc. JACINTHE L'étrange affaire… etc. GIL PEREZ L'étrange affaire! Je tremble, hélas! La chose est claire, c'est Satanas! Figure noire au front cornu, je n'ose croire ce que j'ai vu! HORACE qui, pendant la hn de cet ensemble, est entré dans la chambre de Jacinthe, en ressort en ce moment Partie!… hélas! partie!… elle n'est plus ici… Et cette fois encor loin de nous elle a fui! JULIANO Eh! qui donc? HORACE Faut-il vous le dire? L'esprit follet, le sylphe… Ou plutôt le démon qui me trompe, m'abuse et rit de mon martyre! JULIANO Ton inconnue… HORACE Eh! oui! je l'ai vue… JULIANO Allons donc! HORACE Ici même… à l'instant… c'est cette jeune fille qui nous servait à table. JULIANO Inésille! La nièce de Jacinthe… à Jacinthe Entends-tu! JACINTHE secouant la tête J'entends bien. JULIANO Et que dis-tu? JACINTHE Je dis que le seigneur Horace pourrait avoir raison! HORACE Parle! achève de grâce! Quel!e est-elle? JACINTHE Je n'en sais rien. JULIANO Elle n'est pas ta nièce? JACINTHE Mon Dieu, non! JULIANO Et ne vient pas du pays? JACINTHE Mon Dieu, non! JULIANO Tu ne l'as pas vue avant? JACINTHE Mon Dieu, non! Non, cent fois, non! Je ne connais ni son rang ni son nom! HORACE à Juliano Tu le vois bien, mon cher, c'est un démon! JULIANO, LORD ELFORT, GIL PEREZ Un démon! JULIANO, LORD Elfort, LES AMIS Grand Dieu! quelle aventure! C'est charmant, je le jure! Quoi! sous cette figure se cachait un démon! Mais lutine ou sylphide, que le dépit nous guide, pour trouver !a perfide, parcourons ta maison! JACINTHE, HORACE et GIL PEREZ Ah! pareille aventure me confond, je le jure! Son âme et sa figure sont celles d'un démon! Mais, lutine ou sylphide, que le dépit nous guide, pour trouver la perfide, parcourons la maison! JACINTHE Sous l'aspect d'une riche dame l'esprit malin m'est apparu! JULIANO Puis, sous les traits d'une gentille femme, a table, ici, nous l'avons vu! GIL PEREZ Et moi, j'en jure sur mon âme sous les traits d'un fantôme au front noir et cornu, je l'ai vue, de mes deux yeux vue! HORACE à Juliano Eh bien, mon cher, qu'en dis-tu? JULIANO riant Je dis… je dis… JULIANO, LORD Elfort LES AMIS L'étonnante aventuré! C'est charmant, je le jure! Quoi! sous cette figure se cachait un démon! Mais lutine ou sy!phide que le dépit nous guide, pour trouver la penfide, parcourons ta maison! éveillons! réveillons! Parcourons la maison! JACINTHE, HORACE et GIL PEREZ Ah! pareille aventure me confond, je le jure! Son âme et sa figure sont celles d'un dèmon! Mais, lutine ou sylphide, que le dèpit nous guide, pour trouver la perfide, parcourons la maison, Réveillons! réveillons! Parcourons la maison! Jacinthe et les valets des jeunes seigneurs ont apporté plusieurs flambeaux, chacun en prend un, et tous sortent en désordre et avec grand bruit parles différentes portes de l'appartement. Auber,François/Le Domino noir/III
https://w.atwiki.jp/c9-i4u/pages/65.html
やる気でない勢代表デフォで寝てますでも起きてます juvenile(アサシン)アークバード(レンジャー)じゅべにれ(シャドウ)juveRee(リーパー)juveDen(ウォーデン) 今のメインはシャドウですたぶん めいびー 動画撮影班ですてきとーにあっぷしてますのでぜひどうぞーhttp //www.youtube.com/user/juvenile990/videos?view=0
https://w.atwiki.jp/kbek/pages/21.html
(Pasinomie, 1866 228-330) S.M. le roi des Belges et S.M. le taïcoun du Japon, également animés du sincère désir d établir et de consolider les rapports d amitié entre les deux Etats, ont resolu de conclure un traité d amitié, de commerce et de naviagation, basé sur l intérêt réciproque des sujets des deux hautes parties contractantes, et ont nommé à cet effet pour leur plénipotentiaires, saovir Sa Majesté le roi des Belges, Le sieur Auguste T Kint, officier de l ordre de Léopold, etc... etc... son envoyé ad hoc en mission extraordinaire Et Sa majesté le taïcoun du Japon Ki** Ijono kami, Ilosino Hittsuno kami et Ookubo Tsikgono kami; Lesquels, après s être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, ont arrête les articles qui suivent Article 1er. Il y aura paix perpétuelle et amitié constante entre Sa majesté le roi des Belges et Sa majesté le taïcoun du Japon, leurs héritiers et successeurs, comme aussi entre leurs sujets respectifs. Art. 2. Sa Majesté le roi des Belges aura le droit de nommer, si bon lui semble, un agent diplomatique qui résidera dans la ville de Yédo, et des consuls ou agents consulaires dans tous les ports du Japon qui seront ouverts au commerce belge. L agent diplomatique et le consul général de Belgique au Japon auront le droit de voyager librement et sans empêchement dans toutes les parties de l empire. Sa majesté le taïcoun du Japon pourra accréditer un agent diplomatique près de la cour de Bruxelles et nommer des consuls ou des agents consulaires dans les ports de la Belgique. L agent diplomatique et le consul général du Japon auront le droit de voyager librement dans toutes les parties de la Belgique. Art. 3. Les villes et ports de Hakodate, Kanagawa et Nagasaki seront ouverts au commerce et aux sujets belges dès le jour où le présent traité entrera en vigueur. Les Belges pourront résider en permanence dans ces villes et ports; ils auront le droit d y louer des terrains et acheter des maisons et ils pourront y bâtir des habitations et des magasins. Mais aucune fortification ou place forte militaire n y sera élevée sous prétexte de construction de hangars ou d habitations, et pour s assurer que cette clause est fidèlement exécutée, les autorités japonaises compétentes auront le droit d inspecter, de temps à autre, toute construction qui serait élevée, echangée ou réparée. L emplacement que les Belges occuperont et sur lequel ils pourront construire leurs habitations sera déterminé par le consul belge de concert avec les autorités japonaises compétentes de chaque lien; il en sera de même pour les règlements de port; et, si le consul et les autorités locales ne parviennent pas à s étendre à ce sujet, la question sera soumise à l agent diplomatique belge et au gouvernement japonais. Autour des lieux où résideront les Belges, il ne sera élevé ni plac, par les autorités japonaise, ni mur, ni barrière, ni clôture, ni tout autre obstacle qui pourrait entraver la libre sortie ou la libre entrée de ces lieux. Les Belges pourront circuler librement dans les enceintes formées par les limites désignées ci-après De Kanagawa jusqu à la rivière Logo (qui se jette dans la baie de Yédo entre Kawasaki et Sinagawa) et dans toute autre direction, jusqu à une distance de dix ris. D Hakodate jusqu à une distance de dix ris dans toutes les directions. Ces distances seront mesurées par terre, à partir du Gojosio, ou maison de ville, de chacun des ports susnommés, le ri équivalant à 3,910 mètres. A Nagasaki, les Belges pourront se rendre partout dans le domaine impérial du voisinage. Art. 4. Les Belges au Japon auront le droit d exercer librement leur religion. A cet effet, ils pourront élever, sur le terrain destiné à leur établissement, des édifices pour l exercice ou à l usage de leur culte. Art. 5. Tous les différends qui pourraient s élever entre les Belges résidant au Japon, au sujet de leurs propriétés ou de leurs personnes, seront soumis à la juridiction des autorités belges constituées dans le pays. Tout Belge qui aurait à se plaindre d un Japonais devra se rendre au consulat de Belgique et y exposera sa réclamation. Le consul examinera ce qu elle sura de fondé et cherchera à arranger l affaire à l amiable. De même, si un Japonais avait à se plaindre d un Belge, le consul de Belgique l écoutera avac intérêt et cherchera à arranger l affaire à l amiable. Si des difficultés surviennent qui ne puissent pas être aplanies ainsi par le consul, ce dernier aura recours à l assistance des autorités japonaises compétentes, afin que, de concert avec elles, il puisse examiner sérieusement l affaire et lui donner une solution équitable. Si quelque Japonais venait à ne pas payer ce qu il doit à un Belge, ou s il se cahait frauduleusement, les autorités japonaises compétentes feraient tout ce qui dépendrait d elles pour le traduire en justice et obtenir de lui le payement de sa dette; et si quelque sujet belge se cachait frauduleusement ou manquait à payer ses dettes à un Japonais, les autorités belges feraient de même tout ce qui dépendrait d elles pour amener le délinquant en justice et le forcer à payer ce qu il devrait. Ni les autorités belges, ni les autorités japonaises ne seront responsables du payement de dettes contractées par leurs nationaux respectifs. Art. 6. Tout Japonais qui se rendrait coupable de quelque acte criminel envers un Belges sera arrêté par les autorités japonaises compétentes et puni conformément aux lois du Japon. Les sujets belges qui se rendraient coupables de quelque crime contre des Japonais ou contre des sujets ou citoyens d autres nations, seront traduits devant le consul de Belgique ou un autre fonctionnaire public compétent, ou devant les tribunaux belges, et seront punis conformément aux lois du royaume de Belgique. La justice sera équitablement et impartialement administrée de part et d autre. Art. 7. Toutes les réclamations d amendes ou confisecations encourues par suite d infractions au présent traité ou aux règlements commerciaux qui y sont annexés, seront soumises à la décision des autorités consultaires belges. les amendes ou confiscations qui seront imposées par celles-ci appartiendront au gouvenement japonais. Art. 8. Dans tous les ports du Japon ouverts au commerce, les Belges auront le droit d importer de leur propre pays ou des ports étrangers, et de vendre, comme aussi d acheter et d exporter pour leurs propres ports ou pour ceux d autres pays, toute espèce de marchandises qui ne seraient pas de contrebande. Ils ne payeront que les droits stipulés dans le tarif annexé au présent traité, sans avoir à supporter aucune autre charge. Les Belges pourront librement acheter des Japonais et leur vendre toutes sortes d articles, sans intervention d aucun employé japonais, soit dans ces ventes ou achats, soit dans les payements à effectuer ou à recevoir. Tous les Japonais, sans distinction, pourront acheter aux Belges toutes sortes de marchandises ainsi que les garder, les employer ou les revendre. Art. 9. Le gouvernement japonais n apportera aucun obstacle à ce que les Belges résidant au Japon puissent prendre à leur service des Japonais et les employer à toute occupation que les lois ne prohibent pas. Art. 10. Les règlements commerciaux annexés au présent traité seront considérés comme en faisant partie intégrante, et ils seront en conséquence également obligatoires pour les deux hautes parties contractantes. L agent diplomatique de Belgique au Japon, de concert avec les fonctionnaires qui pourraient entre désigneés à cet effet par le gouvernement japonais, auront le pouvoir d établir dans tous les ports ouverts au commerce les gèglements qui seraient nécessaires pour mettre à exécution les stipulations des règlements commerciaux ci-annexés. Art. 11. Les autorités japonaises, dans chaque port, adopteront telles mesures qui leur paraîtront le plus convenables pour prévenir la fraude et la contrebande. Art. 12. Tout bâtiment belge arrivant devant l un des ports ouverts du Japon sera libre de prendre un pilote pour entrer dans le port, et de même, lorsqu il aura acquitté toutes les charges et tous les droits qui lui auraient été légalement imposés et qu il sera prêt à partir, il sera libre de prendre un pilote pour sortir du port. Art. 13. Les Belges qui auraient importé des marchandises dans l un des ports ouverts du Japon, et payé les droits établis, pourront obtenir des chefs de la douane japonaise un certificat constant que ce payement a eu lieu, et il leur sera permis alors de réexporter ces marchandises et des les débarquer dans l un des autres ports ouverts du Japon, sans avoir à payer de droit additionnel d aucune espèce. Art. 14. Toutes les marchandises importées par des Belges dans l un des ports ouverts du Japon, et qui auront payé les droits fixés par ce traité, pourront être transportées par les Japonais dans toutes les parties de l empire, sans avoir à payer aucune taxe ni aucun droit de transit ou de toute autre nature. Art. 15. Toute monnaie étrangère aura cours au Japon et passera pour la valeur de son poids comparé à celui de la monnaie japonaise analogue. Les Belges et les Japonais pourront librement faire usage des monnaies étrangères ou japonaises dans tous les payements qu ils auraient à se faire réciproquement. Les monnaies de toutes espèce, à l exception de la monnaie japonaise de cuivre, pourront être exportées du Japon, aussi bien que l or et l argent étrangers non monnayés. Art. 16. Si les chefs de la douane japonaise n étaient pas satisfaits de l évaluation donnée par des négociants à quelques-unes de leurs marchandises, ces fonctionnaires pourraient en estimer le prix et offrir de les acheter au taux ainsi fixé. Si le propriétaire refusait d accepter l offre qui lui aurait été faite, il aurait à payer aux fonctionnaires de la douane les droits proportionnels à cette estimation. Si, au contraire, l offre était acceptées, la valeur offerte serait immédiatement payée au négociant sans escompte ni rabais. Art. 17. Si un bâtiment belge venait à naufrager ou à être jeté sur les côtes de l empire du Japon, ou s il était forcé de charcher un refuge dans quelque port du territoire impérial, les autorités japonaises compétentes, ayant connaissance du fait, donneraient immédiatement à ce bâtiment toute l assistance possible. Les personnes du bord seraient traitées avec bienveillance, et on leur fournirait, si cela était nécessaire, les moyens de se rendre au consulat belge le plus voisin. Art. 18. Toutes sortes de fournitures à l usage des bâtiments de guerre belges pourront êt débarquées à Kanagawa, à Hakodate et à Nagasaki, et placées en magasin à terre sous la garde d employés belges, sans avoir à payer de droits; mais si quelques-unes de ces fournitures étaient vendues à des Japonais ou à des étrangers, l acquéreur payerait aux autorités japonaises la valeur des droits qui y seraient applicables. Art. 19. Il est expressément stipulé que le gouvernement de S.M. le roi des Belges et ses sujets jouiront librement, à dater du jour où le présent traité entre en vigueur, de tous les droits, immunités et priviléges ou avantages qui ont été accordés ou qui seraient accordés à l avenir par S.M. le taïcoun du Japon au gouvernement ou aux sujets de toute autre nation. Art. 20. Il est convenu que les deux hautes parties contrantes pourront, à dater du 1er juillet 1872, proposer la révision du présent traité, pour y introduire les changements ou les améliorations que l expérience aurait démontrés nécessaires. Mais une pareille proposition devra être annoncée au moins une année d avance. Art. 21. Toutes les communications officielles de l agent dipolomatique et des consuls de Belgeique adressées aux autorité japonaises seront écrites en français. Toutefois, pour faciliter la prompte expédition des afaires, ces communications seront accompagnées d une traduction en langue hollandaise ou japonaise, pendant les cinq premières années qui suivront la date où présent traité entrera en vigueur. Art. 22. Le présent traité est fait en quatre expéditions, dont deux sont écrites en japonais et en hollandais et les deux autre en français et en hollandais. Les trois versions ont le même sens et la même portée, mais la version hollandaise sera considérée comme le texte original du traité, de manière que, dans le cas où une interprétation différente serait donnée au texte français et au texte japonais, le texte hollandais ferait foi. Art. 23. Le présent traité sera ratifié par S.M. le roi des Belges et par S.M. le taïcoun du Japon, et les ratifications, dûment singées et scellées, seront échangées à Yédo aussitôt que faire se pourra. Ce traité entrera en vigueur à partir du premier janvier mil huit cent soixante-sept, soit que les ratifications soient échangées avant ou après cette date. En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l ont signé et y ont apposé leurs sceaux. Fait à Yédo, le premier août mil huit cent soisante-six, correspondant au 21e jour du 6e mois de la 2e année de Kei-O To-la. (L.S.) Auguste T Kint Kikoetsi Ijono Kami Hosino Bittsuno Kami Ookoebo Tsikgono Kami
https://w.atwiki.jp/confiance/
メインページ このwikiはAlliance of Valiant ArmsのクランであるConfianceのwikiです。 お知らせ 絶賛活動中です 現在クランメンバーは若干募集中です。 参加希望の方は、こちらへ。 メンバー紹介 http //www.nicovideo.jp/watch/sm15216613