約 3,341,770 件
https://w.atwiki.jp/ddr_dp/pages/35.html
レーダー値逆引き(簡易版) レーダー値逆引き(簡易版)コメント(情報提供用) STREAM VOLTAGE AIR FREEZE CHAOS レーダー値の一覧です。 但し、曲数が膨大になったため、 値に対して難易度が高めの曲や、値が100未満の曲を省きました。 (省ききれていない曲もあります。) 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 レーダー上げのための一般的な選択肢とされている曲には色をつけています。 基本的にレーダー上げ(称号獲得)は「STR」と「VOL」にかかっています。 「AIR」「FRE」「CHA」の3種は上記2種と比べると楽に上げられます。 注:X3にてレーダー値が激変しています。詳細な調査が完了していませんので、 このページには不確かな情報が多く存在します。 コメント(情報提供用) SPのほうにはあったので用意してみました。情報提供をお願いします。 FREEZE値について、先にPartyLightsフルコンで110になったのち、SilentHill(3rd~)をフルコンしましたがFREEZE値は110の黄色表示(≒スコア更新)になりませんでした。少なくともSilentHill(3rd~)<PartyLightsは言えると思います。SilentHill(3rd~)が110なのか109以下なのかはわかりませんが。 -- 名無しさん (2013-09-23 13 08 49) SAGA踊を緑フルコンでAIR105を確認。 -- 名無しさん (2013-10-04 08 50 38) Unreal踊と女々しくて鬼のグラフのAIRが似てたので、先に女々しくて鬼を緑フルコンしたところAIR107、CHAOS100を確認。次にUnreal踊を緑フルコンでAIR107同値を確認。 -- 上のAIR105の名無し (2013-10-05 12 30 31) TripMachinePhoenix踊の緑フルしたらAIR110で合ってました -- 名無しさん (2013-10-06 03 53 28) 激CRAZYLOVE接続でVOL100越えました -- 名無しさん (2013-12-13 02 20 49) ↑「VOL100越え」と曖昧では書きづらいです。緑以上フルコンでVOLがいくつに上昇したかはっきり判明しませんでしたか? -- 名無しさん (2013-12-29 18 48 42) London EVOLVED ver.AがDIFFICULT11でVOL133あります。フルコンしにくいですが選択肢の一つに。 -- 名無しさん (2014-09-27 09 18 43) ↑SPのVOLでした。申し訳ないです。DPのは調べてきます。 -- 名無しさん (2014-09-27 09 24 59) Blew My Mind(踊)のVOL120到達条件はFULLとなってますが、正しくは419コンボのようです(おそらく418コンボでは無理)。ラストのコンボカッターでミスってもOKなので、個人的には結構な差があります。 -- 名無しさん (2014-11-25 15 50 01) Blew my mind expert voltage 141です。 -- 名無しさん (2014-12-03 20 44 39) BEMANI wiki 2ndの方に、DPのみですが実機で撮影して取得したデータを入力致しました。未解禁等でわたしが取得出来なかったデータは元々記載されていた「嘆きの樹(鬼)」以外は? -- える (2015-01-22 21 30 41) 途中送信失礼…未取得分は?にしてあります。特にSTR、VOLで1だけですがズレがありましたので、参考にして頂けるとわたしが浮かばれますw -- える (2015-01-22 21 31 57) 今日NEPHILIM DELTA(EXP)を830,210でクリアしたらSTREAM100に到達(=足龍)、STREAM値を計算したら99.62になったので小数点四捨五入の可能性あり? -- 名無しさん (2015-10-29 18 32 41) PARANOIA Survivor MAX(鬼)、777,230でSTR139止まりだったので足紙のスコアは773,490より少し高いかと。 -- 名無しさん (2015-10-30 00 04 39) 名前 コメント STREAM 計算式は『MAX値×スコア率』(スコア率=達成スコア/1,000,000。MFCを達成すればスコア率は1になります。) 足龍を目指す場合はほとんどの人がNEPHILIM DELTAになります。NEPHILIM DELTAが苦手な人の選択肢は四択です。 体力が十分足りている場合は基本的に「NEPHILIM DELTA(激)」 NEPHILIM DELTAが苦手で、スコア力と発狂耐性が平均的な人はスタンダードな方法として「MAX 300(激)」 NEPHILIM DELTAが苦手で、スコア力と地団駄が平均的な人は「ラクガキスト(鬼)」 NEPHILIM DELTAが苦手で、スコア力に自信があり、縦連や遠配置が得意なら「PARANOIA Survivor MAX(鬼)」のCUT1(理論値は586,700) NEPHILIM DELTAが苦手で、スコア力が弱いけれども、クリア力がピカイチなら「PARANOIA Survivor MAX(鬼)」 足神までは「PARANOIA Survivor MAX(鬼)」が飛びぬけて簡単。 足神から先を目指す場合は「888(鬼)」が定番だが、適宜自分に合った曲で。 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 MAX TITLE LV NOTES /FA (SA) 足龍(ALL100) 足鳳凰(ALL120) 足紙(ALL140) 足神(ALL160) 大足神(ALL180) 120 MAX 300(激) 15 485 / 2 833,330 × × × × 120 NEPHILIM DELTA(激) 14 561 / 3 833,330 × × × × 136 PARANOIA Survivor MAX(激) 15 533 / 3 735,290 882,400? × × × 138 ラクガキスト(鬼) 16 687 / 2 724,640 869,570 × × × 181 PARANOIA Survivor MAX(鬼) 16 613 / 4 552,480 662,990? 773,490? 883,980? 994,480? 184 Blew My Mind(鬼) 18 660 / 46 ( 2) 195 Tohoku EVOLVED(鬼) 18 677 / 27 512,820 615,390? 717,950? 820,520? 923,080? 199 Triple Journey -TAG EDITION-(鬼) 18 712 / 12 502,520? 603,020? 703,520? 804,020? 904,530? 200 888(鬼) 18 680 / 16 500,000 600,000 700,000 800,000 900,000 270 EGOISM 440(鬼) 19 804 / 1 VOLTAGE 計算式は『MAX値×コンボ率』(コンボ率=GREAT以上の達成コンボ/フルコンボ数。緑フルコンボ以上を達成すればコンボ率は1になります。) 足龍を目指す場合、基本的にはBPM380以上の高速ソフランながら譜面が単純な「Blew My Mind(踊)」「New Decade(楽)」「Elemental Creation(楽)」の三択が楽。 上記三曲が苦手なら以下の三択です。 8分裏打ちが得意でそこそこコンボ力のある人は「チカラ(激)」のCUT2 地団太と軽めのリズム難が得意でコンボ力がある人は「Across the nightmare(激)」 高速BPMと渡りは得意だがリズム難が苦手な人は「Pluto Relinquish(踊)」のCUT1 足鳳凰は「Blew My Mind(踊)」がとても簡単。 足紙は「Pluto Relinquish(踊)」が飛びぬけて簡単、次点で「Blew My Mind(激)」か。 足神を目指す場合は「POSSESSION(激)」「London EVOLVED (ver.A)(鬼)」「Blew My Mind(鬼)」のいずれか得意な曲で。 DDR2013のVOL200担当は「Blew My Mind(鬼)」。 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 MAX TITLE LV NOTES /FA (SA) 足龍(ALL100) 足鳳凰(ALL120) 足紙(ALL140) 足神(ALL160) 大足神(ALL180) 100 Across the nightmare(激) 13 305 / 14 FULL × × × × 103 New Decade(楽) 11 311 / 34 302C? × × × × 111 Elemental Creation(楽) 11 427 / 24 385C? × × × × 111 チカラ(激) 13 384 / 0 320C × × × × 121 Blew My Mind(踊) 12 421 / 18 348C? FULL × × × 131 Elemental Creation(踊) 14 612 / 24 468C? 561C? × × × 141 Blew My Mind(激) 16 581 / 14 577C? 145 Pluto Relinquish(踊) 15 398 / 19 275C 330C 385C × × 152 Elemental Creation(鬼) 18 832 / 22 551C 662C? 772C? × × 161 POSSESSION(激) 17 606 / 15 - - - FULL × 177 London EVOLVED (ver.A)(鬼) 17 589 / 2 - - - 533C × 200 Blew My Mind(鬼) 18 660 / 46 ( 2) ???C AIR 計算式は『MAX値×同時踏み達成率』(同時踏み達成率=GREAT以上の同時踏み達成数/全同時踏み数。) DDR2013のAIR200担当は「Right on time (Ryu☆Remix)(鬼)」。 これに伴って、Triple Journey開始の2013/8/1に、それまでAIR値が100~200だった譜面が (旧値-100)×0.62+100 程度の値に減少した。 基本は「DYNAMITE RAVE ("AIR" Special)(鬼)」で、頭打ちになったら「Right on time (Ryu☆Remix)(鬼)」。 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 MAX TITLE LV NOTES /FA (SA) 足龍(ALL100) 足鳳凰(ALL120) 足紙(ALL140) 足神(ALL160) 大足神(ALL180) 102? Dance Celebration (System7 Remix)(踊) 8 / 102 BRILLIANT 2U(踊) 7 180 / 0 107 女々しくて(鬼) 10 187 /19 (81) 113 Unreal(楽) 8 212 / 0 160 DYNAMITE RAVE ( AIR Special)(鬼) 9 217 / 0 162 TWINKLE♡HEART(鬼) 11 280 / 37 (51) 200 Right on time (Ryu☆Remix)(鬼) 13 217 / 6 (62) FREEZE 曲をプレイした時の踏めたフリーズアローの総延長の率(?) 基本的に「D2R ("FREEZE" Special)(鬼)」一択ですが、 複雑すぎて踏めないという方は「in love wit you(踊)」「in love wit you(激)」もオススメです。 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 MAX TITLE LV NOTES /FA (SA) 足龍(ALL100) 足鳳凰(ALL120) 足紙(ALL140) 足神(ALL160) 大足神(ALL180) 110? Everything I Need(踊) 6 / 110? south(踊) 8 / 110 Party Lights(激) 10 243 / 54 110? Silent Hill(3rd christmas mix)(鬼) 11 234 / 48 113? south(激) 8 / 114 DoLL(踊) 8 244 / 71 116? You(踊) 6 / 127 Freeze(楽) 5 112 / 39 144 Freeze(踊) 7 / 156 in love wit you(踊) 6 134 / 58 183 in love wit you(激) 9 169 / 100 200 D2R ( FREEZE Special)(鬼) 13 158 / 54 CHAOS 曲をプレイした時の4分・8分以外の矢印(NOTE使用時の赤色と青色を除く矢印)のGOOD以上の率 。 実力に合わせて「CHAOS(楽)」~「CHAOS(鬼)」のいずれかを選ぶのが基本ですが、足龍までなら「女々しくて(鬼)」でもOK。 曲を省いていない一覧はレーダー値逆引き(詳細版)を参照してください。 MAX TITLE LV NOTES /FA (SA) 足龍(ALL100) 足鳳凰(ALL120) 足紙(ALL140) 足神(ALL160) 大足神(ALL180) 100 女々しくて(鬼) 10 187 / 19 (81) 117 CHAOS(楽) 9 174 / 2 118 bag(激) 13 360 / 0 142 CHAOS(踊) 12 242 / 2 177 CHAOS(激) 14 316 / 5 200 CHAOS(鬼) 15 360 / 7
https://w.atwiki.jp/oper/pages/1639.html
Acte I. Une Représentation à l Hôtel de Bourgogne. La salle de l Hôtel de Bourgogne, en 1640. Sorte de hangar de jeu de paume aménagé et embelli pour des représentations. La salle est un carré long; on la voit en biais, de sorte qu un de ses côtés forme le fond qui part du premier plan, à droite, et va au dernier plan, à gauche, faire angle avec la scène, qu on aperçoit en pan coupé. Cette scène est encombrée, des deux côtés, le long des coulisses, par des banquettes. Le rideau est formé par deux tapisseries qui peuvent s écarter. Au-dessus du manteau d Arlequin, les armes royales. On descend de l estrade dans la salle par de larges marches. De chaque côté de ces marches, la place des violons. Rampe de chandelles. Deux rangs superposés de galeries latérales le rang supérieur est divisé en loges. Pas de sièges au parterre, qui est la scène même du théâtre; au fond de ce parterre, c est-à-dire à droite, premier plan, quelques bancs formant gradins et, sous un escalier qui monte vers des places supérieures, et dont on ne voit que le départ, une sorte de buffet orné de petits lustres, de vases fleuris, de verres de cristal, d assiettes de gâteaux, de flacons, etc. Au fond, au milieu, sous la galerie de loges, l entrée du théâtre. Grande porte qui s entre-bâille pour laisser passer les spectateurs. Sur les battants de cette porte, ainsi que dans plusieurs coins et au-dessus du buffet, des affiches rouges sur lesquelles on lit La Clorise. Au lever du rideau, la salle est dans une demi-obscurité, vide encore. Les lustres sont baissés au milieu du parterre, attendant d être allumés. Scène 1.I. Le public, qui arrive peu à peu. Cavaliers, bourgeois, laquais, pages, tire-laine, le portier, etc., puis les marquis, Cuigy, Brissaille, la distributrice, les violons, etc. (On entend derrière la porte un tumulte de voix, puis un cavalier entre brusquement.) LE PORTIER (le poursuivant) Holà ! vos quinze sols ! LE CAVALIER J entre gratis ! LE PORTIER Pourquoi ? LE CAVALIER Je suis chevau-léger de la maison du Roi ! LE PORTIER (à un autre cavalier qui vient d entrer) Vous ? DEUXIÈME CAVALIER Je ne paye pas ! LE PORTIER Mais. . . DEUXIÈME CAVALIER Je suis mousquetaire. PREMIER CAVALIER (au deuxième) On ne commence qu à deux heures. Le parterre Est vide. Exerçons-nous au fleuret. (Ils font des armes avec des fleurets qu ils ont apportés.) UN LAQUAIS (entrant) Pst. . .Flanquin. . . ! UN AUTRE (déjà arrivé) Champagne ?. . . LE PREMIER (lui montrant des jeux qu il sort de son pourpoint) Cartes. Dés. (Il s assied par terre) Jouons. LE DEUXIÈME (même jeu) Oui, mon coquin. PREMIER LAQUAIS (tirant de sa poche un bout de chandelle qu il allume et colle par terre) J ai soustrait à mon maître un peu de luminaire. UN GARDE (à une bouquetière qui s avance) C est gentil de venir avant que l on n éclaire !. . . (Il lui prend la taille.) UN DES BRETTEURS (recevant un coup de fleuret) Touche ! UN DES JOUEURS Trèfle ! LE GARDE (poursuivant la fille) Un baiser ! LA BOUQUETIÈRE (se dégageant) On voit !. . . LE GARDE (l entraînant dans les coins sombres) Pas de danger ! UN HOMME (s asseyant par terre avec d autres porteurs de provisions de bouche) Lorsqu on vient en avance, on est bien pour manger. UN BOURGEOIS (conduisant son fils) Plaçons-nous là, mon fils. UN JOUEUR Brelan d as ! UN HOMME (tirant une bouteille de sous son manteau et s asseyant aussi) Un ivrogne Doit boire son bourgogne. . . (il boit) À l hôtel de Bourgogne ! LE BOURGEOIS (à son fils) Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu ? (Il montre l ivrogne du bout de sa canne) Buveurs. . . (En rompant, un des cavaliers le bouscule) Bretteurs ! (Il tombe au milieu des joueurs) Joueurs ! LE GARDE (derrière lui, lutinant toujours la femme) Un baiser ! LE BOURGEOIS (éloignant vivement son fils) Jour de Dieu ! —Et penser que c est dans une salle pareille Qu on joua du Rotrou, mon fils. LE JEUNE HOMME Et du Corneille ! UNE BANDE DE PAGES (se tenant par la main, entre en farandole et chante) Tra la la la la la la la la la la lère. . . LE PORTIER (sévèrement aux pages) Les pages, pas de farce !. . . PREMIER PAGE (avec une dignité blessée) Oh ! Monsieur ! ce soupçon !. . . (Vivement au deuxième, dès que le portier a tourné le dos) As-tu de la ficelle ? LE DEUXIÈME Avec un hameçon. PREMIER PAGE On pourra de là-haut pêcher quelque perruque. UN TIRE-LAINE (groupant autour de lui plusieurs hommes de mauvaise mine) Or çà, jeunes escrocs, venez qu on vous éduque Puis donc que vous volez pour la première fois. . . DEUXIÈME PAGE (criant à d autres pages déjà placés aux galeries supérieures) Hep ! Avez-vous des sarbacanes ? TROISIÈME PAGE (d en haut) Et des pois ! (Il souffle et les crible de pois.) LE JEUNE HOMME (à son père) Que va-t-on nous jouer ? LE BOURGEOIS Clorise. LE JEUNE HOMME De qui est-ce ? LE BOURGEOIS De monsieur Balthazar Baro. C est une pièce !. . . (Il remonte au bras de son fils.) LE TIRE-LAINE (à ses acolytes) . . .La dentelle surtout des canons, coupez-la ! UN SPECTATEUR (à un autre, lui montrant une encoignure élevée) Tenez, à la première du Cid, j étais là ! LE TIRE-LAINE (faisant avec ses doigts le geste de subtiliser) Les montres. . . LE BOURGEOIS (redescendant, à son fils) Vous verrez des acteurs très illustres. . . LE TIRE-LAINE (faisant le geste de tirer par petites secousses furtives) Les mouchoirs. . . LE BOURGEOIS Montfleury. . . QUELQU UN (criant de la galerie supérieure) Allumez donc les lustres ! LE BOURGEOIS . . .Bellerose, L Epy, la Beaupré, Jodelet ! UN PAGE (au parterre) Ah ! voici la distributrice ! LA DISTRIBUTRICE (paraissant derrière le buffet) Oranges, lait, Eau de frambroise, aigre de cèdre ! (Brouhaha à la porte.) UNE VOIX DE FAUSSET Place, brutes ! UN LAQUAIS (s étonnant) Les marquis !. . .au parterre ?. . . UN AUTRE LAQUAIS Oh ! pour quelques minutes. (Entre une bande de petits marquis.) UN MARQUIS (voyant la salle à moitié vide) Hé quoi ! Nous arrivons ainsi que les drapiers, Sans déranger les gens ? sans marcher sur les pieds ? Ah, fi ! fi ! fi ! (Is se trouve devant d autres gentilshommes entrés peu avant) Cuigy ! Brissaille ! (Grandes embrassades.) CUIGY Des fidèles !. . . Mais oui, nous arrivons devant que les chandelles. . . LE MARQUIS Ah, ne m en parlez pas ! Je suis dans une humeur. . . UN AUTRE Console-toi, marquis, car voici l allumeur ! LA SALLE (saluant l entrée de l allumeur) Ah !. . . (On se groupe autour des lustres qu il allume. Quelques personnes ont pris place aux galeries. Lignière entre au parterre, donnant le bras à Christian de Neuvillette. Lignière, un peu débraillé, figure d ivrogne distingué. Christian, vêtu élégamment, mais d une façon un peu démodée, paraît préoccupé et regarde les loges.) Scène 1.II. Les mêmes, Christian, Lignière, puis Ragueneau et Le Bret. CUIGY Lignière ! BRISSAILLE (riant) Pas encor gris !. . . LIGNIÈRE (bas à Christian) Je vous présente ? (Signe d assentiment de Christian) Baron de Neuvillette. (Saluts.) LA SALLE (acclamant l ascension du premier lustre allumé) Ah ! CUIGY (à Brissaille, en regardant Christian) La tête est charmante. PREMIER MARQUIS (qui a entendu) Peuh !. . . LIGNIÈRE (présentant à Christian) Messieurs de Cuigy, de Brissaille. . . CHRISTIAN (s inclinant) Enchanté !. . . PREMIER MARQUIS (au deuxième) Il est assez joli, mais n est pas ajusté Au dernier goût. LIGNIÈRE (à Cuigy) Monsieur débarque de Touraine. CHRISTIAN Oui, je suis à Paris depuis vingt jours à peine. J entre aux gardes demain, dans les Cadets. PREMIER MARQUIS (regardant les personnes qui entrent dans les loges) Voilà La présidente Aubry ! LA DISTRIBUTRICE Oranges, lait. . . LES VIOLONS (s accordant) La. . .la. . . CUIGY (à Christian, lui désignant la salle qui se garnit) Du monde ! CHRISTIAN Eh, oui, beaucoup, PREMIER MARQUIS Tout le bel air ! (Ils nomment les femmes à mesure qu elles entrent, très parées, dans les loges. Envois de saluts, réponses de sourires.) DEUXIÈME MARQUIS Mesdames De Guéméné. . . CUIGY De Bois-Dauphin. . . PREMIER MARQUIS Que nous aimâmes. . . BRISSAILLE De Chavigny. . . DEUXIÈME MARQUIS Qui de nos cœurs va se jouant ! LIGNIÈRE Tiens, monsieur de Corneille est arrivé de Rouen. LE JEUNE HOMME (à son père) L Académie est là ? LE BOURGEOIS Mais. . .j en vois plus d un membre; Voici Boudu, Boissat, et Cureau de la Chambre; Porchères, Colomby, Bourzeys, Bourdon, Arbaud. . . Tous ces noms dont pas un ne mourra, que c est beau ! PREMIER MARQUIS Attention ! nos précieuses prennent place Barthénoïde, Urimédonte, Cassandace, Félixérie. . . DEUXIÈME MARQUIS (se pâmant) Ah ! Dieu ! leurs surnoms sont exquis ! Marquis, tu les sais tous ? PREMIER MARQUIS Je les sais tous, marquis ! LIGNIÈRE (prenant Christian à part) Mon cher, je suis entré pour vous rendre service La dame ne vient pas. Je retourne à mon vice ! CHRISTIAN (suppliant) Non !. . .Vous, qui chansonnez et la ville et la cour, Restez vous me direz pour qui je meurs d amour. LE CHEF DES VIOLONS (frappant sur son pupitre, avec son archet) Messieurs les violons !. . . (Il lève son archet.) LA DISTRIBUTRICE Macarons, citronnée. . . (Les violons commencent à jouer.) CHRISTIAN J ai peur qu elle ne soit coquette et raffinée, Je n ose lui parler car je n ai pas d esprit. Le langage aujourd hui qu on parle et qu on écrit, Me trouble. Je ne suis qu un bon soldat timide. —Elle est toujours à droite, au fond la loge vide. LIGNIÈRE (faisant mine de sortir) Je pars. CHRISTIAN (le retenant encore) Oh ! non, restez ! LIGNIÈRE Je ne peux. D Assoucy M attend au cabaret. On meurt de soif, ici. LA DISTRIBUTRICE (passant devant lui avec un plateau) Orangeade ? LIGNIÈRE Fi ! LA DISTRIBUTRICE Lait ? LIGNIÈRE Pouah ! LA DISTRIBUTRICE Rivesalte ? LIGNIÈRE Halte ! (A Christian) Je reste encore un peu.—Voyons ce rivesalte ? (Il s assied près du buffet. La distributrice lui verse du rivesalte.) CRIS (dans le public à l entrée d un petit homme grassouillet et réjoui) Ah ! Ragueneau !. . . LIGNIÈRE (à Christian) Le grand rôtisseur Ragueneau. RAGUENEAU (costume de pâtissier endimanché, s avançant vivement vers Lignière) Monsieur, avez-vous vu monsieur de Cyrano ? LIGNIÈRE (présentant Ragueneau à Christian) Le pâtissier des comédiens et des poètes ! RAGUENEAU (se confondant) Trop d honneur. . . LIGNIÈRE Taisez-vous, Mécène que vous êtes ! RAGUENEAU Oui, ces messieurs chez moi se servent. . . LIGNIÈRE A crédit. Poète de talent lui-même. . . RAGUENEAU Ils me l ont dit. LIGNIÈRE Fou de vers ! RAGUENEAU Il est vrai que pour une odelette. . . LIGNIÈRE Vous donnez une tarte. . . RAGUENEAU Oh ! une tartelette ! LIGNIÈRE Brave homme, il s en excuse ! Et pour un triolet Ne donnâtes-vous pas ?. . . RAGUENEAU Des petits pains ! LIGNIÈRE (sévèrement) Au lait. —Et le théâtre, vous l aimez ? RAGUENEAU Je l idolâtre. LIGNIÈRE Vous payez en gâteaux vos billets de théâtre ! Votre place, aujourd hui, là, voyons, entre nous, Vous a coûté combien ? RAGUENEAU Quatre flans. Quinze choux. (Il regarde de tous côtés) Monsieur de Cyrano n est pas là ? Je m étonne. LIGNIÈRE Pourquoi ? RAGUENEAU Montfleury joue ! LIGNIÈRE En effet, cette tonne Va nous jouer ce soir le rôle de Phédon. Qu importe à Cyrano ? RAGUENEAU Mais vous ignorez donc ? Il fit à Montfleury, messieurs, qu il prit en haine, Défense, pour un mois, de reparaître en scène. LIGNIÈRE (qui en est à son quatrième petit verre) Eh bien ? RAGUENEAU Montfleury joue ! CUIGY (qui s est rapproché de son groupe) Il n y peut rien. RAGUENEAU Oh ! oh ! Moi, je suis venu voir ! PREMIER MARQUIS Quel est ce Cyrano ? CUIGY C est un garcon versé dan les colichemardes. DEUXIÈME MARQUIS Noble ? CUIGY Suffisamment. Il est cadet aux gardes. (Montrant un gentilhomme qui va et vient dans la salle comme s il cherchait quelqu un) Mais son ami Le Bret peut vous dire. . . (Il appelle) Le Bret ! (Le Bret descend vers eux) Vous cherchez Bergerac ? LE BRET Oui, je suis inquiet !. . . CUIGY N est-ce pas que cet homme est des moins ordinaires ? LE BRET (avec tendresse) Ah, c est le plus exquis des êtres sublunaires ! RAGUENEAU Rimeur ! CUIGY Bretteur ! BRISSAILLE Physicien ! LE BRET Musicien ! LIGNIÈRE Et quel aspect hétéroclite que le sien ! RAGENEAU Certes, je ne crois pas que jamais nous le peigne Le solennel monsieur Philippe de Champaigne; Mais bizarre, excessif, extravagant, falot, Il eût fourni, je pense, à feu Jacques Callot Le plus fol spadassin à mettre entre ses masques Feutre à panache triple et pourpoint à six basques, Cape que par derrière, avec pompe, l estoc Lève, comme une queue insolente de coq, Plus fier que tous les Artabans dont la Gascogne Fut et sera toujours l alme Mère Gigogne, Il promène, en sa fraise à la Pulcinella, Un nez !. . .Ah ! messeigneurs, quel nez que ce nez-là !. . . On ne peut voir passer un pareil nasigère Sans s écrier "Oh ! non, vraiment, il exagère !" Puis on sourit, on dit "Il va l enlever. . ." Mais Monsieur de Bergerac ne l enlève jamais. LE BRET (hochant la tête) Il le porte,—et pourfend quiconque le remarque ! RAGUENEAU (fièrement) Son glaive est la moitié des ciseaux de la Parque ! PREMIER MARQUIS (haussant les épaules) Il ne viendra pas ! RAGUENEAU Si !. . .Je parie un poulet A la Ragueneau ! LE MARQUIS (riant) Soit ! (Rumeurs d admiration dan la salle. Roxane vient de paraître dans sa loge. Elle s assied sur le devant, sa duègne prend place au fond. Christian, occupé à payer la distributrice, ne regarde pas.) DEUXIÈME MARQUIS (avec des petit cris) Ah, messieurs ! mais elle est Épouvantablement ravissante ! PREMIER MARQUIS Une pêche Qui sourirait avec une fraise ! DEUXIÈME MARQUIS Et si fraîche Qu on pourrait, l approchant, prendre un rhume de cœur ! CHRISTIAN (lève la tête, aperçoit Roxane, et saisit vivement Lignière par le bras) C est elle ! LIGNIÈRE (regardant) Ah ! c est elle ?. . . CHRISTIAN Oui. Dites vite. J ai peur. LIGNIÈRE (dégustant son rivesalte à petits coups) Magdaleine Robin, dite Roxane.—Fine. Précieuse. CHRISTIAN Hélas ! LIGNIÈRE Libre. Orpheline. Cousine De Cyrano,—dont on parlait. . . (A ce moment, un seigneur très élégant, le cordon bleu en sautoir, entre dans la loge et, debout, cause un instant avec Roxane.) CHRISTIAN (tressaillant) Cet homme ?. . . LIGNIÈRE (qui commence à être gris, clignant de l œil) Hé ! hé !. . . —Comte de Guiche. Épris d elle. Mais marié A la nièce d Armand de Richelieu. Désire Faire épouser Roxane à certain triste sire, Un monsieur de Valvert, vicomte. . .et complaisant. Elle n y souscrit pas, mais de Guiche est puissant Il peut persécuter une simple bourgeoise. D ailleurs j ai dévoilé sa manœuvre sournoise Dans une chanson qui. . .Ho ! il doit m en vouloir ! —La fin était méchante. . .Écoutez. . . (Il se lève en titubant, le verre haut, prêt a chanter.) CHRISTIAN Non. Bonsoir. LIGNIÈRE Vous allez ? CHRISTIAN Chez monsieur de Valvert ! LIGNIÈRE Prenez garde C est lui qui vous tuera ! (Lui désignant du coin de l œil Roxane) Restez. On vous regarde. CHRISTIAN C est vrai ! (Il reste en contemplation. Le groupe de tire-laine, à partir de ce moment, le voyant la tête en l air et bouche bée, se rapproche de lui.) LIGNIÈRE C est moi qui pars. J ai soif ! Et l on m attend —Dans les tavernes ! (Il sort, zigzaguant.) LE BRET (qui a fait le tour de la salle, revenant vers Ragueneau, d une voix rassurée) Pas de Cyrano. RAGUENEAU (incrédule) Pourtant. . . LE BRET Ah ! je veux espérer qu il n a pas vu l affiche ! LA SALLE Commencez ! Commencez ! Scène 1.III. Les mêmes, moins Lignière; De Guiche, Valvert, puis Montfleury. UN MARQUIS (voyant de Guiche, qui descend de la loge de Roxane, traverse le parterre, entouré de seigneurs obséquieux, parmi lesquels le vicomte de Valvert) Quelle cour, ce de Guiche ! UN AUTRE Fi !. . .Encore un Gascon ! LE PREMIER Le Gascon souple et froid, Celui qui réussit !. . .Saluons-le, crois-moi. (Ils vont vers de Guiche.) DEUXIÈME MARQUIS Les beaux rubans ! Quelle couleur, comte de Guiche ? Baise-moi-ma-mignonne ou bien Ventre-de-biche ? DE GUICHE C est couleur Espagnol malade. PREMIER MARQUIS La couleur Ne ment pas, car bientôt, grâce à votre valeur, L Espagnol ira mal, dans les Flandres ! DE GUICHE Je monte Sur scène. Venez-vous ? (Il se dirige, suivi de tous les marquis et gentilshommes, vers le théâtre. Il se retourne et appelle) Viens, Valvert ! CHRISTIAN (qui les écoute et les observe, tressaille en entendant ce nom) Le vicomte ! Ah ! je vais lui jeter à la face mon. . . (Il met la main dans sa poche, et y rencontre celle d un tire-laine en train de le dévaliser. Il se retourne) Hein ? LE TIRE-LAINE Ay !. . . CHRISTIAN (sans le lâcher) Je cherchais un gant ! LE TIRE-LAINE (avec un sourire piteux) Vous trouvez une main. (Changeant de ton, bas et vite) Lâchez-moi. Je vous livre un secret. CHRISTIAN (le tenant toujours) Quel ? LE TIRE-LAINE Lignière. . . Qui vous quitte. . . CHRISTIAN (de même) Eh ! bien ? LE TIRE-LAINE . . .touche à son heure dernière. Une chanson qu il fit blessa quelqu un de grand, Et cent hommes—j en suis—ce soir sont postés !. . . CHRISTIAN Cent ! Par qui ? LE TIRE-LAINE Discrétion. . . CHRISTIAN (haussant les épaules) Oh ! LE TIRE-LAINE (avec beaucoup de dignité) Professionnelle ! CHRISTIAN Où seront-ils postés ? LE TIRE-LAINE À la porte de Nesle. Sur son chemin. Prévenez-le ! CHRISTIAN (qui lui lâche enfin le poignet) Mais où le voir ! LE TIRE-LAINE Allez courir tous les cabarets le Pressoir D Or, la Pomme de Pin, la Ceinture qui craque, Les Deux Torches, les Trois Entonnoirs,—et dans chaque, Laissez un petit mot d écrit l avertissant. CHRISTIAN Oui, je cours ! Ah ! les gueux ! Contre un seul homme, cent ! (Regardant Roxane avec amour) La quitter. . .elle ! (Avec fureur, Valvert) Et lui !. . .—Mais il faut que je sauve Lignière !. . . (Il sort en courant.—De Guiche, le vicomte, les marquis, tous les gentilshommes ont disparu derrière le rideau pour prendre place sur les banquettes de la scène. Le parterre est complètement rempli. Plus une place vide aux galeries et aux loges.) LA SALLE Commencez. UN BOURGEOIS (dont la perruque s envole au bout d une ficelle, pêchée par un page de la galerie supérieure) Ma perruque ! CRIS DE JOIE Il est chauve !. . . Bravo, les pages !. . .Ha ! ha ! ha !. . . LE BOURGEOIS (furieux, montrant le poing) Petit gredin ! RIRES ET CRIS (qui commencent très fort et vont décroissant) Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! (Silence complet.) LE BRET (étonné) Ce silence soudain ?. . . (Un spectateur lui parle bas) Ah ? LE SPECTATEUR La chose me vient d être certifiée. MURMURES (qui courent) Chut !—Il paraît ?. . .—Non !. . .—Si !—Dans la loge grillée.— Le Cardinal !—Le Cardinal ?—Le Cardinal ! UN PAGE Ah ! diable, on ne va pas pouvoir se tenir mal !. . . (On frappe sur la scène. Tout le monde s immobilise. Attente.) LA VOIX D UN MARQUIS (dans le silence, derrière le rideau) Mouchez cette chandelle ! UN AUTRE MARQUIS (passant la tête par la fente du rideau) Une chaise ! (Une chaise est passée, de main en main, au-dessus des têtes. Le marquis la prend et disparaît, non sans avoir envoyé quelques baisers aux loges.) UN SPECTATEUR Silence ! (On refrappe les trois coups. Le rideau s ouvre. Tableau. Les marquis assis sur les côtés, dans des poses insolentes. Toile de fond représentant un décor bleuâtre de pastorale. Quatre petits lustres de cristal éclairent la scène. Les violons jouent doucement.) LE BRET (à Ragueneau, bas) Montfleury entre en scène ? RAGUENEAU (bas aussi) Oui, c est lui qui commence. LE BRET Cyrano n est pas là. RAGUENEAU J ai perdu mon pari. LE BRET Tant mieux ! tant mieux ! (On entend un air de musette, et Montfleury paraît en scène, énorme, dans un costume de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur l oreille, et soufflant dans une cornemuse enrubannée.) LE PARTERRE (applaudissant) Bravo, Montfleury ! Montfleury ! MONTFLEURY (après avoir salué, jouant le rôle de Phédon) Heureux qui loin des cours, dans un lieu solitaire, Se prescrit à soi-même un exil volontaire, Et qui, lorsque Zéphire a soufflé sur les bois. . . UNE VOIX (au milieu du parterre) Coquin, ne t ai-je pas interdit pour un mois ? (Stupeur. Tout le monde se retourne. Murmures.) VOIX DIVERSES Hein ?—Quoi ?—Qu est-ce ?. . . (On se lève dans les loges, pour voir.) CUIGY C est lui ! LE BRET (terrifié) Cyrano ! LA VOIX Roi des pitres ! Hors de scène a l instant ! TOUTE LA SALLE (indignée) Oh ! MONTFLEURY Mais. . . LA VOIX Tu récalcitres ? VOIX DIVERSES (du parterre, des loges) Chut !—Assez !—Montfleury, jouez !—Ne craignez rien !. . . MONTFLEURY (d une voix mal assurée) Heureux qui loin des cours dans un lieu sol. . . LA VOIX (plus menaçante) Eh bien ! Faudra-t-il que je fasse, ô Monarque des drôles, Une plantation de bois sur vos épaules ? (Une canne au bout d un bras jaillit au-dessus des têtes.) MONTFLEURY (d une voix de plus en plus faible) Heureux qui. . . (La canne s agite.) LA VOIX Sortez ! LE PARTERRE Oh ! MONTFLEURY (s étranglant) Heureux qui loin des cours. . . CYRANO (surgissant du parterre, debout sur une chaise, les bras croisés, son feutre en bataille, la moustache hérissée, le nez terrible) Ah ! je vais me fâcher !. . . (Sensation à sa vue.) Scène 1.IV. Les mêmes, Cyrano, puis Bellerose, Jodelet. MONTFLEURY (aux marquis) Venez à mon secours, Messieurs ! UN MARQUIS (nonchalamment) Mais jouez donc ! CYRANO Gros homme, si tu joues Je vais être obligé de te fesser les joues ! LE MARQUIS Assez ! CYRANO Que les marquis se taisent sur leurs bancs, Ou bien je fais tâter ma canne à leurs rubans ! TOUS LES MARQUIS (debout) C en est trop !. . .Montfleury. . . CYRANO Que Montfleury s en aille, Ou bien je l essorille et le désentripaille ! UNE VOIX Mais. . . CYRANO Qu il sorte ! UNE AUTRE VOIX Pourtant. . . CYRANO Ce n est pas encor fait ? (Avec le geste de retrousser ses manches) Bon ! je vais sur la scène en guise de buffet, Découper cette mortadelle d Italie ! MONTFLEURY (rassemblant toute sa dignité) En m insultant, Monsieur, vous insultez Thalie ! CYRANO (très poli) Si cette Muse, à qui, Monsieur, vous n êtes rien, Avait l honneur de vous connaître, croyez bien Qu en vous voyant si gros et bête comme une urne, Elle vous flanquerait quelque part son cothurne. LE PARTERRE Montfleury ! Montfleury !—La pièce de Baro !— CYRANO (à ceux qui crient autour de lui) Je vous en prie, ayez pitié de mon fourreau Si vous continuez, il va rendre sa lame ! (Le cercle s élargit.) LA FOULE (reculant) Hé ! là !. . . CYRANO (à Montfleury) Sortez de scène ! LA FOULE (se rapprochant et grondant) Oh ! oh ! CYRANO (se retournant vivement) Quelqu un réclame ? (Nouveau recul.) UNE VOIX (chantant au fond) Monsieur de Cyrano Vraiment nous tyrannise, Malgré ce tyranneau On jouera la Clorise. TOUTE LA SALLE (chantant) La Clorise, la Clorise !. . . CYRANO Si j entends une fois encor cette chanson, Je vous assomme tous. UN BOURGEOIS Vous n êtes pas Samson ! CYRANO Voulez-vous me prêter, Monsieur, votre mâchoire ? UNE DAME (dans les loges) C est inouï ! UN SEIGNEUR C est scandaleux ! UN BOURGEOIS C est vexatoire ! UN PAGE Ce qu on s amuse ! LE PARTERRE Kss !—Montfleury !—Cyrano ! CYRANO Silence ! LE PARTERRE (en délire) Hi han ! Bêê ! Ouah, ouah ! Cocorico ! CYRANO Je vous. . . UN PAGE Miâou ! CYRANO Je vous ordonne de vous taire ! Et j adresse un défi collectif au parterre ! —J inscris les noms !—Approchez-vous, jeunes héros ! Chacun son tour ! Je vais donner des numéros !— Allons, quel est celui qui veut ouvrir la liste ? Vous, Monsieur ? Non ! Vous ? Non ! Le premier duelliste, Je l expédie avec les honneurs qu on lui doit ! —Que tous ceux qui veulent mourir lèvent le doigt. (Silence) La pudeur vous défend de voir ma lame nue ? Pas un nom ?—Pas un doigt ?—C est bien. Je continue. (Se retournant vers la scène où Montfleury attend avec angoisse) Donc, je désire voir le théâtre guéri De cette fluxion. Sinon. . . (La main à son épée) le bistouri ! MONTFLEURY Je. . . CYRANO (descend de sa chaise, s assied au milieu du rond qui s est formé, s installe comme chez lui) Mes mains vont frapper trois claques, pleine lune ! Vous vous éclipserez à la troisième. LE PARTERRE (amusé) Ah ?. . . CYRANO (frappant dans ses mains) Une ! MONTFLEURY Je. . . UNE VOIX (des loges) Restez ! LE PARTERRE Restera. . .restera pas. . . MONTFLEURY Je crois, Messieurs. . . CYRANO Deux ! MONTFLEURY Je suis sûr qu il vaudrait mieux que. . . CYRANO Trois ! (Montfleury disparaît comme dans une trappe. Tempête de rires, de sifflets et de huées.) LA SALLE Hu !. . .hu !. . .Lâche !. . .Reviens !. . . CYRANO (épanoui, se renverse sur sa chaise, et croise ses jambes) Qu il revienne, s il l ose ! UN BOURGEOIS L orateur de la troupe ! (Bellerose s avance et salue.) LES LOGES Ah !. . .Voilà Bellerose ! BELLEROSE (avec élégance) Nobles seigneurs. . . LE PARTERRE Non ! Non ! Jodelet ! JODELET (s avance, et, nasillard) Tas de veaux ! LE PARTERRE Ah ! Ah ! Bravo ! très bien ! bravo ! JODELET Pas de bravos ! Le gros tragédien dont vous aimez le ventre S est senti. . . LE PARTERRE C est un lâche ! JODELET Il dut sortir ! LE PARTERRE Qu il rentre ! LES UNS Non ! LES AUTRES Si ! UN JEUNE HOMME (à Cyrano) Mais à la fin, monsieur, quelle raison Avez-vous de haïr Montfleury ? CYRANO (gracieux, toujours assis) Jeune oison, J ai deux raisons, dont chaque est suffisante seule. Primo c est un acteur déplorable, qui gueule, Et qui soulève avec des han ! de porteur d eau, Le vers qu il faut laisser s envoler !—Secundo Est mon secret. . . LE VIEUX BOURGEOIS (derrière lui) Mais vous nous privez sans scrupule De la Clorise ! Je m entête. . . CYRANO (tournant sa chaise vers le bourgeois, respecteusement) Vieille mule ! Les vers du vieux Baro valant moins que zéro, J interromps sans remords ! LES PRÉCIEUSES (dans les loges) Ha !—Ho !—Notre Baro ! Ma chère !—Peut-on dire ?. . .Ah ! Dieu !. . . CYRANO (tournant sa chaise vers les loges, galant) Belles personnes, Rayonnez, fleurissez, soyez des échansonnes De rêve, d un sourire enchantez un trépas, Inspirez-nous des vers. . .mais ne les jugez pas ! BELLEROSE Et l argent qu il va falloir rendre ! CYRANO (tournant sa chaise vers la scène) Bellerose, Vous avez dit la seule intelligente chose ! Au manteau de Thespis je ne fais pas de trous (Il se lève, et lançant un sac sur la scène) Attrapez cette bourse au vol, et taisez-vous ! LA SALLE (éblouie) Ah !. . .Oh !. . . JODELET (ramassant prestement la bourse et la soupesant) A ce prix-là, monsieur, je t autorise A venir chaque jour empêcher la Clorise !. . . LA SALLE Hu !. . .Hu !. . . JODELET Dussions-nous même ensemble être hués !. . . BELLEROSE Il faut évacuer la salle !. . . JODELET Évacuez !. . . (On commence à sortir, pendant que Cyrano regarde d un air satisfait. Mais la foule s arrête bientôt en entendant la scène suivante, et la sortie cesse. Les femmes qui, dans les loges, étaient déjà debout, leur manteau remis, s arrêtent pour écouter, et finissent par se rasseoir.) LE BRET (à Cyrano) C est fou !. . . UN FÂCHEUX (qui s est approché de Cyrano) Le comédien Montfleury ! quel scandale ! Mais il est protégé par le duc de Candale ! Avez-vous un patron ? CYRANO Non ! LE FÂCHEUX Vous n avez pas ?. . . CYRANO Non ! LE FÂCHEUX Quoi, pas un grand seigneur pour couvrir de son nom ?. . . CYRANO (agacé) Non, ai-je dit deux fois. Faut-il donc que je trisse ? Non, pas de protecteur. . . (La main à son épée) mais une protectrice ! LE FÂCHEUX Mais vous allez quitter la ville ? CYRANO C est selon. LE FÂCHEUX Mais le duc de Candale a le bras long ! CYRANO Moins long Que n est le mien. . . (Montrant son épée) quand je lui mets cette rallonge ! LE FÂCHEUX Mais vous ne songez pas à prétendre. . . CYRANO J y songe. LE FÂCHEUX Mais. . . CYRANO Tournez les talons, maintenant. LE FÂCHEUX Mais. . . CYRANO Tournez ! —Ou dites-moi pourquoi vous regardez mon nez. LE FÂCHEUX (ahuri) Je. . . CYRANO (marchant sur lui) Qu a-t-il d étonnant ? LE FÂCHEUX (reculant) Votre Grâce se trompe. . . CYRANO Est-il mol et ballant, monsieur, comme une trompe ?. . . LE FÂCHEUX (même jeu) Je n ai pas. . . CYRANO Ou crochu comme un bec de hibou ? LE FÂCHEUX Je. . . CYRANO Y distingue-t-on une verrue au bout ? LE FÂCHEUX Mais. . . CYRANO Ou si quelque mouche, à pas lents, s y promène ? Qu a-t-il d hétéroclite ? LE FÂCHEUX Oh !. . . CYRANO Est-ce un phénomène ? LE FÂCHEUX Mais d y porter les yeux j avais su me garder ! CYRANO Et pourquoi, s il vous plaît, ne pas le regarder ? LE FÂCHEUX J avais. . . CYRANO Il vous dégoûte alors ? LE FÂCHEUX Monsieur. . . CYRANO Malsaine Vous semble sa couleur ? LE FÂCHEUX Monsieur ! CYRANO Sa forme, obscène ? LE FÂCHEUX Mais du tout !. . . CYRANO Pourquoi donc prendre un air dénigrant ? —Peut-être que monsieur le trouve un peu trop grand ? LE FÂCHEUX (balbutiant) Je le trouve petit, tout petit, minuscule ! CYRANO Hein ? comment ? m accuser d un pareil ridicule ? Petit, mon nez ? Holà ! LE FÂCHEUX Ciel ! CYRANO Énorme, mon nez ! —Vil camus, sot camard, tête plate, apprenez Que je m enorgueillis d un pareil appendice, Attendu qu un grand nez est proprement l indice D un homme affable, bon, courtois, spirituel, Libéral, courageux, tel que je suis, et tel Qu il vous est interdit à jamais de vous croire, Déplorable maraud ! car la face sans gloire Que va chercher ma main en haut de votre col, Est aussi dénuée. . . (Il le soufflette.) LE FÂCHEUX Aï ! CYRANO De fierté, d envol, De lyrisme, de pittoresque, d étincelle, De somptuosité, de Nez enfin, que celle. . . (Il se retourne par les épaules, joignant le geste à la parole) Que va chercher ma botte au bas de votre dos ! LE FÂCHEUX (se sauvant) Au secours ! A la garde ! CYRANO Avis donc aux badauds Qui trouveraient plaisant mon milieu de visage, Et si le plaisantin est noble, mon usage Est de lui mettre, avant de le laisser s enfuir, Pas devant, et plus haut, du fer, et non du cuir ! DE GUICHE (qui est descendu de la scène, avec les marquis) Mais à la fin il nous ennuie ! LE VICOMTE DE VALVERT (haussant les épaules) Il fanfaronne ! DE GUICHE Personne ne va donc lui répondre ?. . . LE VICOMTE Personne ? Attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !. . . (Il s avance vers Cyrano qui l observe, et se campant devant lui d un air fat) Vous. . .vous avez un nez. . .heu. . .un nez. . .très grand. CYRANO (gravement) Très ! LE VICOMTE (riant) Ha ! CYRANO (imperturbable) C est tout ?. . . LE VICOMTE Mais. . . CYRANO Ah ! non ! c est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire. . .Oh ! Dieu !. . .bien des choses en somme. . . En variant le ton,—par exemple, tenez Agressif "Moi, monsieur, si j avais un tel nez Il faudrait sur-le-champ que je me l amputasse !" Amical "Mais il doit tremper dans votre tasse ! Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap !" Descriptif "C est un roc !. . .c est un pic !. . .c est un cap ! Que dis-je, c est un cap ?. . .C est une péninsule !" Curieux "De quoi sert cette oblongue capsule ? D écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ?" Gracieux "Aimez-vous à ce point les oiseaux Que paternellement vous vous préoccupâtes De tendre ce perchoir à leur petites pattes ?" Truculent "Ça, monsieur, lorsque vous pétunez, La vapeur du tabac vous sort-elle du nez Sans qu un voisin ne crie au feu de cheminée ?" Prévenant "Gardez-vous, votre tête entraînée Par ce poids, de tomber en avant sur le sol !" Tendre "Faites-lui faire un petit parasol De peur que sa couleur au soleil ne se fane !" Pédant "L animal seul, monsieur, qu Aristophane Appelle Hippocampelephantocamélos Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d os !" Cavalier Quoi, l ami, ce croc est à la mode ? Pour pendre son chapeau, c est vraiment très commode ! Emphatique "Aucun vent ne peut, nez magistral, T enrhumer tout entier, excepté le mistral !" Dramatique "C est la Mer Rouge quand il saigne !" Admiratif "Pour un parfumeur, quelle enseigne !" Lyrique "Est-ce une conque, êtes-vous un triton ?" Naïf "Ce monument, quand le visite-t-on ?" Respectueux "Souffrez, monsieur, qu on vous salue, C est là ce qui s appelle avoir pignon sur rue !" Campagnard "Hé, ardé ! C est-y un nez ? Nanain ! C est queuqu navet géant ou ben queuqu melon nain !" Militaire "Pointez contre cavalerie !" Pratique "Voulez-vous le mettre en loterie ? Assurément, monsieur, ce sera le gros lot !" Enfin, parodiant Pyrame en un sanglot "Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître A détruit l harmonie ! Il en rougit, le traître !" —Voilà ce qu à peu près, mon cher, vous m auriez dit Si vous aviez un peu de lettres et d esprit Mais d esprit, ô le plus lamentable des êtres, Vous n en eûtes jamais un atome, et de lettres Vous n avez que les trois qui forment le mot sot ! Eussiez-vous eu, d ailleurs, l invention qu il faut Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n en eussiez pas articulé le quart De la moitié du commencement d une, car Je me les sers moi-même, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu un autre me les serve. DE GUICHE (voulant emmener le vicomte pétrifié) Vicomte, laissez donc ! LE VICOMTE (suffoqué) Ces grands airs arrogants ! Un hobereau qui. . .qui. . .n a même pas de gants ! Et qui sort sans rubans, sans bouffettes, sans ganses ! CYRANO Moi, c est moralement que j ai mes élégances. Je ne m attife pas ainsi qu un freluquet, Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet; Je ne sortirais pas avec, par négligence, Un affront pas très bien lavé, la conscience Jaune encor de sommeil dans le coin de son œil, Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil. Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise, Empanaché d indépendance et de franchise; Ce n est pas une taille avantageuse, c est Mon âme que je cambre ainsi qu en un corset, Et tout couvert d exploits qu en rubans je m attache, Retroussant mon esprit ainsi qu une moustache, Je fais, en traversant les groupes et les ronds, Sonner les vérités comme des éperons. LE VICOMTE Mais, monsieur. . . CYRANO Je n ai pas de gants ?. . .la belle affaire ! Il m en restait un seul. . .d une très vieille paire ! —Lequel m était d ailleurs encor fort importun Je l ai laissé dans la figure de quelqu un. LE VICOMTE Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule ! CYRANO (ôtant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se présenter) Ah ?. . .Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac. (Rires.) LE VICOMTE (exaspéré) Bouffon ! CYRANO (poussant un cri comme lorsqu on est saisi d une crampe) Ay !. . . LE VICOMTE (qui remontait, se retournant) Qu est-ce encor qu il dit ? CYRANO (avec des grimaces de douleur) Il faut la remuer car elle s engourdit. . . —Ce que c est que de la laisser inoccupée !— Ay !. . . LE VICOMTE Qu avez-vous ? CYRANO J ai des fourmis dans mon épée ! LE VICOMTE (tirant la sienne) Soit ! CYRANO Je vais vous donner un petit coup charmant. LE VICOMTE (méprisant) Poète !. . . CYRANO Oui, monsieur, poète ! et tellement, Qu en ferraillant je vais—hop !—à l improvisade, Vous composer une ballade. LE VICOMTE Une ballade ? CYRANO Vous ne vous doutez pas de ce que c est, je crois ? Le vicomte Mais. . . CYRANO (récitant comme une leçon) La ballade, donc, se compose de trois Couplets de huit vers. . . LE VICOMTE (piétinant) Oh ! CYRANO (continuant) Et d un envoi de quatre. . . LE VICOMTE Vous. . . CYRANO Je vais tout ensemble en faire une et me battre, Et vous toucher, monsieur, au dernier vers. LE VICOMTE Non ! CYRANO Non ? (Déclamant) Ballade du duel qu en l hôtel bourguignon Monsieur de Bergerac eut avec un bélître ! LE VICOMTE Qu est-ce que c est que ça, s il vous plaît ? CYRANO C est le titre. LA SALLE (surexcitée au plus haut point) Place !—Très amusant !—Rangez-vous !—Pas de bruits ! (Tableau. Cercle de curieux au parterre, les marquis et les officiers mêlés aux bourgeois et aux gens du peuple; les pages grimpés sur des épaules pour mieux voir. Toutes les femmes debout dans les loges. A droite, De Guiche et ses gentilshommes. A gauche, Le Bret, Ragueneau, Cuigy, etc.) CYRANO (fermant une seconde les yeux) Attendez !. . .je choisis mes rimes. . .Là, j y suis. (Il fait ce qu il dit, à mesure) Je jette avec grâce mon feutre, Je fais lentement l abandon Du grand manteau qui me calfeutre, Et je tire mon espadon; Élégant comme Céladon, Agile comme Scaramouche, Je vous préviens, cher Mirmydon, Qu à la fin de l envoi je touche ! (Premiers engagements de fer) Vous auriez bien dû rester neutre; Où vais-je vous larder, dindon ?. . . Dans le flanc, sous votre maheutre ?. . . Au cœur, sous votre bleu cordon ?. . . —Les coquilles tintent, ding-don ! Ma pointe voltige une mouche ! Décidément. . .c est au bedon, Qu à la fin de l envoi, je touche. Il me manque une rime en eutre. . . Vous rompez, plus blanc qu amidon ? C est pour me fournir le mot pleutre ! —Tac ! je pare la pointe dont Vous espériez me faire don;— J ouvre la ligne,—je la bouche. . . Tiens bien ta broche, Laridon ! A la fin de l envoi, je touche. (Il annonce solennellement) Envoi. Prince, demande à Dieu pardon ! Je quarte du pied, j escarmouche, Je coupe, je feinte. . . (Se fendant) Hé ! là, donc ! (Le vicomte chancelle; Cyrano salue) A la fin de l envoi, je touche ! (Acclamations. Applaudissements dans les loges. Des fleurs et des mouchoirs tombent. Les officiers entourent et félicitent Cyrano. Ragueneau danse d enthousiasme. Le Bret est heureux et navré. Les amis du vicomte le soutiennent et l emmènent.) LA FOULE (en un long cri) Ah !. . . UN CHEVAU-LÉGER Superbe ! UNE FEMME Joli ! RAGUENEAU Pharamineux ! UN MARQUIS Nouveau !. . . LE BRET Insensé ! BOUSCULADE (autour de Cyrano. On entend) . . .Compliments !. . .félicite. . .bravo. . . VOIX DE FEMME C est un héros !. . . UN MOUSQUETAIRE (s avançant vivement vers Cyrano, la main tendue) Monsieur, voulez-vous me permettre ?. . . C est tout à fait très bien, et je crois m y connaître; J ai du reste exprimé ma joie en trépignant !. . . (Il s éloigne.) CYRANO (à Cuigy) Comment s appelle donc ce monsieur ? CUIGY D Artagnan. LE BRET (à Cyrano, lui prenant le bras) Çà, causons !. . . CYRANO Laisse un peu sortir cette cohue. . . (A Bellerose) Je peux rester ? BELLEROSE (respecteusement) Mais oui !. . . (On entend des cris au dehors.) JODELET (qui a regardé) C est Montfleury qu on hue ! BELLEROSE (solennellement) Sic transit !. . . (Changeant de ton, au portier et au moucheur de chandelles) Balayez. Fermez. N éteignez pas. Nous allons revenir après notre repas, Répéter pour demain une nouvelle farce. (Jodelet et Bellerose sortent, après de grands saluts à Cyrano.) LE PORTIER (à Cyrano) Vous ne dînez donc pas ? CYRANO Moi ?. . .Non. (Le portier se retire.) LE BRET (à Cyrano) Parce que ? CYRANO (fièrement) Parce. . . (Changeant de ton, en voyant que le portier est loin) Que je n ai pas d argent !. . . LE BRET (faisant le geste de lancer un sac) Comment ! le sac d écus ?. . . CYRANO Pension paternelle, en un jour, tu vécus ! LE BRET Pour vivre tout un mois, alors ?. . . CYRANO Rien ne me reste. LE BRET Jeter ce sac, quelle sottise ! CYRANO Mais quel geste !. . . LA DISTRIBUTRICE (toussant derrière son petit comptoir) Hum !. . . (Cyrano et Le Bret se retournent. Elle s avance intimidée) Monsieur. . .Vous savoir jeûner. . .le cœur me fend. . . (Montrant le buffet) J ai là tout ce qu il faut. . . (Avec élan) Prenez ! CYRANO (se découvrant) Ma chère enfant, Encor que mon orgeuil de Gascon m interdise D accepter de vos doigts la moindre friandise, J ai trop peur qu un refus ne vous soit un chagrin, Et j accepterai donc. . . (Il va au buffet et choisit) Oh ! peu de chose !—un grain De ce raisin. . . (Elle veut lui donner la grappe, il cueille un grain) Un seul !. . .ce verre d eau. . . (Elle veut y verser du vin, il l arrête) limpide ! —Et la moitié d un macaron ! (Il rend l autre moitié.) LE BRET Mais c est stupide ! LA DISTRIBUTRICE Oh ! quelque chose encor ! CYRANO Oui. La main à baiser. (Il baise, comme la main d une princesse, la main qu elle lui tend.) LA DISTRIBUTRICE Merci, monsieur. (Révérence) Bonsoir. (Elle sort.) Scène 1.V. Cyrano, Le Bret, puis le portier. CYRANO (à Le Bret) Je t écoute causer. (Il s installe devant le buffet et rangeant devant lui le macaron) Dîner !. . . (. . .le verre d eau) Boisson !. . . (. . .le grain de raisin) Dessert !. . . (Il s assied) Là, je me mets à table ! —Ah !. . .j avais une faim, mon cher, épouvantable ! (Mangeant) —Tu disais ? LE BRET Que ces fats aux grands airs belliqueux Te fausseront l esprit si tu n écoutes qu eux !. . . Va consulter des gens de bon sens, et t informe De l effet qu a produit ton algarade. CYRANO (achevant son macaron) Énorme. LE BRET Le Cardinal. . . CYRANO (s épanouissant) Il était là, le Cardinal ? LE BRET A dû trouver cela. . . CYRANO Mais très original. LE BRET Pourtant. . . CYRANO C est un auteur. Il ne peut lui déplaire Que l on vienne troubler la pièce d un confrère. LE BRET Tu te mets sur les bras, vraiment, trop d ennemis ! CYRANO (attaquant son grain de raisin) Combien puis-je, à peu près, ce soir, m en être mis ? LE BRET Quarante-huit. Sans compter les femmes. CYRANO Voyons, compte ! LE BRET Montfleury, le bourgeois, de Guiche, le vicomte, Baro, l Académie. . . CYRANO Assez ! tu me ravis ! LE BRET Mais où te mènera la façon dont tu vis ? Quel système est le tien ? CYRANO J errais dans un méandre; J avais trop de partis, trop compliqués, à prendre; J ai pris. . . LE BRET Lequel ? CYRANO Mais le plus simple, de beaucoup. J ai décidé d être admirable, en tout, pour tout ! LE BRET (haussant les épaules) Soit !—Mais enfin, à moi, le motif de ta haine Pour Montfleury, le vrai, dis-le-moi ! CYRANO (se levant) Ce Silène, Si ventru que son doigt n atteint pas son nombril, Pour les femmes encor se croit un doux péril, Et leur fait, cependant qu en jouant il bredouille, Des yeux de carpe avec ses gros yeux de grenouille !. . . Et je le hais depuis qu il se permit, un soir, De poser son regard, sur celle. . .Oh ! j ai cru voir Glisser sur une fleur une longue limace ! LE BRET (stupéfait) Hein ? Comment ? Serait-il possible ?. . . CYRANO (avec un rire amer) Que j aimasse ?. . . (Changeant de ton et gravement) J aime. LE BRET Et peut-on savoir ? tu ne m as jamais dit ?. . . CYRANO Qui j aime ?. . .Réfléchis, voyons. Il m interdit Le rêve d être aimé même par une laide, Ce nez qui d un quart d heure en tous lieux me précède; Alors, moi, j aime qui ?. . .Mais cela va de soi ! J aime—mais c est forcé !—la plus belle qui soit ! LE BRET La plus belle ?. . . CYRANO Tout simplement, qui soit au monde ! La plus brillante, la plus fine, (Avec accablement) la plus blonde ! LE BRET Eh ! mon Dieu, quelle est donc cette femme ?. . . CYRANO Un danger Mortel sans le vouloir, exquis sans y songer, Un piège de nature, une rose muscade Dans laquelle l amour se tient en embuscade ! Qui connaît son sourire a connu le parfait. Elle fait de la grâce avec rien, elle fait Tenir tout le divin dans un geste quelconque, Et tu ne saurais pas, Vénus, monter en conque, Ni toi, Diane, marcher dans les grands bois fleuris, Comme elle monte en chaise et marche dans Paris !. . . LE BRET Sapristi ! je comprends. C est clair ! CYRANO C est diaphane. LE BRET Magdeleine Robin, ta cousine ? CYRANO Oui,—Roxane. LE BRET Eh bien, mais c est au mieux ! Tu l aimes ? Dis-le-lui ! Tu t es couvert de gloire à ses yeux aujourd hui ! CYRANO Regarde-moi, mon cher, et dis quelle espérance Pourrait bien me laisser cette protubérance ! Oh ! je ne me fais pas d illusion !—Parbleu, Oui, quelquefois, je m attendris, dans le soir bleu; J entre en quelque jardin où l heure se parfume; Avec mon pauvre grand diable de nez je hume L avril,—je suis des yeux, sous un rayon d argent, Au bras d un cavalier, quelque femme, en songeant Que pour marcher, à petits pas, dans de la lune, Aussi moi j aimerais au bras en avoir une, Je m exalte, j oublie. . .et j aperçois soudain L ombre de mon profil sur le mur du jardin ! LE BRET (ému) Mon ami !. . . CYRANO Mon ami, j ai de mauvaises heures ! De me sentir si laid, parfois, tout seul. . . LE BRET (vivement, lui prenant la main) Tu pleures ? CYRANO Ah ! non, cela, jamais ! Non, ce serait trop laid, Si le long de ce nez une larme coulait ! Je ne laisserai pas, tant que j en serai maître, La divine beauté des larmes se commettre Avec tant de laideur grossière !. . .Vois-tu bien, Les larmes, il n est rien de plus sublime, rien, Et je ne voudrais pas qu excitant la risée, Une seule, par moi, fût ridiculisée !. . . LE BRET Va, ne t attriste pas ! L amour n est que hasard ! CYRANO (secouant la tête) Non ! J aime Cléopâtre ai-je l air d un César ? J adore Bérénice ai-je l aspect d un Tite ? LE BRET Mais ton courage ! ton esprit !—Cette petite Qui t offrait là, tantôt, ce modeste repas, Ses yeux, tu l as bien vu, ne te détestaient pas ! CYRANO (saisi) C est vrai ! LE BRET Hé ! bien ! alors ?. . .Mais, Roxane, elle-même, Toute blême a suivi ton duel ! CYRANO Toute blême ? LE BRET Son cœur et son esprit déjà sont étonnés ! Ose, et lui parle, afin. . . CYRANO Qu elle me rie au nez ? Non !—C est la seule chose au monde que je craigne ! LE PORTIER (introduisant quelqu un à Cyrano) Monsieur, on vous demande. . . CYRANO (voyant la duègne) Ah ! mon Dieu ! Sa duègne ! Scène 1.VI. Cyrano, Le Bret, la duègne. LA DUÈGNE (avec un grand salut) De son vaillant cousin on désire savoir Où l on peut, en secret, le voir. CYRANO (bouleversé) Me voir ? LA DUÈGNE (avec une révérence) Vous voir. —On a des choses à vous dire. CYRANO Des ?. . . LA DUÈGNE (nouvelle révérence) Des choses ! CYRANO (chancelant) Ah, mon Dieu ! LA DUÈGNE L on ira, demain, aux primes roses D aurore,—ouïr la messe à Saint-Roch. CYRANO (se soutenant sur Le Bret) Ah ! mon Dieu ! LA DUÈGNE En sortant,—où peut-on entrer, causer un peu ? CYRANO (affolé) Où ?. . .Je. . .mais. . .Ah ! mon Dieu !. . . LA DUÈGNE Dites vite. CYRANO Je cherche !. . . LA DUÈGNE Où ? CYRANO Chez. . .chez. . .Ragueneau. . .le pâtissier. . . LA DUÈGNE Il perche ? CYRANO Dans la rue—Ah ! mon Dieu, mon Dieu !—Saint-Honoré ! LA DUÈGNE (remontant) On ira. Soyez-y. Sept heures. CYRANO J y serai. (La duègne sort.) Scène 1.VII. Cyrano, Le Bret, puis les comédiens, les comédiennes, Cuigy, Brissaille, Lignière, le portier, les violons. CYRANO (tombant dans les bras de Le Bret) Moi !. . .D elle !. . .Un rendez-vous !. . . LE BRET Eh bien ! tu n es plus triste ? CYRANO Ah ! pour quoi que ce soit, elle sait que j existe ! LE BRET Maintenant, tu vas être calme ? CYRANO (hors de lui) Maintenant. . . Mais je vais être frénétique et fulminant ! Il me faut une armée entière a déconfire ! J ai dix cœurs; j ai vingt bras; il ne peut me suffire De pourfendre des nains. . . (Il crie à tue-tête) Il me faut des géants ! (Depuis un moment, sur la scène, au fond, des ombres de comédiens et de comédiennes s agitent, chuchotent on commence à répéter. Les violons ont repris leur place.) UNE VOIX (de la scène) Hé ! pst ! là-bas ! Silence ! on répète céans ! CYRANO (riant) Nous partons ! (Il remonte; par la grande porte du fond; entrent Cuigy, Brissaille, plusieurs officiers, qui soutiennent Lignière complètement ivre.) CUIGY Cyrano ! CYRANO Qu est-ce ? CUIGY Une énorme grive Qu on t apporte ! CYRANO (le reconnaissant) Lignière !. . .Hé, qu est-ce qui t arrive ? CUIGY Il te cherche ! BRISSAILLE Il ne peut rentrer chez lui ! CYRANO Pourquoi ? LIGNIÈRE (d une voix pâteuse, lui montrant un billet tout chiffonné) Ce billet m avertit. . .cent hommes contre moi. . . A cause de. . .chanson. . .grand danger me menace. . . Porte de Nesle. . .Il faut, pour rentrer, que j y passe. . . Permets-moi donc d aller coucher sous. . .sous ton toit ! CYRANO Cent hommes, m as-tu dit ? Tu coucheras chez toi ! LIGNIÈRE (épouvanté) Mais. . . CYRANO (d une voix terrible, lui montrant la lanterne allumée que le portier balance en écoutant curieusement cette scène) Prends cette lanterne !. . . (Lignière saisit précipitamment la lanterne) Et marche !—Je te jure Que c est moi qui ferai ce soir ta couverture !. . . (Aux officiers) Vous, suivez à distance, et vous serez témoins ! CUIGY Mais cent hommes !. . . CYRANO Ce soir, il ne m en faut pas moins ! (Les comédiens et les comédiennes, descendus de scène, se sont rapprochés dans leurs divers costumes.) LE BRET Mais pourquoi protéger. . . CYRANO Voilà Le Bret qui grogne ! LE BRET Cet ivrogne banal ?. . . CYRANO (frappant sur l épaule de Lignière) Parce que cet ivrogne, Ce tonneau de muscat, ce fût de rossoli, Fit quelque chose un jour de tout à fait joli Au sortir d une messe ayant, selon le rite, Vu celle qu il aimait prendre de l eau bénite, Lui que l eau fait sauver, courut au bénitier, Se pencha sur sa conque et le but tout entier !. . . UNE COMÉDIENNE (en costume de soubrette) Tiens, c est gentil, cela ! CYRANO N est-ce pas, la soubrette ? LA COMÉDIENNE (aux autres) Mais pourquoi sont-ils cent contre un pauvre poète ? CYRANO Marchons ! (Aux officiers) Et vous, messieurs, en me voyant charger, Ne me secondez pas, quel que soit le danger ! UNE AUTRE COMÉDIENNE (sautant de la scène) Oh ! mais, moi, je vais voir ! CYRANO Venez !. . . UNE AUTRE (sautant aussi, à un vieux comédien) Viens-tu, Cassandre ?. . . CYRANO Venez tous, le Docteur, Isabelle, Léandre, Tous ! Car vous allez joindre, essaim charmant et fol, La farce italienne à ce drame espagnol, Et, sur son ronflement tintant un bruit fantasque, L entourer de grelots comme un tambour de basque !. . . TOUTES LES FEMMES (sautant de joie) Bravo !—Vite, une mante !—Un capuchon ! JODELET Allons ! CYRANO (aux violons) Vous nous jouerez un air, messieurs les violons ! (Les violons se joignent au cortège qui se forme. On s empare des chandelles allumées de la rampe et on se les distribue. Cela devient une retraite aux flambeaux) Bravo ! des officiers, des femmes en costume, Et, vingt pas en avant. . . (Il se place comme il dit) Moi, tout seul, sous la plume Que la gloire elle-même à ce feutre piqua, Fier comme un Scipion triplement Nasica !. . . —C est compris ? Défendu de me prêter main-forte !— On y est ?. . .Un, deux, trois ! Portier, ouvre la porte ! (Le portier ouvre à deux battants. Un coin du vieux Paris pittoresque et lunaire paraît) Ah !. . .Paris fuit, nocturne et quasi nébuleux; Le clair de lune coule aux pentes des toits bleus; Un cadre se prépare, exquis, pour cette scène; Là-bas, sous des vapeurs en écharpe, la Seine, Comme un mystérieux et magique miroir, Tremble. . .Et vous allez voir ce que vous allez voir ! TOUS A la porte de Nesle ! CYRANO (debout sur le seuil) A la porte de Nesle ! (Se retournant avant de sortir, à la soubrette) Ne demandiez-vous pas pourquoi, mademoiselle, Contre ce seul rimeur cent hommes furent mis ? (Il tire l épée et, tranquillement) C est parce qu on savait qu il est de mes amis ! (Il sort. Le cortège,—Lignière zigzaguant en tête,—puis les comédiennes aux bras des officiers,—puis les comédiens gambadant,—se met en marche dans la nuit au son des violons, et à la lueur falote des chandelles.) Rideau. Acte II. La Rôtisserie Des Poètes. La boutique de Ragueneau, rôtisseur-pâtissier, vaste ouvroir au coin de la rue Saint-Honoré et de la rue de l Arbre-Sec qu on aperçoit largement au fond, par le vitrage de la porte, grises dans les premières lueurs de l aube. À gauche, premier plan, comptoir surmonté d un dais en fer forgé, auquel sont accrochés des oies, des canards, des paons blancs. Dans de grands vases de faïence de hauts bouquets de fleurs naïves, principalement des tournesols jaunes. Du même côté, second plan, immense cheminée devant laquelle, entre de monstrueux chenets, dont chacun supporte une petite marmite, les rôtis pleurent dans les lèchefrites. À droite, premier plan avec porte. Deuxième plan, un escalier montant à une petite salle en soupente, dont on aperçoit l intérieur par des volets ouverts; une table y est dressée, un menu lustre flamand y luit c est un réduit où l on va manger et boire. Une galerie de bois, faisant suite à l escalier, semble mener à d autres petites salles analogues. Au milieu de la rôtisserie, un cercle en fer que l on peut faire descendre avec une corde, et auquel de grosses pièces sont accrochées, fait un lustre de gibier. Les fours, dans l ombre, sous l escalier, rougeoient. Des cuivres étincellent. Des broches tournent. Des pièces montées pyramident, des jambons pendent. C est le coup de feu matinal. Bousculade de marmitons effarés, d énormes cuisiniers et de minuscules gâte-sauces. Foisonnement de bonnets à plume de poulet ou à aile de pintade. On apporte, sur des plaques de tôle et des clayons d osier, des quinconces de brioches, des villages de petits-fours. Des tables sont couvertes de gâteaux et de plats. D autres, entourées de chaises, attendent les mangeurs et les buveurs. Une plus petite, dans un coin, disparaît sous les papiers. Ragueneau y est assis au lever du rideau; il écrit. Scène 2.I. Ragueneau, pâtissiers, puis Lise; Ragueneau, à la petite table, écrivant d un air inspiré, et comptant sur ses doigts. PREMIER PATISSIER (apportant une pièce montée) Fruits en nougat ! DEUXIÈME PATISSIER (apportant un plat) Flan ! TROISIÈME PATISSIER (apportant un rôti paré de plumes) Paon ! QUATRIÈME PATISSIER (apportant une plaque de gâteaux) Roinsoles ! CINQUIÈME PATISSIER (apportant une sorte de terrine) Bœuf en daube ! RAGUENEAU (cessant d écrire et levant la tête) Sur les cuivres, déjà, glisse l argent de l aube ! Étouffe en toi le dieu qui chante, Ragueneau ! L heure du luth viendra,—c est l heure du fourneau ! (Il se lève. A un cuisinier) Vous, veuillez m allonger cette sauce, elle est courte ! LE CUISINIER De combien ? RAGUENEAU De trois pieds. (Il passe.) LE CUISINIER Hein ? PREMIER PATISSIER La tarte ! DEUXIÈME PATISSIER La tourte ! RAGUENEAU (devant la cheminée) Ma Muse, éloigne-toi, pour que tes yeux charmants N aillent pas se rougir au feu de ces sarments ! (A un pâtissier, lui montrant des pains) Vous avez mal placé la fente de ces miches Au milieu la césure,—entre les hémistiches ! (A un autre, lui montrant un pâté inachevé) A ce palais de croûte, il faut, vous, mettre un toit. . . (A un jeune apprenti, qui, assis par terre, embroche des volailles) Et toi, sur cette broche interminable, toi, Le modeste poulet et la dinde superbe, Alterne-les, mon fils, comme le vieux Malherbe Alternait les grands vers avec les plus petits, Et fais tourner au feu des strophes de rôtis ! UN AUTRE APPRENTI (s avançant avec un plateau recouvert d une assiette) Maître, en pensant à vous, dans le four, j ai fait cuire Ceci, qui vous plaira, je l espère. (Il découvre le plateau, on voit une grande lyre de pâtisserie.) RAGUENEAU (ébloui) Une lyre ! L APPRENTI En pâte de brioche. RAGUENEAU (ému) Avec des fruits confits ! L APPRENTI Et les cordes, voyez, en sucre je les fis. RAGUENEAU (lui donnant de l argent) Va boire à ma santé ! (Apercevant Lise qui entre) Chut ! ma femme ! Circule, Et cache cet argent ! (A Lise, lui montrant la lyre d un air gêné) C est beau ? LISE C est ridicule ! (Elle pose sur le comptoir une pile de sacs en papier.) RAGUENEAU Des sacs ?. . .Bon. Merci. (Il les regarde) Ciel ! Mes livres vénérés ! Les vers de mes amis ! déchirés ! démembrés ! Pour en faire des sacs à mettre des croquantes. . . Ah ! vous renouvelez Orphée et les bacchantes ! LISE (sèchement) Et n ai-je pas le droit d utiliser vraiment Ce que laissent ici, pour unique paiement, Vos méchants écriveurs de lignes inégales ! RAGUENEAU Fourmi !. . .n insulte pas ces divines cigales ! LISE Avant de fréquenter ces gens-là, mon ami, Vous ne m appeliez pas bacchante,—ni fourmi ! RAGUENEAU Avec des vers, faire cela ! LISE Pas autre chose. RAGUENEAU Que faites-vous, alors, madame, avec la prose ? Scène 2.II. Les mêmes, deux enfants, qui viennent d entrer dans la pâtisserie. RAGUENEAU Vous désirez, petits ? PREMIER ENFANT Trois pâtés. RAGUENEAU (les servant) Là, bien roux. . . Et bien chauds. DEUXIÈME ENFANT S il vous plaît, enveloppez-les-nous ? RAGUENEAU (saisi, à part) Hélas ! un de mes sacs ! (Aux enfants) Que je les enveloppe ?. . . (Il prend un sac et au moment d y mettre les pâtés, il lit) Tel Ulysse, le jour qu il quitta Pénélope. . . Pas celui-ci !. . . (Il le met de côté et en prend un autre. Au moment d y mettre les pâtés, il lit) Le blond Phœbus. . . Pas celui-là ! (Même jeu.) LISE (impatientée) Eh bien ! qu attendez-vous ? RAGUENEAU Voilà, voilà, voilà ! (Il en prend un troisième et se résigne) Le sonnet à Philis !. . .mais c est dur tout de même ! LISE C est heureux qu il se soit décidé ! (Haussant les épaules) Nicodème ! (Elle monte sur une chaise et se met à ranger des plats sur une crédence.) RAGUENEAU (profitant de ce qu elle tourne le dos, rappelle les enfants déjà à la porte) Pst !. . .Petits !. . .Rendez-moi le sonnet à Philis, Au lieu de trois pâtés je vous en donne six. (Les enfants lui rendent le sac, prennent vivement les gâteaux et sortent. Ragueneau, défripant le papier, se met à lire en déclamant) Philis !. . . Sur ce doux nom, une tache de beurre !. . . Philis !. . . (CYRANO entre brusquement.) Scène 2.III. Ragueneau, Lise, Cyrano, puis le mousquetaire. CYRANO Quelle heure est-il ? RAGUENEAU (le saluant avec empressement) Six heures. CYRANO (avec émotion) Dans une heure ! (Il va et vient dans la boutique.) RAGUENEAU (le suivant) Bravo ! J ai vu. . . CYRANO Quoi donc ! RAGUENEAU Votre combat !. . . CYRANO Lequel ? RAGUENEAU Celui de l hôtel de Bourgogne ! CYRANO (avec dédain) Ah !. . .Le duel ! RAGUENEAU (admiratif) Oui, le duel en vers !. . . LISE Il en a plein la bouche ! CYRANO Allons ! tant mieux ! RAGUENEAU (se fendant avec une broche qu il a saisi) A la fin de l envoi, je touche !. . . A la fin de l envoi, je touche !. . .Que c est beau ! (Avec un enthousiasme croissant) A la fin de l envoi. . . CYRANO Quelle heure, Ragueneau ? RAGUENEAU (restant fendu pour regarder l horloge) Six heures cinq !. . .. . .je touche ! (Il se relève) . . .Oh ! faire une ballade ! LISE (à Cyrano, qui en passant devant son comptoir lui a serré distraitement la main) Qu avez-vous à la main ? CYRANO Rien. Une estafilade. RAGUENEAU Courûtes-vous quelque péril ? CYRANO Aucun péril. LISE (le menaçant du doigt) Je crois que vous mentez ! CYRANO Mon nez remuerait-il ? Il faudrait que ce fût pour un mensonge énorme ! (Changeant de ton) J attends ici quelqu un. Si ce n est pas sous l orme, Vous nous laisserez seuls. RAGUENEAU C est que je ne peux pas; Mes rimeurs vont venir. . . LISE (ironique) Pour leur premier repas. CYRANO Tu les éloigneras quand je te ferai signe. . . L heure ? RAGUENEAU Six heures dix. CYRANO (s asseyant nerveusement à la table de Ragueneau et prenant du papier) Une plume ?. . . RAGUENEAU (lui offrant celle qu il a à son oreille) De cygne. UN MOUSQUETAIRE (superbement moustachu, entre et d une voix de stentor) Salut ! (Lise remonte vivement vers lui.) CYRANO (se retournant) Qu est-ce ? RAGUENEAU Un ami de ma femme. Un guerrier Terrible,—à ce qu il dit !. . . CYRANO (reprenant la plume et éloignant du geste Ragueneau) Chut !. . . Écrire,—plier,— (A lui-même) Lui donner,—me sauver. . . (Jetant la plume) Lâche !. . .Mais que je meure, Si j ose lui parler, lui dire un seul mot. . . (A Ragueneau) L heure ? RAGUENEAU Six et quart !. . . CYRANO (frappant sa poitrine) —un seul mot de tous ceux que j ai là ! Tandis qu en écrivant. . . (Il reprend la plume) Eh bien ! écrivons-la, Cette lettre d amour qu en moi-même j ai faite Et refaite cent fois, de sorte qu elle est prête, Et que mettant mon âme à côté du papier, Je n ai tout simplement qu à la recopier. (Il écrit.—Derrière le vitrage de la porte on voit s agiter des silhouettes maigres et hésitantes.) Scène 2.IV. Ragueneau, Lise, le mousquetaire, Cyrano, à la petite table, écrivant, les poètes, vêtus de noir, les bas tombants, couverts de boue. LISE (entrant, à Ragueneau) Les voici vos crottés ! PREMIER POÈTE (entrant, à Ragueneau) Confrère !. . . DEUXIÈME POÈTE (de même, lui secouant les mains) Cher confrère ! TROISIÈME POÈTE Aigle des pâtissiers ! (Il renifle) Ça sent bon dans votre aire, QUATRIÈME POÈTE O Phœbus-Rôtisseur ! CINQUIÈME POÈTE Apollon maître-queux !. . . RAGUENEAU (entouré, embrassé, secoué) Comme on est tout de suite à son aise avec eux !. . . PREMIER POÈTE Nous fûmes retardés par la foule attroupée A la porte de Nesle !. . . DEUXIÈME POÈTE Ouverts à coups d épée, Huit malandrins sanglants illustraient les pavés ! CYRANO (levant une seconde la tête) Huit ?. . .Tiens, je croyais sept. (Il reprend sa lettre.) RAGUENEAU (à Cyrano) Est-ce que vous savez Le héros du combat ? CYRANO (négligemment) Moi ?. . .Non ! LISE (au mousquetaire) Et vous ? LE MOUSQUETAIRE (se frisant la moustache) Peut-être ! CYRANO (écrivant, à part,—on l entend murmurer de temps en temps) Je vous aime. . . PREMIER POÈTE Un seul homme, assurait-on, sut mettre Toute une bande en fuite !. . . DEUXIÈME POÈTE Oh ! c etait curieux ! Des piques, des bâtons jonchaient le sol !. . . CYRANO (écrivant) . . .vos yeux. . . TROISIÈME POÈTE On trouvait des chapeaux jusqu au quai des Orfèvres ! PREMIER POÈTE Sapristi ! ce dut être un féroce. . . CYRANO (même jeu) . . .vos lèvres. . . PREMIER POÈTE Un terrible géant, l auteur de ces exploits ! CYRANO (même jeu) . . .Et je m évanouis de peur quand je vous vois. DEUXIÈME POÈTE (happant un gâteau) Qu as-tu rimé de neuf, Ragueneau ? CYRANO (même jeu) . . .qui vous aime. . . (Il s arrête au moment de signer, et se lève, mettant sa lettre dans son pourpoint) Pas besoin de signer. Je la donne moi-même. RAGUENEAU (au deuxième poète) J ai mis une recette en vers. TROISIÈME POÈTE (s installant près d un plateau de choux à la crème) Oyons ces vers ! QUATRIÈME POÈTE (regardant une brioche qu il a prise) Cette brioche a mis son bonnet de travers. (Il la décoiffe d un coup de dent.) PREMIER POÈTE Ce pain d épice suit le rimeur famélique, De ses yeux en amande aux sourcils d angélique ! (Il happe le morceau de pain d épice.) DEUXIÈME POÈTE Nous écoutons. TROISIÈME POÈTE (serrant légèrement un chou entre ses doigts) Ce chou bave sa crème. Il rit. DEUXIÈME POÈTE (mordant à même la grande lyre de pâtisserie) Pour la première fois la Lyre me nourrit ! RAGUENEAU (qui s est préparé à réciter, qui a toussé, assuré son bonnet, pris une pose) Une recette en vers. . . DEUXIÈME POÈTE (au premier, lui donnant un coup de coude) Tu déjeunes ? PREMIER POÈTE (au deuxième) Tu dînes ! RAGUENEAU Comment on fait les tartelettes amandines. Battez, pour qu ils soient mousseux, Quelques œufs; Incorporez à leur mousse Un jus de cédrat choisi; Versez-y Un bon lait d amande douce; Mettez de la pâte à flan Dans le flanc De moules à tartelette; D un doigt preste, abricotez Les côtés; Versez goutte à gouttelette Votre mousse en ces puits, puis Que ces puits Passent au four, et, blondines, Sortant en gais troupelets, Ce sont les Tartelettes amandines ! LES POÈTES (la bouche pleine) Exquis ! Délicieux ! UN POÈTE (s étouffant) Homph ! (Ils remontent vers le fond, en mangeant.) CYRANO (qui a observé s avance vers Ragueneau) Bercés par ta voix, Ne vois-tu pas comme ils s empiffrent ? RAGUENEAU (plus bas, avec un sourire) Je le vois. . . Sans regarder, de peur que cela ne les trouble; Et dire ainsi mes vers me donne un plaisir double, Puisque je satisfais un doux faible que j ai Tout en laissant manger ceux qui n ont pas mangé ! CYRANO (lui frappant sur l épaule) Toi, tu me plais !. . . (Ragueneau va rejoindre ses amis. Cyrano le suit des yeux, puis, un peu brusquement) Hé là, Lise ? (Lise, en conversation tendre avec le mousquetaire, tressaille et descend vers Cyrano) Ce capitaine. . . Vous assiège ? LISE (offensée) Oh ! mes yeux, d une œillade hautaine, Savent vaincre quiconque attaque mes vertus. CYRANO Euh ! pour des yeux vainqueurs, je les trouve battus. LISE (suffoquée) Mais. . . CYRANO (nettement) Ragueneau me plaît. C est pourquoi, dame Lise, Je défends que quelqu un le ridicoculise. LISE Mais. . . CYRANO (qui a élevé la voix assez pour être entendu du galant) A bon entendeur. . . (Il salue le mousquetaire, et va se mettre en observation, à la porte du fond, après avoir regardé l horloge.) LISE (au mousquetaire qui a simplement rendu son salut à Cyrano) Vraiment, vous m étonnez !. . . Répondez. . .sur son nez. . . LE MOUSQUETAIRE Sur son nez. . .sur son nez. . . (Il s éloigne vivement, Lise le suit.) CYRANO (de la porte du fond, faisant signe à Ragueneau d emmener les poètes) Pst !. . . RAGUENEAU (montrant aux poètes la porte de droite) Nous serons bien mieux par là. . . CYRANO (s impatientant) Pst ! pst !. . . RAGUENEAU (les entraînant) Pour lire Des vers. . . PREMIER POÈTE (désespéré, la bouche pleine) Mais les gâteaux !. . . DEUXIÈME POÈTE Emportons-les ! (Ils sortent tous derrière Ragueneau, processionellement, et après avoir fait une râfle de plateaux.) Scène 2.V. Cyrano, Roxane, la duègne. CYRANO Je tire Ma lettre si je sens seulement qu il y a Le moindre espoir !. . . (Roxane, masquée, suivie de la duègne, paraît derrière le vitrage. Il ouvre vivement la porte) Entrez !. . . (Marchant sur la duègne) Vous, deux mots, duègna ! LA DUÈGNE Quatre. CYRANO Êtes-vous gourmande ? LA DUÈGNE A m en rendre malade. CYRANO (prenant vivement des sacs de papier sur le comptoir) Bon. Voici deux sonnets de monsieur Benserade. . . LA DUÈGNE (piteuse) Heu !. . . CYRANO . . .que je vous remplis de darioles. LA DUÈGNE (changeant de figure) Hou ! CYRANO Aimez-vous le gâteau qu on nomme petit chou ? LA DUÈGNE (avec dignité) Monsieur, j en fais état, lorsqu il est à la crème. CYRANO J en plonge six pour vous dans le sein d un poème De Saint-Amant ! Et dans ces vers de Chapelain Je dépose un fragment, moins lourd, de poupelin. —Ah ! Vous aimez les gâteaux frais ? LA DUÈGNE J en suis férue ! CYRANO (lui chargeant les bras de sacs remplis) Veuillez aller manger tous ceux-ci dans la rue. LA DUÈGNE Mais. . . CYRANO (la poussant dehors) Et ne revenez qu après avoir fini ! (Il referme la porte, redescend vers Roxane, et s arrête, découvert, à une distance respectueuse.) Scène 2.VI. Cyrano, Roxane, la duègne, un instant. CYRANO Que l instant entre tous les instants soit béni, Où, cessant d oublier qu humblement je respire Vous venez jusqu ici pour me dire. . .me dire ?. . . ROXANE (qui s est démasquée) Mais tout d abord merci, car ce drôle, ce fat Qu au brave jeu d épée, hier, vous avez fait mat, C est lui qu un grand seigneur. . .épris de moi. . . CYRANO De Guiche ? ROXANE (baissant les yeux) Cherchait à m imposer . . .comme mari. . . CYRANO Postiche ? (Saluant) Je me suis donc battu, madame, et c est tant mieux, Non pour mon vilain nez, mais bien pour vos beaux yeux. ROXANE Puis. . .je voulais. . .Mais pour l aveu que je viens faire, Il faut que je revoie en vous le. . .presque frère, Avec qui je jouais, dans le parc—près du lac !. . . CYRANO Oui. . .vous veniez tous les étés à Bergerac ! ROXANE Les roseaux fournissaient le bois pour vos épées ?. . . CYRANO Et les maïs, les cheveux blonds pour vos poupées ! ROXANE C était le temps des jeux. . . CYRANO Des mûrons aigrelets. . . ROXANE Le temps où vous faisiez tout ce que je voulais !. . . CYRANO Roxane, en jupons courts, s appelait Madeleine. . . ROXANE J étais jolie, alors ? CYRANO Vous n étiez pas vilaine. ROXANE Parfois, la main en sang de quelque grimpement, Vous accouriez !—Alors, jouant à la maman, Je disais d une voix qui tâchait d être dure (Elle lui prend la main) Qu est-ce que c est encor que cette égratignure ? (Elle s arrête stupéfaite) Oh ! C est trop fort ! Et celle-ci ! (Cyrano veut retirer sa main) Non ! Montrez-la ! Hein ? à votre âge, encor !—Où t es-tu fait cela ? CYRANO En jouant, du côté de la porte de Nesle. ROXANE (s asseyant à une table, et trempant son mouchoir dans un verre d eau) Donnez ! CYRANO (s asseyant aussi) Si gentiment ! Si gaiement maternelle ! ROXANE Et, dites-moi,—pendant que j ôte un peu le sang,— Ils étaient contre vous ? CYRANO Oh ! pas tout à fait cent. ROXANE Racontez ! CYRANO Non. Laissez. Mais vous, dites la chose Que vous n osiez tantôt me dire. . . ROXANE (sans quitter sa main) A présent, j ose, Car le passé m encouragea de son parfum ! Oui, j ose maintenant. Voilà. J aime quelqu un. CYRANO Ah !. . . ROXANE Qui ne le sait pas d ailleurs. CYRANO Ah !. . . ROXANE Pas encore. CYRANO Ah !. . . ROXANE Mais qui va bientôt le savoir, s il l ignore. CYRANO Ah !. . . ROXANE Un pauvre garçon qui jusqu ici m aima Timidement, de loin, sans oser le dire. . . CYRANO Ah !. . . ROXANE Laissez-moi votre main, voyons, elle a la fièvre.— Mais moi, j ai vu trembler les aveux sur sa lèvre. CYRANO Ah !. . . ROXANE (achevant de lui faire un petit bandage avec son mouchoir) Et figurez-vous, tenez, que, justement Oui, mon cousin, il sert dans votre régiment ! CYRANO Ah !. . . ROXANE (riant) Puisqu il est cadet dans votre compagnie ! CYRANO Ah !. . . ROXANE Il a sur son front de l esprit, du génie, Il est fier, noble, jeune, intrépide, beau. . . CYRANO (se levant tout pâle) Beau ! ROXANE Quoi ? Qu avez-vous ? CYRANO Moi, rien. . .C est. . .c est. . . (Il montre sa main, avec un sourire) C est ce bobo. ROXANE Enfin, je l aime. Il faut d ailleurs que je vous die Que je ne l ai jamais vu qu à la Comédie. . . CYRANO Vous ne vous êtes donc pas parlé ? ROXANE Nos yeux seuls. CYRANO Mais comment savez-vous, alors ? ROXANE Sous les tilleuls De la place Royale, on cause. . .Des bavardes M ont renseignée. . . CYRANO Il est cadet ? ROXANE Cadet aux gardes. CYRANO Son nom ? ROXANE Baron Christian de Neuvillette. CYRANO Hein ?. . . Il n est pas aux cadets. ROXANE Si, depuis ce matin Capitaine Carbon de Castel-Jaloux. CYRANO Vite, Vite, on lance son cœur !. . .Mais, ma pauvre petite. . . LA DUÈGNE (ouvrant la porte du fond) J ai fini les gâteaux, monsieur de Bergerac ! CYRANO Eh bien ! lisez les vers imprimés sur le sac ! (La duègne disparaît) . . .Ma pauvre enfant, vous qui n aimez que beau langage, Bel esprit,—si c était un profane, un sauvage. ROXANE Non, il a les cheveux d un héros de d Urfe ! CYRANO S il était aussi maldisant que bien coiffé ! ROXANE Non, tous les mots qu il dit sont fins, je le devine ! CYRANO Oui, tous les mots sont fins quand la moustache est fine. —Mais si c était un sot !. . . ROXANE (frappant du pied) Eh bien ! j en mourrais, là ! CYRANO (après un temps) Vous m avez fait venir pour me dire cela ? Je n en sens pas très bien l utilité, madame. ROXANE Ah, c est que quelqu un hier m a mis la mort dans l âme, Et me disant que tous, vous êtes tous Gascons Dans votre compagnie. . . CYRANO Et que nous provoquons Tous les blancs-becs qui, par faveur, se font admettre Parmis les purs Gascons que nous sommes, sans l être ? C est ce qu on vous a dit ? ROXANE Et vous pensez si j ai Tremblé pour lui ! CYRANO (entre ses dents) Non sans raison ! ROXANE Mais j ai songé Lorsque invincible et grand, hier, vous nous apparûtes, Châtiant ce coquin, tenant tête à ces brutes,— J ai songé s il voulait, lui que tous ils craindront. . . CYRANO C est bien, je défendrai votre petit baron. ROXANE Oh ! n est-ce pas que vous allez me le défendre ? J ai toujours eu pour vous une amitié si tendre. CYRANO Oui, oui. ROXANE Vous serez son ami ? CYRANO Je le serai. ROXANE Et jamais il n aura de duel ? CYRANO C est juré. ROXANE Oh ! je vous aime bien. Il faut que je m en aille. (Elle remet vivement son masque, une dentelle sur son front, et, distraitement) Mais vous ne m avez pas raconté la bataille De cette nuit. Vraiment ce dut être inouï !. . . —Dites-lui qu il m écrive. (Elle lui envoie un petit baiser de la main) Oh ! je vous aime ! CYRANO Oui, oui. ROXANE Cent hommes contre vous ? Allons, adieu.—Nous sommes De grands amis ! CYRANO Oui, oui. ROXANE Qu il m écrive !—Cent hommes !— Vous me direz plus tard. Maintenant, je ne puis. Cent hommes ! Quel courage ! CYRANO (la saluant) Oh ! j ai fait mieux depuis. (Elle sort. Cyrano reste immobile, les yeux à terre. Un silence. La porte de droite s ouvre. Ragueneau passe sa tête.) Scène 2.VII. Cyrano, Ragueneau, les poètes, Carbon de Castel-Jaloux, les cadets, la foule, etc., puis De Guiche. RAGUENEAU Peut-on rentrer ? CYRANO (sans bouger) Oui. . . (Ragueneau fait signe et ses amis rentrent. En même temps, à la porte du fond paraît Carbon de Castel-Jaloux, costume de capitaine aux gardes, qui fait de grands gestes en apercevant Cyrano.) CARBON DE CASTEL-JALOUX Le voilà ! CYRANO (levant la tête) Mon capitaine !. . . CARBON (exultant) Notre héros ! Nous savons tout ! Une trentaine De mes cadets sont là !. . . CYRANO (reculant) Mais. . . CARBON (voulant l entraîner) Viens ! on veut te voir ! CYRANO Non ! CARBON Il boivent en face, à la Croix du Trahoir. CYRANO Je. . . CARBON (remontant à la porte, et criant à la cantonade, d une voix de tonnerre) Le héros refuse. Il est d humeur bourrue ! UNE VOIX (au dehors) Ah ! Sandious ! (Tumulte au dehors, bruit d épées et de bottes qui se rapprochent.) CARBON (se frottant les mains) Les voici qui traversent la rue ! LES CADETS (entrant dans la rôtisserie) Mille dious !—Capdedious !—Mordious !—Pocapdedious ! RAGUENEAU (reculant épouvanté) Messieurs, vous êtes donc tous de Gascogne ! LES CADETS Tous ! UN CADET (à Cyrano) Bravo ! CYRANO Baron ! UN AUTRE (lui secouant les mains) Vivat ! CYRANO Baron ! TROISIÈME CADET Que je t embrasse ! CYRANO Baron !. . . PLUSIEURS GASCONS Embrassons-le ! CYRANO (ne sachant auquel répondre) Baron !. . .baron !. . .de grâce. . . RAGUENEAU Vous êtes tous barons, messieurs ? LES CADETS Tous ? RAGUENEAU Le sont-ils ?. . . PREMIER CADET On ferait une tour rien qu avec nos tortils ! LE BRET (entrant, et courant à Cyrano) On te cherche ! Une foule en délire conduite Par ceux qui cette nuit marchèrent à ta suite. . . CYRANO (épouvanté) Tu ne leur as pas dit où je me trouve ?. . . LE BRET (se frottant les mains) Si ! UN BOURGEOIS (entrant suivi d un groupe) Monsieur, tout le Marais se fait porter ici ! (Au dehors la rue s est remplie de monde. Des chaises à porteurs, des carrosses s arrêtent.) LE BRET (bas, souriant, à Cyrano) Et Roxane ? CYRANO (vivement) Tais-toi ! LA FOULE (criant dehors) Cyrano !. . . (Une cohue se précipite dans la pâtisserie. Bousculade. Acclamations.) RAGUENEAU (debout sur une table) Ma boutique Est envahie ! On casse tout ! C est magnifique ! DES GENS (autour de Cyrano) Mon ami. . .mon ami. . . CYRANO Je n avais pas hier Tant d amis ! LE BRET (ravi) Le succès ! UN PETIT MARQUIS (accourant, les mains tendues) Si tu savais, mon cher. . . CYRANO Si tu ?. . .Tu ?. . .Qu est-ce donc qu ensemble nous gardâmes ? UN AUTRE Je veux vous présenter, Monsieur, à quelques dames Qui là, dans mon carrosse. . . CYRANO (froidement) Et vous d abord, à moi, Qui vous présentera ? LE BRET (stupéfait) Mais qu as-tu donc ? CYRANO Tais-toi ! UN HOMME DE LETTRES (avec une écritoire) Puis-je avoir des détails sur ?. . . CYRANO Non. LE BRET (lui poussant le coude) C est Théophraste, Renaudot ! l inventeur de la gazette. CYRANO Baste ! LE BRET Cette feuille où l on fait tant de choses tenir ! On dit que cette idée a beaucoup d avenir ! LE POÈTE (s avançant) Monsieur. . . CYRANO Encor ! LE POÈTE Je veux faire un pentacrostiche Sur votre nom. . . QUELQU UN (s avançant encore) Monsieur. . . CYRANO Assez ! (Mouvement. On se range. De Guiche paraît, escorté d officiers. Cuigy, Brissaille, les officiers qui sont partis avec Cyrano à la fin du premier acte. Cuigy vient vivement à Cyrano.) CUIGY (à Cyrano) Monsieur de Guiche ! (Murmure. Tout le monde se range) Vient de la part du maréchal de Gassion ! DE GUICHE (saluant Cyrano) . . .Qui tient à vous mander son admiration Pour le nouvel exploit dont le bruit vient de courre. LA FOULE Bravo !. . . CYRANO (s inclinant) Le maréchal s y connaît en bravoure. DE GUICHE Il n aurait jamais cru le fait si ces messieurs N avaient pu lui jurer l avoir vu. CUIGY De nos yeux ! LE BRET (bas à Cyrano, qui a l air absent) Mais. . . CYRANO Tais-toi ! LE BRET Tu parais souffrir ! CYRANO (tressaillant et se redressant vivement) Devant ce monde ?. . . (Sa moustache se hérisse; il poitrine) Moi souffrir ?. . .Tu vas voir ! DE GUICHE (auquel Cuigy a parlé à l oreille) Votre carière abonde De beaux exploits, déjà.—Vous servez chez ces fous De Gascons, n est-ce pas ? CYRANO Aux cadets, oui. UN CADET (d une voix terrible) Chez nous ! DE GUICHE (regardant les Gascons, rangés derrière Cyrano) Ah ! ah !. . .Tous ces messieurs à la mine hautaine, Ce sont donc les fameux ?. . . CARBON DE CASTEL-JALOUX Cyrano ! CYRANO Capitaine ? CARBON Puisque ma compagnie est, je crois, au complet, Veuillez la présenter au comte, s il vous plaît. CYRANO (faisant deux pas vers De Guiche et montrant les cadets) Ce sont les cadets de Gascogne De Carbon de Castel-Jaloux ! Bretteurs et menteurs sans vergogne, Ce sont les cadets de Gascogne ! Parlant blason, lambel, bastogne, Tous plus nobles que des filous, Ce sont les cadets de Gascogne De Carbon de Castel-Jaloux Œil d aigle, jambe de cigogne, Moustache de chat, dents de loups, Fendant la canaille qui grogne, Œil d aigle, jambe de cigogne, Ils vont,—coiffés d un vieux vigogne Dont la plume cache les trous !— Œil d aigle, jambe de cigogne, Moustache de chat, dents de loups ! Perce-Bedaine et Casse-Trogne Sont leurs sobriquets les plus doux; De gloire, leur âme est ivrogne ! Perce-Bedaine et Casse-Trogne, Dans tous les endroits où l on cogne Ils se donnent des rendez-vous. . . Perce-Bedaine et Casse-Trogne Sont leurs sobriquets les plus doux ! Voici les cadets de Gascogne Qui font cocus tous les jaloux ! O femme, adorable carogne, Voici les cadets de Gascogne ! Que le vieil époux se renfrogne Sonnez, clairons ! chantez, coucous ! Voici les cadets de Gascogne Qui font cocus tous les jaloux ! DE GUICHE (nonchalamment assis dans un fauteuil que Ragueneau a vite apporté) Un poète est un luxe, aujourd hui, qu on se donne. —Voulez-vous être à moi ? CYRANO Non, Monsieur, à personne. DE GUICHE Votre verve amusa mon oncle Richelieu, Hier. Je veux vous servir auprès de lui. LE BRET (ébloui) Grand Dieu ! DE GUICHE Vous avez bien rimé cinq actes, j imagine ? LE BRET (à l oreille de Cyrano) Tu vas faire jouer, mon cher, ton Agrippine ! DE GUICHE Portez-les-lui. CYRANO (tenté et un peu charmé) Vraiment. . . DE GUICHE Il est des plus experts. Il vous corrigera seulement quelques vers. . . CYRANO (dont le visage s est immédiatement rembruni) Impossible, Monsieur; mon sang se coagule En pensant qu on y peut changer une virgule. DE GUICHE Mais quand un vers lui plaît, en revanche, mon cher, Il le paye très cher. CYRANO Il le paye moins cher Que moi, lorsque j ai fait un vers, et que je l aime, Je me le paye, en me le chantant à moi-même ! DE GUICHE Vous êtes fier. CYRANO Vraiment, vous l avez remarqué ? UN CADET (entrant avec, enfilés à son épée, des chapeaux aux plumets miteux, aux coiffes trouées, défoncées) Regarde, Cyrano ! ce matin, sur le quai Le bizarre gibier à plumes que nous prîmes ! Les feutres des fuyards !. . . CARBON Des dépouilles opimes ! TOUT LE MONDE (riant) Ah ! Ah ! Ah ! CUIGY Celui qui posta ces gueux, ma foi, Doit rager aujourd hui. BRISSAILLE Sait-on qui c est ? DE GUICHE C est moi. (Les rires s arrêtent) Je les avais chargés de châtier,—besogne Qu on ne fait pas soi-même,—un rimailleur ivrogne. (Silence gêné.) LE CADET (à mi-voix, à Cyrano, lui montrant les feutres) Que faut-il qu on en fasse ? Ils sont gras. . .Un salmis ? CYRANO (prenant l épée où ils sont enfilés, et les faisant, dans un salut, tous glisser aux pieds de De Guiche) Monsieur, si vous voulez les rendre à vos amis ? DE GUICHE (se levant et d une voix brève) Ma chaise et mes porteurs, tout de suite je monte. (A Cyrano, violemment) Vous, Monsieur !. . . UNE VOIX (dans la rue, criant) Les porteurs de monseigneur le comte De Guiche ! DE GUICHE (qui s est dominé, avec un sourire) . . .Avez-vous lu Don Quichot ? CYRANO Je l ai lu. Et me découvre au nom de cet hurluberlu. DE GUICHE Veuillez donc méditer alors. . . UN PORTEUR (paraissant au fond) Voici la chaise. DE GUICHE Sur le chapitre des moulins ! CYRANO (saluant) Chapitre treize. DE GUICHE Car, lorsqu on les attaque, il arrive souvent. . . CYRANO J attaque donc des gens qui tournent à tout vent ? DE GUICHE Qu un moulinet de leurs grands bras chargés de toiles Vous lance dans la boue !. . . CYRANO Ou bien dans les étoiles ! (De Guiche sort. On le voit remonter en chaise. Les seigneurs s éloignent en chuchotant. Le Bret les réaccompagne. La foule sort.) Scène 2.VIII. Cyrano, Le Bret, les cadets, qui se sont attablés à droite et à gauche et auxquels on sert à boire et à manger. CYRANO (saluant d un air goguenard ceux qui sortent sans oser le saluer) Messieurs. . .Messieurs. . .Messieurs. . . LE BRET (désolé, redescendant, les bras au ciel) Ah ! dans quels jolis draps. CYRANO Oh ! toi ! tu vas grogner ! LE BRET Enfin, tu conviendras Qu assassiner toujours la chance passagère, Devient exagéré. CYRANO Hé bien oui, j exagère ! LE BRET (triomphant) Ah ! CYRANO Mais pour le principe, et pour l exemple aussi, Je trouve qu il est bon d exagérer ainsi. LE BRET Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire, La fortune et la gloire. . . CYRANO Et que faudrait-il faire ? Chercher un protecteur puissant, prendre un patron, Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc Et s en fait un tuteur en lui léchant l écorce, Grimper par ruse au lieu de s élever par force ? Non, merci. Dédier, comme tous il le font, Des vers aux financiers ? se changer en bouffon Dans l espoir vil de voir, aux lèvres d un ministre, Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ? Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d un crapaud ? Avoir un ventre usé par la marche ? une peau Qui plus vite, à l endroit des genoux, devient sale ? Exécuter des tours de souplesse dorsale ?. . . Non, merci. D une main flatter la chèvre au cou Cependant que, de l autre, on arrose le chou, Et, donneur de séné par désir de rhubarbe, Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe ? Non, merci ! Se pousser de giron en giron, Devenir un petit grand homme dans un rond, Et naviguer, avec des madrigaux pour rames, Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ? Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci ! S aller faire nommer pape par les conciles Que dans des cabarets tiennent des imbéciles ? Non, merci ! Travailler à se construire un nom Sur un sonnet, au lieu d en faire d autres ? Non, Merci ! Ne découvrir du talent qu aux mazettes ? Être terrorisé par de vagues gazettes, Et se dire sans cesse "Oh, pourvu que je sois Dans les petits papiers du Mercure François ?". . . Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême, Aimer mieux faire une visite qu un poème, Rédiger des placets, se faire présenter ? Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais. . .chanter, Rêver, rire, passer, être seul, être libre, Avoir l œil qui regarde bien, la voix qui vibre, Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers, Pour un oui, pour un non, se battre,—ou faire un vers ! Travailler sans souci de gloire ou de fortune, A tel voyage, auquel on pense, dans la lune ! N écrire jamais rien qui de soi ne sortît, Et modeste d ailleurs, se dire mon petit, Soit satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles, Si c est dans ton jardin à toi que tu les cueilles ! Puis, s il advient d un peu triompher, par hasard, Ne pas être obligé d en rien rendre à César, Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite, Bref, dédaignant d être le lierre parasite, Lors même qu on n est pas le chêne ou le tilleul, Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! LE BRET Tout seul, soit ! Mais non pas contre tous ! Comment diable As-tu donc contracté la manie effroyable De te faire toujours, partout, des ennemis ? CYRANO A force de vous voir vous faire des amis, Et rire à ces amis dont vous avez des foules, D une bouche empruntée au derrière des poules ! J aime raréfier sur mes pas les saluts, Et m écrie avec joie un ennemi de plus ! LE BRET Quelle aberration ! CYRANO Eh bien, oui, c est mon vice. Déplaire est mon plaisir. J aime qu on me haïsse. Mon cher, si tu savais comme l on marche mieux Sous la pistolétade excitante des yeux ! Comme, sur les pourpoints, font d amusantes taches Le fiel des envieux et la bave des lâches ! —Vous, la molle amitié dont vous vous entourez, Ressemble à ces grands cols d Italie, ajourés Et flottants, dans lesquels votre cou s effémine On y est plus à l aise. . .et de moins haute mine, Car le front n ayant pas de maintien ni de loi, S abandonne à pencher dans tous les sens. Mais moi, La Haine, chaque jour, me tuyaute et m apprête La fraise dont l empois force à lever la tête; Chaque ennemi de plus est un nouveau godron Qui m ajoute une gêne, et m ajoute un rayon Car, pareille en tous points à la fraise espagnole, La Haine est un carcan, mais c est une auréole ! LE BRET (après un silence, passant son bras sous le sien) Fais tout haut l orgueilleux et l amer, mais, tout bas Dis-moi tout simplement qu elle ne t aime pas ! CYRANO (vivement) Tais-toi ! (Depuis un moment, Christian est entré, s est mêlé aux cadets; ceux-ci ne lui adressent pas la parole; il a fini par s asseoir seul à une petite table, où Lise le sert.) Scène 2.IX. Cyrano, Le Bret, les cadets, Christian de Neuvillette. UN CADET (assis à une table du fond, le verre en main) Hé ! Cyrano ! (Cyrano se retourne) Le récit ? CYRANO Tout à l heure ! (Il remonte au bras de Le Bret. Ils causent bas.) LE CADET (se levant, et descendant) Le récit du combat ! Ce sera la meilleure Leçon (Il s arrête devant la table où est Christian) pour ce timide apprentif ! CHRISTIAN (levant la tête) Apprentif ? UN AUTRE CADET Oui, septentrional maladif ! CHRISTIAN Maladif ? PREMIER CADET (goguenard) Monsieur de Neuvillette, apprenez quelque chose C est qu il est un objet, chez nous, dont on ne cause Pas plus que de cordon dans l hôtel d un pendu ! CHRISTIAN Qu est-ce ? UN AUTRE CADET (d une voix terrible) Regardez-moi ! (Il pose trois fois, mystérieusement, son doigt sur son nez) M avez-vous entendu ? CHRISTIAN Ah ! c est le. . . UN AUTRE Chut !. . .jamais ce mot ne se profère ! (Il montre Cyrano qui cause au fond avec Le Bret.) Ou c est à lui, là-bas, que l on aurait affaire ! UN AUTRE (qui, pendant qu il était tourné vers les premiers, est venu sans bruit s asseoir sur la table, dans son dos) Deux nasillards par lui furent exterminés Parce qu il lui déplut qu ils parlassent du nez ! UN AUTRE (d une voix caverneuse,—surgissant de sous la table où il s est glissé à quatre pattes) On ne peut faire, sans défuncter avant l âge, La moindre allusion au fatal cartilage ! UN AUTRE (lui posant la main sur l épaule) Un mot suffit ! Que dis-je, un mot ? Un geste, un seul ! Et tirer son mouchoir, c est tirer son linceul ! (Silence. Tous autour de lui, les bras croisés, le regardent. Il se lève et va à Carbon de Castel-Jaloux qui, causant avec un officier, a l air de ne rien voir.) CHRISTIAN Capitaine ! CARBON (se retournant et le toisant) Monsieur ? CHRISTIAN Que fait-on quand on trouve Des Méridionaux trop vantards ?. . . CARBON On leur prouve Qu on peut être du Nord, et courageux. (Il lui tourne le dos.) CHRISTIAN Merci. PREMIER CADET (à Cyrano) Maintenant, ton récit ! TOUS Son récit ! CYRANO (redescendant vers eux) Mon récit ?. . . (Tous rapprochent leurs escabeaux, se groupent autour de lui, tendent le col. Christian s est mis à cheval sur une chaise) Eh bien ! donc je marchais tout seul, à leur rencontre. La lune, dans le ciel, luisait comme une montre, Quand soudain, je ne sais quel soigneux horloger S étant mis à passer un coton nuager Sur le boîtier d argent de cette montre ronde, Il se fit une nuit la plus noire du monde, Et les quais n étant pas du tout illuminés, Mordious ! on n y voyait pas plus loin. . . CHRISTIAN Que son nez. (Silence. Tous le monde se lève lentement. On regarde Cyrano avec terreur. Celui-ci s est interrompu, stupéfait. Attente.) CYRANO Qu est-ce que c est que cet homme-là ? UN CADET (à mi-voix) C est un homme Arrivé ce matin. CYRANO (faisant un pas vers Christian) Ce matin ? CARBON (à mi-voix) Il se nomme Le baron de Neuvil. . . CYRANO (vivement, s arrêtant) Ah ! C est bien. . . (Il pâlit, rougit, a encore un mouvement pour se jeter sur Christian) Je. . . (Puis, il se domine, et dit d une voix sourde) Très bien. . . (Il reprend) Je disais donc. . . (Avec un éclat de rage dans la voix) Mordious !. . . (Il continue d un ton naturel) que l on n y voyait rien. (Stupeur. On se rassied en se regardant) Et je marchais, songeant que pour un gueux fort mince J allais mécontenter quelque grand, quelque prince, Qui m aurait sûrement. . . CHRISTIAN Dans le nez !. . . (Tout le monde se lève. Christian se balance sur sa chaise.) CYRANO (d une voix étranglée) Une dent,— Qui m aurait une dent. . .et qu en somme, imprudent, J allais fourrer. . . CHRISTIAN Le nez. . . CYRANO Le doigt. . .entre l écorce Et l arbre, car ce grand pouvait être de force À me faire donner. . . CHRISTIAN Sur le nez. . . CYRANO (essuyant la sueur à son front) Sur les doigts. —Mais j ajoutai Marche, Gascon, fais ce que dois ! Va, Cyrano ! Et ce disant, je me hasarde, Quand, dans l ombre, quelqu un me porte. . . CHRISTIAN Une nasarde. CYRANO Je la pare, et soudain me trouve. . . CHRISTIAN Nez à nez. . . CYRANO (bondissant vers lui) Ventre-Saint-Gris ! (Tous les Gascons se précipitent pour voir, arrivé sur Christian, il se maîtrise et continue) avec cent braillards avinés Qui puaient. . . CHRISTIAN À plein nez. . . CYRANO (blême et souriant) L oignon et la litharge ! Je bondis, front baissé. . . CHRISTIAN Nez au vent ! CYRANO et je charge ! J en estomaque deux ! J en empale un tout vif ! Quelqu un m ajuste Paf ! et je riposte. . . CHRISTIAN Pif ! CYRANO (éclatant) Tonnerre ! Sortez tous ! (Tous les cadets se précipitent vers les portes.) PREMIER CADET C est le réveil du tigre ! CYRANO Tous ! Et laissez-moi seul avec cet homme ! DEUXIÈME CADET Bigre ! On va le retrouver en hachis ! RAGUENEAU En hachis ? UN AUTRE CADET Dans un de vos pâtés ! RAGUENEAU Je sens que je blanchis, Et que je m amollis comme une serviette ! CARBON Sortons ! UN AUTRE Il n en va pas laisser une miette ! UN AUTRE Ce qui va se passer ici, j en meurs d effroi ! UN AUTRE (refermant la porte de droite) Quelque chose d épouvantable ! (Ils sont tous sortis,—soit par le fond, soit par les côtés,—quelques-uns ont disparu par l escalier. Cyrano et Christian restent face à face, et se regardent un moment.) Scène 2.X. Cyrano, Christian. CYRANO Embrasse-moi ! CHRISTIAN Monsieur. . . CYRANO Brave. CHRISTIAN Ah ça ! mais !. . . CYRANO Très brave. Je préfère. CHRISTIAN Me direz-vous ?. . . CYRANO Embrasse-moi. Je suis son frère. CHRISTIAN De qui ? CYRANO Mais d elle ! CHRISTIAN Hein ?. . . CYRANO Mais de Roxane ! CHRISTIAN (courant à lui) Ciel ! Vous, son frère ? CYRANO Ou tout comme un cousin fraternel. CHRISTIAN Elle vous a ?. . . CYRANO Tout dit ! CHRISTIAN M aime-t-elle ? CYRANO Peut-être ! CHRISTIAN (lui prenant les mains) Comme je suis heureux, Monsieur, de vous connaître ! CYRANO Voilà ce qui s appelle un sentiment soudain. CHRISTIAN Pardonnez-moi. . . CYRANO (le regardant, et lui mettant la main sur l épaule) C est vrai qu il est beau, le gredin ! CHRISTIAN Si vous saviez, Monsieur, comme je vous admire ! CYRANO Mais tous ces nez que vous m avez. . . CHRISTIAN Je les retire ! CYRANO Roxane attend ce soir une lettre. . . CHRISTIAN Hélas ! CYRANO Quoi ? CHRISTIAN C est me perdre que de cesser de rester coi ! CYRANO Comment ? CHRISTIAN Las ! je suis sot à m en tuer de honte ! CYRANO Mais non, tu ne l es pas, puisque tu t en rends compte. D ailleurs, tu ne m as pas attaqué comme un sot. CHRISTIAN Bah ! on trouve des mots quand on monte à l assaut ! Oui, j ai certain esprit facile et militaire, Mais je ne sais, devant les femmes, que me taire. Oh ! leurs yeux, quand je passe, ont pour moi des bontés. . . CYRANO Leurs cœurs n en ont-ils plus quand vous vous arrêtez ? CHRISTIAN Non ! car je suis de ceux,—je le sais. . .et je tremble !— Qui ne savent parler d amour. CYRANO Tiens !. . .Il me semble Que si l on eût pris soin de me mieux modeler, J aurais été de ceux qui savent en parler. CHRISTIAN Oh ! pouvoir exprimer les choses avec grâce ! CYRANO Être un joli petit mousquetaire qui passe ! CHRISTIAN Roxane est précieuse et sûrement je vais Désillusionner Roxane ! CYRANO (regardant Christian) Si j avais Pour exprime mon âme un pareil interprète ! CHRISTIAN (avec désespoir) Il me faudrait de l éloquence ! CYRANO (brusquement) Je t en prête ! Toi, du charme physique et vainqueur, prête-m en Et faisons à nous deux un héros de roman ! CHRISTIAN Quoi ? CYRANO Te sens-tu de force à répéter les choses Que chaque jour je t apprendrai ?. . . CHRISTIAN Tu me proposes ?. . . CYRANO Roxane n aura pas de désillusions ! Dis, veux-tu qu à nous deux nous la séduisions ? Veux-tu sentir passer, de mon pourpoint de buffle Dans ton pourpoint brodé, l âme que je t insuffle !. . . CHRISTIAN Mais, Cyrano !. . . CYRANO Christian, veux-tu ? CHRISTIAN Tu me fais peur ! CYRANO Puisque tu crains, tout seul, de refroidir son cœur, Veux-tu que nous fassions—et bientôt tu l embrases !— Collaborer un peu tes lèvres et mes phrases ?. . . CHRISTIAN Tes yeux brillent !. . . CYRANO Veux-tu ? CHRISTIAN Quoi ! cela te ferait Tant de plaisir ?. . . CYRANO (avec enivrement) Cela. . . (Se reprenant, et en artiste) Cela m amuserait ! C est une expérience à tenter un poète. Veux-tu me compléter et que je te complète ? Tu marcheras, j irai dans l ombre à ton côté Je serai ton esprit, tu seras ma beauté. CHRISTIAN Mais la lettre qu il faut, au plus tôt, lui remettre ! Je ne pourrai jamais. . . CYRANO (sortant de son pourpoint la lettre qu il a écrite) Tiens, la voilà, ta lettre ! CHRISTIAN Comment ? CYRANO Hormis l adresse, il n y manque plus rien. CHRISTIAN Je. . . CYRANO Tu peux l envoyer. Sois tranquille. Elle est bien. CHRISTIAN Vous aviez ?. . . CYRANO Nous avons toujours, nous, dans nos poches, Des épîtres à des Chloris. . .de nos caboches, Car nous sommes ceux-là qui pour amante n ont Que du rêve soufflé dans la bulle d un nom !. . . Prends, et tu changeras en vérités ces feintes; Je lançais au hasard ces aveux et ces plaintes Tu verras se poser tous ces oiseaux errants. Tu verras que je fus dans cette lettre—prends !— D autant plus éloquent que j étais moins sincère ! —Prends donc, et finissons ! CHRISTIAN N est-il pas nécessaire De changer quelques mots ? Écrite en divaguant, Ira-t-elle à Roxane ? CYRANO Elle ira comme un gant ! CHRISTIAN Mais. . . CYRANO La crédulité de l amour-propre est telle, Que Roxane croira que c est écrit pour elle ! CHRISTIAN Ah ! mon ami ! (Il se jette dans les bras de Cyrano. Ils restent embrassés.) Scène 2.XI. Cyrano, Christian, les Gascons, le mousquetaire, Lise. UN CADET (entr ouvrant la porte) Plus rien. . .Un silence de mort. . . Je n ose regarder. . . (Il passe la tête) Hein ? TOUS LES CADETS (entrant et voyant Cyrano et Christian qui s embrassent) Ah !. . .Oh !. . . UN CADET C est trop fort ! (Consternation.) LE MOUSQUETAIRE (goguenard) Ouais ?. . . CARBON Notre démon est doux comme un apôtre ! Quand sur une narine on le frappe,—il tend l autre ! LE MOUSQUETAIRE On peut donc lui parler de son nez, maintenant ?. . . (Appelant Lise, d un air triomphant) —Eh ! Lise ! Tu vas voir ! (Humant l air avec affectation) Oh !. . .oh !. . .c est surprenant ! Quelle odeur !. . . (Allant à Cyrano, dont il regarde le nez avec impertinence) Mais monsieur doit l avoir reniflée ? Qu est-ce que cela sent ici ?. . . CYRANO (le souffletant) La giroflée ! (Joie. Les cadets ont retrouvé Cyrano ils font des culbutes.) Rideau.
https://w.atwiki.jp/mboxlist2/pages/2.html
データベース ステージ +... キオ式特大ステージ 天文時計ステージ ワールドイズマインステージ アクセサリ +... 魔法陣 エリカのような花 響の槍 桃愛の薙刀 ポケベル 結婚指輪 荷馬車 ぞーさん モーション(PV) +... 文学者の恋文 Erica paranoia コペルニクス BrilliantEVE LastChristmas 幻月環 カゲフミ モーション(ダンス) +... onlymyrailgun 金の聖夜霜雪に朽ちて RealEmotion SPLASH FREE 他 +... ポーズデータ集 Ray-MMD日本語コントローラー モデル ここを編集
https://w.atwiki.jp/oper/pages/1633.html
ACTE III Les cadets de Gascogne (Le poste qu occupe la compagnie de Carbon de Castel-Jaloux, au siège d Arras) LE BRET C est affreux! CARBON Oui... plus rien! LE BRET Mordious!... CARBON Jure en sourdine. Tu vas les réveiller. (aux cadets) Chut!... Dormez!... Qui dort dîne! (Coups de feu au loin.) Ah! Maugrébis des coups de feu!... PREMIÈRE SENTINELLE (au dehors) Qui va là?... CYRANO (au dehors) Bergerac... DEUXIÈME SENTINELLE (en scène) Qui va là?... CYRANO (paraît) ¡Bergerac, imbécile!... LE BRET Grand Dieu!... blessé?... CYRANO Tu sais bien qu ils ont pris l habitude de me manquer tous les matins. LE BRET C est un peu fort... Pour porter une lettre à chaque jour levant, de risquer... CYRANO J ai promis qu il écrirait souvent. (s arrêtant devant Christian) Il dort! Il est pâli. Quand je songe à la cruauté de ce Comte de Guiche, le faisant arracher des bras de Roxane, dès que fut prononcé le "oui" de mariage... LE BRET Penser que chaque jour vous risquez une vie comme la vôtre, pour porter... (le voyant qui se dirige vers une tente) Où vas-tu? CYRANO J en vais écrire une autre... (Le jour se lève. Trompettes en scène.) CARBON La Diane... Hélas!... Sommeil succulent... tu prends fin... LES CADETS J ai faim... Je meurs!... CARBON Levez-vous!... LES CADETS Plus un geste!... Plus un pas!... Ma langue est jaune... Oh! Oui! Du pain! Du pain! Assez! Révoltons-nous! CARBON Au secours! Cyrano! LES CADETS Nous avons faim! CYRANO (sortant de sa tente) Ah! Ça? Mais vous ne pensez qu à manger? Approche, berger... Du double étui de cuir tire l un de tes fifres; souffle, et joue à ces tas de goinfres et de piffres ces vieux airs du pays au doux rythme obsesseur, dont chaque note est comme une petite soeur! (Le vieux s assied et prépare son fifre.) C est airs dont la lenteur est celle des fumées que le hameau natal exhale de ses toits, ces airs dont la musique a l air d être en patois! (Le vieux joue.) Écoutez les, les Gascons! Écoutez! C est le lent galoubet des nos meneurs de chèvres... Écoutez! C est le val, la lande, la forêt, le petit pâtre brun sous son rouge béret, c est la verte douceur des soirs sur la Dordogne... Écoutez les, gascons, c est toute la Gascogne! LES CADETS Ah!... (Des larmes sont furtivement essuyées.) CARBON Mais tu les fais pleurer. CYRANO De nostalgie, un mal plus noble que la faim! CARBON Tu vas les affaiblir... CYRANO Laisse donc, il suffit. (Il fait un geste. Le tambour roule. Tous se lèvent.) LES CADETS Hein? Quoi? Qu est-ce? CYRANO Tu vais? LE BRET Monsieur De Guiche! (Tous se mettent rapidement à jouer et à fumer Cyrano lit dans un petit livre. De Guiche entre) DE GUICHE (regardant les cadets) Voici donc les mauvaises têtes! CARBON (à part) Il n a plus que les yeux. DE GUICHE Oui ! Messieurs. Il me revient de tous côtés qu on me brocarde chez vous, que les cadets, noblesse montagnarde, hobereaux béarnais, barons périgourdins... n ont pour leur colonel pas assez de dédain... m appelant intrigant, courtisan. Qu il les gêne de voir sur ma cuirasse un col au point de Gênes et qu ils ne cessent pas de s indigner entre eux qu on puisse être gascon, et ne pas être gueux! Je peux méprises vos bravades. On connaît ma façon d aller aux mousquetades. Hier à Bapaume on vit la furie avec quoi j ai fait lâcher le pied au Comte de Bucquoi; ramenant sur ses gens les miens en avalanche, j ai chargé par trois fois! CYRANO (sans lever le nez de son livre) Et votre écharpe blanche? DE GUICHE Vous savez ce détail? Oui! Craignant qu on me prît et qu on m arquebusât, j eus le bon esprit de tromper l Espagnol laissant tomber à terre l écharpe qui disait mon grade militaire, en sorte que je pus en revenant sur eux suivi de tous les miens réconfortés les battre. Eh bien, que dites-vous de ce trait? CYRANO Qu Henri Quatre n eût jamais consenti à se diminuer de son panache blanc! DE GUICHE L adresse a réussi cependant. CARBON C est possible. Mais on n abdique pas l honneur d être un cible! Si j eusse été présent, quand l écharpe coula, je l aurais ramassée et me la serais mise. DE GUICHE Vantardise de gascon! CYRANO Vantardise? Prêtez-la-moi. Je m offre à monter dès ce soir à l assaut le premier avec elle en sautoir. DE GUICHE Offre encore de gascon! Vous savez que l écharpe resta à l ennemi en un lieu où nul ne peut aller la chercher. CYRANO (tirant de sa poche l écharpe et la lui tendant) La voilà. DE GUICHE (prenant l écharpe) Merci. Je vais faire un signal que j hésitais à faire. (Il va au talus et agite l écharpe en l air.) CARBON Hein? CHRISTIAN (en haut du talus) Cet homme là-bas qui se sauve en courant? DE GUICHE (redescendant) C est un faux espion espagnol. Il est venu me prévenir qu on va nous attaquer. CARBON Quoi? DE GUICHE Oui, dans une heure. CARBON Mais la moitié de l armée est absente du camp. DE GUICHE Vous aurez l obligeance de vous faire tuer! CYRANO Ah! Voilà la vengeance! (aux cadets) Et bien donc, nous allons au blason de Gascogne qui porte six chevrons, Messieurs, d azur et d or, joindre un chevron de sang qui lui manquait encore! CARBON Messieurs, préparons-nous! LES CADETS Préparons-nous! (De Guiche et Carbon causent bas, au fond. On donne des ordres. La résistance se prépare.) CYRANO Christian! CHRISTIAN Roxane... CYRANO Hélas! CHRISTIAN Au moins je voudrais mettre tout l adieu de mon coeur... dans une belle lettre... CYRANO (tire un billet de son pourpoint) Je me doutais que ce serait pour aujourd hui et j ai fait tes adieux!... CHRISTIAN Donne... CYRANO Tu veux? CHRISTIAN (lui prenant la lettre) Mais oui! (Il lit et s arrête.) Tiens... CYRANO Quoi?... CHRISTIAN Ce petit rond?... CYRANO Un rond?... CHRISTIAN C est une larme... CYRANO (reprenant vivement la lettre) Oui. Poète, on se prend à son jeu. Et d ailleurs... il faut que je te dise... CHRISTIAN Parle vite... CYRANO Oh! Mon Dieu; c est bien simple... CHRISTIAN Vite... CYRANO Tu lui as écrit plus souvent que tu ne crois... CHRISTIAN Hein?... CYRANO Dame... Je m en étais chargé, j écrivais sans te dire j écris... C est bien simple. CHRISTIAN Et comment t y es-tu pris depuis qu on est bloqué, pour... CYRANO Oh ! Avant l aurore je pouvais traverser... CHRISTIAN Ah!... c est tout simple encore?... Et... qu aije écrit de fois par semaine? Deux?... Trois?... Quatre?... CYRANO Plus... CHRISTIAN Tous les jours?... CYRANO Oui...Tous les jours.. deux fois... CHRISTIAN Et cela t enivrait... Et l ivresse était telle que tu bravais la mort?... CYRANO Oui... parce que... mourir n est pas terrible... mais ne plus la revoir... voilà l horrible! CHRISTIAN (lui arrachant la lettre) Donne-moi ce billet... LES SENTINELLES Ventrebleu! Qui va là?... (Coups de feu. Bruits de voix. Grelots.) CARBON, LE BRET Qu est-ce?... LES SENTINELLES Un carrosse... LES CADETS Quoi?... Dans le camp? LES SENTINELLES Il y entre... Il a l air de venir de chez l ennemi!... CARBON, LE BRET, CADETS Tirez... LES SENTINELLES, CADETS Non!... LES CADETS Le cocher à crié... CARBON, LE BRET, CADETS Crié? Quoi? LES SENTINELLES, CADETS Crié service du Roi! DE GUICHE Hein? Du Roi? Rangez-vous, vile tourbe!... (Le carrosse entre.) CARBON Battez au champ! DE GUICHE Baissez le marchepied! ROXANE (sautant du carrosse) Bonjour! DE GUICHE Service du Roi? Vous?... ROXANE Mais... du seul Roi l Amour! CYRANO (à part) Dieu! Le regarderai-je? CHRISTIAN (à Roxane) Vous? Pourquoi? ROXANE (à Christian) Je te dirai. DE GUICHE (à Roxane) Vous ne pouvez rester ici!... ROXANE Mais si! Si! Voulez-vous m avancer un tambour?... (Elle s assied sur un tambour.) Là! Merci! CYRANO Voyons... C est fou!... Par où diable avez vous bien pu passer? ROXANE Par où? Par chez les Espagnols! CARBON Cela dût être bien difficile!... ROXANE Pas trop!... J ai simplement passé dans mon carrosse au trot... Si quelque hidalgo montrait sa mine altière, je mettais mon plus beau sourire à la portière... et ces messieurs étant, n en déplaise aux français, les plus galantes gens du monde, je passais! CARBON Mais on a fréquemment dû vous sommer dédire où vous alliez ainsi, Madame?... ROXANE Fréquemment!... Alors je répondais je vais voir mon amant! Aussitôt l Espagnol à l air le plus féroce refermait gravement la porte du carrosse... et superbe de grâce, le feutre au vent, pourquoi la plume palpitât, s inclinait en disant passez, Señorita! LES CADETS Ah! Qu elles sont malignes!... CHRISTIAN Mais... Roxane... ROXANE J ai dit mon amant... Oui, pardonne... Tu comprends... Si j avais dit mon mari... personne ne m eût laissé passer. CHRISTIAN Mais... ROXANE Qu avez-vous? DE GUICHE Il faut vous en aller d ici. On va se battre... c est un poste terrible!... CYRANO Et la preuve c est qu il nous l a donné!... ROXANE Ah!...Vous me vouliez veuve?... DE GUICHE Je vous jure!... ROXANE Non! Je suis folle à présent; je reste! Qu on me tue avec toi! (Elle se jette dans les bras de Christian. De Guiche sort.) LES CADETS Elle reste! CYRANO Eh quoi? La précieuse était une héroïne? ROXANE Monsieur de Bergerac, je suis votre cousine! CARBON Par grâce ouvrez la main... Ma compagnie était sans drapeau... C est le plus beau du camp... ROXANE Mais l air est vif... Et moi-même affame... Ragueneau! Ragueneau! LES CADETS Hein? RAGUENEAU (debout sur son siège) Ça... Messieurs... À l assaut des pâtes, des jambonneaux! LES CADETS Tonnerre!... RAGUENEAU Les coussins sont remplis d ortolans! LES CADETS Des flacons de rubis! Ah! Viédaze!... Des flacons de topaze!... ROXANE Défaites cette nappe, hop!... Soyez légers... CYRANO Bonne fée!... RAGUENEAU Chaque lanterne est un garde-manger! ROXANE Et si De Guiche vient, personne ne l invite!... Là! (à Cyrano) Une aile?... CYRANO Je l adore!... ROXANE (à Christian) Vous?... CHRISTIAN Rien... ROXANE Si!... Ce biscuit dans ce Muscat! (Ils se mettent tous à danser.) LES CADETS Là! Là! Là!... LES SENTINELLES Monsieur De Guiche!... ROXANE Hop!... Cachons tout!... (En un clin d oeil, tout a été caché De Guiche entre vivement.) DE GUICHE Vite!... Fuyez, Madame! ROXANE Non! DE GUICHE Puis qu il en est ainsi, qu on me donne un mousquet. ROXANE Quoi?... DE GUICHE Je ne quitte pas une femme en danger!... CARBON (à De Guiche) J ai rangé mes piquiers... leur troupe est résolue. Veillez, Monsieur, les passer en revue? (De Guiche remonte vers le talus et sort avec Carbon. Cyrano rentre dans sa tente. Au fond, allées et venues de cadets.) ROXANE Et maintenant, Christian... CHRISTIAN Maintenant dis-moi pourquoi, bravant les dangers effroyables, tu m as rejoint ici? ROXANE C est à cause des lettres! CHRISTIAN Tu dis?... ROXANE De ces lettres d amour plus belles chaque jour que vous avez écrites!... CHRISTIAN Et quoi? Pour quelques petites lettres?... ROXANE Tais-toi. Tu ne peux pas savoir... (tendrement) C est vrai... Je t adorais depuis qu un soir sous ma fenêtre, d une voix que je t ignorais, ton âme commença à se faire connaître. Eh bien, tes lettres c est comme si je t entendais ta voix de ce soir là... si tendre et qui vous enveloppe. Je lisais, je relisais. J étais à toi; chacun de ces feuillets était comme un pétale envolé de ton âme. On sent à claque mot de ces lettres de flamme l amour puissant, l amour sincère... CHRISTIAN Ah! Cela se sent, Roxane?... ROXANE Oh! Si cela se sent! CHRISTIAN Et vous venez... ROXANE Je viens... ô mon Christian, mon maître... je viens te demander pardon... de t avoir fait d abord dans ma frivolité l insulte de t aimer pour ta seule beauté! CHRISTIAN Ah! Roxane!... ROXANE Et plus tard, ton âme m entraînant, je t aimais pour les deux ensemble. CHRISTIAN Et maintenant? ROXANE Maintenant... je t aimerais encore... si toute la beauté tout à coup s envolait!... CHRISTIAN Oh! Ne dis pas cela!... ROXANE Si!... je le dis... CHRISTIAN Quoi?... Laid?... ROXANE Je le jure!... CHRISTIAN Dieu!... ROXANE Et ta joie est profonde? Oui? Oui? Ah! (Christian la repousse doucement.) Qu as-tu?... CHRISTIAN Rien... Deux mots à dire, une seconde... ROXANE Mais... CHRISTIAN À ces pauvres gens mon amour t enleva. Va leur sourire un peu puisqu ils vont mourir!... Va!... ROXANE Cher Christian! (Elle remonte vers les gascons.) CHRISTIAN (appelant vers la tente de Cyrano) Cyrano!... CYRANO (reparaissant) Qu est-ce?...Te voilà blâme!... CHRISTIAN Elle ne m aime plus!... CYRANO Comment? CHRISTIAN C est toi qu elle aime!... CYRANO Non!... CHRISTIAN Elle n aime plus que mon âme!... CYRANO Non!... CHRISTIAN Si! C est donc bien toi qu elle aime! Et tu l aimes aussi!... CYRANO Moi? CHRISTIAN Je le sais! CYRANO C est vrai!... CHRISTIAN Comme un fou!... CYRANO D avantage!... CHRISTIAN Dis-le-lui! CYRANO Non!... CHRISTIAN Pourquoi?... CYRANO Regarde mon visage!... CHRISTIAN Elle m aimerais laid... CYRANO Elle ta l as dit?... CHRISTIAN Là!... CYRANO Non! Ne la prends pas au mot!... CHRISTIAN C est que je veux voir!... Tu vas lui dire tout... CYRANO Non!... CHRISTIAN Qu elle choisisse! (Il appelle.) Roxane... CYRANO Non!... CHRISTIAN Cyrano vous dira une chose importante! (Il sort.) ROXANE (entrant) Importante?... CYRANO (à Roxane) Rien... Il attache, mon Dieu, de l importance à rien... ROXANE Il a douté de ce que j ai dit là? J ai vu qu il a douté... CYRANO Mais avez-vous bien dit la vérité?... ROXANE Oui!... Oui!... Je l aimerais même... (Elle hésite une seconde.) CYRANO Même laid? ROXANE Même laid! (Mousquetaire au dehors.) Tiens... on a tiré! CYRANO Affreux? Grotesque? ROXANE (distraite) Oui! CYRANO Je... Roxane... Écoutez! LE BRET (entrant rapidement, appelle à mi-voix) Cyrano!... CYRANO Hein? LE BRET Chut... CYRANO (sans voix) Ah!... (Des cadets sont entré cachant quelque chose qu ils portent.) ROXANE Qu avez-vous? Que se passe-t-il? CYRANO Rien. ROXANE Ces hommes? Mais qu alliez-vous me dire avant? CYRANO Ce que j allais vous dire?... Rien… rien... je le jure... je jure que l esprit de Christian... que son âme, étaient... sont les plus grands! ROXANE Etaient? Sont? Ah! (Elle se précipite et écarte tout le monde.) LE BRET (à Cyrano) Le premier coup de feu de l ennemi! CARBON C est l attaque! Aux mousquets! ROXANE Christian! CARBON Qu on se dépêche! (Ragueneau est accouru.) ROXANE Christian! CARBON (derrière le talus) Mesurez! ROXANE Il n est pas mort? CARBON Mêche... ROXANE Christian! Je sens sa joue devenir froide... CARBON Ouvrez la charge! ROXANE Une lettre sur lui! CYRANO (pour lui même) Ma lettre... ROXANE Pour moi! CARBON Feu! VOIX DE L OFFICIER ESPAGNOL (au dehors) Rendez-vous! LES CADETS Non! CYRANO Mais, Roxane, on se bat. Adieu, Roxane! DE GUICHE (reparaissant sur le talus) Tenez encore un peu! ROXANE (se jetant sur le corps de Christian) Il est mort! (Tumulte. Cris. De Guiche et Ragueneau emportent Roxane évanouie.) CARBON Nous plions... CYRANO Reculez pas, drollos! L OFFICIER ESPAGNOL (entrant) Mais quels sont ces gens qui se font tous tuer? CYRANO, LES CADETS, puis CARBON Ce sont les cadets de Gascogne... De Carbon de Castel-Jaloux; Bretteurs et menteurs sans vergogne... (Le reste se perde dans la bataille.) ACTE III Les cadets de Gascogne (Le poste qu occupe la compagnie de Carbon de Castel-Jaloux, au siège d Arras) LE BRET C est affreux! CARBON Oui... plus rien! LE BRET Mordious!... CARBON Jure en sourdine. Tu vas les réveiller. (aux cadets) Chut!... Dormez!... Qui dort dîne! (Coups de feu au loin.) Ah! Maugrébis des coups de feu!... PREMIÈRE SENTINELLE (au dehors) Qui va là?... CYRANO (au dehors) Bergerac... DEUXIÈME SENTINELLE (en scène) Qui va là?... CYRANO (paraît) ¡Bergerac, imbécile!... LE BRET Grand Dieu!... blessé?... CYRANO Tu sais bien qu ils ont pris l habitude de me manquer tous les matins. LE BRET C est un peu fort... Pour porter une lettre à chaque jour levant, de risquer... CYRANO J ai promis qu il écrirait souvent. (s arrêtant devant Christian) Il dort! Il est pâli. Quand je songe à la cruauté de ce Comte de Guiche, le faisant arracher des bras de Roxane, dès que fut prononcé le "oui" de mariage... LE BRET Penser que chaque jour vous risquez une vie comme la vôtre, pour porter... (le voyant qui se dirige vers une tente) Où vas-tu? CYRANO J en vais écrire une autre... (Le jour se lève. Trompettes en scène.) CARBON La Diane... Hélas!... Sommeil succulent... tu prends fin... LES CADETS J ai faim... Je meurs!... CARBON Levez-vous!... LES CADETS Plus un geste!... Plus un pas!... Ma langue est jaune... Oh! Oui! Du pain! Du pain! Assez! Révoltons-nous! CARBON Au secours! Cyrano! LES CADETS Nous avons faim! CYRANO (sortant de sa tente) Ah! Ça? Mais vous ne pensez qu à manger? Approche, berger... Du double étui de cuir tire l un de tes fifres; souffle, et joue à ces tas de goinfres et de piffres ces vieux airs du pays au doux rythme obsesseur, dont chaque note est comme une petite soeur! (Le vieux s assied et prépare son fifre.) C est airs dont la lenteur est celle des fumées que le hameau natal exhale de ses toits, ces airs dont la musique a l air d être en patois! (Le vieux joue.) Écoutez les, les Gascons! Écoutez! C est le lent galoubet des nos meneurs de chèvres... Écoutez! C est le val, la lande, la forêt, le petit pâtre brun sous son rouge béret, c est la verte douceur des soirs sur la Dordogne... Écoutez les, gascons, c est toute la Gascogne! LES CADETS Ah!... (Des larmes sont furtivement essuyées.) CARBON Mais tu les fais pleurer. CYRANO De nostalgie, un mal plus noble que la faim! CARBON Tu vas les affaiblir... CYRANO Laisse donc, il suffit. (Il fait un geste. Le tambour roule. Tous se lèvent.) LES CADETS Hein? Quoi? Qu est-ce? CYRANO Tu vais? LE BRET Monsieur De Guiche! (Tous se mettent rapidement à jouer et à fumer Cyrano lit dans un petit livre. De Guiche entre) DE GUICHE (regardant les cadets) Voici donc les mauvaises têtes! CARBON (à part) Il n a plus que les yeux. DE GUICHE Oui ! Messieurs. Il me revient de tous côtés qu on me brocarde chez vous, que les cadets, noblesse montagnarde, hobereaux béarnais, barons périgourdins... n ont pour leur colonel pas assez de dédain... m appelant intrigant, courtisan. Qu il les gêne de voir sur ma cuirasse un col au point de Gênes et qu ils ne cessent pas de s indigner entre eux qu on puisse être gascon, et ne pas être gueux! Je peux méprises vos bravades. On connaît ma façon d aller aux mousquetades. Hier à Bapaume on vit la furie avec quoi j ai fait lâcher le pied au Comte de Bucquoi; ramenant sur ses gens les miens en avalanche, j ai chargé par trois fois! CYRANO (sans lever le nez de son livre) Et votre écharpe blanche? DE GUICHE Vous savez ce détail? Oui! Craignant qu on me prît et qu on m arquebusât, j eus le bon esprit de tromper l Espagnol laissant tomber à terre l écharpe qui disait mon grade militaire, en sorte que je pus en revenant sur eux suivi de tous les miens réconfortés les battre. Eh bien, que dites-vous de ce trait? CYRANO Qu Henri Quatre n eût jamais consenti à se diminuer de son panache blanc! DE GUICHE L adresse a réussi cependant. CARBON C est possible. Mais on n abdique pas l honneur d être un cible! Si j eusse été présent, quand l écharpe coula, je l aurais ramassée et me la serais mise. DE GUICHE Vantardise de gascon! CYRANO Vantardise? Prêtez-la-moi. Je m offre à monter dès ce soir à l assaut le premier avec elle en sautoir. DE GUICHE Offre encore de gascon! Vous savez que l écharpe resta à l ennemi en un lieu où nul ne peut aller la chercher. CYRANO (tirant de sa poche l écharpe et la lui tendant) La voilà. DE GUICHE (prenant l écharpe) Merci. Je vais faire un signal que j hésitais à faire. (Il va au talus et agite l écharpe en l air.) CARBON Hein? CHRISTIAN (en haut du talus) Cet homme là-bas qui se sauve en courant? DE GUICHE (redescendant) C est un faux espion espagnol. Il est venu me prévenir qu on va nous attaquer. CARBON Quoi? DE GUICHE Oui, dans une heure. CARBON Mais la moitié de l armée est absente du camp. DE GUICHE Vous aurez l obligeance de vous faire tuer! CYRANO Ah! Voilà la vengeance! (aux cadets) Et bien donc, nous allons au blason de Gascogne qui porte six chevrons, Messieurs, d azur et d or, joindre un chevron de sang qui lui manquait encore! CARBON Messieurs, préparons-nous! LES CADETS Préparons-nous! (De Guiche et Carbon causent bas, au fond. On donne des ordres. La résistance se prépare.) CYRANO Christian! CHRISTIAN Roxane... CYRANO Hélas! CHRISTIAN Au moins je voudrais mettre tout l adieu de mon coeur... dans une belle lettre... CYRANO (tire un billet de son pourpoint) Je me doutais que ce serait pour aujourd hui et j ai fait tes adieux!... CHRISTIAN Donne... CYRANO Tu veux? CHRISTIAN (lui prenant la lettre) Mais oui! (Il lit et s arrête.) Tiens... CYRANO Quoi?... CHRISTIAN Ce petit rond?... CYRANO Un rond?... CHRISTIAN C est une larme... CYRANO (reprenant vivement la lettre) Oui. Poète, on se prend à son jeu. Et d ailleurs... il faut que je te dise... CHRISTIAN Parle vite... CYRANO Oh! Mon Dieu; c est bien simple... CHRISTIAN Vite... CYRANO Tu lui as écrit plus souvent que tu ne crois... CHRISTIAN Hein?... CYRANO Dame... Je m en étais chargé, j écrivais sans te dire j écris... C est bien simple. CHRISTIAN Et comment t y es-tu pris depuis qu on est bloqué, pour... CYRANO Oh ! Avant l aurore je pouvais traverser... CHRISTIAN Ah!... c est tout simple encore?... Et... qu aije écrit de fois par semaine? Deux?... Trois?... Quatre?... CYRANO Plus... CHRISTIAN Tous les jours?... CYRANO Oui...Tous les jours.. deux fois... CHRISTIAN Et cela t enivrait... Et l ivresse était telle que tu bravais la mort?... CYRANO Oui... parce que... mourir n est pas terrible... mais ne plus la revoir... voilà l horrible! CHRISTIAN (lui arrachant la lettre) Donne-moi ce billet... LES SENTINELLES Ventrebleu! Qui va là?... (Coups de feu. Bruits de voix. Grelots.) CARBON, LE BRET Qu est-ce?... LES SENTINELLES Un carrosse... LES CADETS Quoi?... Dans le camp? LES SENTINELLES Il y entre... Il a l air de venir de chez l ennemi!... CARBON, LE BRET, CADETS Tirez... LES SENTINELLES, CADETS Non!... LES CADETS Le cocher à crié... CARBON, LE BRET, CADETS Crié? Quoi? LES SENTINELLES, CADETS Crié service du Roi! DE GUICHE Hein? Du Roi? Rangez-vous, vile tourbe!... (Le carrosse entre.) CARBON Battez au champ! DE GUICHE Baissez le marchepied! ROXANE (sautant du carrosse) Bonjour! DE GUICHE Service du Roi? Vous?... ROXANE Mais... du seul Roi l Amour! CYRANO (à part) Dieu! Le regarderai-je? CHRISTIAN (à Roxane) Vous? Pourquoi? ROXANE (à Christian) Je te dirai. DE GUICHE (à Roxane) Vous ne pouvez rester ici!... ROXANE Mais si! Si! Voulez-vous m avancer un tambour?... (Elle s assied sur un tambour.) Là! Merci! CYRANO Voyons... C est fou!... Par où diable avez vous bien pu passer? ROXANE Par où? Par chez les Espagnols! CARBON Cela dût être bien difficile!... ROXANE Pas trop!... J ai simplement passé dans mon carrosse au trot... Si quelque hidalgo montrait sa mine altière, je mettais mon plus beau sourire à la portière... et ces messieurs étant, n en déplaise aux français, les plus galantes gens du monde, je passais! CARBON Mais on a fréquemment dû vous sommer dédire où vous alliez ainsi, Madame?... ROXANE Fréquemment!... Alors je répondais je vais voir mon amant! Aussitôt l Espagnol à l air le plus féroce refermait gravement la porte du carrosse... et superbe de grâce, le feutre au vent, pourquoi la plume palpitât, s inclinait en disant passez, Señorita! LES CADETS Ah! Qu elles sont malignes!... CHRISTIAN Mais... Roxane... ROXANE J ai dit mon amant... Oui, pardonne... Tu comprends... Si j avais dit mon mari... personne ne m eût laissé passer. CHRISTIAN Mais... ROXANE Qu avez-vous? DE GUICHE Il faut vous en aller d ici. On va se battre... c est un poste terrible!... CYRANO Et la preuve c est qu il nous l a donné!... ROXANE Ah!...Vous me vouliez veuve?... DE GUICHE Je vous jure!... ROXANE Non! Je suis folle à présent; je reste! Qu on me tue avec toi! (Elle se jette dans les bras de Christian. De Guiche sort.) LES CADETS Elle reste! CYRANO Eh quoi? La précieuse était une héroïne? ROXANE Monsieur de Bergerac, je suis votre cousine! CARBON Par grâce ouvrez la main... Ma compagnie était sans drapeau... C est le plus beau du camp... ROXANE Mais l air est vif... Et moi-même affame... Ragueneau! Ragueneau! LES CADETS Hein? RAGUENEAU (debout sur son siège) Ça... Messieurs... À l assaut des pâtes, des jambonneaux! LES CADETS Tonnerre!... RAGUENEAU Les coussins sont remplis d ortolans! LES CADETS Des flacons de rubis! Ah! Viédaze!... Des flacons de topaze!... ROXANE Défaites cette nappe, hop!... Soyez légers... CYRANO Bonne fée!... RAGUENEAU Chaque lanterne est un garde-manger! ROXANE Et si De Guiche vient, personne ne l invite!... Là! (à Cyrano) Une aile?... CYRANO Je l adore!... ROXANE (à Christian) Vous?... CHRISTIAN Rien... ROXANE Si!... Ce biscuit dans ce Muscat! (Ils se mettent tous à danser.) LES CADETS Là! Là! Là!... LES SENTINELLES Monsieur De Guiche!... ROXANE Hop!... Cachons tout!... (En un clin d oeil, tout a été caché De Guiche entre vivement.) DE GUICHE Vite!... Fuyez, Madame! ROXANE Non! DE GUICHE Puis qu il en est ainsi, qu on me donne un mousquet. ROXANE Quoi?... DE GUICHE Je ne quitte pas une femme en danger!... CARBON (à De Guiche) J ai rangé mes piquiers... leur troupe est résolue. Veillez, Monsieur, les passer en revue? (De Guiche remonte vers le talus et sort avec Carbon. Cyrano rentre dans sa tente. Au fond, allées et venues de cadets.) ROXANE Et maintenant, Christian... CHRISTIAN Maintenant dis-moi pourquoi, bravant les dangers effroyables, tu m as rejoint ici? ROXANE C est à cause des lettres! CHRISTIAN Tu dis?... ROXANE De ces lettres d amour plus belles chaque jour que vous avez écrites!... CHRISTIAN Et quoi? Pour quelques petites lettres?... ROXANE Tais-toi. Tu ne peux pas savoir... (tendrement) C est vrai... Je t adorais depuis qu un soir sous ma fenêtre, d une voix que je t ignorais, ton âme commença à se faire connaître. Eh bien, tes lettres c est comme si je t entendais ta voix de ce soir là... si tendre et qui vous enveloppe. Je lisais, je relisais. J étais à toi; chacun de ces feuillets était comme un pétale envolé de ton âme. On sent à claque mot de ces lettres de flamme l amour puissant, l amour sincère... CHRISTIAN Ah! Cela se sent, Roxane?... ROXANE Oh! Si cela se sent! CHRISTIAN Et vous venez... ROXANE Je viens... ô mon Christian, mon maître... je viens te demander pardon... de t avoir fait d abord dans ma frivolité l insulte de t aimer pour ta seule beauté! CHRISTIAN Ah! Roxane!... ROXANE Et plus tard, ton âme m entraînant, je t aimais pour les deux ensemble. CHRISTIAN Et maintenant? ROXANE Maintenant... je t aimerais encore... si toute la beauté tout à coup s envolait!... CHRISTIAN Oh! Ne dis pas cela!... ROXANE Si!... je le dis... CHRISTIAN Quoi?... Laid?... ROXANE Je le jure!... CHRISTIAN Dieu!... ROXANE Et ta joie est profonde? Oui? Oui? Ah! (Christian la repousse doucement.) Qu as-tu?... CHRISTIAN Rien... Deux mots à dire, une seconde... ROXANE Mais... CHRISTIAN À ces pauvres gens mon amour t enleva. Va leur sourire un peu puisqu ils vont mourir!... Va!... ROXANE Cher Christian! (Elle remonte vers les gascons.) CHRISTIAN (appelant vers la tente de Cyrano) Cyrano!... CYRANO (reparaissant) Qu est-ce?...Te voilà blâme!... CHRISTIAN Elle ne m aime plus!... CYRANO Comment? CHRISTIAN C est toi qu elle aime!... CYRANO Non!... CHRISTIAN Elle n aime plus que mon âme!... CYRANO Non!... CHRISTIAN Si! C est donc bien toi qu elle aime! Et tu l aimes aussi!... CYRANO Moi? CHRISTIAN Je le sais! CYRANO C est vrai!... CHRISTIAN Comme un fou!... CYRANO D avantage!... CHRISTIAN Dis-le-lui! CYRANO Non!... CHRISTIAN Pourquoi?... CYRANO Regarde mon visage!... CHRISTIAN Elle m aimerais laid... CYRANO Elle ta l as dit?... CHRISTIAN Là!... CYRANO Non! Ne la prends pas au mot!... CHRISTIAN C est que je veux voir!... Tu vas lui dire tout... CYRANO Non!... CHRISTIAN Qu elle choisisse! (Il appelle.) Roxane... CYRANO Non!... CHRISTIAN Cyrano vous dira une chose importante! (Il sort.) ROXANE (entrant) Importante?... CYRANO (à Roxane) Rien... Il attache, mon Dieu, de l importance à rien... ROXANE Il a douté de ce que j ai dit là? J ai vu qu il a douté... CYRANO Mais avez-vous bien dit la vérité?... ROXANE Oui!... Oui!... Je l aimerais même... (Elle hésite une seconde.) CYRANO Même laid? ROXANE Même laid! (Mousquetaire au dehors.) Tiens... on a tiré! CYRANO Affreux? Grotesque? ROXANE (distraite) Oui! CYRANO Je... Roxane... Écoutez! LE BRET (entrant rapidement, appelle à mi-voix) Cyrano!... CYRANO Hein? LE BRET Chut... CYRANO (sans voix) Ah!... (Des cadets sont entré cachant quelque chose qu ils portent.) ROXANE Qu avez-vous? Que se passe-t-il? CYRANO Rien. ROXANE Ces hommes? Mais qu alliez-vous me dire avant? CYRANO Ce que j allais vous dire?... Rien… rien... je le jure... je jure que l esprit de Christian... que son âme, étaient... sont les plus grands! ROXANE Etaient? Sont? Ah! (Elle se précipite et écarte tout le monde.) LE BRET (à Cyrano) Le premier coup de feu de l ennemi! CARBON C est l attaque! Aux mousquets! ROXANE Christian! CARBON Qu on se dépêche! (Ragueneau est accouru.) ROXANE Christian! CARBON (derrière le talus) Mesurez! ROXANE Il n est pas mort? CARBON Mêche... ROXANE Christian! Je sens sa joue devenir froide... CARBON Ouvrez la charge! ROXANE Une lettre sur lui! CYRANO (pour lui même) Ma lettre... ROXANE Pour moi! CARBON Feu! VOIX DE L OFFICIER ESPAGNOL (au dehors) Rendez-vous! LES CADETS Non! CYRANO Mais, Roxane, on se bat. Adieu, Roxane! DE GUICHE (reparaissant sur le talus) Tenez encore un peu! ROXANE (se jetant sur le corps de Christian) Il est mort! (Tumulte. Cris. De Guiche et Ragueneau emportent Roxane évanouie.) CARBON Nous plions... CYRANO Reculez pas, drollos! L OFFICIER ESPAGNOL (entrant) Mais quels sont ces gens qui se font tous tuer? CYRANO, LES CADETS, puis CARBON Ce sont les cadets de Gascogne... De Carbon de Castel-Jaloux; Bretteurs et menteurs sans vergogne... (Le reste se perde dans la bataille.) Alfano,Franco/Cyrano de Bergerac/IV
https://w.atwiki.jp/sophia77/pages/21.html
本家 深淵回廊 情報サイト あみらーる放送局 -各種情報提供掲示板 時の調べ -クラス情報など すかいてんぷる -アイテム検索 Paranoiaの危険な入り口 -各種データ・探索日誌 万星帖 -開発・クラス補正など 赤い羽根 -敵データ トレジャーボックス情報 -宝箱の中身 深淵回廊非公式クラスガイド 疲労度計算 イーレイ経済新聞 クラス分布図や売れ筋情報など コミュニティサイト 銅のランプ -修繕率検索あり
https://w.atwiki.jp/ddr_dp/pages/1030.html
Dance Drill 10 STAGE 曲名 BPM NOTES / FRE LV 1st PARANOiA ~HADES~(激) 75-300 518 / 1 17 2nd Pluto Relinquish(鬼) 100-800 531 / 3 18 3rd Healing-D-Vision(鬼) 180-360 517 / 2 18 final Trigger(鬼) 100-400 538 / 39 18 解説 最後のダンスドリルは最高難易度の詰め合わせとなっている。二曲目のプリンは800地帯はノーツが無いため、実質最大BPMは400。 -- 名無しさん (2009-09-21 00 31 24) 一見Pluto Relinquish(激)超えたらウィニングランに見えるがHealing-D-Vision(鬼)の序盤でしっかり休憩しないとTrigger(鬼)の振り回しについていく体力が残っていない事がある。 -- 名無しさん (2009-11-17 01 00 53) 一応はバー無しで抜けられるらしい -- 名無しさん (2010-08-05 20 14 26) 名前 コメント コメント(私的なことや感想はこちら) 鬼ハデスや鬼プリン不在。どう考えても皆伝用です。本当にありがとうございました。 -- 名無しさん (2010-01-04 01 08 25) 2曲目のプリン鬼だぞ -- 名無しさん (2010-04-16 17 24 16) プリンを鬼に修正 -- 名無しさん (2010-06-30 06 57 33) 名前 コメント
https://w.atwiki.jp/ddrdp/pages/26.html
足15 楽 踊 激 鬼 計 0 6 50 20 76 ここからは上級者向けの譜面が揃う難易度となる。足龍課題曲がいくつか存在し、超発狂がちらほらと現れ始める。 上位難易度の中では曲数が比較的多く、難易度にかなりの幅があるのが特徴。 そのような理由から、足13に次いで多くの者にとっての壁となる難易度でもある。 MAX~MAX2は足15が当時の最難曲。また、すべての踊譜面の中の最高難易度でもある。 X3曲の足15は平均NOTESが多い傾向にあり、体力を要しますが、左右振りが控えめの曲が多い。 これはX2から続く傾向。新規プレイヤーは旧曲をプレイする時は傾向が異なるので注意。 VER 曲名 BPM NOTES /FRE (SA) 属性 2014 妖隠し -あやかしかくし-(激) 85 575 / 30 発狂(地団駄)、左右振り、渡り、遠配置、ひねり、変拍子、体力、フリーズアロー 2014 阿波おどり -Awaodori- やっぱり踊りはやめられない(激) 120-260 464 / 5 渡り、カニ歩き、地団駄、ソフラン(加速、減速)、停止 2014 エンドルフィン(激) 160 500 / 52 発狂(地団駄、リズム難)、渡り、ひねり、停止、同時踏み、ラス殺し、フリーズアロー 2014 御千手メディテーション(激) 150-190 522 / 14 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、ソフラン(加速)、リズム難 X3 紅焔(鬼) 175 597 / 28 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、同時踏み、体力 2014 灼熱Beach Side Bunny(激) 153 583 / 13 発狂(地団駄)、渡り、遠配置、同時踏み、体力 2013 ずっとみつめていて (Ryu☆Remix)(鬼) 160 445 / 11 発狂(渡り、ひねり)、左右振り、遠配置、同時踏み、八分滝 2014 天空の華(激) 90-180 566 / 4 左右振り A ナイト・オブ・ナイツ(激) 180 563 / 8 2013 †渚の小悪魔ラヴリィ~レイディオ†(激) 190 590 / 23 超発狂(カニ歩き、地団駄)、八分滝、交互難 2014 夏色DIARY -DDR mix-(激) 160 544 / 5 左右振り 2014 バンブーソード・ガール(激) 208 573 / 9 左右振り、渡り、遠配置、ひねり、カニ歩き、地団駄、八分滝、ラス殺し、体力 A 放課後ストライド(激) 225 579 / 8 2014 マインド・ゲーム(激) 180 511 / 32 渡り、カニ歩き、同時踏み、八分滝、フリーズアロー 2013 めうめうぺったんたん!!(鬼) 185 651 / 22 地団駄、選曲難、洗脳 X2 冥(激) 66-200 585 / 7 渡り、カニ歩き、超発狂(地団駄)、ソフラン(徐々に加速、徐々に減速)、体力 X3 恋閃繚乱(鬼) 142 476 / 9 発狂(渡り、ひねり)、同時踏み、八分滝、停止、ラス殺し 2013 Air Heroes(激) 175 469 / 21 発狂(渡り、地団駄)、左右降り、ひねり、遠配置、八分滝、縦連 X3 Amalgamation(鬼) 166 467 / 10 発狂(渡り、カニ歩き)、ひねり、停止、局所難 2013 Another Phase(激) 160 547 / 5 停止 2013 Another Phase(鬼) 160 526 / 4 (34) 停止、ショックアロー X2 Anti-Matter(踊) 100-400 444 / 56 左右振り、渡り、ひねり、地団駄、ソフラン(減速、加速)、ラス殺し SN2 B4U ( VOLTAGE Special)(鬼) 155 367 / 0 発狂(渡り、ひねり、交互難、縦連、同時踏み)、局所難、ラス殺し 2013 Beautiful Dream(鬼) 182 524 / 31 超発狂(地団駄)、左右振り、渡り、遠配置、ひねり、八分滝 X3 BRILLIANT 2U(AKBK MIX)(激) 162 561 / 16 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、同時踏み、体力 SN CHAOS(鬼) 170 360 / 7 発狂(地団駄)、渡り、停止、連続停止、リズム難、ラス殺し X3 Chronos(鬼) 128 542 / 48 発狂(カニ歩き、リズム難)、渡り、ひねり、同時踏み、変拍子 2014 Cleopatrysm(激) 190 543 / 9 超発狂(地団駄)、渡り、八分滝、リズム難 2013 Condor(鬼) 142 462 / 71 発狂(左右振り、渡り、ひねり)、遠配置、交互難、リズム難 X3 Cosmic Hurricane(鬼) 188 594 / 25 超発狂(カニ歩き)、左右振り、渡り、ひねり、交互難、同時踏み、八分滝、停止、ラス殺し、体力 X3 CRAZY♥LOVE(激) 89-177 519 / 56 渡り、ひねり、同時踏み、八分滝、ソフラン(減速、加速)、ラス殺し、縦連、フリーズアロー 2013 Desert Journey(鬼) 140 429 / 15 (35) ショックアロー 2014 Destination(激) 85-170 496 / 44 発狂(カニ歩き、地団駄、リズム難)、渡り、ソフラン(減速、加速)、停止、フリーズアロー X3 FLOWER(鬼) 173 549 / 20 発狂(カニ歩き、リズム難)、渡り、同時踏み、体力 X3 Go For The Top(激) 74-180 473 / 27 超発狂(地団駄)、渡り、ひねり、カニ歩き、同時踏み、八分滝、ソフラン(減速、加速)、連続停止 SN Healing-D-Vision(激) 180-360 443 / 2 渡り、同時踏み、ソフラン(加速)、リズム難、ラス殺し 2014 IMANOGUILTS(鬼) 184 599 / 3 超発狂(カニ歩き)、渡り、連続停止、同時踏み、リズム難、体力、局所難 2014 JOMANDA(激) 90-600 481 / 11 超発狂(地団駄)、渡り、ソフラン(減速、徐々に加速)、停止、リズム難 2014 KHAMEN BREAK(激) 90-180 593 / 17 超発狂(地団駄)、渡り、ソフラン(減速)、体力 MAX MAX 300(激) 300 485 / 2 発狂(地団駄、八分滝)、渡り、ソフラン(徐々に減速、加速)、停止、ラス殺し SN MAX 300 (Super-Max-Me Mix)(激) 140-320 543 / 48 発狂(渡り、カニ歩き)、八分滝、ソフラン(減速、加速)、ラス殺し、体力 MAX2 MAXX UNLIMITED(激) 140-320 500 / 23 発狂(カニ歩き、渡り)、交互難、ソフラン(減速、加速)、停止、ラス殺し 2013 Magnetic(激) 40-160 558 / 51 リズム難、ソフラン 2014 Nostalgia Is Lost(激) 172 596 / 27 発狂(カニ歩き、地団駄)、左右振り、渡り、遠配置、ひねり、交互難、リズム難、ラス殺し、体力 X on the bounce(鬼) 150 469 / 20 発狂(渡り、リズム難)、遠配置、ひねり、同時踏み、フリーズアロー X3 osaka EVOLVED -毎度、おおきに!- (TYPE1)(激) 50-300 440 / 27 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、同時踏み、ラス殺し X3 osaka EVOLVED -毎度、おおきに!- (TYPE2)(激) 50-300 437 / 17 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、同時踏み、リズム難、ラス殺し X3 osaka EVOLVED -毎度、おおきに!- (TYPE3)(激) 50-300 460 / 47 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、同時踏み、局所難、フリーズアロー 2014 Over The “Period”(踊) 22.5-840 553 / 48 SN2 PARANOiA ~HADES~(踊) 75-300 458 / 1 左右振り、渡り、同時踏み、ソフラン(減速、加速) 2nd PARANOiA KCET(clean mix)(鬼) 180 499/12 左右振り、渡り、遠配置、交互難、八分滝、ラス殺し EXT PARANOIA survivor(激) 135-270 475 / 2 発狂(渡り、カニ歩き、リズム難)、ソフラン(減速)、体力 EXT PARANOIA survivor MAX(激) 145-290 533 / 3 発狂(渡り、カニ歩き、リズム難)、ソフラン(減速)、ラス殺し、体力 SN PARANOiA-Respect-(激) 300 524 / 13 発狂(カニ歩き、ひねり)、渡り、同時踏み、停止、ラス殺し、体力 SN2 Pluto Relinquish(踊) 100-800 398 / 19 左右振り、渡り、ひねり、地団駄、同時踏み、ソフラン(減速、加速)、ラス殺し X2 Pluto The First(踊) 50-440 390 / 2 左右振り、渡り、ひねり、ソフラン(減速、加速)、連続停止、リズム難 A Poochie(激) 110-220 602 / 35 2014 Remain(激) 75-300 427 / 5 発狂(渡り、地団駄)、八分滝、ソフラン(減速、加速)、停止、リズム難、ラス殺し 2014 Romancing Layer(激) 150 417 / 17 渡り、遠配置、交互難、地団駄、同時踏み、八分滝、リズム難 X SABER WING (Akira Ishihara Headshot mix)(激) 79-316 421 / 29 発狂(左右振り、渡り、地団駄)、ソフラン(加速、減速)、停止、局所難 X2 Sakura Sunrise(激) 181 420 / 19 左右振り、渡り、遠配置、ひねり、交互難、同時踏み、八分滝、ラス殺し 2014 Samurai Shogun vs. Master Ninja(激) 260 530 / 10 発狂(渡り、ひねり、交互難、八分滝)、同時踏み、体力 X3 SILVER☆DREAM(激) 96-192 503 / 61 渡り、ひねり、地団駄、同時踏み、八分滝、ソフラン(減速)、停止、縦連、フリーズアロー 2013 Spanish Snowy Dance(激) 180 601 / 44 発狂(左右振り)、ひねり 2014 SPECIAL SUMMER CAMPAIGN!(激) 168 484 / 16 発狂(カニ歩き)、左右振り、渡り、ひねり、交互難、同時踏み、八分滝、リズム難 2014 Squeeze(激) 87-173 473 / 14 発狂(ひねり、地団駄、リズム難)、渡り、ソフラン(減速)、停止 2014 Starlight Fantasia (Endorphins Mix)(激) 78-155(38.75-310) 576 / 14 発狂(カニ歩き、地団駄、渡り)、ソフラン(減速、加速)、停止、リズム難、体力 2013 Straight Oath(鬼) 182 549 / 30 超発狂(地団駄)、左右振り、渡り、遠配置、ひねり、交互難、同時踏み、体力 2014 Strobe♡Girl(激) 190 491 / 20 渡り、地団駄、同時踏み、八分滝、局所難 2013 STULTI(激) 90-182 523 / 18 地団駄、ソフラン、停止 2013 THE REASON(鬼) 85-98 382 / 11 同時踏み SN2 Trim(激) 85-340 462 / 26 発狂(カニ歩き、地団駄)、渡り、ひねり、ソフラン(減速、加速)、停止 X2 Valkyrie dimension(踊) 47-744 443 / 25 超発狂(地団駄)、渡り、ひねり、同時踏み、八分滝、ソフラン(徐々に加速、減速)、連続停止、ラス殺し 2013 Windy Fairy(激) 180 567 / 59 SN Xepher(鬼) 170 515 / 13 ひねり、地団駄、八分滝、ラス殺し X2 888(激) 111-888 537 / 21 左右振り、渡り、ひねり、八分滝、ソフラン(減速、加速)、体力、序盤殺し 削除曲 VER 曲名 BPM NOTES /FRE (SA) 属性 2014 Determination(激) 230 393 / 8
https://w.atwiki.jp/zarabel/pages/321.html
paravel ment deus Ahw xeph quo ferm fel, quo xeph ferm kyel 無くした欠片 どこから目覚め、どこへと眠る paravel shel deus Ahw mille quo ferm fel, quo eyen ferm kyel 無くした願い どこから生まれ、どこへと還る ele tis-sek paravel clar noi wi lef limei omia 大いなる扉のその前で 無くした鍵を探し続ける
https://w.atwiki.jp/asigami/pages/436.html
足19 習 楽 踊 激 鬼 計 0 0 0 0 10 10 X2~WORLDの最難曲 足18←足19 曲名 バージョン BPM NOTES/FREEZE(SHOCK) 鳳(鬼) A3 57-912 921/145 BREAKING THE FUTURE(鬼) GP/A3 90-360 925/41 EGOISM 440(鬼) 2014 55-440(-880) 811/6 ENDYMION(鬼) A 220-440(110-880) 925/28 Lachryma《Re Queen’M》(鬼) A20 236 950/13 MAX 360(鬼) A 180-720 1000/10 Over The “Period”(鬼) 2014 23-840 781/28 PARANOiA Revolution(鬼) X3 180-360 753/18 Valkyrie dimension(鬼) X2 47-744 712/44 VOLAQUAS(鬼) A3 106-212 993/30
https://w.atwiki.jp/ohplay_ir/pages/11.html
---- 真・足神 VER 曲名 難易度 BPM NOTES/FA(SA) X3 PARANOiA Revolution(鬼) 19 180-360 753/18 A MAX 360(鬼) 19 180-720 1000/10 A ENDYMION(鬼) 19 220-440(110-880) 925/28 A20 PLUS (仮)新曲 足20(鬼) 20 573 1234/56 20 (110-)180-720(-880) 3912/112 真・足神解説 “初段”にカーソルを合わせ、暫く↓を踏みっぱなしにすると“パァーノゥ!”というSEがなるので、そこで初段では無くて敢えて“皆伝”を選ぶ事で挑戦可能な段位。 挑戦には皆伝合格が必要な模様。 4曲目に新曲が出現するが、曲名やジャケット絵は一切出現しない為、暫定的に「新曲 足20」とした。 この段位はクリアしてもプロフィールの段位は皆伝のままになっており、あくまでも隠し要素扱い。 名前 コメント 真・足神コメント(私的なことや感想はこちら) 名前 コメント